Le long feuilleton judiciaire sur la crise postélectorale connaitra sans doute bientôt son épilogue. De sources bien introduites, la procédure entamée depuis l’année dernière contre les proches de l’ancien chef d’Etat, Laurent Gbagbo, est quasi-bouclée. Bientôt, Simone Gbagbo, Pascal Affi N’Guessan, Abou Drahamane Sangaré, Bro-Grébé et les autres seront devant le juge. Après les différentes auditions qui ont eu lieu depuis février 2012 à Odienné, Boundiali, Korhogo, Katiola et Bouna, l’instruction, menée en grande parti par le juge Mamadou Koné du 10è cabinet du Tribunal d’Abidjan, est en passe de transmettre les différents dossiers au Parquet pour enclencher les procès. Ces procès étaient prévus se dérouler dans le premier trimestre de 2013. Lors d’une rencontre avec une délégation de la Cour pénale internationale le 5 décembre dernier, le Garde des Sceaux, ministre de la Justice et des Droits de l’Homme, Coulibaly Gnénéma Mamadou, avait annoncé que le procès des pro-Gbagbo allait débuter en mars 2013. « Les choses commencent à se mettre en place, les enquêtes avancent considérablement, nous pensons que d’ici la fin du premier trimestre 2013, nous aurons de bonnes nouvelles sur ce sujet, des procès, bien entendu », avait-il rassuré. Cette échéance aurait pu être respectée si des imprévus n’étaient pas venus bouleverser le calendrier judiciaire dans cette affaire. D’abord, le départ en janvier dernier du procureur Simple Koffi Kouadio qui pilotait depuis la fin de la crise postélectorale les différentes auditions. Ensuite, le calendrier électoral, prévu pour durer deux mois à partir de janvier, qui a fini par s’étendre jusqu’à maintenant. En outre, le cas Simone Gbagbo continue d’embarrasser le pouvoir. Même si devant la délégation de la CPI en décembre dernier, le Garde des Sceaux avait donné des assurances à M. Amady Bâ et ses compagnons venus de La Haye, quant à l’exécution du mandat lancé contre l’ex-Première dame, il est clair qu’à travers sa dernière déclaration, le ministre Coulibaly Gnénéma a quelque peu nuancé les choses. « Nous sommes en train de réfléchir sur la réponse à donner à la CPI, sur la question du transfèrement de Mme Gbagbo. Mais sachez qu’il n’y a aucune animosité contre personne », a-t-il déclaré au cours de sa conférence de presse du lundi 29 avril dernier. Avant de préciser que Mme Gbagbo ne pourra être jugée par juridiction internationale que si la Côte d’Ivoire n’en a pas la volonté ou la capacité. « Or, ce n’est pas le cas pour l’instant », avait-il précisé. A sa suite, dans l’interview qu’il a accordée au journal panafricain Jeune Afrique lundi dernier, le président de la République a abondé dans le même sens. « La CPI a émis un mandat d’arrêt, et la justice est en train d’examiner la question, parce qu’un certain nombre de poursuites ont déjà été engagées contre elle au plan national », a-t-il clarifié. Sans courir donc le risque de se tromper, Simone Gbagbo, qui est présentement internée à la Pisam pour des soins, a de fortes chances d’être jugée en Côte d’Ivoire. En plus de ces éléments nouveaux – si on peut le dire ainsi – il y a la pléthore des chefs d’accusation qui pèsent sur les détenus pro-Gbagbo. 19 au total. Au début de sa prise de fonction le 29 avril 2011, le procureur Simplice Koffi Kouadio avait au départ retenu contre Simone Gbagbo, Pascal Affi N’Guessan, Abou Drahamane Sangaré – actuellement à la MACA après un passage à la Pisam – et les autres que deux chefs d’accusation : crimes économiques et atteinte à la sûreté de l’Etat. C’est sur ces deux motifs que les premières auditions ont été effectuées. Mais à partir de juin 2012, dix-sept autres chefs d’accusation sont venus se greffer aux deux premiers. De nouveaux chefs d’accusation que l’on peut regrouper en deux catégories. La première catégorie d’accusation comprend « le génocide, le crime contre la population civile, les meurtres, assassinats, crimes contre les prisonniers de guerre, coups et blessures volontaires, complicités, coaction et tentative de toutes ces infractions, voies de fait ». La deuxième catégorie contient les crimes suivants : « Vols qualifiés, incendie volontaire d’immeubles, dégâts volontaires à la propriété immobilière d’autrui, complicité, constitution de bandes armées, participation à un mouvement insurrectionnel, atteinte à l’ordre public, coalition de fonctionnaires, rébellion, usurpation de fonction, tribalisme, xénophobie, coaction et tentative de toutes ces infractions ». Le 31 mai 2012, Pascal Affi N’Guessan et ses compagnons ont reçu à Bouna la visite du juge d’instruction Koné Mamadou, chef du 10ème cabinet d’instruction du Tribunal de premières instances d’Abidjan-Plateau, pour être entendue sur ces infractions. Le 27 juin 2012, c’était le tour des 18 autres détenus proches de l’ancien président à être entendus à Boundiali, Korhogo et Katiola. En novembre 2012, Simone Gbagbo a également reçu la visite du juge d’instruction à propos de ces nouveaux chefs d’accusation. L’instruction a donc duré tout le long de l’année 2012, compte tenu de la longue liste des chefs d’accusation et de la complexité même du dossier. Mais aujourd’hui, du côté du Palais de justice d’Abidjan, on est désormais prêt à programmer les procès. Sauf si d’autres paramètres viennent encore perturber l’agenda prévu. Car ce qui importe, ce sont les droits des accusés et de la loi. Et pour le ministre Coulibaly Gnénéma, c’est un impératif qui « ne « saurait s’accommoder de précipitations susceptibles d’être dommageables aux droits humains ».
Jean-Claude Coulibaly
Jean-Claude Coulibaly