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Économie Publié le jeudi 11 octobre 2012 | Nord-Sud

Croissance de 8,5% en 2012 : Ce que gagne chaque Ivoirien

Croissance économique soutenue ou à deux chiffres. Voici des termes utilisés par les économistes pour parler de la santé de l’économie des nations. Dans la réalité que recouvrent ces termes ? Que gagnent les masses dans la hausse de la croissance ? Notre dossier.

« Ça ne va pas. Les temps sont devenus trop durs », voici quelques uns des propos que ne cessent de ressasser les populations dans les rues de la capitale économique. Pendant ce temps, tous les indicateurs sont au vert pour annoncer la reprise de la croissance à la fin de cette année 2012 en Côte d’Ivoire. Mais que gagne l’Ivoirien ou tout citoyen vivant dans ce pays dans cette significative croissance économique annoncée ? Selon les prévisions du Fonds monétaire international (Fmi), la croissance reprendrait en 2012 pour atteindre au moins 8,5 % et l’inflation se stabiliserait autour de la norme communautaire de 3 %. De -5,8% en 2011 du fait des grosses difficultés liées à la crise post-électorale, les premières projections du Fonds tournaient autour de 2% de croissance. Mais, à l’évidence, les grandes actions initiées par le gouvernement ont fait exploser la balance. La croissance économique dépassera largement les prévisions ainsi que la moyenne annuelle mondiale que le Fmi a ramenée à 3,3 % au lieu de 4% initialement annoncée. La patronne du Fmi, Christine Lagarde parlant de la Côte d’Ivoire, récemment, a affirmé sans détour que : «Cette perspective est vraiment un grand sujet de satisfaction ». Suite à l’atteinte du point d’achèvement de l’initiative Pays pauvre très endetté (Ppte) en juin dernier, le ministre de l’Economie et des Finances, Charles Diby Koffi a clairement affirmé que la Côte d’Ivoire allait entrer dans une phase très importante de croissance. « Avec la bonne gestion des finances publiques actuelles, il faut s’attendre après 2014, à une croissance à 2 chiffres. Il y a donc de l’espoir pour tous », s’est-il réjoui. Face à cette embellie au niveau de la croissance économique, la question se pose de savoir si elle sera profitable aux populations appauvries par plusieurs années de crise socio-politique. Pour l’économiste Jean Louis Anoh, il faut savoir d’abord ce qu’est la croissance avant de rechercher ses répercussions. Pour lui, la croissance économique désigne la variation positive de la production de biens et de services marchands dans une économie sur une période donnée. En pratique, l’indicateur le plus utilisé pour la mesurer est le produit intérieur brut (Pib) qui représente la création de richesse d’un pays. Il se répartit entre la consommation des ménages, les investissements des entreprises, la contribution du commerce extérieur et les dépenses publiques. « Avec la reprise des grands travaux, les investissements tant publics que privés sont devenus importants. Il est normal que la croissance s’en suive », ajoute-t-il. Et de poursuivre que ce sont plus de 600 milliards CFA qui ont été consacrés aux investissements dans le budget de 2012, soit 5% de la loi de finances. Pour M. Anoh, la croissance est un processus fondamental qui peut transformer la vie des populations dans la mesure où elle crée davantage de biens et de services. « Avec la construction d’un pont, c’est un investissement qui est profitable aux populations. Tout Ivoirien va bénéficier des fruits de la croissance », affirme-t-il fièrement. Et d’annoncer que l’enrichissement qui résulte de la croissance peut permettre de faire reculer la pauvreté. Cet économiste croit que tout ce qui est engagé aura un impact direct sur la consommation des produits consommables et non consommables. « Si des travaux sont effectués, cela signifie que des matériaux nécessaires sont achetés. Ce qui profite aussi bien au vendeur qu’à l’employé des chantiers », conclut-il. C’est d’ailleurs ce qu’affirme Samaké Salif, président du Groupement d’intérêt économique (Gie) Djiguisso. Pour ce transporteur, évoquant ce secteur d’activité, il y a un frémissement au niveau du transport de sable et de gravier. Mais, avoue-t-il, concernant le transport des voyageurs, la situation est pénible. « Nos véhicules sont vieux. Nous ne tirons donc aucun profit de l’amorce de la relance économique. C’est pourquoi, nous attendons avec impatience le projet du renouvellement du parc automobile », révèle-t-il. Au restaurant ‘’France Amérique’’ de Treichville, le gérant ne dit pas non plus autre chose. « Le coût élevé de la viande et des autres produits fait que nos bénéfices restent marginaux et ne peuvent amener le propriétaire à augmenter nos salaires », avance M. Frebory. C’est ce qui explique que pour Dr Séraphin Yao Prao, la croissance ne veut pas dire amélioration de la qualité de vie des populations. Cet enseignant chercheur de l’Université de Cocody avance que, tant que le gouvernement n’agira pas sur les leviers essentiels de lutte contre la pauvreté, la croissance économique sera virtuelle pour les populations. « Si la vie est chère et que les cautions de loyers fixées de façon cavalière restent inaccessibles, le travailleur ne peut pas vivre décemment même si les routes et les écoles sont construites », tranche-t-il. C’est également le cri du cœur du président de la fédération des associations de consommateurs actifs de Côte d’Ivoire (faca-ci), Marius Comoé. Au dire de ce responsable du mouvement consumériste, si pour les pouvoirs publics, la hausse de la con­sommation permet de dire que l’économie se porte de mieux en mieux, il importe de noter que la réalité est tout autre. Selon lui, les Ivoiriens ne vivent pas de leur salaire. « Généralement les fonctionnaires ont des moyens parallèles pour accroître leur portefeuille. Conséquence, la corruption est devenue inquiétante », regrette-t-il. Cependant, le président de la Faca-ci n’accuse pas les agents de l’Etat. « Avec un maigre salaire, que voulez-vous que le travailleur qui aspire au bien-être fasse ? », s’interroge-t-il. Et d’ajouter « certains préfèrent avoir un autre emploi. Ce qui fait que nombre de fonctionnaires ne sont jamais à leur poste ». Pour Marius Comoé, l’Etat ne doit pas s’étonner que les populations fraudent l’électricité et l’eau. « Dans nos quartiers dits huppés, les habitants truquent leurs compteurs d’eau et de courant». Très acer­be, il clame que le peuple a besoin de concret. « Dans les hôpitaux, la situation est alarmante », se lamente-t-il.

Ahua K
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