Il ne connaissait aucun des deux, selon lui, mais l’ex-ministre de la Communication garde de bons souvenirs de Laurent Gbagbo et de Guillaume Soro. Deux personnalités qu’il a servies dans le gouvernement d’avril 2007 issu de l’Accord politique de Ouagadougou. Ibrahim Sy Savané leur consacre même des lignes entières dans son essai intitulé ‘’D’espérance et de douleurs vives‘’, dont il a parlé hier, dans la seconde interview qu’il a accordée à Radio France Internationale. Morceaux choisis du portrait croisé qu’il fait de ces acteurs principaux du dialogue direct : «J’ai découvert quelqu’un d’une intelligence supérieure, d’un grand courage et qui a des capacités hors du commun. Je regardais ces deux personnes, très méfiantes au départ. Qui savent de quoi l’autre est capable. Avec l’adversité ambiante, par imprégnation, ils ont fini par se redécouvrir une affection. Parfois, Gbagbo se souciait de Soro et, parfois, Soro se souciait de Gbagbo». Sous sa plume, on apprend que les deux hommes s’étaient surveillés mutuellement et de la façon la plus sournoise. Voici ce qu’en dit l’actuel patron de la Haute autorité de la communication audiovisuelle (Haca): «Parfois, Gbagbo se souciait de Soro et, parfois, Soro se souciait de Gbagbo. Mais chaque camp soupçonnait l’autre de vouloir tuer son leader. Et les deux personnages se sont confrontés tout le long». Mais leur attitude était justifiée, dira-t-il, par le contexte politique qui les a unis. De façon spécifique, ce que le journaliste-écrivain retient de Laurent Gbagbo, c’est «un personnage complexe», ce sont ses trois personnalités. «J’ai trois niveaux de langage. Le langage châtié du latiniste que je suis. Le langage intermédiaire que tout le monde entend et le langage terre à terre si on me cherche», lui a confié le président d’alors. Mais dans son témoignage, Sy Savane avance des traits de caractères d’un homme à plusieurs facettes. Le ministre : «Il peut avoir de grands élans de générosité, j’en ai été témoin, voire des élans affectueux. Il a aussi une sorte de crainte par rapport au combat. Il crie pour effrayer l’adversaire. Cela paraît paradoxal mais il est très influençable. A côté de cela, vous avez le politicien qui peut être d’une brutalité incroyable même avec ses compagnons proches, et qui reste indifférent quand des crimes sont commis pour peu que cela serve ses intérêts. Nous observions parfois effarés sa façon d’aider ses adversaires.» Pour le reste, Sy Savané dit avoir vécu l’issue de la crise postélectorale avec beaucoup d’angoisse. Comme bon nombre de ses compatriotes d’ailleurs. Du bord de la Seine où il se trouvait, il a été frappé par un «choc terrible» lorsque la chute de Laurent Gbagbo lui a été annoncée. «Au plan humain et au plan de l’image du président qui, même contesté, regrette-il, avait assuré les plus hautes fonctions de l’Etat. J’ai eu beaucoup de compassion malgré toute la tragédie…»
Bidi Ignace
Bidi Ignace