La cour d`assises de Paris a prononcé, le vendredi 07 décembre, un acquittement et trois peines de prison avec sursis au procès de quatre militaires français jugés pour le meurtre en 2005 de l’Ivoirien Firmin Mahé, épilogue d`un procès hors norme entré au cœur de l`armée et de ses opérations extérieures. Le colonel Eric Burgaud, qui avait transmis l`ordre de tuer Mahé, est condamné à cinq ans avec sursis, l`adjudant-chef Guy Raugel, qui l`a étouffé avec un sac plastique, à quatre ans avec sursis, et le brigadier-chef Johannes Schnier, qui le maintenait, à un an avec sursis. Le brigadier Lianrifou Ben Youssouf, qui conduisait le véhicule blindé où se sont déroulés les faits, a été acquitté. Le prononcé du verdict a été accueilli par des cris de protestation des Ivoiriens présents dans la salle. "Scandaleux", "honte à la France", ont-ils lancé. Ces condamnations sont inférieures aux réquisitions prises la veille par l`avocate générale, qui avait demandé respectivement cinq ans ferme, cinq ans dont trois ferme, deux à trois ans avec sursis et six mois avec sursis. Les réquisitions étaient néanmoins bien inférieures au maximum encouru pour un tel crime, soit 30 ans de réclusion, au vu du caractère "extraordinaire" de cette affaire impliquant des militaires. La cour a estimé que le geste des militaires avait "gravement porté atteinte aux valeurs de la République", mais considéré que la "situation exceptionnelle" qui prévalait dans la région ivoirienne qu’ils étaient chargés de surveiller était "de nature à atténuer leur responsabilité". Les militaires appartenaient à la force française Licorne déployée en soutien de l`ONU en Côte d`Ivoire. Ils étaient chargés de surveiller la "zone de confiance", entre le nord tenu par la rébellion et le sud loyaliste. Cette zone était en fait une "zone de non-droit", sans aucun moyen de police judiciaire. Les accusés ont expliqué qu`ils étaient excédés de voir les auteurs d`exactions dont ils étaient témoins remis en liberté sitôt arrêtés. C`est dans ce contexte qu`ils avaient mis la main le 13 mai 2005 sur Firmin Mahé, près de Bangolo. Repéré le matin et blessé par balle, il s`était enfui et avait été retrouvé en fin de journée, puis transporté dans un véhicule blindé français vers la ville de Man. Il avait été tué en route. Le colonel Burgaud, qui avait d`abord nié toute responsabilité, a reconnu avoir transmis à l`adjudant-chef Raugel l`ordre que Mahé n`arrive pas vivant à destination. Il affirme avoir lui-même tenu cet ordre implicite du général Henri Poncet, son supérieur, qui lui aurait dit "roulez doucement... vous m`avez compris". Mais, le général a démenti et bénéficié d`un non-lieu. Eric Burgaud a jugé "indigne" l`attitude de son général. Il a, en revanche, assuré ses trois anciens subordonnés de son "plus profond respect". L`adjudant-chef Raugel, qui a toujours reconnu avoir tué Mahé sur ordre, a lui aussi déclaré qu`en vertu de son "éthique", il répondait des actes des deux hommes qu`il a entraînés dans cette affaire. L`adjudant-chef, comme le brigadier Schnier, ont tous deux espéré que leur procès ferait "réfléchir" à l`engagement de soldats dans des opérations extérieures très dures, en Afghanistan notamment. L’essentiel des débats a tourné autour de la possibilité qu’avaient les accusés de désobéir à un ordre illégal, ce qu`ils ont estimé plus simple à concevoir dans le confort d`un bureau qu`à mettre en oeuvre sur le terrain. "On a vu passer beaucoup de galonnés, avec de belles étoiles et politiquement corrects, qui m`ont donné la nausée", a déclaré Guy Raugel.
Source : Afp
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