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Sport Publié le jeudi 16 mai 2013 | LG Infos

Ministère des Sports-Fédérations : Ces palabres qui empoisonnent le sport en Côte d’Ivoire

Nommé le 22 novembre 2012 à la tête du département des Sports et Loisirs, le ministre Alain Lobognon reste aujourd’hui, l’un des responsables de ce département dont les relations avec les fédérations sportives sont exécrables. Chaque jour qui passe, amplifie le fossé qui s’est creusé entre les deux entités. Du coup, c’est le sport ivoirien qui va de plus en plus mal.
Lors de la célébration de ses 100 jours à la tête du ministère des Sports, le 22 février 2013, le ministre Lobognon avait dévoilé à la presse un ambitieux projet de développement, pour permettre au sport ivoirien d’être compétitif et ramener des lauriers. «Notre sport est sinistré. Alors que nous continuons à injecter de fortes sommes d’argent dans le financement des équipes nationales, sans que cela ne rapporte la moindre médaille», expliquait Lobognon. Au moment où il tenait de tels propos, le football, la discipline mère, n’avait pas encore remporté le moindre trophée continental (sélection comme clubs), depuis la victoire de l’Africa Sports en Coupe d’Afrique des vainqueurs de coupe en 1999. Seuls le taekwondo (Championnat du monde francophone), l’athlétisme (performances de Murielle Ahouré) et la pétanque (vice-champion du monde) avaient hissé haut le drapeau ivoirien sur la scène internationale. Du coup, il y avait une envie de tout changer pour Lobognon. L’organisation des fédérations, leur financement, le financement des compétitions internationales…, pour le ministre, les choses doivent bouger. «Le sport ne va plus fonctionner comme par le passé. Nous sommes malheureusement dans l’amateurisme et il nous faut en sortir. Je m’y suis engagé et j’irai jusqu’au bout», déclarait le ministre, au Restaurant Aboussouan à Treichville. Entre temps, deux mois avant, après une longue hésitation, il avait fini par céder la dernière tranche de la parafiscalité de 2012 aux fédérations. «C’est la dernière fois que je me retrouve dans cette salle pour distribuer des chèques de la parafiscalité. C’est terminé ; proposez-moi désormais des projets qui seront financés. On ne peut pas continuer à partager l’argent de cette façon, sans que les fédérations ne rendent compte aux contribuables», avait lancé Lobognon aux fédérations, le 23 décembre 2012, à son cabinet. Oubliant au passage que la parafiscalité relevait d’une loi adoptée par le parlement ivoirien en 2008. Le ministre a d’ailleurs changé les règles de jeu en plein jeu, en modifiant les critères d’attribution de cette parafiscalité.
Querelles et sanctions internationales
Mais cette attitude du ministre a été l’élément déclencheur d’une difficile relation qu’il entretient jusqu’à ce jour avec la majorité des fédérations. Car plutôt que de mener des concertations et prendre en compte les préoccupations des fédérations, c’est à des décisions unilatérales que l’on assiste. «Il y a une gestion cavalière du ministère des Sports. Le ministre pense vouloir travailler pour les fédérations et il prend ses décisions sans un minimum de consultation des partenaires que nous sommes. Il y a des réunions au cours desquelles nous ne pouvons même pas prendre la parole. Il faut qu’on se respecte un peu quand même», a lâché Mamadou Soumahoro. En fait, en plus d’être peu conciliant, le ministre Lobognon a entamé une intervention directe dans la gestion des fédérations. A commencer par la Fédération ivoirienne de boxe (Fib), dont le président Arsène Yobouët sera dégommé sans autre forme de procès et remplacé par Waby Spider au cours d’une Assemblée générale menée par le ministère des Sports. L’Association internationale de boxe amateur (Aiba) qui avait suivi le dossier de près, a fini par ne pas reconnaître l’élection de Waby. Mais pour le ministre, peu importe. La boxe ivoirienne évoluera au plan local, même si cela doit prendre dix ans. «Nous allons faire la boxe ici. Il faut que les Ivoiriens apprécient d’abord les athlètes et qu’ils soient certains qu’un boxeur peut aller défendre les couleurs nationales à l’extérieur», explique Lobognon. S’il a promis tous les moyens à cette fédération pour l’organisation des compétitions, le premier événement de la Fib, le 10 mai dernier, a convaincu que Lobognon avait lâché Waby Spider. C’est pratiquement sans moyens que se dispute le championnat national 1er Round. Chose grave, aucune ambulance n’a pu être disponible pendant les combats et au finish, un drame est intervenu avec la mort d’un boxeur. Outre la boxe, le handball se retrouve en eaux troubles, par la faute d’un ministre qui a choisi de mettre en place un Comité intérimaire de gestion du handball pour dix mois, à la suite d’une Assemblée générale élective qui n’avait pu aller à son terme. En dépit de tous les appels des sportifs et de la visite des instances internationales, le ministre Lobognon restera sourd. Finalement, l’épée de la Fédération internationale de handball (Ihf) et de la Confédération africaine de handball (Cahb) frappe fort et suspend la Côte d’Ivoire de toutes les compétitions internationales. «J’ai des informations sur le handball. Il y a combien de pays qui participent. Peut-être cinq ou six. Alors, est-ce que ces pays-là sont suspendus ? Il faut qu’on arrête cela», soutient le ministre des Sports. «Non, il ne faut pas que le ministre interprète les choses de cette façon. Il y a des engagements que le pays a pris depuis longtemps en vue de sa participation à des compétitions et qu’il faut respecter. Maintenant, si M. Lobognon estime que la Côte d’Ivoire ne peut plus honorer sa signature, il réunit toutes les disciplines et leur annonce que le sport ivoirien est suspendu pour les compétitions internationales pour une période déterminée. Le temps que tout le monde se prépare au plan national. Mais il ne faut pas empêcher des disciplines de mener leurs activités au détriment d’autres», estime un observateur avisé du sport ivoirien. Au basket-ball, Abidjan est à deux doigts de perdre l’organisation de l’Afrobasket 2013. En raison de la difficulté du ministre à mobiliser les fonds pour achever les travaux au Parc des Sports de Treichville, la dernière mission de Fiba-Afrique a menacé de retirer l’événement à la Côte d’Ivoire. Selon nos informations, l’attitude du ministre commence à agacer certains de ses pairs, notamment son collègue de l’Economie et des Finances, qui refuserait, jusqu’à ce jour, à faire signer les documents émanant du ministère des Sports. Au Trésor public, les envoyés du ministre Lobognon ne sont pas également les bienvenus. Du coup, les choses pourraient bien échapper à la Côte d’Ivoire.
La position des fédérations
«Si les préoccupations, notamment le paiement de la parafiscalité, ne sont pas prises en compte jusqu’au 15 mai, aucune autre solution ne se présentera à nous. Si ce n’est la suspension de toutes les activités des fédérations sportives jusqu’à nouvel ordre», ont décidé le 9 mai, les présidents de fédérations réunis au sein d’une Conférence. Cet ultimatum prend fin ce mercredi et pourrait conduire à un blocage systématique de toutes les activités sportives fédérales dans le pays. Une première depuis l’indépendance du pays en 1960. «Au regard des rapports de partenariat et non de subordination entre le ministre des Sports et nous, nous constatons avec regret de nombreuses interventions directes du ministre dans la gestion interne des fédérations. Le ministre a créé par arrêté un comité de supervision et de contrôle des Assemblées générales des fédérations. En deux mois, les décisions prises par ce comité ont engendré un désordre indescriptible et des conflits dans plusieurs fédérations», a indiqué Soumahoro Mamadou, le président de la Conférence. Il a également soutenu que la Côte d’Ivoire n’a pas participé à des échéances internationales en dépit des communications faites en conseil de ministres. C’est le cas du volley-ball, du cyclisme et du sport automobile. «En désespoir de cause, quelques fédérations se sont déplacées avec leurs propres moyens. Mais nous allons payer des pénalités pour des compétitions communiquées aux instances et auxquelles nous n’avons pas pris part», a-t-il déploré.
Le ministère s’explique
Contrairement aux propos de M. Soumahoro, qui soutient que faute de financement de la part du ministère, les fédérations sont obligées de participer aux compétitions internationales à leurs propres frais, le ministère révèle que le bilan partiel du financement des compétitions internationales par le ministère de la Promotion de la jeunesse, des Sports et des Loisirs s’élève, pour la période de janvier à avril 2013, à 6.005.777.441 Fcfa dont 5.507.398.441 au compte de la régie des compétitions internationales et 498.381.000 au compte de l’Office national des sports (Ons). Sur la question de la parafiscalité, les services du ministère soulignent qu’en attendant l’entrée en vigueur des réformes entreprises par le ministre sur la répartition de la parafiscalité, il a été demandé aux différentes fédérations, par courriers en date du 29 mars 2013 et du 18 avril 2013, de produire des documents, dont les justificatifs de la parafiscalité 2012 par trimestre, dans le cadre du suivi de leurs activités. Mais à ce jour, seules onze fédérations ont déposé les documents demandés. Les présidents de fédérations soutiennent qu’il n’existe que des relations de partenariat et non de subordination entre la tutelle et les différentes fédérations. Ils déplorent donc les«nombreuses interventions directes du ministre dans la gestion interne des fédérations», selon les termes de M. Soumahoro. Mais pour le ministre des Sports, il convient cependant de rappeler qu’au regard de l’article 3 du Décret n°68-146 du 13 mars 1968 portant organisation des sports civils, «Le ministère des Sports fixe le régime général des sports sur le territoire national. Il oriente et contrôle l’activité de tous les groupements ayant pour but la pratique de l’éducation physique et des sports et l’organisation des compétitions sportives. (…). Il est juge en dernier ressort de toutes les décisions individuelles ou collectives prises par les associations et fédérations».
Alexis Adélé
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