Y a-t-il de l’eau dans le gaz entre le ministre de la Culture et de la Francophonie et certains de ses collaborateurs ? En tout cas, tout porte à le croire avec la sortie du Forca-Sup (Forum des cadres supérieurs de l’action culturelle), qui relève, à travers une déclaration rédigée, le lundi 4 mars 2013 et lue, mercredi dernier à la Bibliothèque Nationale au Plateau, des dysfonctionnements dans la gestion de la culture en Côte d’Ivoire. Leur coup de gueule s’articule autour de 5 points majeurs, à savoir les conditions générales de travail qu’ils jugent difficiles, la promotion du patrimoine culturel national, celle des cadres de l’action culturelle, les recrutements et emplois de personnels privés, la formation (initiale et continue). Les membres du Forca-Sup, regrettent les tentatives de violation ou de contournement des prescriptions de l’Unesco relatives au plan de gestion de la ville historique de Grand-Bassam, exposant ainsi, selon eux, ce « patrimoine mondial sur la Liste du patrimoine en péril». De même, ils s’insurgent contre l’inobservation, la non application, voire la violation des dispositions du Décret no 2011-277 du 28 septembre 2011, portant organisation du ministère de la Culture et de la Francophonie, particulièrement en ses articles 9 et 18, relatifs au Secrétariat Général du ministère et aux représentations culturelles à l’étranger, services qui doivent être, à les en croire, exclusivement administrés par un personnel fonctionnaire et professionnel de l’Action culturelle. Aussi se plaignent-ils du « financement récurrent et pas toujours justifié » de certaines initiatives culturelles donnant «le sentiment de favoritisme et d’exclusion d’une partie des expressions culturelles ivoiriennes». Tout en se félicitant de la nomination d’un Directeur général de l’OIPC (Office ivoirien du patrimoine culturel) et de 3 directions centrales du patrimoine culturel ; du cinéma et des industries culturelles ; de la promotion des arts et de la culture ; et de 13 directions régionales, le Forca-Sup constate avec amertume l’occupation de 50% des Directions régionales de la Culture par des personnels de l’Enseignement secondaire général en lieu et place des PAC (Professionnels de l’Action Culturelle), ou éventuellement des enseignants d’éducation artistique, la mise à l’écart des PAC au niveau de la gestion des structures techniques comme le Palais de la Culture d’Abidjan, l’Office National du Cinéma de Côte d’Ivoire (Onac-CI), le Bureau ivoirien du Droit d’auteur (Burida) et le Marché des arts du spectacle africain (MASA), alors même que, déplore ce Forum, «les PAC ont le profil et les compétences requis». Ce n’est pas tout. Ces cadres supérieurs de l’action culturelle n’apprécient pas par ailleurs l’occupation des postes de Direction des EPN par des agents non fonctionnaires et n’ayant pas toujours le profil du poste. «Sur les 5 EPN relevant du ministère, quatre sont dirigés par des agents non fonctionnaires, situation non conforme à l’Article 1 alinéa 5, de la Loi no 98-388 du 02 juillet 1988 fixant les règles générales relatives aux EPN», font-ils savoir, tout en soulignant «des nominations aux plus hauts postes de l’Administration sur la base de simples décisions là où la règle requiert des décrets», des «cas de rétrogradation de cadres PAC passés d’un poste supérieur à un poste inférieur», ou encore des «cas de PAC ayant perdu leurs postes au profit d’agents non fonctionnaires et comparativement moins qualifiés».
Le Forca-Sup observe avec regret le dépassement du quota de recrutement de personnels privés autorisés au Cabinet du ministre Bandaman ( plus de 5 personnes au lieu de 2), et également celui de personnels privés autorisés dans les Directions centrales, sous-directions et Directions générales (plus de 6 personnes au lieu de 2). Ce qui, pour ses membres, est contraire aux textes législatifs et réglementaires régissant la Fonction publique. Bien plus, ils dénoncent une augmentation « insidieuse de la masse salariale du ministère de la Culture et de la Francophonie, sous l’effet du nombre pléthorique de personnels privés, pompeusement appelés experts BNETD et dont les salaires, 5 à 10 fois supérieurs à ceux des fonctionnaires, oscillent entre 1et 2 millions de FCFA ». Ce qui, estiment-ils, est en contradiction avec les dispositions pertinentes du décret no 2000-396 du 24 mai 2000 fixant les modalités d’engagement de contractuels dans l’Administration ivoirienne et les EPN, ainsi que leur rémunération. Le Forsa-Sup ne comprend pas que la Direction de l’Insaac, un Etablissement d’enseignement supérieur formant aux emplois supérieurs de l’action culturelle, soit dirigé par un professeur de lycée, n’ayant pas le grade requis, à savoir Professeur de Rang A (A6 ou A7) et ce, conformément au décret no 98-740 du 22 décembre 1998 fixant les grades minima d’accès à certaines fonctions de l’Etat. « Il apparaît, ici, un risque de dévalorisation des diplômes délivrés par l’Insaac et la compromission de la reforme académique de cette institution entreprise depuis plus de cinq ans », ajoutent les responsables du Forsa-Sup. Sans oublier de relever la non délivrance des diplômes de fin de cycle aux diplômés de l’Insaac depuis 1991, et l’absence criante de programmes de formation continue pour les PAC en Côte d’Ivoire et hors du pays. Et cela, en dépit des dispositions du Décret no 2008-168 du 15 mai 2008, portant création du FSCCA et les provisions budgétaires successives depuis sa création. Face à ce tableau pour le moins sombre, les cadres supérieurs de l’action culturelle, appellent les PAC à la mobilisation et à l’engagement pour la défense, la promotion et la survie des emplois de l’action culturelle. Aussi encouragent-ils le ministre Maurice Bandaman à « accorder une oreille bienveillante à leurs sollicitations». Tout comme, ils invitent le ministre de la Fonction publique et de la reforme administrative, sa collègue auprès du 1er ministre chargée de l’Economie et des Finances et le Premier ministre jeter un regard plus attentif sur les dysfonctionnements qu’ils ont relevés, et par ricochet sur «la situation de précarité, de concurrence déloyale et d’injustice subie par les PAC». Enfin, ils supplient le Chef de l’Etat afin qu’il traite avec «vigilance, justice et équité» l’ensemble des préoccupations socioprofessionnelles des agents en charge de la gestion des archives, des musées, des bibliothèques, des centres de documentation, des centres culturels et de l’Administration culturelle en Côte d’Ivoire et dans les représentations culturelles à l’étranger.
Y. Sangaré