Le Pr Franklin Nyamsi déshabille Tia Koné, Yao N’Dré, Bombet et Faustin Kouamé
La récente confession de Tia Koné, ancien président de la Cour suprême de Côte d’Ivoire continue de susciter des réactions. Dans cette contribution, l’universitaire franco-camerounais, Franklin Nyamsi décortique le comportement de ces hauts commis de l’Etat qui ont entraîné leur pays sur les chemins de la perdition.
De Yao N’Dré à Tia Koné : L’étrange psychologie des rétropédaleurs ivoiriens
1ère partie : Des ressemblances entre les rétropédaleurs
« La vie de l’homme est son affaire ; il peut en faire un gâchis ou une œuvre d’art »
Jean-Paul Sartre
Sous les yeux ahuris des téléspectateurs ivoiriens et africains, d’anciennes et éminentes personnalités des régimes ivoiriens précédents s’exercentces derniers temps avec une bien troublante dextérité à l’art complexe du rétropédalage politique. Ne faut-il pas creuser en profondeur la démarche osée des Paul Yao N’dré, Emile Constant Bombet ou Tia Koné pour comprendre de quelle texture morale la classe politique ivoirienne des vingt dernières années est faite ? Rétropédaler en politique, c’est non seulement se dédire, mais aussi dire qu’on s’était contredit avant pour mieux pouvoir se redire plus tard. C’est maudire ce qu’on a dit et fait autrefois, pour obtenir en retour d’être béni pour ce que l’on fait et pour ce que l’on promet désormais de faire à l’avenir. Rétropédaler en politique, c’est donc comme inventer une étrange machine à remonter le temps. Elle gomme les conséquences tout en maudissant les causes. Elle témoigne de la prégnance d’une étrange psychologie du double jeu chez le rétropédaleur politique. Il pense comme une machine à calculer truquée, qui ne tiendrait compte que des additions avantageuses au calculateur. La fonction de la machine à rétropédaler serait de faire quasiment fi des conséquences négatives de ce que l’on a dit et fait par le passé pour mettre en lumière le spectacle de repentance et d’auto-mortification exemplaire que l’on offre au public. Ainsi compte-t-on négocier une renaissance politique extraordinaire, puisée à l’aune du courage audacieux de se défaire de soi-même comme d’une peau surannée, en vue d’une mue en une vie nouvelle, pure, parfaite, exemplairement désintéressée. L’enfer, pourtant, est toujours pavé de bonnes intentions. Ceux qui reconnaissent enfin aujourd’hui que la conception xénophobe, identitaire, exclusiviste de la citoyenneté qui a mis le feu aux poudres de la Côte d’Ivoire contemporaine était une aberration ne peuvent nous empêcher de questionner leur nouvelle contrition spectaculaire : peut-on accorder que si l’intention de nos nouveaux repentis de l’ivoirité est sincère, l’exigence de réconciliation nationale actuellement prégnante devrait inciter le régime Ouattara à leur ouvrir largement les portes des institutions supérieures de la Républiques, en les accueillant maillets battants comme ces enfants prodigues qu’on attendait de longue date pour que l’apothéose de la nation réconciliée ait lieu ? J’en doute fortement. Dans la présente tribune : 1) je voudrais relever les caractéristiques générales, mais aussi les failles de la psychologie des rétropédaleurs qu’incarnent bien messieurs Yao N’Dré, Emile Constant Bombet et Tia Koné. 2) Je voudrais ensuite m’interroger sur les avantages et inconvénients de cette nouvelle tactique politique dans le cadre d’une vision stratégique et éthique du processus de la réconciliation ivoirienne. 3) Je voudrais enfin montrer pourquoi, une éthique de la justice et du pardon est infiniment préférable à la psychologie du rétropédalage politique que nous donnent tristement à voir ces gloires sinistres et cyniques des temps anti-démocratiques révolus.
I
Des ressemblances entre les rétropédaleurs Yao N’dré-Bombet- Tia Koné
Nos trois personnages se ressemblent un peu trop pour que leur proximité comportementale puisse passer inaperçue :
D’abord, ce sont des hommes qui ont marqué leur temps par l’exercice abusif et radical des pouvoirs qui leur étaient confiés. Président du Conseil Constitutionnel sous Laurent Gbagbo, le professeur Paul Yao N’Dré en avait fait le temple du droit de la Refondation de disposer du droit des Ivoiriens dans tous les cas de figure. Caisse de résonance du FPI, la cour constitutionnelle de Yao N’dré était fière d’être la cour pulsionnelle du maître d’Abidjan, décidé à disposer par elle, de la main sur l’art de faire ou de défaire ses adversaires sur tapis vert, comme en Octobre 2000. En proclamant contre la vérité Laurent Gbagbo vainqueur des élections présidentielles 2010, Paul Yao N’Dré arme le régime frontiste de la hargne arrogante dont il usera pour semer la mort en vertu d’un droit dont il croit l’usurpation parfaitement déguisée par l’arrêt du conseil constitutionnel. Yao N’Dré viole l’âme de la nation en livrant lâchement le pays à ceux qu’il n’a pas choisis. Emile Constant Bombet eut ses heures de gloire sous Henri Konan Bédié, dont il fut un intrépide ministre de l’Administration territoriale, gardien de l’espace régalien de fait de la citoyenneté ivoirienne et de l’intérieur. Qui pourrait oublier la terrible contribution d’Emile Constant Bombet au raidissement des lois, à la traque aux Ivoiriens du Nord affublés a priori du préjugé défavorable de nationalité douteuse voire d’apatridie ? Qui pourrait oublier, dans la même veine qu’un Faustin Kouamé nourri à la mamelle haineuse des travaux de la tristement célèbre cellule du CURDIPHE, les coups de boutoir portés par le Ministre d’Etat Emile Constant Bombet à la citoyenneté ivoirienne pourtant si évidente du président du Rdr alors, le docteur Alassane Dramane Ouattara ? Quant à M. Tia Koné, l’arrêt du 6 octobre 2000 ne viendra que confirmer le venin dont il fut porteur de longue date contre toutes les conceptions inclusives de la citoyenneté ivoirienne. C’est avec rage et détermination qu’il fait le sale boulot de Gbagbo et de Guéi ce 6 octobre famélique, brisant les chances de la Côte d’Ivoire de voir des élections véritablement démocratiques arbitrer la compétition successorale initiée dans le pays depuis la mort de Félix Houphouët-Boigny en 1993.
Ensuite, nos amateurs du rétropédalage politique ont en commun d’entretenir l’ignorance feinte des victimes directes – fort nombreuses du reste- de leurs forfaitures juridico-politiques. Ils n’en parlent jamais expressément. Pourquoi ? Cela viendrait compliquer leur opération de gommage. C’est par dizaines qu’on compte des morts dans les conflits fratricides excités par l’idéologie ivoiritaire dans la Côte d’Ivoire d’Henri Konan Bédié et de Bombet. Qui donc, de ce temps-là, a compris que ces affrontements ethniques étaient de fait à mettre sous la responsabilité des principales autorités politiques d’alors qui avaient entonné l’hymne sinistre de l’exclusion identitaire ? C’est par centaines et rapidement par milliers qu’on comptera les morts sous la république de Gbagbo, du charnier de Yopougon en octobre 2000 aux trois mille morts de la crise postélectorale, sans oublier les centaines de morts de la confrontation multiforme entre les FDS et le MPCI-Forces Nouvelles entre 2002 et 2005 notamment. Qui a compris, de cette époque-là, que c’est l’échec des Accords de Lomé, Marcoussis, Prétoria, qui aura ainsi coûté des vies supplémentaires au peuple de Côte d’Ivoire ? Artisans fondamentaux de cet échec, car faucons parmi les faucons de la Refondation, Tia Koné comme Yao N’Dré sauront-ils porter tous ces morts sur la conscience au lieu et avant de s’envisager une réhabilitation politique ?
Enfin, nos trois rétropédaleurs politiques sont liés par leur commune invocation du contexte comme circonstance atténuant leur responsabilité singulière dans les tragédies du pays. Pour Emile Constant Bombet, l’excuse, c’est d’avoir été au service du Président Bédié contre Alassane Ouattara. Ainsi, Bombet se défilera-t-il derrière un seul argument : l’exécution des ordres du président d’alors, dont il était l’obligé. N’est-ce pas un aveu de lâcheté et d’irresponsabilité ? Comment croire qu’un homme incapable de décider en ses âme et conscience des actes qu’il pose contre un autre soit capable de changer uniquement parce qu’il rétropédale sur ses actes abominables passés ? La question profonde ici est celle du courage de la vérité et du courage citoyen. Sans ces qualités, à quoi sert la meilleure des repentances, sinon à amuser la galerie ? Yao N’Dré nous dira aussi qu’il a été, comme tous les acteurs politiques Ivoiriens, le jouet du diable. Dans cette vague accusation contre un ennemi lui-même imaginaire, il y a la volonté de se défaire de ses actes sur l’ambiance qui régnait, les circonstances qui s’imposaient, le rapport de forces d’alors, etc. Mais que vaut dès lors la contrition du sieur Yao N’Dré, puisque les mêmes causes provoquant les mêmes effets, il ne pourrait manquer plus tard d’expliquer la négation de la décision constitutionnelle de décembre 2010 par les pressions conjoncturelles qu’il aurait subies de la part du régime d’Alassane Ouattara ? L’invocation du contexte pour se défaire de sa propre impotence morale est décidément une arme rhétorique du ponce-pilatisme. Enfin, Tia Koné, avec le verbe haut qu’on lui connaît et ses affectations tonales à la Malraux, peut invoquer le contexte politique électrique d’octobre 2000 pour justifier de sa forfaiture lamentable au service d’un Laurent Gbagbo converti en putschiste contre la démocratie. On n’en conclura jamais qu’il a été le pantin des autres, mais plutôt un acteur conscient et déterminé dans la politique identitaire qui trônait alors dans les arcanes de la République. Il importe dès lors, plus que jamais, de rappeler à nos rétropédaleurs politiques le principe éthique de liberté que Jean-Paul Sartre formule si bien : « La vie de l’homme est son affaire ; il peut en faire un gâchis ou une œuvre d’art ». Les forfaitures politiques, quand elles provoqué tant de dégâts humains, ne doivent-elles pas au moins se sanctionner du retrait définitif de la vie politique ? Ceux qui, à un si haut niveau de responsabilité, ont essentiellement fait de leur carrière politique le lamentable gâchis de l’ivoirité ne doivent-ils pas avoir le courage de faire désormais profil bas jusqu’à la fin de leurs jours ? Nous y reviendrons.
Une tribune internationale de Franklin Nyamsi
Professeur agrégé de philosophie, Paris, France
La récente confession de Tia Koné, ancien président de la Cour suprême de Côte d’Ivoire continue de susciter des réactions. Dans cette contribution, l’universitaire franco-camerounais, Franklin Nyamsi décortique le comportement de ces hauts commis de l’Etat qui ont entraîné leur pays sur les chemins de la perdition.
De Yao N’Dré à Tia Koné : L’étrange psychologie des rétropédaleurs ivoiriens
1ère partie : Des ressemblances entre les rétropédaleurs
« La vie de l’homme est son affaire ; il peut en faire un gâchis ou une œuvre d’art »
Jean-Paul Sartre
Sous les yeux ahuris des téléspectateurs ivoiriens et africains, d’anciennes et éminentes personnalités des régimes ivoiriens précédents s’exercentces derniers temps avec une bien troublante dextérité à l’art complexe du rétropédalage politique. Ne faut-il pas creuser en profondeur la démarche osée des Paul Yao N’dré, Emile Constant Bombet ou Tia Koné pour comprendre de quelle texture morale la classe politique ivoirienne des vingt dernières années est faite ? Rétropédaler en politique, c’est non seulement se dédire, mais aussi dire qu’on s’était contredit avant pour mieux pouvoir se redire plus tard. C’est maudire ce qu’on a dit et fait autrefois, pour obtenir en retour d’être béni pour ce que l’on fait et pour ce que l’on promet désormais de faire à l’avenir. Rétropédaler en politique, c’est donc comme inventer une étrange machine à remonter le temps. Elle gomme les conséquences tout en maudissant les causes. Elle témoigne de la prégnance d’une étrange psychologie du double jeu chez le rétropédaleur politique. Il pense comme une machine à calculer truquée, qui ne tiendrait compte que des additions avantageuses au calculateur. La fonction de la machine à rétropédaler serait de faire quasiment fi des conséquences négatives de ce que l’on a dit et fait par le passé pour mettre en lumière le spectacle de repentance et d’auto-mortification exemplaire que l’on offre au public. Ainsi compte-t-on négocier une renaissance politique extraordinaire, puisée à l’aune du courage audacieux de se défaire de soi-même comme d’une peau surannée, en vue d’une mue en une vie nouvelle, pure, parfaite, exemplairement désintéressée. L’enfer, pourtant, est toujours pavé de bonnes intentions. Ceux qui reconnaissent enfin aujourd’hui que la conception xénophobe, identitaire, exclusiviste de la citoyenneté qui a mis le feu aux poudres de la Côte d’Ivoire contemporaine était une aberration ne peuvent nous empêcher de questionner leur nouvelle contrition spectaculaire : peut-on accorder que si l’intention de nos nouveaux repentis de l’ivoirité est sincère, l’exigence de réconciliation nationale actuellement prégnante devrait inciter le régime Ouattara à leur ouvrir largement les portes des institutions supérieures de la Républiques, en les accueillant maillets battants comme ces enfants prodigues qu’on attendait de longue date pour que l’apothéose de la nation réconciliée ait lieu ? J’en doute fortement. Dans la présente tribune : 1) je voudrais relever les caractéristiques générales, mais aussi les failles de la psychologie des rétropédaleurs qu’incarnent bien messieurs Yao N’Dré, Emile Constant Bombet et Tia Koné. 2) Je voudrais ensuite m’interroger sur les avantages et inconvénients de cette nouvelle tactique politique dans le cadre d’une vision stratégique et éthique du processus de la réconciliation ivoirienne. 3) Je voudrais enfin montrer pourquoi, une éthique de la justice et du pardon est infiniment préférable à la psychologie du rétropédalage politique que nous donnent tristement à voir ces gloires sinistres et cyniques des temps anti-démocratiques révolus.
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Des ressemblances entre les rétropédaleurs Yao N’dré-Bombet- Tia Koné
Nos trois personnages se ressemblent un peu trop pour que leur proximité comportementale puisse passer inaperçue :
D’abord, ce sont des hommes qui ont marqué leur temps par l’exercice abusif et radical des pouvoirs qui leur étaient confiés. Président du Conseil Constitutionnel sous Laurent Gbagbo, le professeur Paul Yao N’Dré en avait fait le temple du droit de la Refondation de disposer du droit des Ivoiriens dans tous les cas de figure. Caisse de résonance du FPI, la cour constitutionnelle de Yao N’dré était fière d’être la cour pulsionnelle du maître d’Abidjan, décidé à disposer par elle, de la main sur l’art de faire ou de défaire ses adversaires sur tapis vert, comme en Octobre 2000. En proclamant contre la vérité Laurent Gbagbo vainqueur des élections présidentielles 2010, Paul Yao N’Dré arme le régime frontiste de la hargne arrogante dont il usera pour semer la mort en vertu d’un droit dont il croit l’usurpation parfaitement déguisée par l’arrêt du conseil constitutionnel. Yao N’Dré viole l’âme de la nation en livrant lâchement le pays à ceux qu’il n’a pas choisis. Emile Constant Bombet eut ses heures de gloire sous Henri Konan Bédié, dont il fut un intrépide ministre de l’Administration territoriale, gardien de l’espace régalien de fait de la citoyenneté ivoirienne et de l’intérieur. Qui pourrait oublier la terrible contribution d’Emile Constant Bombet au raidissement des lois, à la traque aux Ivoiriens du Nord affublés a priori du préjugé défavorable de nationalité douteuse voire d’apatridie ? Qui pourrait oublier, dans la même veine qu’un Faustin Kouamé nourri à la mamelle haineuse des travaux de la tristement célèbre cellule du CURDIPHE, les coups de boutoir portés par le Ministre d’Etat Emile Constant Bombet à la citoyenneté ivoirienne pourtant si évidente du président du Rdr alors, le docteur Alassane Dramane Ouattara ? Quant à M. Tia Koné, l’arrêt du 6 octobre 2000 ne viendra que confirmer le venin dont il fut porteur de longue date contre toutes les conceptions inclusives de la citoyenneté ivoirienne. C’est avec rage et détermination qu’il fait le sale boulot de Gbagbo et de Guéi ce 6 octobre famélique, brisant les chances de la Côte d’Ivoire de voir des élections véritablement démocratiques arbitrer la compétition successorale initiée dans le pays depuis la mort de Félix Houphouët-Boigny en 1993.
Ensuite, nos amateurs du rétropédalage politique ont en commun d’entretenir l’ignorance feinte des victimes directes – fort nombreuses du reste- de leurs forfaitures juridico-politiques. Ils n’en parlent jamais expressément. Pourquoi ? Cela viendrait compliquer leur opération de gommage. C’est par dizaines qu’on compte des morts dans les conflits fratricides excités par l’idéologie ivoiritaire dans la Côte d’Ivoire d’Henri Konan Bédié et de Bombet. Qui donc, de ce temps-là, a compris que ces affrontements ethniques étaient de fait à mettre sous la responsabilité des principales autorités politiques d’alors qui avaient entonné l’hymne sinistre de l’exclusion identitaire ? C’est par centaines et rapidement par milliers qu’on comptera les morts sous la république de Gbagbo, du charnier de Yopougon en octobre 2000 aux trois mille morts de la crise postélectorale, sans oublier les centaines de morts de la confrontation multiforme entre les FDS et le MPCI-Forces Nouvelles entre 2002 et 2005 notamment. Qui a compris, de cette époque-là, que c’est l’échec des Accords de Lomé, Marcoussis, Prétoria, qui aura ainsi coûté des vies supplémentaires au peuple de Côte d’Ivoire ? Artisans fondamentaux de cet échec, car faucons parmi les faucons de la Refondation, Tia Koné comme Yao N’Dré sauront-ils porter tous ces morts sur la conscience au lieu et avant de s’envisager une réhabilitation politique ?
Enfin, nos trois rétropédaleurs politiques sont liés par leur commune invocation du contexte comme circonstance atténuant leur responsabilité singulière dans les tragédies du pays. Pour Emile Constant Bombet, l’excuse, c’est d’avoir été au service du Président Bédié contre Alassane Ouattara. Ainsi, Bombet se défilera-t-il derrière un seul argument : l’exécution des ordres du président d’alors, dont il était l’obligé. N’est-ce pas un aveu de lâcheté et d’irresponsabilité ? Comment croire qu’un homme incapable de décider en ses âme et conscience des actes qu’il pose contre un autre soit capable de changer uniquement parce qu’il rétropédale sur ses actes abominables passés ? La question profonde ici est celle du courage de la vérité et du courage citoyen. Sans ces qualités, à quoi sert la meilleure des repentances, sinon à amuser la galerie ? Yao N’Dré nous dira aussi qu’il a été, comme tous les acteurs politiques Ivoiriens, le jouet du diable. Dans cette vague accusation contre un ennemi lui-même imaginaire, il y a la volonté de se défaire de ses actes sur l’ambiance qui régnait, les circonstances qui s’imposaient, le rapport de forces d’alors, etc. Mais que vaut dès lors la contrition du sieur Yao N’Dré, puisque les mêmes causes provoquant les mêmes effets, il ne pourrait manquer plus tard d’expliquer la négation de la décision constitutionnelle de décembre 2010 par les pressions conjoncturelles qu’il aurait subies de la part du régime d’Alassane Ouattara ? L’invocation du contexte pour se défaire de sa propre impotence morale est décidément une arme rhétorique du ponce-pilatisme. Enfin, Tia Koné, avec le verbe haut qu’on lui connaît et ses affectations tonales à la Malraux, peut invoquer le contexte politique électrique d’octobre 2000 pour justifier de sa forfaiture lamentable au service d’un Laurent Gbagbo converti en putschiste contre la démocratie. On n’en conclura jamais qu’il a été le pantin des autres, mais plutôt un acteur conscient et déterminé dans la politique identitaire qui trônait alors dans les arcanes de la République. Il importe dès lors, plus que jamais, de rappeler à nos rétropédaleurs politiques le principe éthique de liberté que Jean-Paul Sartre formule si bien : « La vie de l’homme est son affaire ; il peut en faire un gâchis ou une œuvre d’art ». Les forfaitures politiques, quand elles provoqué tant de dégâts humains, ne doivent-elles pas au moins se sanctionner du retrait définitif de la vie politique ? Ceux qui, à un si haut niveau de responsabilité, ont essentiellement fait de leur carrière politique le lamentable gâchis de l’ivoirité ne doivent-ils pas avoir le courage de faire désormais profil bas jusqu’à la fin de leurs jours ? Nous y reviendrons.
Une tribune internationale de Franklin Nyamsi
Professeur agrégé de philosophie, Paris, France