Blé Goudé, fin de la cavale ? C’en a tout l’air. Mais faut-il s’en étonner ? Assurément pas. Car comme le dit l’adage : « On est toujours rattrapé par son passé ». C’est le cas de Charles Blé Goudé. Lorsqu’on jette un regard rétrospectif sur le parcours de l’ancien secrétaire général de la FESCI, on se rend bien compte que ce qui lui arrive aujourd’hui n’est que la suite logique des actes qu’il a posés. Charles Blé a été, ces dix dernières années en Côte d’Ivoire, était dans tous les sales coups de la République sous Laurent Gbagbo. Au point qu’il était considéré comme le numéro deux du régime Gbagbo. Blé Goudé Charles est celui qui a introduit la machette à l’université au début des années 2000. Secrétaire général de la Fédération estudiantine de Côte d’Ivoire, celui qu’on appelle « le génie du Kpô » n’a trouvé rien d’autre que l’usage de la machette pour écraser la dissidence menée par son adjoint Doumbia Major. Après avoir été mis en minorité et humilié au cours d’une assemblée générale, Blé Goudé a fait abattre une répression féroce sur les leaders de la dissidence avec l’aide des hommes du général Guéi Robert à qui il a fait croire que Doumbia Major et ses camarades voulaient récupérer la FESCI pour le remettre au RDR. Plusieurs partisans de la dissidence ont été assassinés sous les ordres de Blé Goudé. D’autres ont été estropiés à vie. Après son mandat à la tête de la FESCI, Charles Blé Goudé après avoir triché pour obtenir sa licence, part s’inscrire à l’université de Manchester. Mais il revient quelques mois après au pays, après le coup d’Etat manqué du 19 septembre 2002. Pour, dit-il, défendre les institutions de la République. Depuis cette date, Charles Blé devient le héraut de la « préférence nationale ». Il offre ses services d’activiste à Laurent Gbagbo dont le régime est en sursis face à la rébellion naissante. Charles Blé Goudé montre ses qualités de mobilisateur lors de la grande marche du 2 octobre 2002. Il devient du coup le chouchou de Laurent Gbagbo qui désormais voit en lui celui qui a sauvé son pouvoir. Charles Blé Goudé a désormais ses entrées sans rendez-vous au palais. Il devient l’âme damnée de Laurent Gbagbo. L’homme des basses besognes. La politique xénophobe et sanguinaire qui a gangréné le régime FPI porte sa marque. Les attaques et pillages des sociétés et entreprises françaises, après les accords de Kleber en février 2003, ont été planifiés par celui qui se fait désormais appelé le « général de la rue ». Désormais, les « ennemis de la République » peuvent se terrer. Car la lutte implacable contre eux a commencé. Charles Blé Goudé met en place une milice féroce « les jeunes patriotes ». Des jeunes nourris à la sève de la haine et à la mamelle d’un patriotisme aussi étriqué que débridés. Des espaces de « libre expression » appelés « agoras » ou « parlements » sont mis en place pour intoxiquer et endoctriner les jeunes dés?uvré pour faire d’eux les fers de lance de cette armée de fanatiques et de fanatisés qui ont désormais pour seul objectif de casser de l’opposant et de l’étranger. « A chacun son petit Français », tonnait-on dans les rangs des « jeunes patriotes ». La répression du 24 et 25 mars 2004 qui a coûté officiellement 120 morts à l’opposition, porte la griffe de ces jeunes miliciens qu’on a vite fait d’habiller en treillis pour faire croire qu’il s’agissait d’une simple opération de maintien d’ordre. Huit mois après, l’armée ivoirienne lance l’opération « Dignité » pour libérer l’autre moitié de la Côte d’Ivoire tenue par les Forces Nouvelles. Charles Blé Goudé est au devant des choses. Il invite les « jeunes patriotes » massivement au camp Gallieni pour se faire enrôler. Histoire de forcer un peu la main au général Mathias Doué, le chef d’état-major pour se lancer dans la guerre de libération que, lui, Blé Goudé veut à tout prix. Le 6 novembre, au troisième jour de l’opération, la base militaire française de Bouaké est bombardée par l’aviation ivoirienne. Causant la mort de neuf soldats français et un ressortissant américain. La suite on la connait. L’armée française détruit tous les appareils de l’armée de l’air ivoirienne. Blé Goudé entre alors encore en scène pour un autre épisode douloureuse de la Côte d’Ivoire qui fera plus de 60 morts. « Si tu dors, réveille-toi ! Si tu manges, arrête de manger ! Tous à l’aéroport et dans la rue. Car il faut mieux mourir dans la dignité que dans l’honte », harangue Charles Blé Goudé dans la soirée à la télévision ivoirienne. Les conséquences d’un tel discours se font rapidement ressentir dans le pays. Destructions de biens, pillages, viols et meurtres dans les rues d’Abidjan et des certaines villes du pays. Après cette avalanche, le pouvoir de Laurent Gbagbo réussit à se pérenniser. Le président des « jeunes patriotes » maintenant au faîte de sa gloire. Car Laurent Gbagbo est désormais convaincu que si son régime résiste tant au « néocolonialisme que la France tente d’imposer à la Côte d’Ivoire », c’est bel et bien en grande partie grâce au patron des «jeunes patriotes». C’est pourquoi pour son baroud d’honneur, Laurent Gbagbo a confié une grande partie de son plan de confiscation du pouvoir à Charles Blé Goudé et ses hommes. L’article 125, les barricades de la mort et les exécutions sommaires sont la signature de Charles Blé Goudé et ses hommes. Plusieurs centaines de personnes ont été ainsi violentés et assassinés par des jeunes surexcités et déshumanisés par plusieurs années de propagande que Blé Goudé ne manquait pas d’aller saluer à l’occasion sur les barricades avant la bataille d’Abidjan. Charles Blé Goudé a participé à toutes les réunions de l’état-major des FDS en compagnie de Laurent Gbagbo et de son épouse. Il est pour beaucoup dans la tragédie qui s’est abattue sur la Côte d’Ivoire de décembre 2010 à mai 2011. C’est pourquoi son arrestation n’est que justice pour les milliers de victimes tombées au cours de la crise postélectorale et leurs familles qui réclament réparation.
Jean-Claude Coulibaly
Jean-Claude Coulibaly