ABIDJAN (Côte d’Ivoire) - Moins d’un an après la réouverture en grande pompe des universités, le gouvernement ivoirien est confronté au malaise des étudiants, malgré une réhabilitation très coûteuse des campus censée effacer plus d’une décennie de dérives et de violences.
Le ministre de l’Enseignement supérieur, Ibrahima Cissé Bacongo, l’a constaté à ses dépens. Dans l’enceinte de l’université Félix Houphouët-Boigny d’Abidjan, il a été pris à partie lundi par plusieurs centaines d’étudiants et a dû battre en retraite sous une pluie de pierres, pendant que la police usait de gaz lacrymogènes. Signe supplémentaire de tension, des affrontements entre étudiants ont suivi cette semaine, faisant plusieurs blessés.
La colère est à la mesure des attentes suscitées par les travaux impressionnants engagés après la crise postélectorale de décembre 2010-avril 2011, qui avait fait 3.000 morts et entraîné la fermeture de la grande université d’Abidjan, la principale du pays (plus de 60.000 étudiants sur près de 90.000 au total), durant plus d’un an. Pour la rentrée en septembre 2012, sur le campus refait à neuf, le président Alassane Ouattara avait lui-même donné le coup d’envoi du "départ nouveau", le mot d’ordre officiel.
Mais la grogne n’a cessé de monter depuis lors. "Quand on a vu les infrastructures, nous étions satisfaits: des bâtiments fraîchement peints, de l’air conditionné dans les amphithéâtres, de belles pelouses. Mais à peine ces infrastructures ont-elles commencé à fonctionner que nous avons été déçus",
explique à l’AFP Gaoussou Diabaté, porte-parole de l’Alliance nationale des étudiants de Côte d’Ivoire (Aneci), qui "condamne les violences" ayant commencé avec "l’agression" visant le ministre.
Les amphithéâtres toujours surpeuplés et les salles trop peu nombreuses
sont le premier motif de plainte. Autre sujet de mécontentement: l’insuffisance des transports publics autour de l’université, qui provoque d’interminables files d’étudiants après les cours. La pagaille quand un bus finit par arriver a même déjà causé des décès, selon les syndicats.
Budget colossal
En outre, "il y a les coupures intempestives d’électricité, des micros qui ne marchent pas, il n’y a aucun document dans les bibliothèques, pas de
fontaine sur le campus", déplore Gaoussou Diabaté. "On nous a fait miroiter un
rêve".
Nombre d’étudiants réclament donc des comptes sur la gestion des fonds dédiés aux chantiers des cinq universités (à Abidjan et dans l’intérieur du pays). Un montant colossal - 110 milliards de francs CFA (167 millions d’euros) - pour un contrat très controversé, jugé opaque par beaucoup. "Il faut qu’à un moment on puisse voir ce à quoi ont servi ces 110 milliards", affirme Armand Kakou, étudiant en lettres modernes.
Du côté du ministère, on recommande la "patience". Le chantier des universités "n’est pas terminé", indique Viviane Krou Adohi, directrice générale de l’Enseignement supérieur. "Nous n’avons même pas encore utilisé la moitié" du budget alloué, précise-t-elle. Selon cette responsable, les travaux pourraient être bouclés "d’ici la rentrée prochaine".
Toutefois, sous couvert d’anonymat, une source au ministère dénonce des "sabotages" qui seraient perpétrés sur le campus d’Abidjan par des partisans de l’ex-président Laurent Gbagbo, tombé il y a deux ans.
L’incident de lundi a été suivi jeudi et vendredi d’affrontements entre membres de syndicats étudiants dans les deux universités d’Abidjan, qui ont fait plusieurs blessés, selon des témoins. Ces violences ont rappelé avecforce combien l’université reste une question politique et sensible.
La presse proche du pouvoir a cru voir la main de la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire (Fesci), syndicat tout-puissant sous le régime Gbagbo. Sous le règne de la Fesci, désormais marginalisée, les milieux universitaires avaient connu une explosion de la violence et des trafics en tous genres. A l’inverse, pour les journaux d’opposition, les étudiants désormais "se révoltent contre Ouattara".
Il reste que les tensions dans les milieux universitaires sont "une alerte"
pour le gouvernement, qui a une vision surtout "macro-économique" des
problèmes du pays, estime un diplomate africain en poste à Abidjan. Si la Côte
d’Ivoire reste la première puissance économique d’Afrique de l’Ouest francophone, elle a été durement éprouvée et appauvrie par une longue décennie
de tourmente.
Le diplomate ajoute, en forme d’avertissement: l’impatience de certaines couches sociales "ne peut que renforcer l’opposition", actuellement très mal en point, d’ici l’élection de 2015, à laquelle le président Ouattara envisage de se représenter.
eak-tmo/sba
Le ministre de l’Enseignement supérieur, Ibrahima Cissé Bacongo, l’a constaté à ses dépens. Dans l’enceinte de l’université Félix Houphouët-Boigny d’Abidjan, il a été pris à partie lundi par plusieurs centaines d’étudiants et a dû battre en retraite sous une pluie de pierres, pendant que la police usait de gaz lacrymogènes. Signe supplémentaire de tension, des affrontements entre étudiants ont suivi cette semaine, faisant plusieurs blessés.
La colère est à la mesure des attentes suscitées par les travaux impressionnants engagés après la crise postélectorale de décembre 2010-avril 2011, qui avait fait 3.000 morts et entraîné la fermeture de la grande université d’Abidjan, la principale du pays (plus de 60.000 étudiants sur près de 90.000 au total), durant plus d’un an. Pour la rentrée en septembre 2012, sur le campus refait à neuf, le président Alassane Ouattara avait lui-même donné le coup d’envoi du "départ nouveau", le mot d’ordre officiel.
Mais la grogne n’a cessé de monter depuis lors. "Quand on a vu les infrastructures, nous étions satisfaits: des bâtiments fraîchement peints, de l’air conditionné dans les amphithéâtres, de belles pelouses. Mais à peine ces infrastructures ont-elles commencé à fonctionner que nous avons été déçus",
explique à l’AFP Gaoussou Diabaté, porte-parole de l’Alliance nationale des étudiants de Côte d’Ivoire (Aneci), qui "condamne les violences" ayant commencé avec "l’agression" visant le ministre.
Les amphithéâtres toujours surpeuplés et les salles trop peu nombreuses
sont le premier motif de plainte. Autre sujet de mécontentement: l’insuffisance des transports publics autour de l’université, qui provoque d’interminables files d’étudiants après les cours. La pagaille quand un bus finit par arriver a même déjà causé des décès, selon les syndicats.
Budget colossal
En outre, "il y a les coupures intempestives d’électricité, des micros qui ne marchent pas, il n’y a aucun document dans les bibliothèques, pas de
fontaine sur le campus", déplore Gaoussou Diabaté. "On nous a fait miroiter un
rêve".
Nombre d’étudiants réclament donc des comptes sur la gestion des fonds dédiés aux chantiers des cinq universités (à Abidjan et dans l’intérieur du pays). Un montant colossal - 110 milliards de francs CFA (167 millions d’euros) - pour un contrat très controversé, jugé opaque par beaucoup. "Il faut qu’à un moment on puisse voir ce à quoi ont servi ces 110 milliards", affirme Armand Kakou, étudiant en lettres modernes.
Du côté du ministère, on recommande la "patience". Le chantier des universités "n’est pas terminé", indique Viviane Krou Adohi, directrice générale de l’Enseignement supérieur. "Nous n’avons même pas encore utilisé la moitié" du budget alloué, précise-t-elle. Selon cette responsable, les travaux pourraient être bouclés "d’ici la rentrée prochaine".
Toutefois, sous couvert d’anonymat, une source au ministère dénonce des "sabotages" qui seraient perpétrés sur le campus d’Abidjan par des partisans de l’ex-président Laurent Gbagbo, tombé il y a deux ans.
L’incident de lundi a été suivi jeudi et vendredi d’affrontements entre membres de syndicats étudiants dans les deux universités d’Abidjan, qui ont fait plusieurs blessés, selon des témoins. Ces violences ont rappelé avecforce combien l’université reste une question politique et sensible.
La presse proche du pouvoir a cru voir la main de la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire (Fesci), syndicat tout-puissant sous le régime Gbagbo. Sous le règne de la Fesci, désormais marginalisée, les milieux universitaires avaient connu une explosion de la violence et des trafics en tous genres. A l’inverse, pour les journaux d’opposition, les étudiants désormais "se révoltent contre Ouattara".
Il reste que les tensions dans les milieux universitaires sont "une alerte"
pour le gouvernement, qui a une vision surtout "macro-économique" des
problèmes du pays, estime un diplomate africain en poste à Abidjan. Si la Côte
d’Ivoire reste la première puissance économique d’Afrique de l’Ouest francophone, elle a été durement éprouvée et appauvrie par une longue décennie
de tourmente.
Le diplomate ajoute, en forme d’avertissement: l’impatience de certaines couches sociales "ne peut que renforcer l’opposition", actuellement très mal en point, d’ici l’élection de 2015, à laquelle le président Ouattara envisage de se représenter.
eak-tmo/sba