La Commission électorale indépendante (Cei), dirigée par un président à la solde d’Alassane Ouattara, Youssouf Bakayoko, a achevé de perdre sa crédibilité, à l’issue des élections municipales et régionales du 21 avril 2013. On sait comment cette institution a volé la victoire de Laurent Gbagbo pour l’attribuer à son adversaire, à l’occasion de la présidentielle du 28 novembre 2010. A ce moment-là, ces résultats qui ne pouvaient qu’être provisoires, ont été reconnus comme définitifs par le camp Ouattara, soutenu par la Communauté internationale après la certification hâtive, complaisante, abusive et corrompue du représentant du Secrétaire général des Nations-Unies en Côte d’Ivoire, Y. J. Choi. La crise née de ce fâcheux précédent est grave. Ouattara, poussé par ses soutiens et parrains, opte pour la guerre. La proposition de recomptage des voix faite par le Président Laurent Gbagbo est rejetée. L’option du camp Ouattara, la guerre a eu lieu. La coalition franco-onusienne, sous l’impulsion du chef de l’Etat français d’alors, Nicolas Sarkozy, ami et parrain de Ouattara, a procédé à des bombardements des plus cruels en Côte d’Ivoire. Plus de 3000 morts. Pendant les législatives du 11 décembre 2011, organisées par la même Cei animée par les mêmes personnes, scrutin auquel n’a pas pris part le Front populaire ivoirien, il y a eu de la fraude, des scènes de violence ayant occasionné des pertes en vie humaine. Alors que, compte tenu de l’évolution de la réalité politique ivoirienne et des textes, le Fpi a réclamé la recomposition de la Cei, le pouvoir a refusé. C’est cette même Cei qui organise donc les scrutins couplés des municipales et des régionales du 21 avril 2013. Voilà qu’encore pendant ces scrutins, l’on a assisté à de la violence inouïe, du fait des militants du Rdr supportant mal l’échec de leurs candidats. La contestation électorale inculquée aux Ivoiriens en 2010-2011 par Alassane Ouattara a porté des fruits, en faisant des émules. 163 requêtes en annulation des élections ont été réceptionnées par la Chambre administrative de la Cour suprême. C’est-à-dire 163 candidats estiment que la Cei a attribué leur victoire à des adversaires, ou n’a rien fait pour endiguer la fraude. Un collectif pour la reprise des élections dans certaines circonscriptions est même créé le dimanche 12 mai 2013. 163 candidats, soutenus par ce collectif, qui montrent ainsi leur manque de confiance dans la Cei. Et la Cei a si perdu, à leurs yeux, le peu de crédit qui lui restait, qu’ils ne peuvent considérer ses résultats comme vrais et donc définitifs au point de se ruer sur la Chambre administrative de la Cour suprême, l’équivalant du Conseil constitutionnel pour la présidentielle et les législatives. Ils croient que cette institution peut leur donner raison, et donc désavouer la Cei. Mais face aux griefs de ces populations, comme un cœur endurci par l’expérience de 2010-2011, plutôt que d’examiner objectivement ce que l’on reproche à sa structure, Youssouf Bakayoko parle de «mauvais perdants». Et lorsqu’on lit certains confrères, on se demande si nous vivons dans la même Côte d’Ivoire. Pire, l’on assiste même à la naissance de «collectifs de candidats pour la reprise des élections locales». A ce rythme, on s’acheminera vers un nouveau type de démocratie à l’ivoirienne. Cela jette un sérieux préjudice sur les pratiques démocratiques que le chef de l’Etat s’efforce d’inculquer aux Ivoiriens. Et si l’on n’y prend garde, ces attitudes risquent de se transformer en jurisprudence sous nos cieux » Lit-on à la page 2 du Nouveau Réveil du mercredi 15 mai 2013, dans l’article intitulé «Ces nouvelles pratiques qui n’honorent pas notre pays». A la vérité, «ces nouvelles pratiques qui n’honorent pas notre pays» ne datent pas de maintenant. Elles ont intégré la conscience de l’Ivoirien depuis que le président de la Cei a proclamé de façon solitaire, Ouattara vainqueur de la présidentielle du 28 novembre 2010, à son Qg de campagne à l’Hôtel du Golf face à des médias étrangers. Notamment depuis le 11 avril 2011, jour de l’arrestation du Président Gbagbo par l’armée française. Le «nouveau type de démocratie à l’ivoirienne» est, au contraire, introduit dans le pays par Ouattara même qui ne considère une élection juste que lorsqu’on le déclare gagnant, faute de quoi le pays sera «mélangé» et «ingouvernable». Quelles sont donc «les pratiques démocratiques que le chef de l’Etat s’efforce d’inculquer aux Ivoiriens» quand, depuis l’opposition jusqu'au pouvoir, il n’a démontré que sa propension à la violence politique ? L’ex-rébellion des Forces nouvelles a été créée pour apporter son soutien à qui ? A Laurent Gbagbo ? A Henri Konan Bédié ? A Alassane Ouattara ! C’est donc ce qu’il a appris aux Ivoiriens hier, qu’ils pratiquent aujourd’hui. Il ne peut pas organiser la fraude pour s’octroyer une victoire, refuser le recomptage des voix et faire la guerre pour être là où il est, et demander aux autres d’accepter sans broncher le verdict de la Cei, qu’ils ne reconnaissent pas comme celui des urnes. C’est vrai qu’il y a des candidats élus, qui, du fait de leur élection, estiment que la Cei irréprochable, que c’est institution «respectable». Ils se trompent. Parce que dans une élection où il y a au moins 227 postes à pourvoir, il est difficile de se «sucrer» sur tous les candidats. Il y a des candidats qui sont dignes d’intérêt, que le pouvoir ou leurs soutiens ferait tout pour ne pas qu’ils perdent la circonscription stratégique convoitée. Des gros moyens sont donc mis pour que la campagne soit une réussite. Ce qui est différent des autres, anonymes, sans intérêt, ou dont la tendance est trop évidente. Selon la déclaration du collectif faite le jour de création à Marcory, et lue par Me Ouattara D. Hamed, candidat aux municipales de cette Commune, «Censés être conformes aux choix des électeurs, il s’est malheureusement avéré que les résultats de ces élections ont trahi, dans bien de cas, la sincérité du vote. Ainsi, en ce qui concerne les élections municipales, sur les 177 communes dans lesquelles s’est déroulé le scrutin, la Chambre Administrative de la Cour Suprême s’apprête à recevoir par le biais de la CEI, 115 requêtes en annulation, soit un taux de 64,7% (chiffre ayant évolué). Cette statistique inquiétante, nous force à admettre l’existence de graves dysfonctionnements de nature à remettre en cause les conditions d’équité, de transparence et d’impartialité que requièrent des élections véritablement démocratiques et républicaines. En conséquence et loin d’être de mauvais perdants, il s’agit pour nous de prendre nos responsabilités pour dénoncer la victoire de la corruption sur la démocratie, le mensonge sur la vérité, la fraude et la malversation sur la transparence et la justice de ce scrutin.»
La Cei est aujourd’hui sans crédibilité, surtout à cause de «la victoire de la corruption sur la démocratie, le mensonge sur la vérité, la fraude et la malversation sur la transparence et la justice de ce scrutin» qu’elle a consacrée. Ces résultats sont massivement rejetés par des candidats : 163. Mais eux, au moins, ont mis balle à terre. Ils mènent leurs contestations sur le terrain de la loi, à la Chambre administrative de la Cour suprême, et non sur le combat militaire, après quelques remous.
Germain Séhoué
La Cei est aujourd’hui sans crédibilité, surtout à cause de «la victoire de la corruption sur la démocratie, le mensonge sur la vérité, la fraude et la malversation sur la transparence et la justice de ce scrutin» qu’elle a consacrée. Ces résultats sont massivement rejetés par des candidats : 163. Mais eux, au moins, ont mis balle à terre. Ils mènent leurs contestations sur le terrain de la loi, à la Chambre administrative de la Cour suprême, et non sur le combat militaire, après quelques remous.
Germain Séhoué