Dans quelques semaines, le président Alassane Ouattara soufflera officiellement sa deuxième bougie à la tête de la Côte d’Ivoire. Elu en novembre 2010, c’est finalement le 11 avril 2011 qu’il a pu prendre pleinement possession du pouvoir d’Etat après un bras de fer sanglant et mortel avec Laurent Gbagbo qui revendiquait également la victoire. Depuis donc bientôt deux ans, Alassane Ouattara est aux commandes du navire ivoire, mais certains engagements sociaux et promesses qu’il avait pris lors de la campagne présidentielle tardent à se réaliser, même si on lui reconnait d’avoir ouvert plusieurs chantiers de développement en Côte d’Ivoire. De la question de l’emploi à la lutte contre la pauvreté, le régime Ouattara donne le sentiment de rétropédaler. En tout cas, au fur et à mesure que le temps passe, que l’on s’approche de la prochaine élection présidentielle, l’horizon, plutôt que d’apporter des réponses aux préoccupations des populations ivoiriennes, engluées par la misère, s’obscurcit outrageusement. Et ce ne sont pas les poses de premières pierres ça et là qui pourront changer la vie des Ivoiriens. Sans vraiment jurer de rien, mais sur la base des nombreuses complaintes et autres reproches qui se font entendre un peu partout maintenant, on peut dire, aujourd’hui, que la majorité de la population ivoirienne est gagnée par un sentiment de déception voire de désillusion face aux difficultés qu’éprouve le régime à faire infléchir la courbe de la pauvreté dans ce pays. Autrement dit, la population a le sentiment que le capitaine du navire ivoire en qui, elle avait placé une confiance presqu’aveugle, parce qu’il soutenait que son travail, c’est de chercher l’argent, n’est plus aussi fringant qu’il l’a été, par le passé, lorsqu’il occupait les fonctions de premier ministre et chef du gouvernement sous Houphouët Boigny. Même dans son propre camp, le président Ouattara est critiqué de manière acide notamment sur ses choix politiques et même de la realpolitik. On lui reproche de faire la part belle aux membres d’un cercle très restreint qui seraient ses proches, de fermer les yeux sur les dérives de ceux-ci, notamment en ce qui concerne des questions comme l’attribution de certains marchés… Il saute donc aux yeux, qu’entre les promesses de campagne et la réalité du pouvoir, il y a bien un fossé qui admet que la critique est aisée et que l’art est difficile. Cela est d’autant vrai qu’après avoir dénoncé le cumul de postes ou de mandats sous l’ère Gbagbo, des partisans de Ouattara se retrouvent aujourd’hui à vouloir s’accaparer aussi bien les postes ministériels que les postes électifs. Pour se donner, sans doute, bonne conscience, ils expliquent que le cumul de postes dont ils sont accusés se justifie par leur volonté d’asseoir leur pouvoir sur la localité dont ils sont issus, et, sans doute aussi, pour éviter les conflits d’autorité entre les cadres d’une même région. Mais lorsqu’on dirige un pays avec le slogan «vivre ensemble», cela signifie qu’on est disposé à accorder une attention particulière aux autres. Comment peut-on vivre ensemble ou cohabiter quand on ne veut concéder aucune place aux autres afin de leur permettre eux aussi de s’installer? Même le Pdci, le parti d’Henri Konan Bédié, le principal allié politique du Rdr, au sein de la coalition Rhdp, ne gobe pas ce qu’il qualifie de gloutonnerie des partisans d’Alassane Ouattara. Que veut démontrer le Rdr en alignant dans le starting-block pour les municipales et les régionales, ses ministres déjà élus députés ? Cette question est depuis quelque temps sur toutes les lèvres d’autant que les Ivoiriens s’expliquent difficilement la détermination du parti au pouvoir à faire main basse sur tout. Le président Ouattara est-il le président de tous les Ivoiriens ou l’est-il pour seulement les membres de son parti ? Au constat, en deux ans d’exercice du pouvoir, des cadres du Rdr sont comparables non pas à des poissons dans l’eau, mais à des scorpions dans le désert. Tout ceci en rajoute au désamour qui a commencé à s’élever depuis quelque temps entre le président de la République et sa population. Une population dont les épaules ont du mal à supporter, de plus en plus, le poids du chômage, de la vie chère et surtout de la pauvreté grandissante. La récente augmentation du prix du carburant, du gaz, de l’électricité…sans aucune mesure d’accompagnement et l’absence totale de réforme du marché de l’emploi, font comprendre, hélas, que le bout du tunnel reste imperceptible. Car dans un contexte où «l’argent ne circule pas mais travaille», il sera difficile pour le chef de l’Etat d’assister convenablement les pauvres plongés dans la déprime sans dépouiller les riches. Occupé qu’il est, sans doute à redorer l’image de la Côte d’Ivoire à l’extérieur (c’est aussi un grief) plutôt qu’à s’intéresser de plus près, aux conditions de vie de ses concitoyens. S’il arrivait à le faire avant la fin de son mandat, il aura fait œuvre de salut public.
COULIBALY Vamara
COULIBALY Vamara