Manifestement l’affaire Blé Goudé n’a pas encore livré tous ses secrets. Les spéculations et supputations continuent donc autour de cette certitude : Blé Goudé a été appréhendé au Ghana et est actuellement détenu en Côte d’Ivoire, selon un communiqué du gouvernement. Son mode d’arrivée à Abidjan n’a pas été officiellement précisé ni par le Ghana, encore moins par la Côte d’Ivoire, même si plusieurs sources assurent qu’il est arrivé par un avion affrété par Abidjan. Depuis son arrivée le Vendredi dernier, Blé Goudé a été entendu par la justice ivoirienne, par contre, il n’a pas encore bénéficié d’assistance connue d’avocat. A Accra, il n’a pu voir ni son avocat, ni ses proches. Une telle rencontre aurait pu donner des informations précises sur son état d’esprit, ainsi que sur les circonstances de son arrestation. Depuis son arrivée à Abidjan, aucune indication n’a été donnée sur la possibilité pour les siens (sa famille et ses parents proches, ou amis politiques) de le rencontrer. Une demande des avocats et des siens a-t-elle été formulée en bonne et due forme, auprès de la justice ? Alors que seule une rencontre éventuelle à Abidjan entre des proches et avocats, peut aider à avoir des éléments précis de la version du concerné, la bataille fait rage sur le net, mais aussi dans les foyers entre les partisans de la thèse d’un deal avec les autorités ivoiriennes, et ceux qui estiment qu’il n’en est rien. Parmi ceux qui estiment qu’il y’a deal figure Touré Moussa Zeguen, qui dans un post sur Facebook hier, s’est lancé sans précaution en émettant de sérieux doutes sur les circonstances de l’arrestation et de l’extradition en Côte d’Ivoire, de Blé Goudé. L’ex-président du GPP fait état des contacts entre le ministre d’Etat, ministre de l’Intérieur et Charles Blé Goudé, dont il évoque également les relations avec d’autres responsables et acteurs du régime Ouattara. Patrick Zasso, dit en Global, lui a rétorqué qu’il n’en est rien, mais Zeguen a persisté et signé. Serges Kassy et quelques autres en ont appelé à la modération et à la retenue, indiquant qu’il n’est pas question d’étaler des divergences sur la place publique. Selon eux, cela fait le jeu de leurs adversaires, à condition disent-ils de ne pas se tromper d’adversaires. « Certains pensent que notre adversaire est Blé Goudé, il n’en est rien. Il est en difficulté, ce n’est pas le moment de l’accabler », conseille un pro-Gbagbo tandis qu’un autre calme le jeu : « si on a pris le capitaine (Gbagbo) et qu’on n’est pas mort, pourquoi pleurer pour le tilapia (Blé Goudé) ». Un peu plus mystiques, quelques uns prédisent une accélération des événements, et annoncent (sans en donner ni la raison, ni une preuve convaincante hormis leur seule foi et leur seule certitude), que la fin de la crise ivoirienne, marquée par la fin du pouvoir Ouattara n’est plus loin à la lumière de l’environnement créé par la situation confuse de Charles Blé Goudé. De façon générale, en dehors du FPI qui semble avoir refusé d’en faire une question préalable, Blé Goudé étant un pro-Gbagbo en difficulté comme les autres (comme Laurent Gbagbo, Simone Gbagbo, Affi Nguessan et d’autres….), exilés pro-Gbagbo semblent n’avoir pas encore perçu le fait que le sort de Blé Goudé devrait conduire à changer d’optique et à sortir des postures radicales et extrémistes. L’incantation, le refus du dialogue et le refus radical de l’option de la violence au profit d’une bataille démocratique ont encore droit de cité, conduisant à parler à bout de chant de trahison, à l’encontre de Blé Goudé, après que Miaka, Aké N’Gbo et quelques autres aient été victimes de la même suspicion. Les pro-Ouattara eux, assistent pas mécontents à cette guéguerre, à ce déchirement entre LMP et pro-Gbagbo. Deal ou pas deal, les partisans et soutiens du chef de l’Etat ivoirien estiment qu’il est bien que Blé Goudé soit en Côte d’Ivoire, et en position de répondre de faits éventuels devant la justice de son pays. Selon eux, au-delà du cas Blé Goudé, l’occasion est bonne pour les pro-Gbagbo de rentrer au pays, car la lutte ne se fait pas sur facebook, ni tweeter mais bien sur le terrain comme l’a dit Patrick Zasso. Certains rappellent même les paroles dites par le ministre d’Etat Hamed Bakayoko, qui avait prévenu et indiqué qu’après la présidentielle au Ghana, les choses iraient plus vite dans la normalisation entre la Côte d’Ivoire et son voisin. Peu avant, Hamed Bakayoko avait rassuré les Ivoiriens au sujet des exilés, à peu près en ces termes : « ne vous inquiétez pas, nous allons les prendre un à un et les ramener au pays ». Vu sous cet angle, des pro-Ouattara estiment que sans nullement renier leur engagement, les pro-Gbagbo en exil n’ont pas d’autre choix que de rentrer dans leur pays, pour solder leurs comptes avec la justice et obtenir leur liberté, avec la possibilité de bénéficier du vent de réconciliation qui soufflera malgré tout sur la Côte d’Ivoire en 2013, année de la réconciliation selon aussi bien le Président Alassane Ouattara, que le Premier ministre Daniel Kablan Duncan et Hamed Bakayoko, qui savent de quoi ils parlent, quand ils annoncent des avancées au niveau de la réconciliation. Qu’il y ait deal ou pas, le retour au pays de Blé Goudé, la préservation de son intégrité physique ( c’est-à-dire le fait qu’il soit en vie), doit être donc perçu , selon eux , comme un signal à rentrer au pays, pour tous ceux qui hésitent. Le message est simple : rentrez au pays, rien ne vous arrivera, on ne vous tuera pas, on prendra soin de vous. Une telle option (de réconciliation au forceps) peut paraître d’autant plus crédible qu’elle intervient avec l’ouverture d’un dialogue direct et permanent entre le gouvernement et le FPI. Un tel dialogue direct et permanent avait souvent manqué tant les uns et les autres étaient braqués sur leurs positions. Le seul hic qui pourrait si l’on n’y prend garde tout bloquer, c’est que cette façon de voir n’est pas du tout partagée par certains extrémistes, qui veulent vraiment en découdre, et qui pourraient, s’ils obtiennent gain de cause, pousser les autorités a radicaliser les choses, et à rendre la situation plus difficile aussi bien pour Charles Blé Goudé et les autres exilés. Toutefois ceux qui estiment qu’il faut capitaliser les acquis actuels, marqués par la libération de certains pro-Gbagbo à la veille de Noël, le dialogue indirect de Dakar et l’attitude favorable actuelle du FPI, pourrait demeurer à la manœuvre malgré tout.
Charles Kouassi et Ismaël Dembélé
Charles Kouassi et Ismaël Dembélé