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Politique Publié le jeudi 7 février 2013 | L’expression

Kra Kouadio Maïzan (Juriste, doctorant à l’Université Félix Houphouët-Boigny) : « La loi d’amnistie a des limites »

Qu’est-ce qu’une loi d’amnistie ?

C’est la transposition du pardon en droit pénal. Il s’agit donc de l’acte qui accorde le pardon à l’auteur ou aux auteurs d’une infraction, ces derniers échappant ainsi à toute poursuite ou à toute condamnation au niveau pénal. Selon les termes de l’article 71 de la Constitution ivoirienne, l’amnistie est accordée à travers une loi. La compétence en revient donc à l’Assemblée nationale. Mais, exceptionnellement, le président de la République peut demander à cette Assemblée, l’autorisation de prendre une ordonnance d’amnistie. Cette possibilité lui est offerte par l’article 75 de la constitution, étant entendu que le président agit alors dans le cadre de l’exécution de son programme de réconciliation nationale.

Est-ce qu’il y a une catégorie de crimes qui ne peuvent pas être couverte par une loi d’amnistie ?

A priori, la Constitution ne pose pas de limites. C’est dire qu’en principe, toute infraction peut être amnistiée. Et il revient à la loi d’amnistie ou l’ordonnance d’amnistie de déterminer son champ d’application, tant sur le plan matériel, c'est-à-dire les faits et leur nature, la période des faits que spatial, c'est-à-dire le lieu des faits. Par exemple, la loi n°98-743 du 23 décembre 1998 portant amnistie des infractions commises dans le cadre des manifestations dites du boycott actif, a précisé la nature des faits ainsi que la période et le lieu de leur commission. Il en résulte que seuls, ces faits sont couverts par cette loi. Mais, conformément à l’article 108 du code pénal, l’amnistie est sans effet sur l’action civile. Cela veut dire que des particuliers peuvent, nonobstant l’amnistie, demander réparation par des dommages-intérêts, c’est-à-dire de l’argent, des préjudices subis en raison de cette infraction. Par exemple, tous ceux qui ont subi des dommages pendant la crise postélectorale peuvent demander réparation, même si une loi venait à amnistier les faits à l’origine desdits dommages. Toutefois, dans l’histoire de la Côte d’Ivoire, des textes d’amnistie ont pu étendre leurs effets sur le plan civil et empêcher toute réclamation de dommages-intérêts. Il en est ainsi de l’ordonnance n°2000- 24 du 26 janvier 2000 portant amnistie des infractions commises à l’occasion des manifestations politiques. Il en est de même de l’article 132 de la Constitution ivoirienne.

Est-il possible d’amnistier tous les événements de la crise postélectorale?
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Au plan interne, toutes les infractions peuvent être amnistiées. Mais ceci ne concerne que le droit national car, sur le plan international, des textes existent. Notamment, le statut de Rome permet justement de contourner une éventuelle amnistie accordée au niveau interne par un Etat-partie. En effet, lorsqu’un Etat lié par le Statut de Rome est juridiquement ou matériellement incapable de poursuivre des auteurs de crime de guerre, de génocide ou de crime contre l’humanité, alors la Cour pénale internationale devient compétente. C’est le principe de subsidiarité. Or, la Côte d’Ivoire deviendrait juridiquement incapable de poursuivre les personnes impliquées si elle venait à adopter une loi d’amnistie. Et, cette défaillance serait aussitôt comblée par la Cpi. En définitive, les auteurs des crimes ci-dessus mentionnés ne peuvent juridiquement échapper à la fois à la justice nationale et internationale.


Entretien réalisé par KB
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