Paul Koffi Koffi, ministre auprès du président de la République chargé de la Défense, Coulibaly Gnénéma, ministre des Droits de l’Homme et des Libertés publiques, accompagnés du commissaire du gouvernement, Ange Kessi, ont sillonné samedi dernier, des camps militaires à Adjamé, Abobo et Yopougon, pour constater de visu, les conditions d’incarcération des prévenus. Face aux journalistes, au ministère de la Défense, ils ont fait le point de leur tournée. Fait majeur, tous les détenus rencontrés, disent avoir été bien traités, selon les conférenciers. Nous vous propositions de larges extraits des échanges.
Porpos liminaire
Paul Koffi Koffi : «Le ministre des Droits de l’Homme et moi-même vous avons invités en ce début d’après-midi, pour échanger avec vous, pour vous permettre de comprendre un peu ce qui se passe après le rapport d’Amnesty International, concernant l’existence probable de lieux de détention illégales de personnes arrêtées dans le cadre d’évènements, notamment liés aux différentes attaques que nos positions ont connu ces derniers mois. Le président de la République, Alassane Ouattara, ainsi que le Premier ministre, nous ont demandé de pouvoir aller constater de nous-mêmes, ces accusations ou ces observations qui sont portées vis-à-vis du gouvernement ivoirien, concernant cette question. J’ai donc accepté l’invitation sur nos propres territoires, de mon collègue. C’est la raison pour laquelle, depuis 10h (il était 13h, ndlr) nous sommes sur les lieux. Nous avons visité cinq sites : le camp du génie d’Adjamé, le camp Commando d’Abobo, le BAE, le site FRCI nouveau quartier et la brigade de gendarmerie de Toit rouge, dans la commune de Yopougon. Tout à l’heure, la tutelle, le ministre des Droits de l’Homme, saura mieux exprimer les choses.
Gnénéma Coulibaly : « A la suite du communiqué d’Amnesty international, s’est engagé à faire la lumière sur les allégations qui étaient contenues dans ce communiqué. Aujourd’hui, nous avons, à l’improviste, décidé, en attendant que les enquêtes soient menées sur les faits passés, d’aller nous rendre compte sur le terrain, de la situation réelle. C’est ainsi que nous avons visité les endroits qui ont été indexés ou comme servant de lieu de torture et de maltraitance. Il s’agit d’Adjamé, Yopougon et Abobo. A Adjamé, nous n’avons rien constaté. Mon collègue et moi-même, nous plaisantions à notre sortie, en disant que c’était une suite 3 étoiles, parce que c’est un endroit aéré. Nous y avons trouvé trois personnes. A la question de savoir si elles avaient été torturées, elles nous ont répondu par la négative. Ces personnes étaient dans des conditions agréables. A Abobo, nous n’avons trouvé personne dans la cellule. A la BAE, nous avons trouvé les personnes arrêtées à Azito, qui sont en procédure actuellement devant la DST et la gendarmerie. Avec elles nous avons échangé, personne ne nous a allégués avoir été torturé. Au Nouveau quartier, il n’y a pas de cellule de détention et enfin à la brigade de gendarmerie des toits rouges, nous y avons trouvé des personnes de droits communs qui y sont tous depuis jeudi, pour ceux qui ont mis le plus de temps. Je parle de jeudi, avant-hier. Donc, les délais des gardes à vue dans cette unité, pour ceux que nous y avons trouvés, sont légaux. Nous pouvons conclure, à l’issue de cette tournée – peut être que c’est un manque de pot pour nous – nous n’avons trouvé nulle part, des personnes dans des états piteux, qui sont les résultats des tortures ou des maltraitances qu’elles auraient subies. Cela ne veut pas dire que ce qui a été relevé auparavant, n’a jamais existé. Mais, nous sommes allés pour constater, nous n’avons rien vu. Nous avons voulu vous prendre à témoin pour que tout le monde sache que ce ne sont pas des paroles en l’air de la part du gouvernement. Dans le communiqué, nous avons indiqué que nous sommes un gouvernement responsable, que nous ferions tout pour que les choses soient le plus clair possible. Nous avons profité de ces passages avec le commissaire du gouvernement pour donner quelques indications sur les postes des polices des camps militaires en ce qui concerne les conditions d’aération. D’une pierre nous avons fait deux coups puisque nous avons pu donner des recommandations aux chefs des unités, dans le sens de l’amélioration des conditions des gardées à vue. Globalement, sur les cinq entités que nous avons visitées, nous avons découvert dix personnes qui sont concernées par ces procédures.
Q : Messieurs les ministres, dans un souci de clarté, pourquoi n’avez-vous pas invité les journalistes pour vous accompagner dans vos tournées ?
PKK : Nous avons pensé à cela. Mais vous ne pouvez pas imaginer que nous vous invitions et que nous vous laissions un peu à l’écart de ce que vous voulez voir. En fait, ce sont des sites militaires. Les sites militaires sont des sites stratégiques, des sites de défense. On ne peut pas les ouvrir à des journalistes, ni mêmes à des personnes non militaires. Il faut que certaines conditions soient réunies pour le faire. Ces conditions n’étant pas réunies, ce n’était pas une journée porte-ouverte, nous n’avons pas trouvé nécessaire de le faire. Mais si le désir est exprimé, nous verrons dans quelles conditions, nous pourrons vous offrir cette opportunité.
Q : je voudrais savoir à quoi servent les camps de détention dans les camps FRCI ? Combien de temps la loi autorise-t-elle la détention des personnes en ces lieux ?
CG : Il est normal qu’un camp militaire ait un poste de sureté. Tout le monde le sait, parce que dans l’armée, il y a des sanctions disciplinaires pour ceux qui ne se comportent pas convenablement. A Adjamé, nous avons trouvé sur trois personnes, deux militaires du camp, qui était en punition et un autre militaire qui est venu de Daloa, dans le cadre des enquêtes sur les attaques qui ont eu lieu. Ce sont des camps militaires, comme on l’a dit en théorie, ceux qui y sont détenus sont des militaires. Mais lorsque dans le cadre de la sureté de l’Etat, des gens sont pris pour atteinte à la sureté de l’Etat, il est tout à fait normal que ces personnes transitent par vos unités. Parce que vous ne pouvez pas aller prendre quelqu’un sur le terrain et aller le confier à quelqu’un d’autre sans savoir qui il est et pourquoi il se retrouvait sur les lieux des opérations. Il y a des informations capitales que vous pouvez recevoir à l’occasion. Ceux que nous avons trouvé et qui ont été pris dans le cadre de l’attaque d’Azito nous ont indiqué n’avoir pas subi de tortures. Ils nous ont également indiqué avoir été entendus régulièrement par la gendarmerie. Selon le chef de l’unité, ils étaient en instance d’être déférés à la maison d’arrêt militaire. Le délai normal à l’extérieur dans les commissariats et dans les gendarmeries, sont respectées. Voilà pourquoi nous sommes allés à la brigade des Toits rouges, nous y sommes allés pour constater de nous-mêmes que dans les cas des procédures normales, les 48h sont respectées. Nous vous avons indiqué que le plus ancien de tous ceux qui y sont, y était jeudi midi. Nous les avons entendus individuellement, pour savoir si les délais sont respectés. Pour ceux qui sont concernés par les enquêtes pour atteintes à la sureté de l’Etat, naturellement, il n’y a pas d’intérêt à les transférer devant les juridictions si on n’a pas bouclé son enquête. Et comme, leurs cas ont souvent des ramifications extérieures et autres, vous comprendrez que le temps est un peu plus long. Mais ceux que nous avons trouvés ne nous ont pas signalé de maltraitance spéciale. Or, c’est bien ces personnes qu’on nous indiquait comme ayant été torturés. Nous avons été heureux de trouver ceux qui ont été pris lors de l’attaque d’Azito. Vous savez, quand cette attaque a eu lieu, les investigations ont permis de mettre la main sur certaines personnes. Mais évidemment, ce n’est pas le même jour qu’on prend tout le monde dans une enquête militaire. Si on prend un aujourd’hui et qu’il cite un autre qu’on prend après, il faut bien les confronter ensemble pour avoir la bonne information. Nous les avons trouvés dans un cadre bien. Ils sont dans les appartements de la BEA. J’étais surpris de savoir qu’il y avait autant de commodité dans les lieux où on gardait les personnes qui étaient auteurs de tels faits. Nous les avons trouvées en bonne santé. C’est le plus important et sans marques de tortures. On leur a demandé si elles avaient été torturées depuis qu’elles sont là. Elles ont répondu non. Une seule personne, a dit avoir été un peu tapée le jour de son arrestation, depuis lors, elle n’a plus rien vécu. L’objectif, comme c’était à l’improviste, pour qu’on y aille avec les journalistes, il aurait fallu informer les commandements officiellement. Si on faisait passer l’information aux journalistes, nous aurions peut être perdu une partie de notre effet de surprise. Nous ne savons pas qui est l’ami de qui dans cette affaire. Or nous voulions aller constater par l’effet de surprise. Ce que nous avons fait. Partout où nous sommes arrivés, nous n’avons même pas trouvé les premiers responsables parce qu’ils ne savaient pas qu’on venait. Nous avons trouvé, généralement, les seconds commandants pour dire que l’objectif, c’était vraiment l’effet de surprise. Nous ne voulions pas diffuser l’information, voilà pourquoi c’est juste nous seuls qui sommes allés constater. Comme ça a marché, la prochaine fois, mais hors cameras, parce que ces endroits-là ne peuvent pas être filmés pour divers raisons. On pourra prendre quelques journalistes, ils ne pourront ni filmer, ni photographier pour des raisons de sécurité.
Q : Pourquoi, c’est maintenant que vous faites cette visite, alors que le communiqué d’Amnesty international a été publié il y a quelques jours ?
PKK : Je vais vous expliquer. D’abord, dans la procédure, nous avons reçu Amnesty international ici dans nos bureaux. Nous leur avons dit qu’avant leur départ, nous souhaiterions avoir leur rapport, pour faire nos observations. Nous n’avons pas encore reçu jusqu’à ce jour ce rapport. Deuxième situation, nous leur avons dit ‘’avant votre départ, si vous trouvez cela nécessaire de nous rencontrer, nous sommes prêts à vous recevoir’’. C’est le chef de cabinet qui est rentré en contact avec l’Etat-major pour que celui-ci autorise l’accès à ces sites. Après cela, le minimum était qu’avant leur départ, ils viennent nous voir pour nous dire ce qu’ils ont constaté. Cela n’a pas été fait. A ce jour, nous n’avons pas reçu de façon officielle ce rapport. C’est sur Internet que nous avons tiré le communiqué de presse.
CG : Je voudrais ajouter que ce n’est pas en réponse à Amnesty international. Nous l’avons précisé. Nous avons dit que nous voulons constater par nous-mêmes, les endroits incriminés. Ce n’est pas pour répondre à Amnesty. Nous avons déjà répondu à cet organisme dans le communiqué que nous avons produit. Etant responsable, se traduit par notre quête de la vérité, parce que nous devons savoir de nous-mêmes, ce qui se passe. En disant que nous étions surpris, nous le disions de bonne foi. Nous n’avons pas vu de torturés. Si tel était le cas, vous auriez vu notre réaction au cours de la journée. Nous continuerons à y aller, fréquemment, même en semaine. Pour ce qui est des cas allégués par Amnesty international, je vous ai dis que l’enquête sera ouverte. A l’issue de ces enquêtes, quand nous aurons un rapport précis avec des dates, des lieux, nous répondrons à Amnesty. Pour l’heure, il était question de donner un signal fort. Nous avons voulu que vous soyez présents pour relayer l’information pour que ceux qui sont ici à Abidjan comme à l’intérieur se disent qu’à tout moment, nous pouvons faire irruption dans leur lieu pour constater si tout va bien. Nous avons pris l’engagement de le faire. Le jour que nous allons constater un disfonctionnement, nous allons prendre les sanctions qui s’imposent.
Q : Pourquoi ne pas revenir à la normale en incarcérant les personnes interpellées dans les structures faites pour, je veux parler des commissariats ou des brigades de gendarmerie, plutôt que de les garder dans les camps des FRCI ?
PKK : Le ministre des Droits de l’Homme a précisé quelque chose que vous n’avez peut-être pas bien saisi. Tout camp militaire a un poste de police, vous devez le savoir. Parce qu’il y a des individus, à l’intérieur du camp, des militaires qui peuvent avoir des comportements d’indiscipline. Même dans le voisinage, dans le quartier, il peut se passer des évènements, les militaires doivent aller voir ce qui se passe. La question qui se pose est de savoir qu’est-ce qui se passe après ces dossiers ? Que fait-on des individus qui ont été arrêtés pour des raisons diverses ? Deuxièmement, il y a le fait de guerre, de conflit. Lorsque des positions de militaires sont attaquées et que les militaires vont sur le terrain pour défendre le pays, pour défendre leur site et qu’ils font des arrestations, les personnes arrêtées sont d’abord envoyées dans les camps avant d’être transférées aux structures mandatées. Ce que vous dites, c’est parce que nous étions dans une période de paix et de normalité que vous ne voyez pas cela. Dès lors où les camps sont attaqués, les militaires sont dans la situation de défense. Ne croyez pas que les camps militaires n’ont pas de lieux de détention qui sont des polices. Ça existe.
CG : je voulais ajouter que ce n’est pas à nous qu’on doit poser la question de savoir pourquoi on ne reviendrait pas à la normale. La question doit plutôt être posée à ceux qui agressent les institutions de l’Etat. Parce que la normale, c’est l’absence d’agression contre les forces de sécurité, contre les installations militaires. Je veux être clair : les personnes qui étaient à Adjamé étaient tous des militaires. Deux éléments du camp et un autre venu de Daloa. Les deux d’Adjamé y étaient pour avoir racketté des transporteurs. Ils ont été mis en correction. Ça ce sont des pratiques normales dans tout camp militaire. Ceux que nous avons à Yopougon, à la BEA, ceux qui nous y avons trouvés nous ont dit qu’ils sont entendus par les autorités compétentes que sont la gendarmerie et la DST. Il s’agit d’atteinte à la sureté de l’Etat. Si on les mettait dans une brigade de gendarmerie, ils ne pourraient passer que 48h, alors qu’on ne peut pas boucler une telle enquête en 48h. Nous devons être objectifs. En plus, je vous dis que nous les avons trouvés en de très bonnes conditions. Ils étaient dans deux chambres bien éclairées, avec des toilettes commodes. Ils nous ont signalé qu’ils n’ont pas reçu de coups depuis qu’ils y sont. Mais, comme ce sont les mêmes personnes qui avaient dit certainement aux enquêteurs qu’ils avaient été maltraités ou d’autres personnes, comme ce n’était pas l’objet de notre mission, nous ne pouvons pas insister sur ça. Nous voulions juste faire des constats. Nous les avons faits. Ils ne sont pas gardés là indéfiniment. Partout où nous sommes passés, nous avons constaté qu’il y a des cahiers qui sont tenus correctement.
Ange Kessi : il faut que vous sachiez une chose. L’enquête à deux formes. Il y a l’enquête de flagrance, l’enquête qu’on ouvre quand on prend quelqu’un sur le fait. Un voleur à la tire, par exemple. Il peut être arrêté par tout le monde. Il y a ensuite l’enquêté préliminaire, qui elle, est plus compliquée. Mais tout ce qui touche à la défense est exceptionnelle. C’est la raison pour laquelle les dispositions de l’article 155 jusqu’à 200 sont revêtus d’une certaine particularité. Attenter à la défense nationale, ce n’est pas tuer, ce n’est pas voler, ce n’est pas escroquer. Même le meurtre qui est l’infraction qui admet une lourde peine n’a pas cette particularité que lui confère le code pénal. Attenter à la sureté de l’Etat est très grave. En France, les journalistes ne sont pas tenus de fournir la source de leur information sauf en cas d’attentat de l’Etat. Quand il s’agit d’une atteinte à la sureté de l’Etat, les dispositions deviennent plus compliquées. Les conditions de détentions, pour ce que nous avons vu sont bonnes. A Adjamé, nous avons une pièce de 40m2 pour seulement trois personnes. C’est au-delà des normes, qui conseillent 9m2. N’oubliez pas que quand un militaire commet une infraction, il peut être poursuivi soit par ses supérieurs hiérarchiques, ça c’est la sanction disciplinaire, soit par le tribunal, ça c’est la sanction pénale. La première étant différente de la seconde.
Propos recueillis par Thiery Latt
Porpos liminaire
Paul Koffi Koffi : «Le ministre des Droits de l’Homme et moi-même vous avons invités en ce début d’après-midi, pour échanger avec vous, pour vous permettre de comprendre un peu ce qui se passe après le rapport d’Amnesty International, concernant l’existence probable de lieux de détention illégales de personnes arrêtées dans le cadre d’évènements, notamment liés aux différentes attaques que nos positions ont connu ces derniers mois. Le président de la République, Alassane Ouattara, ainsi que le Premier ministre, nous ont demandé de pouvoir aller constater de nous-mêmes, ces accusations ou ces observations qui sont portées vis-à-vis du gouvernement ivoirien, concernant cette question. J’ai donc accepté l’invitation sur nos propres territoires, de mon collègue. C’est la raison pour laquelle, depuis 10h (il était 13h, ndlr) nous sommes sur les lieux. Nous avons visité cinq sites : le camp du génie d’Adjamé, le camp Commando d’Abobo, le BAE, le site FRCI nouveau quartier et la brigade de gendarmerie de Toit rouge, dans la commune de Yopougon. Tout à l’heure, la tutelle, le ministre des Droits de l’Homme, saura mieux exprimer les choses.
Gnénéma Coulibaly : « A la suite du communiqué d’Amnesty international, s’est engagé à faire la lumière sur les allégations qui étaient contenues dans ce communiqué. Aujourd’hui, nous avons, à l’improviste, décidé, en attendant que les enquêtes soient menées sur les faits passés, d’aller nous rendre compte sur le terrain, de la situation réelle. C’est ainsi que nous avons visité les endroits qui ont été indexés ou comme servant de lieu de torture et de maltraitance. Il s’agit d’Adjamé, Yopougon et Abobo. A Adjamé, nous n’avons rien constaté. Mon collègue et moi-même, nous plaisantions à notre sortie, en disant que c’était une suite 3 étoiles, parce que c’est un endroit aéré. Nous y avons trouvé trois personnes. A la question de savoir si elles avaient été torturées, elles nous ont répondu par la négative. Ces personnes étaient dans des conditions agréables. A Abobo, nous n’avons trouvé personne dans la cellule. A la BAE, nous avons trouvé les personnes arrêtées à Azito, qui sont en procédure actuellement devant la DST et la gendarmerie. Avec elles nous avons échangé, personne ne nous a allégués avoir été torturé. Au Nouveau quartier, il n’y a pas de cellule de détention et enfin à la brigade de gendarmerie des toits rouges, nous y avons trouvé des personnes de droits communs qui y sont tous depuis jeudi, pour ceux qui ont mis le plus de temps. Je parle de jeudi, avant-hier. Donc, les délais des gardes à vue dans cette unité, pour ceux que nous y avons trouvés, sont légaux. Nous pouvons conclure, à l’issue de cette tournée – peut être que c’est un manque de pot pour nous – nous n’avons trouvé nulle part, des personnes dans des états piteux, qui sont les résultats des tortures ou des maltraitances qu’elles auraient subies. Cela ne veut pas dire que ce qui a été relevé auparavant, n’a jamais existé. Mais, nous sommes allés pour constater, nous n’avons rien vu. Nous avons voulu vous prendre à témoin pour que tout le monde sache que ce ne sont pas des paroles en l’air de la part du gouvernement. Dans le communiqué, nous avons indiqué que nous sommes un gouvernement responsable, que nous ferions tout pour que les choses soient le plus clair possible. Nous avons profité de ces passages avec le commissaire du gouvernement pour donner quelques indications sur les postes des polices des camps militaires en ce qui concerne les conditions d’aération. D’une pierre nous avons fait deux coups puisque nous avons pu donner des recommandations aux chefs des unités, dans le sens de l’amélioration des conditions des gardées à vue. Globalement, sur les cinq entités que nous avons visitées, nous avons découvert dix personnes qui sont concernées par ces procédures.
Q : Messieurs les ministres, dans un souci de clarté, pourquoi n’avez-vous pas invité les journalistes pour vous accompagner dans vos tournées ?
PKK : Nous avons pensé à cela. Mais vous ne pouvez pas imaginer que nous vous invitions et que nous vous laissions un peu à l’écart de ce que vous voulez voir. En fait, ce sont des sites militaires. Les sites militaires sont des sites stratégiques, des sites de défense. On ne peut pas les ouvrir à des journalistes, ni mêmes à des personnes non militaires. Il faut que certaines conditions soient réunies pour le faire. Ces conditions n’étant pas réunies, ce n’était pas une journée porte-ouverte, nous n’avons pas trouvé nécessaire de le faire. Mais si le désir est exprimé, nous verrons dans quelles conditions, nous pourrons vous offrir cette opportunité.
Q : je voudrais savoir à quoi servent les camps de détention dans les camps FRCI ? Combien de temps la loi autorise-t-elle la détention des personnes en ces lieux ?
CG : Il est normal qu’un camp militaire ait un poste de sureté. Tout le monde le sait, parce que dans l’armée, il y a des sanctions disciplinaires pour ceux qui ne se comportent pas convenablement. A Adjamé, nous avons trouvé sur trois personnes, deux militaires du camp, qui était en punition et un autre militaire qui est venu de Daloa, dans le cadre des enquêtes sur les attaques qui ont eu lieu. Ce sont des camps militaires, comme on l’a dit en théorie, ceux qui y sont détenus sont des militaires. Mais lorsque dans le cadre de la sureté de l’Etat, des gens sont pris pour atteinte à la sureté de l’Etat, il est tout à fait normal que ces personnes transitent par vos unités. Parce que vous ne pouvez pas aller prendre quelqu’un sur le terrain et aller le confier à quelqu’un d’autre sans savoir qui il est et pourquoi il se retrouvait sur les lieux des opérations. Il y a des informations capitales que vous pouvez recevoir à l’occasion. Ceux que nous avons trouvé et qui ont été pris dans le cadre de l’attaque d’Azito nous ont indiqué n’avoir pas subi de tortures. Ils nous ont également indiqué avoir été entendus régulièrement par la gendarmerie. Selon le chef de l’unité, ils étaient en instance d’être déférés à la maison d’arrêt militaire. Le délai normal à l’extérieur dans les commissariats et dans les gendarmeries, sont respectées. Voilà pourquoi nous sommes allés à la brigade des Toits rouges, nous y sommes allés pour constater de nous-mêmes que dans les cas des procédures normales, les 48h sont respectées. Nous vous avons indiqué que le plus ancien de tous ceux qui y sont, y était jeudi midi. Nous les avons entendus individuellement, pour savoir si les délais sont respectés. Pour ceux qui sont concernés par les enquêtes pour atteintes à la sureté de l’Etat, naturellement, il n’y a pas d’intérêt à les transférer devant les juridictions si on n’a pas bouclé son enquête. Et comme, leurs cas ont souvent des ramifications extérieures et autres, vous comprendrez que le temps est un peu plus long. Mais ceux que nous avons trouvés ne nous ont pas signalé de maltraitance spéciale. Or, c’est bien ces personnes qu’on nous indiquait comme ayant été torturés. Nous avons été heureux de trouver ceux qui ont été pris lors de l’attaque d’Azito. Vous savez, quand cette attaque a eu lieu, les investigations ont permis de mettre la main sur certaines personnes. Mais évidemment, ce n’est pas le même jour qu’on prend tout le monde dans une enquête militaire. Si on prend un aujourd’hui et qu’il cite un autre qu’on prend après, il faut bien les confronter ensemble pour avoir la bonne information. Nous les avons trouvés dans un cadre bien. Ils sont dans les appartements de la BEA. J’étais surpris de savoir qu’il y avait autant de commodité dans les lieux où on gardait les personnes qui étaient auteurs de tels faits. Nous les avons trouvées en bonne santé. C’est le plus important et sans marques de tortures. On leur a demandé si elles avaient été torturées depuis qu’elles sont là. Elles ont répondu non. Une seule personne, a dit avoir été un peu tapée le jour de son arrestation, depuis lors, elle n’a plus rien vécu. L’objectif, comme c’était à l’improviste, pour qu’on y aille avec les journalistes, il aurait fallu informer les commandements officiellement. Si on faisait passer l’information aux journalistes, nous aurions peut être perdu une partie de notre effet de surprise. Nous ne savons pas qui est l’ami de qui dans cette affaire. Or nous voulions aller constater par l’effet de surprise. Ce que nous avons fait. Partout où nous sommes arrivés, nous n’avons même pas trouvé les premiers responsables parce qu’ils ne savaient pas qu’on venait. Nous avons trouvé, généralement, les seconds commandants pour dire que l’objectif, c’était vraiment l’effet de surprise. Nous ne voulions pas diffuser l’information, voilà pourquoi c’est juste nous seuls qui sommes allés constater. Comme ça a marché, la prochaine fois, mais hors cameras, parce que ces endroits-là ne peuvent pas être filmés pour divers raisons. On pourra prendre quelques journalistes, ils ne pourront ni filmer, ni photographier pour des raisons de sécurité.
Q : Pourquoi, c’est maintenant que vous faites cette visite, alors que le communiqué d’Amnesty international a été publié il y a quelques jours ?
PKK : Je vais vous expliquer. D’abord, dans la procédure, nous avons reçu Amnesty international ici dans nos bureaux. Nous leur avons dit qu’avant leur départ, nous souhaiterions avoir leur rapport, pour faire nos observations. Nous n’avons pas encore reçu jusqu’à ce jour ce rapport. Deuxième situation, nous leur avons dit ‘’avant votre départ, si vous trouvez cela nécessaire de nous rencontrer, nous sommes prêts à vous recevoir’’. C’est le chef de cabinet qui est rentré en contact avec l’Etat-major pour que celui-ci autorise l’accès à ces sites. Après cela, le minimum était qu’avant leur départ, ils viennent nous voir pour nous dire ce qu’ils ont constaté. Cela n’a pas été fait. A ce jour, nous n’avons pas reçu de façon officielle ce rapport. C’est sur Internet que nous avons tiré le communiqué de presse.
CG : Je voudrais ajouter que ce n’est pas en réponse à Amnesty international. Nous l’avons précisé. Nous avons dit que nous voulons constater par nous-mêmes, les endroits incriminés. Ce n’est pas pour répondre à Amnesty. Nous avons déjà répondu à cet organisme dans le communiqué que nous avons produit. Etant responsable, se traduit par notre quête de la vérité, parce que nous devons savoir de nous-mêmes, ce qui se passe. En disant que nous étions surpris, nous le disions de bonne foi. Nous n’avons pas vu de torturés. Si tel était le cas, vous auriez vu notre réaction au cours de la journée. Nous continuerons à y aller, fréquemment, même en semaine. Pour ce qui est des cas allégués par Amnesty international, je vous ai dis que l’enquête sera ouverte. A l’issue de ces enquêtes, quand nous aurons un rapport précis avec des dates, des lieux, nous répondrons à Amnesty. Pour l’heure, il était question de donner un signal fort. Nous avons voulu que vous soyez présents pour relayer l’information pour que ceux qui sont ici à Abidjan comme à l’intérieur se disent qu’à tout moment, nous pouvons faire irruption dans leur lieu pour constater si tout va bien. Nous avons pris l’engagement de le faire. Le jour que nous allons constater un disfonctionnement, nous allons prendre les sanctions qui s’imposent.
Q : Pourquoi ne pas revenir à la normale en incarcérant les personnes interpellées dans les structures faites pour, je veux parler des commissariats ou des brigades de gendarmerie, plutôt que de les garder dans les camps des FRCI ?
PKK : Le ministre des Droits de l’Homme a précisé quelque chose que vous n’avez peut-être pas bien saisi. Tout camp militaire a un poste de police, vous devez le savoir. Parce qu’il y a des individus, à l’intérieur du camp, des militaires qui peuvent avoir des comportements d’indiscipline. Même dans le voisinage, dans le quartier, il peut se passer des évènements, les militaires doivent aller voir ce qui se passe. La question qui se pose est de savoir qu’est-ce qui se passe après ces dossiers ? Que fait-on des individus qui ont été arrêtés pour des raisons diverses ? Deuxièmement, il y a le fait de guerre, de conflit. Lorsque des positions de militaires sont attaquées et que les militaires vont sur le terrain pour défendre le pays, pour défendre leur site et qu’ils font des arrestations, les personnes arrêtées sont d’abord envoyées dans les camps avant d’être transférées aux structures mandatées. Ce que vous dites, c’est parce que nous étions dans une période de paix et de normalité que vous ne voyez pas cela. Dès lors où les camps sont attaqués, les militaires sont dans la situation de défense. Ne croyez pas que les camps militaires n’ont pas de lieux de détention qui sont des polices. Ça existe.
CG : je voulais ajouter que ce n’est pas à nous qu’on doit poser la question de savoir pourquoi on ne reviendrait pas à la normale. La question doit plutôt être posée à ceux qui agressent les institutions de l’Etat. Parce que la normale, c’est l’absence d’agression contre les forces de sécurité, contre les installations militaires. Je veux être clair : les personnes qui étaient à Adjamé étaient tous des militaires. Deux éléments du camp et un autre venu de Daloa. Les deux d’Adjamé y étaient pour avoir racketté des transporteurs. Ils ont été mis en correction. Ça ce sont des pratiques normales dans tout camp militaire. Ceux que nous avons à Yopougon, à la BEA, ceux qui nous y avons trouvés nous ont dit qu’ils sont entendus par les autorités compétentes que sont la gendarmerie et la DST. Il s’agit d’atteinte à la sureté de l’Etat. Si on les mettait dans une brigade de gendarmerie, ils ne pourraient passer que 48h, alors qu’on ne peut pas boucler une telle enquête en 48h. Nous devons être objectifs. En plus, je vous dis que nous les avons trouvés en de très bonnes conditions. Ils étaient dans deux chambres bien éclairées, avec des toilettes commodes. Ils nous ont signalé qu’ils n’ont pas reçu de coups depuis qu’ils y sont. Mais, comme ce sont les mêmes personnes qui avaient dit certainement aux enquêteurs qu’ils avaient été maltraités ou d’autres personnes, comme ce n’était pas l’objet de notre mission, nous ne pouvons pas insister sur ça. Nous voulions juste faire des constats. Nous les avons faits. Ils ne sont pas gardés là indéfiniment. Partout où nous sommes passés, nous avons constaté qu’il y a des cahiers qui sont tenus correctement.
Ange Kessi : il faut que vous sachiez une chose. L’enquête à deux formes. Il y a l’enquête de flagrance, l’enquête qu’on ouvre quand on prend quelqu’un sur le fait. Un voleur à la tire, par exemple. Il peut être arrêté par tout le monde. Il y a ensuite l’enquêté préliminaire, qui elle, est plus compliquée. Mais tout ce qui touche à la défense est exceptionnelle. C’est la raison pour laquelle les dispositions de l’article 155 jusqu’à 200 sont revêtus d’une certaine particularité. Attenter à la défense nationale, ce n’est pas tuer, ce n’est pas voler, ce n’est pas escroquer. Même le meurtre qui est l’infraction qui admet une lourde peine n’a pas cette particularité que lui confère le code pénal. Attenter à la sureté de l’Etat est très grave. En France, les journalistes ne sont pas tenus de fournir la source de leur information sauf en cas d’attentat de l’Etat. Quand il s’agit d’une atteinte à la sureté de l’Etat, les dispositions deviennent plus compliquées. Les conditions de détentions, pour ce que nous avons vu sont bonnes. A Adjamé, nous avons une pièce de 40m2 pour seulement trois personnes. C’est au-delà des normes, qui conseillent 9m2. N’oubliez pas que quand un militaire commet une infraction, il peut être poursuivi soit par ses supérieurs hiérarchiques, ça c’est la sanction disciplinaire, soit par le tribunal, ça c’est la sanction pénale. La première étant différente de la seconde.
Propos recueillis par Thiery Latt