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Afrique Publié le samedi 24 novembre 2012 | L’intelligent d’Abidjan

Entretien / Avant son arrivée en Côte d’Ivoire pour le Prix Ivoire 2012, Alain Mabanckou, écrivain et homme de lettres congolais : ‘‘L`Afrique n`a pas fini d`analyser les ravages de la colonisation’’

Romancier célèbre, Alain Mabanckou est l’une des plumes africaines les plus sûres du continent noir, avec à son actif le Prix Renaudot (2006) et le Grand Prix de littéraire de l’Académie Henri Gal (2012), décerné pour l’ensemble de son œuvre. L’auteur originaire du Congo-Brazzaville, réside aujourd’hui à Santa Monica, en Californie où il enseigne. Invité d’honneur de l’Association «Akwaba culture» pour le Prix Ivoire 2012, aux côtés de l’auteur et critique français Jacques Chevrier, Alain Mabanckou arrive à Abidjan le mercredi 28 novembre prochain.

C’est la seconde fois que vous venez en Cote d`Ivoire. Quel est votre sentiment ?
J`ai été en Côte d`Ivoire dans les années 1990 et j`avais alors eu l`opportunité de visiter des localités avec le regretté Jean-Marie Adiaffi, un écrivain que j`apprécie beaucoup avec Bernard Dadié. Et bien entendu mon ami et collègue écrivain Maurice Bandaman devenu ministre de la Culture et de la Francophonie. Revenir dans ce pays pour la littérature est un honneur que je ne pouvais pas bouder. Je reçois beaucoup de courriers de jeunes auteurs en herbe de la Côte d`Ivoire, et j`espère les voir par la même occasion. C`est donc un sentiment de joie, d`émotion et aussi une belle perspective de discussions autour de la littérature.

Qu’est-ce qui vous motive à revenir en Côte d`Ivoire qui était pourtant un pays dit ‘’infréquentable’’ il ya peu ?
Je ne dirais pas que la Côte d`Ivoire était "infréquentable". Sinon personne n`irait dans les pays où il y a eu des conflits. Le rôle des écrivains - et donc aussi des intellectuels - est de se rapprocher des peuples et de leur rappeler qu`ils ont une nation dont ils doivent être fiers. Pendant les guerres civiles au Congo-Brazzaville, mes compatriotes ont trouvé asile en Côte d`Ivoire. Ce pays fût la plaque tournante de l`Afrique et c`est dans le but de lui reconnaître ce privilège que je viens.

Vous êtes un écrivain qui s`inscrit aux antipodes de la victimisation des Noirs. Pourquoi un tel choix ?
Parce que je prône la fraternité au-delà de la couleur, un peu comme l`avait fait le doyen Bernard Dadié dans son célèbre recueil ‘’Hommes de tous les continents’’, un livre que j`enseigne actuellement à l`Université de Californie-Los Angeles. Je suis Noir, je le sais, cela se voit, ai-je vraiment besoin de le crier au monde entier ? Le crier c`est céder à la victimisation. Ce qui m`importe, c`est de participer à la recomposition du genre humain, peu importe la couleur de mes partenaires.

Quel regard pouvez-vous porter sur l’évolution de la littérature africaine ?
Elle avance à pas de géant. Les traces ont été marquées par des précurseurs : Léopold Sédar Senghor, Birago Diop, Bernard Dadié, Mongo Béti, Sony Labou Tamsi etc. Une nouvelle génération se met en marche et je pense par exemple aux écrivains comme Sami Tchak (Togo), Léonaro Miano (Cameroun), Fatou Diome (Sénégal) etc. et aussi à l`importance des plumes féminines (Ken Bugul ou Véronique Tadjo qui viennent à la suite de Mariama Bâ et Aminata Sow Fall). Cette littérature africaine d`expression française compte désormais des lauréats de prix littéraires français de premier ordre. Et c`est encourageant.

Dans votre dernier ouvrage ‘’Le sanglot de l`Homme noir’’, vous invitez les Noirs à cesser de se définir par ‘’Les larmes et le ressentiment’’. Quel rôle donnez-vous aux politiques africains dans cette mission que vous voulez confier aux Africains ?
Je dis aux personnages politiques de ne pas prendre la culture pour une cérise sur le gâteau. C`est par la culture que se construit la grandeur d`une nation. Que serait la France sans le prestige des auteurs comme Proust, Montesquieu, Voltaire, Céline ou Marcel Pagnol ? C`est par la culture qu`un peuple prend conscience de son Histoire et donc de sa politique pour rendre l`avenir plus radieux. Chaque fois qu`il y a un conflit, je suis certain que c`est un choc de cultures, une incompréhension de part et d`autre.

Quels sont vos rapports avec les auteurs ivoiriens ?
Je connais beaucoup d`auteurs ivoiriens. Les classiques, bien entendu – je pense au doyen Dadié –, de même que Jean-Marie Adiaffi ou Bernard Zadi Zaourou, mais aussi la nouvelle génération comme Koffi Kwahulé, Maurice Bandaman, Isabelle Boni-Claverie, Camara Nangala, Tiburce Koffi, Amadou Koné...

Quel commentaire pouvez-vous faire de la littérature ivoirienne ou des auteurs ivoiriens en particulier ?
Ce sont des auteurs qui ont apporté et qui apportent une langue Ahmadou Kourouma est l`exemple le plus frappant. Ils apportent aussi une forme, comme chez Koffi Kwahulé. N`oublions pas que la Côte d`Ivoire est aussi une plaque tournante de l`édition africaine. Je place ce pays parmi les nations les plus importantes de la littérature africaine d`expression française.

Selon vous, est-ce que le débat sur la littérature postcoloniale ne mériterait pas d’être élucidé au profit d`une littéraire plus réaliste et plus tournée vers des questions actuelles ?
Il est difficile de faire l`économie de la question postcoloniale. L`Afrique n`a pas fini d`analyser les ravages de la colonisation, en particulier sur la conscience des peuples. Mais cette analyse doit être objective et apaisée. C`est ce qu`entreprennent les écrivains et il n`y a qu`à lire "Les Soleils des indépendances" de Kourouma pour s`en rendre compte, ou encore "La carte d`identité" de Jean-Marie Adiaffi.

Vous confirmez votre arrivée à Abidjan début décembre ?
Je serai en Côte d`Ivoire dès le 28 novembre en compagnie de mon ami de longue date, le professeur Jacques Chevrier.

Réalisé par Patrick Krou
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