PARIS- Hanté par la froide exécution d`un ordre
illégal, le procès à Paris de quatre anciens militaires français de la force
Licorne en Côte d`Ivoire, accusés du meurtre de l`Ivoirien Firmin Mahé, est
suspendu au témoignage du général Henri Poncet, attendu mardi à la barre.
"Peut-être qu`il dira +j`ai donné l`ordre+... Il a nié. Je l`ai fait aussi.
Mais je pense avoir été digne aujourd`hui. En tous cas je l`espère".
Avant de prononcer jeudi devant la cour d`assises ces mots lourds de
remords, le colonel Eric Burgaud, debout près de ses trois co-accusés et
anciens subordonnés, avait reconnu avoir lui-même transmis l`ordre fatal à ses
hommes.
Le 13 mai 2005, Firmin Mahé, 29 ans, avait été étouffé avec un sac
plastique alors que, blessé par balle à une jambe, inconscient, entravé, il
était transporté dans un blindé français de la localité de Bangolo vers la
ville de Man, dans l`ouest de la Côte d`Ivoire.
Le mode opératoire avait été laissé à l`appréciation de l`adjudant-chef Guy
Raugel, sous-officier au fort caractère que ses hommes auraient suivi en
enfer. Un brigadier-chef maintenait la victime pendant l`opération, et un
brigadier conduisait le véhicule.
Achever Mahé était "la moins pire des solutions", a estimé le colonel,
parce que les militaires français avaient la preuve, assurent-ils, que Mahé
était un "coupeur de route", un bandit dépouillant, violant et tuant les
populations, et que la situation était telle à l`époque en Côte d`Ivoire qu`il
aurait échappé à la justice.
Après sa mort, les exactions se sont arrêtées, disent-ils. Mission
accomplie, ordre rétabli.
trente ans de réclusion
Eric Burgaud n`a pas toujours reconnu avoir transmis cet ordre. Il avait
même nié toute responsabilité au début de l`enquête. "J`avais peur d`aller en
prison... j`ai été lâche", a reconnu cet homme élancé de 50 ans, père de deux
enfants, catholique pratiquant et issu de la prestigieuse école militaire de
Saint-Cyr.
Au fil de ses auditions, il avait reconnu avoir menti, tout en affirmant
avoir lui-même entendu le général Poncet, alors commandant de la force
Licorne, lui dire à propos du transfert de Mahé vers Man: "roulez doucement...
vous m`avez compris".
"L`ordre, je l`ai compris comme tout le monde", a dit le colonel. Il ne
fallait pas que Mahé arrive vivant.
"Je n`ai pas eu le courage moral de m`opposer au général Poncet", regrette
Eric Burgaud qui, dit-il, a transmis tel quel à un capitaine, tout aussi
embarrassé, et à l`adjudant-chef Raugel, qui a demandé une explication de
texte puis s`est "sali les mains".
Ce "roulez doucement vous m`avez compris" sonne au procès comme une cascade
dégoulinant du sommet vers la base.
Mais si le général Poncet, 63 ans, retraité de l`armée d`active depuis
2007, a reçu un blâme pour avoir cautionné une version officielle et fausse de
la mort de Mahé - des suites de ses blessures -, il a été mis hors de cause
dans l`enquête pénale.
Mis en examen au début de l`instruction, il a nié catégoriquement avoir
prononcé la phrase fatidique et a bénéficié d`un non-lieu, qui est définitif.
Quoiqu`il arrive au procès, "il ne risque rien", a rappelé l`avocat du colonel
Burgaud, Alexis Gublin, dont le client encourt trente ans de réclusion
criminelle.
Henri Poncet est attendu comme témoin mardi après-midi, de même que
l`ancienne ministre de la Défense Michèle Alliot-Marie.
Le procès, entamé le 27 novembre, reprend lundi avec des dépositions
attendues de membres de la famille de Firmin Mahé, qui devraient réaffirmer
qu`il n`était pas un bandit. Le verdict sera prononcé en fin de semaine.
at/ger/fm
illégal, le procès à Paris de quatre anciens militaires français de la force
Licorne en Côte d`Ivoire, accusés du meurtre de l`Ivoirien Firmin Mahé, est
suspendu au témoignage du général Henri Poncet, attendu mardi à la barre.
"Peut-être qu`il dira +j`ai donné l`ordre+... Il a nié. Je l`ai fait aussi.
Mais je pense avoir été digne aujourd`hui. En tous cas je l`espère".
Avant de prononcer jeudi devant la cour d`assises ces mots lourds de
remords, le colonel Eric Burgaud, debout près de ses trois co-accusés et
anciens subordonnés, avait reconnu avoir lui-même transmis l`ordre fatal à ses
hommes.
Le 13 mai 2005, Firmin Mahé, 29 ans, avait été étouffé avec un sac
plastique alors que, blessé par balle à une jambe, inconscient, entravé, il
était transporté dans un blindé français de la localité de Bangolo vers la
ville de Man, dans l`ouest de la Côte d`Ivoire.
Le mode opératoire avait été laissé à l`appréciation de l`adjudant-chef Guy
Raugel, sous-officier au fort caractère que ses hommes auraient suivi en
enfer. Un brigadier-chef maintenait la victime pendant l`opération, et un
brigadier conduisait le véhicule.
Achever Mahé était "la moins pire des solutions", a estimé le colonel,
parce que les militaires français avaient la preuve, assurent-ils, que Mahé
était un "coupeur de route", un bandit dépouillant, violant et tuant les
populations, et que la situation était telle à l`époque en Côte d`Ivoire qu`il
aurait échappé à la justice.
Après sa mort, les exactions se sont arrêtées, disent-ils. Mission
accomplie, ordre rétabli.
trente ans de réclusion
Eric Burgaud n`a pas toujours reconnu avoir transmis cet ordre. Il avait
même nié toute responsabilité au début de l`enquête. "J`avais peur d`aller en
prison... j`ai été lâche", a reconnu cet homme élancé de 50 ans, père de deux
enfants, catholique pratiquant et issu de la prestigieuse école militaire de
Saint-Cyr.
Au fil de ses auditions, il avait reconnu avoir menti, tout en affirmant
avoir lui-même entendu le général Poncet, alors commandant de la force
Licorne, lui dire à propos du transfert de Mahé vers Man: "roulez doucement...
vous m`avez compris".
"L`ordre, je l`ai compris comme tout le monde", a dit le colonel. Il ne
fallait pas que Mahé arrive vivant.
"Je n`ai pas eu le courage moral de m`opposer au général Poncet", regrette
Eric Burgaud qui, dit-il, a transmis tel quel à un capitaine, tout aussi
embarrassé, et à l`adjudant-chef Raugel, qui a demandé une explication de
texte puis s`est "sali les mains".
Ce "roulez doucement vous m`avez compris" sonne au procès comme une cascade
dégoulinant du sommet vers la base.
Mais si le général Poncet, 63 ans, retraité de l`armée d`active depuis
2007, a reçu un blâme pour avoir cautionné une version officielle et fausse de
la mort de Mahé - des suites de ses blessures -, il a été mis hors de cause
dans l`enquête pénale.
Mis en examen au début de l`instruction, il a nié catégoriquement avoir
prononcé la phrase fatidique et a bénéficié d`un non-lieu, qui est définitif.
Quoiqu`il arrive au procès, "il ne risque rien", a rappelé l`avocat du colonel
Burgaud, Alexis Gublin, dont le client encourt trente ans de réclusion
criminelle.
Henri Poncet est attendu comme témoin mardi après-midi, de même que
l`ancienne ministre de la Défense Michèle Alliot-Marie.
Le procès, entamé le 27 novembre, reprend lundi avec des dépositions
attendues de membres de la famille de Firmin Mahé, qui devraient réaffirmer
qu`il n`était pas un bandit. Le verdict sera prononcé en fin de semaine.
at/ger/fm