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Politique Publié le samedi 11 mai 2013 | Le Patriote

Koumassi, Treichville, Marcory, Bingerville, Toumodi, Cavally… : Pourquoi les élections doivent être reprises dans ces localités

C’est un fait incontestable. Les élections locales du 21 avril dernier ont permis à la Côte d’Ivoire de renouer avec les valeurs démocratiques. Mais tout n’a pas été rose au cours de ces élections. Au moment où les populations pensaient que les douloureux souvenirs de la crise postélectorale étaient désormais loin derrière elles, voilà que certaines attitudes constatées au cours des dernières élections régionales et municipales ont démontré que l’on n’est pas à l’abri de la rechute. Les mouvements de contestations, parfois musclés, auxquels l’on a assisté dans certaines villes et communes, après la proclamation des résultats par la Commission électorale indépendante qui, il faut le rappeler, ne sont encore que provisoires, sont certes à tout haut point condamnables. Mais ces mouvements ne doivent pas tous être perçus – ce que certains veulent faire croire – comme l’expression achevée du refus du jeu démocratique.
Dans tout ce qui est reproché à la CEI dans l’organisation de dernières élections locales, il y a peut-être du vrai. Car si on en croit certains états-majors ainsi que des ONG et associations accréditées pour superviser ces élections, bien d’irrégularités ont été effectivement constatées. La première des anomalies que ces structures ont signalées au cours du scrutin du 21 avril dernier, a été le changement observé dans l’ordre des candidats sur les bulletins de vote. Ce changement d’ordre a pu sans doute, notamment chez les analphabètes, qui avaient appris pendant la campagne à voter avec des spécimens préétablis et distribués par la CEI, occasionné de nombreux désagréments. Le grand nombre de bulletins pourrait trouver son explication dans cet impair.
A côté de cette erreur, les ONG ont également signalé l’orchestration de fraudes par certains candidats eux-mêmes. Ces fraudes, selon elles,peuvent être classées en deux catégories. La première est l’ensemble des fraudes commises au cours du scrutin. A les en croire, dans les communes comme Koumassi, Marcory et Treichville, des hommes et des femmes ont été postés aux abords des bureaux de vote pour influencer le vote des électeurs. Ces hommes et ces femmes qui travaillaient spécifiquement pour des candidats, selon de nombreux témoignages émanant et de certains états-majors et des structures de supervision, distribuaient de l’argent à tous les électeurs pour les inciter à voter pour leur champion. Certains candidats auraient même poussé l’outrecuidance jusqu’à se poster le jour du vote devant des centre de vote pour appeler les électeurs à aller voter pour eux. L’autre technique de fraude utilisée par des candidats peu honnêtes, si on en croit nos interlocuteurs, a été l’utilisation de la faille créée par l’autorisation des attestations d’identité par la CEI. Avec la complicité de certains présidents de bureaux de vote, de nombreuses personnes, non inscrites sur la liste électorale, ont pu à travers cette dérogation prendre part au vote. Alors qu’elles n’étaient pas habilitées à y participer. De leur avis, c’est ce qui explique, dans certains centres de vote de plusieurs communes, le nombre de votants était plus élevé que le nombre d’inscrits. La deuxième catégorie de fraudes signalée est constituée d’irrégularités qui ont eu lieu pour la plupart après la fermeture des bureaux de vote. Dans ce cas de figure, certains candidats ont fait fort en utilisant la vieille technique de réécriture des procès-verbaux. Ces candidats qui savaient sur quoi ils comptaient, ont laissé leurs adversaires battre campagne sur le terrain. Sans être inquiets. Car, ils étaient d’avance sûrs de leur victoire. La technique est simple et imparable, selon nos sources. On laisse les autres faire le show. On attend le jour du vote le scrutin se dérouler tranquillement. Et après la fermeture des bureaux de vote, avec certaines complicités, on réécrit les procès-verbaux à sa faveur. Loin des regards indiscrets. Beaucoup de candidats se seraient fait ainsi avoir. Parfois avec même la complicité de leurs représentants qui se sont laissé corrompre. Dans les quartiers ou villages où ils bénéficient du soutien de la population, ces candidats tricheurs, c’est le cas de le souligner, ont fait le plein de voix pour eux. Accordant le nombre de voix qu’ils veulent à leurs adversaires. C’est la principale raison des écarts surréalistes constatés dans ces localités lors de la proclamation des résultats. Cette « technologie électorale » est une grosse machine qui a été planifiée depuis longtemps avec, malheureusement, certaines complicités évoquées plus haut. Comme ce fut le cas à Marcory, Koumassi, Treichville et Bingerville. Pour brouiller les pistes et empêcher tout recomptage des voix, les auteurs de cette fraude à grande échelle ont tenté de faire disparaitre les preuves. Mais comme tout crime n’est pas parfait, les bulletins de vote qui sont censés restés dans les urnes mis sous scellés dans les CEI locales, se sont retrouvés comme par enchantement dans les rues pour servir d’emballage à des beignets. Les mouvements de protestations plus ou moins violents enregistrés dans ces localités, viennent de ces actes graves qui ont provoqué des sentiments de frustration et d’injustice au sein des partisans des déclarés vaincus par la CEI. Les appels au calme et à emprunter la voie des recours pour se faire entendre, ont réussi à apaiser pour le moment les cœurs. Mais qu’adviendra-t-il si la Chambre administrative de la Cour suprême, malgré les preuves flagrantes de fraudes enregistrées dans ces communes et localités, décide de fermer les yeux ? Ce serait une catastrophe et une prime au vol et à la tricherie qui encouragerait les candidats à chercher à utiliser les failles du système qu’à convaincre les populations pour leur élection. Pis, une décision inappropriée et inique de la justice conforterait une bonne partie de la population qui déjà n’accorde aucun crédit aux institutions, dans sa propension à emprunter la rue pour se faire justice. C’est pourquoi il est impératif pour la Chambre administrative de la Cour suprême, au regard des preuves matérielles fournies par les uns et les autres, de dire le droit en toute impartialité en annulant le scrutin là où cela s’impose. Sans état d’âme. Loin des pressions de tous genres.

Jean-Claude Coulibaly
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