Pour connaitre l’homme qui vient d’être arrêté, nous vous proposons cette interview qu'il a accordée au quotidien L'Inter à Lourdes, en France, le 22 mai 2010. Dans cette interview, le commandant Jean Noël Abéhi, ex-chef de l'unité des blindés de la gendarmerie nationale, n'a pas fait mystère de la possibilité de reprise de la guerre en Côte d'Ivoire. Mieux, il a prédit que les signes de la reprise des hostilités allaient se préciser d'eux-mêmes. Plusieurs mois après, les événements semblent lui avoir donné raison.
Q : Mon Commandant, beaucoup de personnes en Côte d'Ivoire s'étonneraient de savoir que vous êtes chrétien, vous qui avez mené d'intenses combats au plus fort de la crise, avec les conséquences qu'on sait. Est-ce le temps de la repentance ?
Jean Noël Abéhi : Je suis chrétien et je suis né dans une famille chrétienne, précisément un 24 décembre. Ma mère était maîtresse de ch?ur. Et ce n'est pas un hasard si je porte le nom 22 mai 2010. Je ne fais rien sans Dieu. La main de Dieu est partout. Moi je suis de tempérament nerveux. Mais Dieu sait pourquoi il m'a fait nerveux. Quand je viens à un pèlerinage comme celui de Lourdes, je dis à Dieu de faire en sorte que je sois quelqu'un de doux et calme. Mais la nervosité que Dieu lui-même a voulu mettre en moi comme défaut, il l'utilise en bien. Je ne peux pas m'énerver s'il n'y a rien qui énerve. Quand on attaque mon pays, la Côte d'Ivoire, le seul que j'ai sur cette terre, l'Esprit Saint réalise en moi quelque chose d'extraordinaire. Voyez-vous, où nous sommes assis là en ce moment, si quelqu'un lance un pétard à cet endroit, je serai le premier à prendre la fuite. Mais quand il s'agit d'une action militaire dirigée contre mon pays, je vous assure que je deviens immédiatement une autre personne. Et ce n'est qu'après mes interventions sur le terrain que je réalise ce que j'ai fait. Il y a une main divine qui soutient toujours mes actions. Je combats avec l'aide de Dieu. Je ne suis jamais parti sur un terrain de bataille sans invoquer la Vierge Marie. Et j'ai toujours eu le dessus sur mes adversaires.
Q : En venant prier ici à Lourdes avec d'autres militaires, est-ce à dire que pour vous, c'est finalement Dieu qu'il faut pour sauver la Côte d'Ivoire et non les batailles militaires aux conséquences désastreuses ?
JNA : Mais c'est Dieu qui aide la Côte d'Ivoire, c'est pourquoi notre pays est resté debout malgré tout. Nous, militaires, qui avions eu à faire des interventions sur le terrain au plus fort de la guerre, nous nous rendons bien compte aujourd'hui que humainement, tactiquement et techniquement, les choses ne sont pas possibles sans la main de Dieu. Faisons revivre un peu l'attaque de la Caserne d'Akouédo par des rebelles, du 1er au 2 janvier 2005. Le Général Guiai Bi Poin donne des instructions, d'abord au Cecos pour faire une interdiction au niveau du corridor sur la route de Bingerville, puis il m'envoie pour entrer à l'intérieur de la caserne d'Akouédo pour détruire l'ennemi qui avait déjà occupé effectivement les lieux. Nous avions trois engins ; nous sommes partis avec un peloton blindé. Mais en tenant compte du matériel militaire qu'il y avait déjà sur place à l'intérieur de la caserne et dont l'ennemi pouvait faire usage. Je rappelle que nous savions que le rapport de force était inégal, puisque nous n'avions que trois engins. Mais j'avais foi en Dieu et j'étais convaincu que c'est l'Eternel qui m'avait désigné pour accomplir cette tâche, aussi délicate soit-elle. J'étais convaincu que mes éléments et moi devions chasser les rebelles de la Caserne d'Akouédo, ce 1er janvier 2005. Et nous l'avons fait. J'insiste sur le fait que j'avais seulement trois engins et l'ennemi avait donc plus d'armes que moi. Mais, j'avais eu à faire mon intervention avec la main de Dieu. Et ça a été comme ça au cours de toutes mes interventions durant la crise. J'ai toujours combattu avec Dieu à mes côtés. Vous comprenez que je ne peux pas laisser Dieu, ni aujourd'hui, ni demain. Et je suis à mon cinquième pèlerinage à Lourdes.
Q : Vos pèlerinages à Lourdes vous ont donc beaucoup apporté ?
JNA : Ah oui ! Mes pèlerinages à Lourdes m'ont apporté assurance et bénédictions dans ma vie. D'abord au niveau familial. Ma femme avait quelques difficultés au niveau de l'enfantement, il y a quelques années. Je suis venu à Lourdes avec elle et ces difficultés-là ont été surmontées. A l'heure où je vous parle, j'ai trois enfants avec mon épouse. Moi, je bénéficie de la protection de Dieu. Dieu nous parle ici à Lourdes. Dieu nous dit qu'il y aura des difficultés une fois de retour au pays, mais que nous allons surmonter ces difficultés. Aujourd'hui où je suis venu à Lourdes, les choses de Dieu sont très claires dans ma tête. Le Seigneur m'a révélé que cette crise que nous vivons en Côte d'Ivoire, nous allons la terminer par une guerre. Et Dieu me donne l'assurance que ces affrontements déboucheront sur la victoire de l'Armée à laquelle j'appartiens. Moi, je suis déjà averti. Et ça, je le dis pour devancer les événements, pour que quand ça arrive, on sache que c'est Dieu qui l'a voulu et qui l'a réalisé.
Q : Mon Commandant, vous êtes en train de dire que l'Accord politique de Ouagadougou ne pourra pas mettre fin à la crise que connaît la Côte d'Ivoire ?
JNA : Les politiciens font leur travail. Moi je suis militaire, je suis un homme de Dieu, je suis homme du métier des armes. Ce que je sais par rapport à l'histoire et par rapport à ce que nous voyons à travers le monde, c'est que quand il y a une rébellion dans un pays, on ne peut pas parvenir à une paix véritable par la force des accords. Pour qu'il y ait une véritable paix en Côte d'Ivoire, il faut que l'une des deux armées en conflit gagne la guerre. On ne peut pas contourner cela et dire qu'on va aller à la paix avec les accords signés sur papier. En tout cas, il y a très peu de chance que les accords - je ne sais plus combien les gens ont déjà signés - aboutissent à une paix véritable en Côte d'Ivoire. Si ça marche, tant mieux. Quant à moi, je suis convaincu qu'il y a une dernière guerre que je dois livrer contre l'ennemi pour une paix définitive en Côte d'Ivoire. Il y aura une guerre de libération et cette guerre, je vais la faire.
Q : Vous annoncez que les Ivoiriens doivent s'attendre à une reprise des hostilités entre les FDSCI (Forces de défense et de sécurité de Côte d'Ivoire) et les FN (Forces nouvelles), mais aucun signe ne l'indique cependant...
JNA : Les signes vont se préciser quand nous allons arriver en Côte d'Ivoire (l'interview a été réalisée à Lourdes, en France, le 22 mai 2010). Les signes vont se préciser par eux-mêmes. Vous verrez bien qu'à un moment donné, les accords qui sont là vont avoir des limites. Et ce n'est pas loin, ce temps-là. Vous savez, quand je prie pour la Côte d'Ivoire, je ne demande pas à Dieu de nous donner la paix. Je lui dis : " Seigneur, fais en sorte que nous ayons un pays de personnes converties ". Parce qu'en Côte d'Ivoire, notre problème, c'est qu'on a besoin de conversion. On ment beaucoup, on n'a pas honte du mensonge, on est une bande d'hypocrites et d'infidèles. Nous avons des accords pour lesquels tout le monde dit qu'on va aller à la paix. Ça fait des années que ça dure, tout ça ! Et les Ivoiriens ne croient plus en rien. Les rebelles avec qui on a signé les accords, ils changent de parole et montent les enchères à tout moment. Moi, je ne crois plus en rien puisqu'on ne sait même plus qui instruit les rebelles. Prions pour la conversion de nos dirigeants, prions pour qu'on ait, comme les évêques le disent, des responsables imbibés de l'Esprit Saint. De sorte à ce qu'ils pensent à la souffrance du peuple.
Q : Vous ramez à contre-courant des discours officiels et optimistes sur les accords signés, pourquoi ?
JNA : Moi je dis ce que je pense et ce que Dieu m'inspire. Les hautes autorités font ce qu'elles peuvent faire, mais la réalité est là. Vous savez, les conditions d'un dialogue franc et sincère seront réunies en Côte d'Ivoire, quand il y aura un véritable vainqueur de la guerre. Moi je suis rentré à l'Ecole Militaire Préparatoire (EMPT) à douze ans. On ne m'a jamais appris qu'un militaire obtient la paix par les accords signés. On ne m'a pas appris cela dans ma formation. Ce qu'on m'a appris, c'est que quand mon pays est attaqué, je dois me battre pour le libérer. C'est pour cela que nous, militaires, nous sommes payés. Et c'est aussi pour cela que quand nous, militaires, avons un retard au niveau de nos soldes, nous nous mettons en colère. La Côte d'Ivoire me nourrit pour que si demain elle est attaquée, je parte la défendre. On ne m'a jamais dit que s'il y a une crise, je dois me baser sur des accords écrits ou non pour avoir la paix. Aujourd'hui, si par miracle, nous avons obtenu la paix par les accords que les gens ont signés, mais ce sera une bonne chose. Cela aura permis de préserver des vies. Mais si nous devons passer par les affrontements pour obtenir la paix véritable et définitive – et je crois que c'est ce qui sera fait – moi Abéhi je suis prêt.
Q : Dieu est-il un Dieu de guerre pour vous ?
JNA : Ecoutez, Dieu est un Dieu de paix. Mais je dis que Dieu m'utilise comme l'instrument de l'expression de sa colère. Donc je suis dans le rôle que Dieu m'a donné. Si c'est pour parler de négociations politiques et autres, moi je ne me sens pas concerné. Ça, ce sont les hommes politiques qui le font. Quand je viens à Lourdes comme c'est le cas en ce moment, je prie dans le sens que mon pays se convertisse. Et je dis à Dieu : ''Seigneur, s'ils ne veulent pas se convertir et qu'on doit arriver à l'affrontement, faites tout pour me donner la victoire pour que le bien triomphe du mal''. Je sais que beaucoup de personnes diront que je suis un va-t-en-guerre. Non ! Je ne crois pas que les accords puissent donner la paix à la Côte d'Ivoire. Il s'agit de croire ou de ne pas croire. Moi je ne crois pas à la paix, si on continue d'évoluer dans les conditions actuelles. En Côte d'Ivoire, on a en face deux groupes qui ne regardent pas dans la même direction, deux groupes qui ne pensent pas la même chose. Dans l'affaire, il y a des honnêtes et des malhonnêtes. C'est pourquoi je suis pessimiste et beaucoup d'Ivoiriens le sont avec moi. C'est un discours que moi je tiens depuis le début de la crise.
Q : Mon Commandant, les FDS ont-elles encore les moyens de donner la paix à la Côte d'Ivoire par les armes ?
JNA : Mais nous l'avons toujours démontré. Dans l'opération ''Alangbassou'' de 2003, reprise plus tard sous la forme de l'opération ''Dignité'', nous avions montré que pour mater la rébellion qui est là, on n'avait pas besoin de plusieurs unités. Je vous rappelle que lors de l'opération ''Alangbassou'', les Français m'avaient détruit un char, mais on pouvait en finir avec cette rébellion. Dieu nous donne toujours les moyens pour combattre le mal. C'est ce que nous faisons.
Q : On dit que vous n'êtes pas un militaire comme les autres et que vous seriez assez ''préparé'' mystiquement. N'est-ce pas pour cela que vous n'hésitez pas à parler de guerre ?
JNA : Oh, j'ai entendu dire, moi aussi, ce genre de chose me concernant. Les gens ont effectivement ouvert le feu sur moi à bout portant, mais que cela ne m'a pas atteint. Lors de l'attaque de la résidence du Général Robert Guéi, un militaire, qu'on appelait la Grenade, avait vidé un chargeur de 32 cartouches sur moi. Mais je ne suis pas mort. Les éléments qui étaient avec moi sur le terrain m'ont déclaré mort sur le réseau de la Gendarmerie. Mais, je suis apparu dix minutes après pour leur dire que j'étais vivant. Dieu est un bouclier pour moi quand je mène des batailles. Dieu est un bouclier pour celui ou celle qui croit en lui. Quand vous n'êtes pas à demi dans votre fonctionnement avec Dieu, il est un protecteur sûr pour vous. Moi, je l'ai expérimenté à chacune des batailles que j'ai menées. Alors, quand on voit qu'on a tiré sur moi que je ne suis pas mort, la première idée, c'est de croire que je suis allé voir un féticheur. Non et non, ma protection, c'est Dieu. Je passe un bon temps dans la prière. Et c'est dans la prière que je communie avec Dieu. Dieu m'a donné une mission, celle de protéger mon pays et de lui donner la paix définitive.
Q : Vous évoquez un Dieu de paix et vous voulez la reprise de la guerre dans votre pays, on vous comprend difficilement.
JNA : Pourtant, je suis assez clair dans mes propos. Je vous dis que je veux la paix pour mon pays, mais que cette paix, la vraie souhaitée par les Ivoiriens, ne viendra pas avec les accords qu'on a. C'est tout ce que je dis. Ma position peut paraître étonnante pour vous. Comme c'est étonnant aussi que dans la Bible, on ait des grands combattants comme David que Dieu a aimé, comme Salomon avec toute sa sagesse. Je voudrais rappeler que l'initiateur de l'ensemble des actions caritatives détenues par l'Eglise Catholique - il y en a en Côte d'Ivoire - c'est Saint Martin qui était un militaire. Il avait estimé qu'il fallait s'occuper des pauvres, des sans-abri et autres. Ceci pour dire que le métier de militaire que nous exerçons, c'est la branche armée du gouvernement de Jésus Christ. On lit souvent dans la Bible l'expression de la colère de Dieu. Quand Dieu est en colère, ce n'est pas lui qui descend pour aller exécuter. Ce sont des anges qui exécutent la colère de Dieu. C'est pour cela qu'on parle d'Anges de la colère. Moi, j'exécute ma mission dans le cadre d'un ordre divin. Si je sors mon pistolet et j'abats un citoyen qui va tranquillement au travail, mais je tombe sous le coup de la loi biblique qui stipule : "Tu ne tueras point''. Mais quand un bandit entre dans une foule et se met à tirer sur des gens faisant des morts, je l'abats immédiatement et je suis sans remords. Je n'ai aucun remords au niveau de ma conscience parce que le calcul que je fais, c'est qu'en supprimant la vie de ce bandit, j'en sauve plusieurs autres. Dès lors, la vie du bandit est moins importante que celle de l'ensemble des personnes qu'il voulait éliminer.
Q : Quel message à vos frères d'armes au moment où vous êtes au terme de votre pèlerinage de Lourdes ?
JNA : Je dis à mes frères d'armes qu'un militaire a besoin de Dieu pour vaincre dans tous ses combats, pour combattre le mal. Un militaire a besoin de Dieu pour ne pas se laisser manipuler. Comme je l'ai dit tout à l'heure, si on doit faire une dernière bataille pour libérer définitivement les Ivoiriens, pour que la Côte d'Ivoire soit réunifiée et pour qu'on ait toutes les ressources du pays pour aider le pays, il la faut cette guerre. Je ne suis pas un va-t-en-guerre. Mais je dis, s'il faut faire ce sacrifice pour que très rapidement on arrête la souffrance des Ivoiriens, il faut le faire. Donc le message à mes frères d'armes, c'est qu'ils ont besoin de Dieu pour que Dieu puisse les éclairer.
In l’Inter du 22 mai 2010
Q : Mon Commandant, beaucoup de personnes en Côte d'Ivoire s'étonneraient de savoir que vous êtes chrétien, vous qui avez mené d'intenses combats au plus fort de la crise, avec les conséquences qu'on sait. Est-ce le temps de la repentance ?
Jean Noël Abéhi : Je suis chrétien et je suis né dans une famille chrétienne, précisément un 24 décembre. Ma mère était maîtresse de ch?ur. Et ce n'est pas un hasard si je porte le nom 22 mai 2010. Je ne fais rien sans Dieu. La main de Dieu est partout. Moi je suis de tempérament nerveux. Mais Dieu sait pourquoi il m'a fait nerveux. Quand je viens à un pèlerinage comme celui de Lourdes, je dis à Dieu de faire en sorte que je sois quelqu'un de doux et calme. Mais la nervosité que Dieu lui-même a voulu mettre en moi comme défaut, il l'utilise en bien. Je ne peux pas m'énerver s'il n'y a rien qui énerve. Quand on attaque mon pays, la Côte d'Ivoire, le seul que j'ai sur cette terre, l'Esprit Saint réalise en moi quelque chose d'extraordinaire. Voyez-vous, où nous sommes assis là en ce moment, si quelqu'un lance un pétard à cet endroit, je serai le premier à prendre la fuite. Mais quand il s'agit d'une action militaire dirigée contre mon pays, je vous assure que je deviens immédiatement une autre personne. Et ce n'est qu'après mes interventions sur le terrain que je réalise ce que j'ai fait. Il y a une main divine qui soutient toujours mes actions. Je combats avec l'aide de Dieu. Je ne suis jamais parti sur un terrain de bataille sans invoquer la Vierge Marie. Et j'ai toujours eu le dessus sur mes adversaires.
Q : En venant prier ici à Lourdes avec d'autres militaires, est-ce à dire que pour vous, c'est finalement Dieu qu'il faut pour sauver la Côte d'Ivoire et non les batailles militaires aux conséquences désastreuses ?
JNA : Mais c'est Dieu qui aide la Côte d'Ivoire, c'est pourquoi notre pays est resté debout malgré tout. Nous, militaires, qui avions eu à faire des interventions sur le terrain au plus fort de la guerre, nous nous rendons bien compte aujourd'hui que humainement, tactiquement et techniquement, les choses ne sont pas possibles sans la main de Dieu. Faisons revivre un peu l'attaque de la Caserne d'Akouédo par des rebelles, du 1er au 2 janvier 2005. Le Général Guiai Bi Poin donne des instructions, d'abord au Cecos pour faire une interdiction au niveau du corridor sur la route de Bingerville, puis il m'envoie pour entrer à l'intérieur de la caserne d'Akouédo pour détruire l'ennemi qui avait déjà occupé effectivement les lieux. Nous avions trois engins ; nous sommes partis avec un peloton blindé. Mais en tenant compte du matériel militaire qu'il y avait déjà sur place à l'intérieur de la caserne et dont l'ennemi pouvait faire usage. Je rappelle que nous savions que le rapport de force était inégal, puisque nous n'avions que trois engins. Mais j'avais foi en Dieu et j'étais convaincu que c'est l'Eternel qui m'avait désigné pour accomplir cette tâche, aussi délicate soit-elle. J'étais convaincu que mes éléments et moi devions chasser les rebelles de la Caserne d'Akouédo, ce 1er janvier 2005. Et nous l'avons fait. J'insiste sur le fait que j'avais seulement trois engins et l'ennemi avait donc plus d'armes que moi. Mais, j'avais eu à faire mon intervention avec la main de Dieu. Et ça a été comme ça au cours de toutes mes interventions durant la crise. J'ai toujours combattu avec Dieu à mes côtés. Vous comprenez que je ne peux pas laisser Dieu, ni aujourd'hui, ni demain. Et je suis à mon cinquième pèlerinage à Lourdes.
Q : Vos pèlerinages à Lourdes vous ont donc beaucoup apporté ?
JNA : Ah oui ! Mes pèlerinages à Lourdes m'ont apporté assurance et bénédictions dans ma vie. D'abord au niveau familial. Ma femme avait quelques difficultés au niveau de l'enfantement, il y a quelques années. Je suis venu à Lourdes avec elle et ces difficultés-là ont été surmontées. A l'heure où je vous parle, j'ai trois enfants avec mon épouse. Moi, je bénéficie de la protection de Dieu. Dieu nous parle ici à Lourdes. Dieu nous dit qu'il y aura des difficultés une fois de retour au pays, mais que nous allons surmonter ces difficultés. Aujourd'hui où je suis venu à Lourdes, les choses de Dieu sont très claires dans ma tête. Le Seigneur m'a révélé que cette crise que nous vivons en Côte d'Ivoire, nous allons la terminer par une guerre. Et Dieu me donne l'assurance que ces affrontements déboucheront sur la victoire de l'Armée à laquelle j'appartiens. Moi, je suis déjà averti. Et ça, je le dis pour devancer les événements, pour que quand ça arrive, on sache que c'est Dieu qui l'a voulu et qui l'a réalisé.
Q : Mon Commandant, vous êtes en train de dire que l'Accord politique de Ouagadougou ne pourra pas mettre fin à la crise que connaît la Côte d'Ivoire ?
JNA : Les politiciens font leur travail. Moi je suis militaire, je suis un homme de Dieu, je suis homme du métier des armes. Ce que je sais par rapport à l'histoire et par rapport à ce que nous voyons à travers le monde, c'est que quand il y a une rébellion dans un pays, on ne peut pas parvenir à une paix véritable par la force des accords. Pour qu'il y ait une véritable paix en Côte d'Ivoire, il faut que l'une des deux armées en conflit gagne la guerre. On ne peut pas contourner cela et dire qu'on va aller à la paix avec les accords signés sur papier. En tout cas, il y a très peu de chance que les accords - je ne sais plus combien les gens ont déjà signés - aboutissent à une paix véritable en Côte d'Ivoire. Si ça marche, tant mieux. Quant à moi, je suis convaincu qu'il y a une dernière guerre que je dois livrer contre l'ennemi pour une paix définitive en Côte d'Ivoire. Il y aura une guerre de libération et cette guerre, je vais la faire.
Q : Vous annoncez que les Ivoiriens doivent s'attendre à une reprise des hostilités entre les FDSCI (Forces de défense et de sécurité de Côte d'Ivoire) et les FN (Forces nouvelles), mais aucun signe ne l'indique cependant...
JNA : Les signes vont se préciser quand nous allons arriver en Côte d'Ivoire (l'interview a été réalisée à Lourdes, en France, le 22 mai 2010). Les signes vont se préciser par eux-mêmes. Vous verrez bien qu'à un moment donné, les accords qui sont là vont avoir des limites. Et ce n'est pas loin, ce temps-là. Vous savez, quand je prie pour la Côte d'Ivoire, je ne demande pas à Dieu de nous donner la paix. Je lui dis : " Seigneur, fais en sorte que nous ayons un pays de personnes converties ". Parce qu'en Côte d'Ivoire, notre problème, c'est qu'on a besoin de conversion. On ment beaucoup, on n'a pas honte du mensonge, on est une bande d'hypocrites et d'infidèles. Nous avons des accords pour lesquels tout le monde dit qu'on va aller à la paix. Ça fait des années que ça dure, tout ça ! Et les Ivoiriens ne croient plus en rien. Les rebelles avec qui on a signé les accords, ils changent de parole et montent les enchères à tout moment. Moi, je ne crois plus en rien puisqu'on ne sait même plus qui instruit les rebelles. Prions pour la conversion de nos dirigeants, prions pour qu'on ait, comme les évêques le disent, des responsables imbibés de l'Esprit Saint. De sorte à ce qu'ils pensent à la souffrance du peuple.
Q : Vous ramez à contre-courant des discours officiels et optimistes sur les accords signés, pourquoi ?
JNA : Moi je dis ce que je pense et ce que Dieu m'inspire. Les hautes autorités font ce qu'elles peuvent faire, mais la réalité est là. Vous savez, les conditions d'un dialogue franc et sincère seront réunies en Côte d'Ivoire, quand il y aura un véritable vainqueur de la guerre. Moi je suis rentré à l'Ecole Militaire Préparatoire (EMPT) à douze ans. On ne m'a jamais appris qu'un militaire obtient la paix par les accords signés. On ne m'a pas appris cela dans ma formation. Ce qu'on m'a appris, c'est que quand mon pays est attaqué, je dois me battre pour le libérer. C'est pour cela que nous, militaires, nous sommes payés. Et c'est aussi pour cela que quand nous, militaires, avons un retard au niveau de nos soldes, nous nous mettons en colère. La Côte d'Ivoire me nourrit pour que si demain elle est attaquée, je parte la défendre. On ne m'a jamais dit que s'il y a une crise, je dois me baser sur des accords écrits ou non pour avoir la paix. Aujourd'hui, si par miracle, nous avons obtenu la paix par les accords que les gens ont signés, mais ce sera une bonne chose. Cela aura permis de préserver des vies. Mais si nous devons passer par les affrontements pour obtenir la paix véritable et définitive – et je crois que c'est ce qui sera fait – moi Abéhi je suis prêt.
Q : Dieu est-il un Dieu de guerre pour vous ?
JNA : Ecoutez, Dieu est un Dieu de paix. Mais je dis que Dieu m'utilise comme l'instrument de l'expression de sa colère. Donc je suis dans le rôle que Dieu m'a donné. Si c'est pour parler de négociations politiques et autres, moi je ne me sens pas concerné. Ça, ce sont les hommes politiques qui le font. Quand je viens à Lourdes comme c'est le cas en ce moment, je prie dans le sens que mon pays se convertisse. Et je dis à Dieu : ''Seigneur, s'ils ne veulent pas se convertir et qu'on doit arriver à l'affrontement, faites tout pour me donner la victoire pour que le bien triomphe du mal''. Je sais que beaucoup de personnes diront que je suis un va-t-en-guerre. Non ! Je ne crois pas que les accords puissent donner la paix à la Côte d'Ivoire. Il s'agit de croire ou de ne pas croire. Moi je ne crois pas à la paix, si on continue d'évoluer dans les conditions actuelles. En Côte d'Ivoire, on a en face deux groupes qui ne regardent pas dans la même direction, deux groupes qui ne pensent pas la même chose. Dans l'affaire, il y a des honnêtes et des malhonnêtes. C'est pourquoi je suis pessimiste et beaucoup d'Ivoiriens le sont avec moi. C'est un discours que moi je tiens depuis le début de la crise.
Q : Mon Commandant, les FDS ont-elles encore les moyens de donner la paix à la Côte d'Ivoire par les armes ?
JNA : Mais nous l'avons toujours démontré. Dans l'opération ''Alangbassou'' de 2003, reprise plus tard sous la forme de l'opération ''Dignité'', nous avions montré que pour mater la rébellion qui est là, on n'avait pas besoin de plusieurs unités. Je vous rappelle que lors de l'opération ''Alangbassou'', les Français m'avaient détruit un char, mais on pouvait en finir avec cette rébellion. Dieu nous donne toujours les moyens pour combattre le mal. C'est ce que nous faisons.
Q : On dit que vous n'êtes pas un militaire comme les autres et que vous seriez assez ''préparé'' mystiquement. N'est-ce pas pour cela que vous n'hésitez pas à parler de guerre ?
JNA : Oh, j'ai entendu dire, moi aussi, ce genre de chose me concernant. Les gens ont effectivement ouvert le feu sur moi à bout portant, mais que cela ne m'a pas atteint. Lors de l'attaque de la résidence du Général Robert Guéi, un militaire, qu'on appelait la Grenade, avait vidé un chargeur de 32 cartouches sur moi. Mais je ne suis pas mort. Les éléments qui étaient avec moi sur le terrain m'ont déclaré mort sur le réseau de la Gendarmerie. Mais, je suis apparu dix minutes après pour leur dire que j'étais vivant. Dieu est un bouclier pour moi quand je mène des batailles. Dieu est un bouclier pour celui ou celle qui croit en lui. Quand vous n'êtes pas à demi dans votre fonctionnement avec Dieu, il est un protecteur sûr pour vous. Moi, je l'ai expérimenté à chacune des batailles que j'ai menées. Alors, quand on voit qu'on a tiré sur moi que je ne suis pas mort, la première idée, c'est de croire que je suis allé voir un féticheur. Non et non, ma protection, c'est Dieu. Je passe un bon temps dans la prière. Et c'est dans la prière que je communie avec Dieu. Dieu m'a donné une mission, celle de protéger mon pays et de lui donner la paix définitive.
Q : Vous évoquez un Dieu de paix et vous voulez la reprise de la guerre dans votre pays, on vous comprend difficilement.
JNA : Pourtant, je suis assez clair dans mes propos. Je vous dis que je veux la paix pour mon pays, mais que cette paix, la vraie souhaitée par les Ivoiriens, ne viendra pas avec les accords qu'on a. C'est tout ce que je dis. Ma position peut paraître étonnante pour vous. Comme c'est étonnant aussi que dans la Bible, on ait des grands combattants comme David que Dieu a aimé, comme Salomon avec toute sa sagesse. Je voudrais rappeler que l'initiateur de l'ensemble des actions caritatives détenues par l'Eglise Catholique - il y en a en Côte d'Ivoire - c'est Saint Martin qui était un militaire. Il avait estimé qu'il fallait s'occuper des pauvres, des sans-abri et autres. Ceci pour dire que le métier de militaire que nous exerçons, c'est la branche armée du gouvernement de Jésus Christ. On lit souvent dans la Bible l'expression de la colère de Dieu. Quand Dieu est en colère, ce n'est pas lui qui descend pour aller exécuter. Ce sont des anges qui exécutent la colère de Dieu. C'est pour cela qu'on parle d'Anges de la colère. Moi, j'exécute ma mission dans le cadre d'un ordre divin. Si je sors mon pistolet et j'abats un citoyen qui va tranquillement au travail, mais je tombe sous le coup de la loi biblique qui stipule : "Tu ne tueras point''. Mais quand un bandit entre dans une foule et se met à tirer sur des gens faisant des morts, je l'abats immédiatement et je suis sans remords. Je n'ai aucun remords au niveau de ma conscience parce que le calcul que je fais, c'est qu'en supprimant la vie de ce bandit, j'en sauve plusieurs autres. Dès lors, la vie du bandit est moins importante que celle de l'ensemble des personnes qu'il voulait éliminer.
Q : Quel message à vos frères d'armes au moment où vous êtes au terme de votre pèlerinage de Lourdes ?
JNA : Je dis à mes frères d'armes qu'un militaire a besoin de Dieu pour vaincre dans tous ses combats, pour combattre le mal. Un militaire a besoin de Dieu pour ne pas se laisser manipuler. Comme je l'ai dit tout à l'heure, si on doit faire une dernière bataille pour libérer définitivement les Ivoiriens, pour que la Côte d'Ivoire soit réunifiée et pour qu'on ait toutes les ressources du pays pour aider le pays, il la faut cette guerre. Je ne suis pas un va-t-en-guerre. Mais je dis, s'il faut faire ce sacrifice pour que très rapidement on arrête la souffrance des Ivoiriens, il faut le faire. Donc le message à mes frères d'armes, c'est qu'ils ont besoin de Dieu pour que Dieu puisse les éclairer.
In l’Inter du 22 mai 2010