C’est la grande rivalité entre les gendarmes et les militaires ivoiriens. Une rivalité qui prend de l’ampleur dans l’ambiance de suspicion qui entoure les attaques contre les positions de l’armée ivoirienne.
Face aux assaillants, c’est chacun pour soi. C’est la preuve que la rivalité entre gendarmes et militaires ivoiriens, va en s’amplifiant. Les faits qui démontrent qu’entre ces deux corps, c’est ‘’je t’aime, moi non plus’’, ce sont les attaques contre les positions de l’armée ivoirienne auxquelles l’on assiste depuis le second semestre 2012. Quand les militaires sont visés, c’est généralement tous seuls qu’ils font face aux assaillants. Pareil pour les gendarmes. En termes clairs, la solidarité qui devrait prévaloir entre ces deux corps n’existe pas du tout. « C’est ce qui explique pourquoi les gendarmes du camp de Toits-rouges qui ont été attaqués, le 19 décembre dernier, ont mis environ deux heures pour venir à bout des assaillants », renseigne un spécialiste des questions militaires. Un constat saisissant qui est loin d’être un exemple rare.
Bien au contraire. Depuis le mois d’août 2012, ce genres de situations sont plutôt monnaie courante. Le premier exemple est d’ailleurs venu du camp d’Akouédo, visé par les assaillants. Sur fond de rivalité, mais aussi de suspicion, les militaires ont dû contenir tous seuls les assauts des assaillants. Selon nos informations, les blindés de l’Ecole de gendarmerie qui faisaient mouvement vers le camp militaire, ont été priés de rebrousser chemin par un commandant des Forces républicaines de Côte d’Ivoire (Frci). L’attitude de l’officier supérieur, selon le décryptage qui nous a été fait, vise d’abord à démontrer aux gendarmes que sans l’aide de la gendarmerie, les militaires peuvent se tirer d’affaire. Mais, dans ce contexte de début d’attaque, les militaires voulaient aussi avoir une nette idée de l’ennemi qu’ils ont à affronter. Cependant, passés les premiers moments d’interrogation, la méfiance n’a pas disparu. Même lorsqu’ils se retrouvent sur un périmètre dans le cadre d’une mission conjointe, c’est rarement que l’harmonie prévaut. Pis, face au danger, c’est toujours chacun pour soi. A l’exception des attaques perpétrées en août à Grand-Bassam, à Bonoua ou à Dabou, repoussées par les deux forces qui ont conjugué leurs efforts, les militaires ont été contraints de repousser seuls les autres incursions des forces ennemies. C’était notamment le cas à Agboville, le 16 décembre dernier.
Le cas d’Agboville
Alors que le poste de contrôle qu’ils tenaient avec les militaires était attaqué, les gendarmes présents ont abandonné leurs frères d’armes. Ils ont opéré un repli, préjudiciable à deux militaires. D’autres gendarmes qui passaient dans les environs, ont purement et simplement pris la fuite, en prenant le soin de se débarrasser de leur tenue. Un manque de solidarité qui a manqué de peu d’envenimer les relations entre les deux forces. Un commandant des Frci, habitué de la zone, a même rapporté un incident manqué entre gendarmes et militaires au check-point d’Anyama. Accusant leurs frères d’armes d’être des complices des assaillants, des militaires ont prié les gendarmes présents au corridor, de plier leurs bagages et de dégager. Evidemment les gendarmes n’ont pas voulu se laisser éconduire de manière aussi cavalière. Toujours selon les confidences de cet officier, il a fallu l’intervention de la hiérarchie de la grande muette, pour éviter une bagarre fratricide à ce poste de contrôle. Un exercice qu’a dû réaliser le ministre auprès du président de la République, chargé de la Défense. Paul Koffi Koffi qui a organisé une tournée d’inspection des troupes, dans le cadre de l’opération sécurisation des fêtes de fin d’année, a constaté à la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (Maca), qu’il y a un vrai fossé entre gendarmes et militaires.
Divergeance étalée
Devant leur tutelle, ces deux forces ne se sont pas privées d’étaler leurs divergences. « La scène digne d’une querelle de chiffonniers s’est déroulée au check-point sis à une centaine de mètres de l’entrée principale de la prison civile », a rapporté notre reporter avant d’ajouter : « le lieutenant commandant le détachement militaire a accusé ouvertement son homologue de la maréchaussée de faire le lit de l’ennemi. Il s’est plaint à l’autorité qu’une fois la nuit tombée, les gendarmes quittent leurs postes pour se loger dans les bâtiments à étages situés en face de la Maca. Eux, Frci, n’apprécient guère cette façon de collaborer, a-t-il pesté, montrant du doigt lesdites constructions. Justement, au moment où il se plaignait, l’on a vu venir du refuge – si c’en était vraiment un – des gendarmes tenant leurs armes ». Ainsi vont donc les rapports entre gendarmes et militaires qui ne sont visiblement, en rien, des ‘’frères d’armes’’.
Selon nos informations, c’est surtout au temps où la junte militaire de Robert Guéï était aux affaires que les rapports entre les deux forces se sont détériorés. C’était en effet les officiers de la gendarmerie qui étaient chargés de mettre le grappin sur les militaires suspectés d’actions subversives contre la junte militaire. « Ce sont les gendarmes qui étaient chargés d’enquêter sur les affaires de contre-putsch. La plupart des militaires, notamment les Chérif Ousmane, Wattao, Tuo Fozié, quand ils étaient pris, étaient envoyés à Agban pour être interrogés. La pratique s’est poursuivie quand les anciens dirigeants sont arrivés aux affaires. Et, ces interrogatoires ne se faisaient pas souvent de la plus tendre des manières.
A l’origine de la suspicion
Du coup, les militaires ont commencé à considérer les gendarmes non plus comme une force amie mais, clairement comme une force ennemie», témoigne un officier de l’armée à la retraite. «Malheureusement, rien n’a été fait pour ramener la confiance entre gendarmes et militaires. La suspicion est donc demeurée et les rapports loin de s’améliorer, se sont davantage détériorés », poursuit-il. Pour ne rien arranger, assure l’officier à la retraite, certains gendarmes ont intériorisé l’idée que les Frci, « ce sont des gens qui n’ont jamais pratiqué le métier des armes mais qu’on a reversé dans l’armée, sans véritable formation. Ce qui est totalement faux. Cette idée a été amplifiée par les responsables de l’ancien régime qui ont l’intention de fragiliser l’armée à travers cette fracture. Espérons que dans la grande réforme de l’armée, les autorités se pencheront sur cette réalité, pour la régler ».
Marc Dossa
Face aux assaillants, c’est chacun pour soi. C’est la preuve que la rivalité entre gendarmes et militaires ivoiriens, va en s’amplifiant. Les faits qui démontrent qu’entre ces deux corps, c’est ‘’je t’aime, moi non plus’’, ce sont les attaques contre les positions de l’armée ivoirienne auxquelles l’on assiste depuis le second semestre 2012. Quand les militaires sont visés, c’est généralement tous seuls qu’ils font face aux assaillants. Pareil pour les gendarmes. En termes clairs, la solidarité qui devrait prévaloir entre ces deux corps n’existe pas du tout. « C’est ce qui explique pourquoi les gendarmes du camp de Toits-rouges qui ont été attaqués, le 19 décembre dernier, ont mis environ deux heures pour venir à bout des assaillants », renseigne un spécialiste des questions militaires. Un constat saisissant qui est loin d’être un exemple rare.
Bien au contraire. Depuis le mois d’août 2012, ce genres de situations sont plutôt monnaie courante. Le premier exemple est d’ailleurs venu du camp d’Akouédo, visé par les assaillants. Sur fond de rivalité, mais aussi de suspicion, les militaires ont dû contenir tous seuls les assauts des assaillants. Selon nos informations, les blindés de l’Ecole de gendarmerie qui faisaient mouvement vers le camp militaire, ont été priés de rebrousser chemin par un commandant des Forces républicaines de Côte d’Ivoire (Frci). L’attitude de l’officier supérieur, selon le décryptage qui nous a été fait, vise d’abord à démontrer aux gendarmes que sans l’aide de la gendarmerie, les militaires peuvent se tirer d’affaire. Mais, dans ce contexte de début d’attaque, les militaires voulaient aussi avoir une nette idée de l’ennemi qu’ils ont à affronter. Cependant, passés les premiers moments d’interrogation, la méfiance n’a pas disparu. Même lorsqu’ils se retrouvent sur un périmètre dans le cadre d’une mission conjointe, c’est rarement que l’harmonie prévaut. Pis, face au danger, c’est toujours chacun pour soi. A l’exception des attaques perpétrées en août à Grand-Bassam, à Bonoua ou à Dabou, repoussées par les deux forces qui ont conjugué leurs efforts, les militaires ont été contraints de repousser seuls les autres incursions des forces ennemies. C’était notamment le cas à Agboville, le 16 décembre dernier.
Le cas d’Agboville
Alors que le poste de contrôle qu’ils tenaient avec les militaires était attaqué, les gendarmes présents ont abandonné leurs frères d’armes. Ils ont opéré un repli, préjudiciable à deux militaires. D’autres gendarmes qui passaient dans les environs, ont purement et simplement pris la fuite, en prenant le soin de se débarrasser de leur tenue. Un manque de solidarité qui a manqué de peu d’envenimer les relations entre les deux forces. Un commandant des Frci, habitué de la zone, a même rapporté un incident manqué entre gendarmes et militaires au check-point d’Anyama. Accusant leurs frères d’armes d’être des complices des assaillants, des militaires ont prié les gendarmes présents au corridor, de plier leurs bagages et de dégager. Evidemment les gendarmes n’ont pas voulu se laisser éconduire de manière aussi cavalière. Toujours selon les confidences de cet officier, il a fallu l’intervention de la hiérarchie de la grande muette, pour éviter une bagarre fratricide à ce poste de contrôle. Un exercice qu’a dû réaliser le ministre auprès du président de la République, chargé de la Défense. Paul Koffi Koffi qui a organisé une tournée d’inspection des troupes, dans le cadre de l’opération sécurisation des fêtes de fin d’année, a constaté à la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (Maca), qu’il y a un vrai fossé entre gendarmes et militaires.
Divergeance étalée
Devant leur tutelle, ces deux forces ne se sont pas privées d’étaler leurs divergences. « La scène digne d’une querelle de chiffonniers s’est déroulée au check-point sis à une centaine de mètres de l’entrée principale de la prison civile », a rapporté notre reporter avant d’ajouter : « le lieutenant commandant le détachement militaire a accusé ouvertement son homologue de la maréchaussée de faire le lit de l’ennemi. Il s’est plaint à l’autorité qu’une fois la nuit tombée, les gendarmes quittent leurs postes pour se loger dans les bâtiments à étages situés en face de la Maca. Eux, Frci, n’apprécient guère cette façon de collaborer, a-t-il pesté, montrant du doigt lesdites constructions. Justement, au moment où il se plaignait, l’on a vu venir du refuge – si c’en était vraiment un – des gendarmes tenant leurs armes ». Ainsi vont donc les rapports entre gendarmes et militaires qui ne sont visiblement, en rien, des ‘’frères d’armes’’.
Selon nos informations, c’est surtout au temps où la junte militaire de Robert Guéï était aux affaires que les rapports entre les deux forces se sont détériorés. C’était en effet les officiers de la gendarmerie qui étaient chargés de mettre le grappin sur les militaires suspectés d’actions subversives contre la junte militaire. « Ce sont les gendarmes qui étaient chargés d’enquêter sur les affaires de contre-putsch. La plupart des militaires, notamment les Chérif Ousmane, Wattao, Tuo Fozié, quand ils étaient pris, étaient envoyés à Agban pour être interrogés. La pratique s’est poursuivie quand les anciens dirigeants sont arrivés aux affaires. Et, ces interrogatoires ne se faisaient pas souvent de la plus tendre des manières.
A l’origine de la suspicion
Du coup, les militaires ont commencé à considérer les gendarmes non plus comme une force amie mais, clairement comme une force ennemie», témoigne un officier de l’armée à la retraite. «Malheureusement, rien n’a été fait pour ramener la confiance entre gendarmes et militaires. La suspicion est donc demeurée et les rapports loin de s’améliorer, se sont davantage détériorés », poursuit-il. Pour ne rien arranger, assure l’officier à la retraite, certains gendarmes ont intériorisé l’idée que les Frci, « ce sont des gens qui n’ont jamais pratiqué le métier des armes mais qu’on a reversé dans l’armée, sans véritable formation. Ce qui est totalement faux. Cette idée a été amplifiée par les responsables de l’ancien régime qui ont l’intention de fragiliser l’armée à travers cette fracture. Espérons que dans la grande réforme de l’armée, les autorités se pencheront sur cette réalité, pour la régler ».
Marc Dossa