Le Rassemblement des républicains (Rdr), parti d’Alassane Ouattara, n’est pas content de la victoire de son allié le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (Pdci) d’Henri Konan Bédié aux élections municipales et régionales du 21 avril 2013. Pis, il veut la lui arracher par le jeu de la Chambre administrative de la Cour suprême. En effet, dans un article intitulé «Koumassi, Treichville, Marcory, Toumodi, Cavally… Pourquoi les élections doivent être reprises dans ces localités», faisant la deuxième Une de son édition du samedi 11 et dimanche 12 mai 2013, notre confrère Le Patriote, porte-voix du Rdr, a pratiquement fait du chantage à la Chambre administrative de la Cour suprême, lui demandant de donner la victoire aux candidats déclarés perdants (Rdr) par la Cei, sinon la rue va s’embraser, en «se faisant justice». Laurent Gbagbo l’a dit depuis La Haye, «C’est celui qui a perdu qui a semé le trouble». Il a été donné de constater que tous les troubles qu’il y a eus suite à ce scrutin du 21 avril 2013, ont été le fait du Rdr, surtout dans les circonscriptions où ce parti a perdu. Et voilà l’excuse que trouve son journal, qui reconnait maintenant qu’à ce stade, les résultats donnés par la Cei «ne sont encore que provisoires» : «Les mouvements de contestations, parfois musclés, auxquels l’on a assisté dans certaines villes et communes, après la proclamation des résultats par la Commission électorale indépendante qui, il faut le rappeler, ne sont encore que provisoires, sont certes à tout haut point condamnables. Mais ces mouvements ne doivent pas tous être perçus, ce que certains veulent faire croire, comme l’expression achevée du refus du jeu démocratique. Dans tout ce qui est reproché à la Cei dans l’organisation des dernières élections locales, il y a peut-être du vrai. Car si on en croit certains états-majors ainsi que des Ong et associations accréditées pour superviser ces élections, bien d’irrégularités ont été effectivement constatées.» On constate que les partisans de Ouattara reconnaissent à présent que la Cei est faillible, capable d’organiser ou, à tout le moins, laisser faire la fraude électorale. Or, les mêmes partisans avaient considéré comme fiables et définitifs les chiffres donnés par son président Youssouf Bakayoko pour la présidentielle du 28 novembre 2010, au Qg de campagne de Ouattara au Golf Hôtel. Ils s’adossent à des «Ong et associations accréditées pour superviser ces élections». Pourtant, ils ont royalement ignoré le rapport des Observateurs de l’Union africaine dénonçant les fraudes et la violence constatées au cours du scrutin du 28 novembre 2010. Le Rdr veut donc la reprise des élections dans les circonscriptions où il n’a pas gagné. Pourquoi Le Patriote a-t-il écarté de la liste des élections à reprendre celles d’Abobo, d’Adjamé, de Port-Bouët, de Yopougon, du Plateau, etc., où le Rdr a gagné alors que le Pdci et les indépendants protestent? Dans la logique du Rdr, les réclamations des autres candidats, même accompagnées de preuves matérielles, ne sont pas dignes d’intérêt et de bon sens, et ne doivent être prises en compte, comme les propositions de Gbagbo en 2010-2011. Et pour convaincre l’opinion et certainement la Cour suprême dirigée par un partisan de Ouattara, l’article attribue même aux adversaires du parti, des techniques de fraude du Rdr, mais qui n’ont pas marché dans ces zones : «A les en croire, dans les communes comme Koumassi, Marcory et Treichville, des hommes et des femmes ont été postés aux abords des bureaux de vote pour influencer le vote des électeurs. Ces hommes et ces femmes qui travaillaient spécifiquement pour des candidats, selon de nombreux témoignages émanant de certains états-majors et des structures de supervision, distribuaient de l’argent à tous les électeurs pour les inciter à voter pour leur champion. Certains candidats auraient même poussé l’outrecuidance jusqu’à se poster le jour du vote devant des centres de vote pour appeler les électeurs à aller voter pour eux. L’autre technique de fraude utilisée par des candidats peu honnêtes, si on en croit nos interlocuteurs, a été l’utilisation de la faille créée par l’autorisation des attestations d’identité par la Cei.» Or, en 2010, les ex-rebelles armés de Forces nouvelles ont sévi dans les bureaux de vote dans les zones Centre, Nord et Ouest. Il y a eu de la violence, des morts parmi les partisans du candidat Gbagbo, des urnes volées ou tranquillement bourrées par ces combattants de l’ex-rébellion. Mais cela n’était pas suffisant pour le camp Ouattara et leurs alliés pour que la proposition de Gbagbo de recompter les voix soit examinée. A le lire, pour le camp Ouattara, si le Pdci a gagné dans ces zones que le Rdr lui conteste, c’est parce qu’il a utilisé ces techniques de fraudes citées plus haut. Or, il n’entend pas lâcher les morceaux qu’il a gagnés et que les autres lui contestent. Ce, à tel point que le confrère menace en ces termes : «Les appels au calme et à emprunter la voie des recours pour se faire entendre, ont réussi à apaiser pour le moment, les cœurs. Mais qu’adviendra-t-il si la Chambre administrative de la Cour suprême, malgré les preuves flagrantes de fraudes enregistrées dans ces communes et localités, décide de fermer les yeux ? Ce serait une catastrophe et une prime au vol et à la tricherie qui encouragerait les candidats à chercher à utiliser les failles du système qu’à convaincre les populations pour leur élection. Pis, une décision inappropriée et inique de la justice conforterait une bonne partie de la population qui déjà n’accorde aucun crédit aux institutions, dans sa propension à emprunter la rue pour se faire justice. C’est pourquoi, il est impératif pour la Chambre administrative de la Cour suprême, au regard des preuves matérielles fournies par les uns et les autres, de dire le droit en toute impartialité en annulant le scrutin là où cela s’impose». Or donc, donner une «prime au vol et à la tricherie» et même à la violence et à l’ex-rébellion était une mauvaise chose! Et si le Rdr, à travers son organe de propagande, prépare ses militants à faire ce qu’ils savent faire de mieux, à savoir descendre dans la rue pour casser, brûler et tuer. Le Pdci a des raisons de s’inquiéter. Le parti de Ouattara veut lui voler sa victoire. Sinon, comment la rue va-t-elle se rendre justice ? En dégageant de force le candidat déclaré élu pour donner son siège au perdant Rdr ?
Germain Séhoué
Germain Séhoué