Le président du COJEP a été mis sous mandat de dépôt depuis le lundi dernier. C’est désormais officiel. Après son arrestation vendredi dernier à Accra, puis son extradition le lendemain, Charles Blé Goudé a été inculpé pour crimes de guerre, assassinats et vols en réunion par la justice ivoirienne. A l’annonce des chefs d’accusation retenus contre le leader des « jeunes patriotes », certaines personnes ont dû s’interroger pourquoi celui qui n’est pas militaire est accusé d’actes criminels de guerre et d’assassinats. Pour connaitre les vraies raisons de ces accusations, il faut remonter un peu dans le temps. Plus précisément au cours de la période postélectorale. Tout le monde sait maintenant pourquoi Laurent Gbagbo a été arrêté, puis transféré à La Haye. Le procureur de la Cour pénale internationale a justifié le transfèrement de l’ancien chef d’Etat par le fait que derrière les graves violations des droits de l’Homme qui ont été commis à cette période, il y avait toute une organisation et un plan rondement exécuté par les forces pro-Gbagbo. A travers plusieurs décisions déjà publiées, la chambre préliminaire de la Cour pénale internationale a rappelé ce côté organisé et prémédité des crimes et meurtres perpétrés par des hommes en arme, mandatés par des caciques du régime FPI. Charles Blé Goudé faisait partie de ce cercle restreint d’hommes et de femmes qui décidaient de la vie ou de la mort des personnes qui avaient le malheur de tomber aux mains de la horde sanguinaire lâchée dans les rues d’Abidjan à cette époque. Dans le plan machiavélique de confiscation du pouvoir du FPI, le « général de la rue » était chargé de coordonner les opérations criminelles au niveau des « jeunes patriotes », des miliciens de la FESCI et de certains FDS qui ne juraient que par lui. On se souvient qu’au plus fort de la crise, l’ancien secrétaire général de la FESCI faisait partie du conseil de guerre qui commandait les raids meurtriers sur Abobo, Yopougon et certaines communes de la capitale économique. Des photos existent encore où on voit Charles Blé Goudé à moto, coiffé de sa fameuse casquette, sur le théâtre des opérations, en train de donner des consignes claires aux « jeunes patriotes » qui tenaient les « barrages d’autodéfense » et essaimaient les rues d’Abidjan à cette période. Or Dieu seul sait combien de personnes ont perdu la vie à ces barrages anarchiques tenus par des jeunes dés?uvrés fanatisés et nourris à la sève de la haine. C’est à ces barrages que le fameux « article 125 » est né et a été le plus appliqué. Qui ne se souvient encore du supplice de centaines personnes brûlées vives avec du pétrole acheté à 100 FCFA et une boite d’allumettes à 25 FCFA à ces points de contrôle improvisés ? Qui ne se souvient des exécutions sommaires et des viols perpétrés à ces barrages de la mort, après que Charles Blé Goudé ait donné l’ordre explicite à la télévision ivoirienne de « s’occuper » de tous ceux qui, dans leurs quartiers ou leur environnement, leur apparaitraient suspects ? La consigne du chef a été tellement bien appliquée qu’à ces check-points de triste mémoire, il suffisait de porter un gris-gris ou une amulette pour se voir abattre sans sommation comme un chien. Les délits de faciès et de patronyme étaient perpétrés sur les individus qui avaient la malchance de tomber sur les jeunes gens des sous-quartiers d’Abidjan affamés de violence à qui Blé Goudé et ses hommes avaient pris le soin de distribuer des armes comme de petits pains en guise de nourriture. Que dire des patrouilles et escadrons de la mort qui prenaient plaisir à torturer leurs victimes avant de les exécuter et faire disparaitre leur corps. Aujourd’hui, de milliers de personnes sont portées disparus. Leurs proches et les parents qui continuent de rechercher leurs corps veulent connaitre les circonstances de leur mort. Dans ces opérations criminelles, des pillages et vols dans l’administration et des résidences des cadres pro-Ouattara ont été orchestrés. Toutes les personnalités qui étaient réfugiés au Golf Hôtel ont vu leurs résidences pillées, saccagées et parfois incendiées. Ces opérations, il faut le rappeler, étaient savamment exécutées par les « jeunes patriotes » actionnés par Charles Blé Goudé et ses camarades. L’inculpation du « génie du Kpô » n’est donc pas un acte politique comme veulent faire croire certaines mauvaises langues. Mais elle repose sur des faits réels que l’on peut encore vérifier. Car les pièces à conviction sont toujours là pour le prouver.
Jean-Claude Coulibaly
Jean-Claude Coulibaly