Les multiples contorsions juridiques de la horde d’avocats dirigés par Me Emmanuel Altit, chargés de la défense de l’ancien président, Laurent Gbagbo, n’ y pourront visiblement rien. L’ex-homme fort d’Abidjan répondra bel et bien présent à l’audience de confirmation des charges retenues contre lui, prévue pour le 19 février prochain. Sauf cataclysme, la bataille des preuves sera donc livrée. Repoussée à maintes reprises, moins du fait de la perspicacité des défenseurs de Gbagbo que de la bonne disposition de la CPI à laisser à ceux-ci toute latitude d’épuiser tous les recours dont ils disposent en pareilles circonstances, l’audience tant redoutée par les Gbagboistes se déroulera. Finis donc le long feuilleton des innombrables requêtes en faveur du report, les débats de formes qui ont consisté à la présentation du suspect à la Cour pénal internationale, la foule de démarches de son équipe de défenseurs tendant à remettre en cause les capacités physiques, financières et mentales du chef de file des frontistes à subir un procès. Immanquablement, presque fatalement, les débats de fond dans l’affaire Gbagbo s’engageront mardi prochain à La Haye. Et par débats de fond, on comprend bien déballages à grandes échelles des nombreuses bestialités –perpétrées en particulier par la soldatesque, les mercenaires et milices de l’ex-dictateur – qui ont jonchés la route de la crise postélectorale. Dans les moindres détails, la procureure de la CPI, la gambienne Fatou Bensouda, est revenue sur des crimes qui donnent froid dans le dos. Massacres à grande échelle des populations, séquestrations, tortures, consumation d’êtres humains, rien n’a été oublié par l’accusation dans son dernier rapport à charges. Des faits jugés suffisamment graves par la chambre préliminaire I et la Cour d’appel pour qu’une liberté même provisoire soit accordée au détenu. Les juges ont chaque fois avancé pour justifier leur inflexibilité sur la question (de la liberté provisoire), la thèse d’une possible fuite du suspect, dont, en sus, l’activisme des réseaux tant en Europe qu’en Afrique ne plaidait pas en sa faveur. Tout le bruit qui a repris ces derniers jours exigeant entre autre la libération immédiate de Gbagbo n’obéit donc en réalité qu’à une campagne de distraction de l’opinion publique. Comme il est de coutume quand approche une date de son audience, la frénésie s’est encore emparée du camp Gbagbo. Les voix s’élèvent pour exiger sa libération au détriment des procédures judiciaires engagées et surtout au grand dam de ses nombreuses victimes qui crient justice à Abidjan et dans tout le pays. Son porte-parole, Koné Katina (lui-même devant la justice), le président de la jeunesse du FPI, Koua Justin, les exilés et les activistes pro-Gbagbo battent le pavé pour, disent-t-ils, réclamer la libération pure et simple de leur champion. Et le FPI dans le cadre du dialogue avec le gouvernement n’a pas hésité à demander au chef de l’Etat d’intervenir pour la cause son adversaire de l’élection présidentielle passée. C’est à croire que, dans l’entendement de ses inconditionnels, d’un coup de baguette magique, Gbagbo pourra être absous de tous ses crimes parce que, ici à Abidjan, à milles lieux des Pays-Bas, des loups auront hurlé à en perdre haleine pour lui ! En réalité, les partisans de l’ancien président ont compris que leur leader n’a aucune chance d’échapper à un procès voir à une condamnation devant le document corsé présenté par Fatou Bensouda. Là où on demande de brandir les preuves qui contredisent les arguments de l’accusation, ils glissent sur le terrain politique pour divertir l’opinion. Mais les juges de la CPI sont assez lucides pour décrypter le jeu. Laurent Gbagbo, accusé comme auteur direct et non co-auteur indirect, malgré les gesticulations de ses inconditionnels affrontera ses actes et surtout son sort. Ainsi va la justice.
Lacina Ouattara
Lacina Ouattara