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Art et Culture Publié le jeudi 6 décembre 2012 | Le Patriote

Mariama Ndoye (Lauréate du Prix Ivoire 2012) : “Les Africains ont partagé la négligence en héritage”

© Le Patriote Par Serges T
Littérature/Prix ivoire 2012 : Les ministres Maurice Bandama et Affoussiata Bamba assistent au sacre de Mariama Ndoye
Samedi 01 decmebre 2012 - Golf Hôtel : Mariama Ndoye , auteur de "L`arbre s`est penché", sacrée lauréate du prix ivoire 2012.
Auteure sénégalaise, Mariam Ndoye vient de remporter le Prix Ivoire 2012 de la littérature d’expression francophone avec son roman « L’arbre s’est penché ». Dans cet entretien, elle explique les raisons qui l’ont poussée à écrire l’œuvre et témoigne sa gratitude à la Côte d’Ivoire. Un pays, confesse t-elle, qui lui porte bonheur.
Le Patriote : Après de longues années passées hors de la Côte d’Ivoire, vous retrouvez à l’occasion du Salon international du livre d’Abidjan (SILA) et du prix Ivoire, un pays qui sort d’une crise profonde, qui panse ses blessures et tente de se réconcilier avec elle-même. Quel commentaire ?

Mariama Ndoye : D’abord, une réelle satisfaction de retrouver un pays qui se réconcilie avec lui-même que j’avais quitté le cœur gros en 2003. Ensuite, le fait d’assister à cette édition du SILA en Côte d’Ivoire qui était un réel défi pour les initiateurs avec à leur tête le ministre de la Culture et de la Francophonie. Un salon qui a été une parfaite réussite. Une double satisfaction donc pour moi. Je dirai même une consécration pour moi car ma carrière d’écrivain a débuté en Côte d’Ivoire. En arrivant ici, je n’avais été éditée qu’une seule fois par les Editions Présence Africaine. C’est à Abidjan que des éditeurs ont cru en mon talent. Cette année, on m’attribue le Prix Ivoire, c’est dire que la Côte d’Ivoire me porte bonheur.

LP : Que représente justement ce prix pour vous ?

MN : Beaucoup de choses. La Côte d’Ivoire a guidé mes premiers pas d’écrivain et voilà qu’on me dit : «Tu a bien travaillé, voici le Prix Ivoire». C’est pour moi une consécration, parce que c’est un prix prestigieux. J’admire mes prédécesseurs qui l’ont eu, Tiburce Koffi, Frédéric Grah Mel… C’est amplement mérité, parce ce que ce n’est pas la première distinction que je reçois. Je suis très fière de l’avoir parce que ce prix est un symbole de qualité. Ce qui me réjouit, c’est l’ouverture du Prix Ivoire. Il y avait des manuscrits ivoiriens et en plus c’est un prix ivoirien. Je souhaite que dans tous les secteurs et domaines, on s’approprie cette ouverture et que dans la tête, on soit Africain. Qu’on ne voit pas le Sénégalais, l’Ivoirien, le Togolais…

LP : Le lien qui vous lie à la Côte d’Ivoire est si fort, que l’actualité de ce pays qui vous porte bonheur est présente dans votre roman « L’arbre s’est penché ». Notamment l’accident du bus N° 19 qui a terminé sa folle course le 5 août 2011 dans la lagune. Pourquoi justement ce drame, alors que la Côte d’Ivoire alors que la Côte d’Ivoire en a connu d’autres ?

MN : Ce drame, je l’ai ressenti comme le naufrage du Joola au Sénégal qui est la plus grande catastrophe maritime de cette décennie. Ce bus, qui termine sa course au fond de la lagune, était aussi une autre catastrophe due peut-être à une négligence, un concours malheureux de circonstance dont le résultat est une mort massive. Cela m’a beaucoup affecté. Vous savez, la Côte d’Ivoire est comme un personnage de mes écrits.

LP : Mais quand vous décrivez le pont qui a servi de cadre à cet accident vous n’y allez pas du dos de la culière ?

MN : Je n’ai fait que dire en termes peut-être un peu crus ce que les journalistes et tout le monde racontaient sur l’état vétuste de ce pont qui date des années 50 ou 60. Je ne critique pas le pont, je critique la négligence que les Africains ont partagée, je dirai même, en héritage. Il faut le dire, les Africains n’ont pas la culture de l’entretien des édifices publics. Quand on construit quelque chose de beau, de magnifique, il faut l’entretenir. Quand je critique l’état de délabrement de ce pont, je critique en même temps le Joola qui était surchargé et plein à craquer. Je critique en même temps la négligence légendaire des Africains, et tous ces accidents qui ont eu lieu parce que le matériel était défectueux.

LP : Quelle symbolique revêt le titre de votre roman ? Pourquoi «L’arbre s’est penché» ?

MN :(Rire) A l’ origine ! Un fait, la perte d’un être cher en l’occurrence ma mère. Je n’avais pas l’intension d’écrire ce livre. Quand j’ai connu cette grosse peine, je me suis mise à écrire, une façon pour moi de me soulager, de confier mes peines mais aussi mes moments de joie parce qu’au fil de l’écriture les souvenirs me remontaient. Et je les ai écrits comme ça venait. L’écriture de ce roman, n’a pas été un projet mûri. Il s’est imposé à moi. J’ai écrit pour moi-même, pour me délivrer.

LP : A la lecture, on a l’impression que c’est une œuvre autobiographique de la mère de Mariama Ndoye mais également de l’auteur elle-même ?

MN : (Grand rire) C’est ma mère, je suis sa fille aînée. On était de vraies complices. Comprenez que nous avions partagé beaucoup de choses. Pour une fille, quand on se marie on s’en va. Alors, quand je me suis mariée je suis venue ici en Côte d’Ivoire, mais malgré la distance nous étions très proches l’une de l’autre. Je suis une femme très attachée à sa famille. Donc, c’est la biographie de ma mère et la mienne. C’est un tout. C’est presqu’indissociable.

LP : Justement, pouvez-vous résumer à grands traits les thèmes que vous abordez dans « L’arbre s’est penché » ?

MN : L’œuvre pour moi est comme un devoir de reconnaissance. Je me suis mise à décrire des faits par moment en pleurant parce que c’était dur. En rappelant comment on a grandi, les sacrifices qu’elle a consentis. J’aborde également par le biais des funérailles de ma mère certaines tares de la société. Les funérailles, c’est parfois en Afrique une foire à l’escroquerie, à l’hypocrisie, un autre lieu de rencontre pour les célibataires en quête d’une âme sœur ou d’une compagnie d’un soir. Moi, à travers ce roman, je montre que ma mère a vécu utile, non seulement pour ses enfants, mais pour tous ceux qui l’ont pratiquée. Mais, à travers elle, je célèbre toutes les mamans. Je suis contente que beaucoup de personnes aient reconnu leur maman à travers la mienne. Ceux, qui ont lu le livre, n’ont pas été insensibles. Certains me disent : «C’est comme si vous parliez de moi, ma mère». C’est que quelque part, elles se ressemblent toutes cette génération de mères, que j’appelle affectueusement «les mères courage, patience».
Réalisée par Moussa Keita
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