x Télécharger l'application mobile Abidjan.net Abidjan.net partout avec vous
Télécharger l'application
INSTALLER
PUBLICITÉ

Société Publié le mercredi 22 mai 2013 | L’intelligent d’Abidjan

Interview / Dr Pokou Koffi, SG du Bureau National de la Prospective et de la Veille Stratégique prévient : ‘‘D’ici 2040, tout peut arriver…’’

La Côte d’Ivoire est une communauté humaine qui aspire au développement. Les actions des différents gouvernants qui se sont succédé, ne sont jamais allées à contre-courant de cet objectif principal. Pour décliner en orientation stratégiques les objectifs de développement, les gouvernants ont recours à des Etudes Nationales Prospectives. A cet effet, nous avons rencontré le Secrétaire général du Bureau National de la Prospective et de la Veille Stratégique. Dans cet entretien, il explique comment la prospective permet de planifier le développement…
Vous êtes le secrétaire général du Bureau National de la Prospective et de la Veille Stratégique.

Pour le grand public, qu’est-ce que c’est la prospective et la veille stratégique ?

La prospective peut se définir comme un ensemble de réflexions sur les évolutions futures possibles d’une communauté humaine. Il s’agit dans le cadre de Côte d’Ivoire 2040 d’identifier l’image que les Ivoiriens se donnent de la Côte d’Ivoire à l’horizon 2040. Une étude nationale prospective suit une démarche en plusieurs étapes. Il y a la phase de constitution de la base de données prospectives et nous avons terminé celle-ci en novembre 2012.

En quoi a consisté cette phase?

Cette phase a consisté à faire le bilan diagnostic des études prospectives antérieures ; ce qui a permis de renforcer la méthodologie de l’étude en cours et de mettre à jour l’analyse situationnelle dans les principaux secteurs de la politique nationale de développement (PND). Notamment, l’économie, l’aménagement du territoire et le développement régional, la société, la culture et la politique, la démographie, l’environnement et le cadre de vie. Elles ont également permis de dégager les probables enjeux et défis du futur qui pourraient porter sur le rôle de l’Etat dans le développement durable, le statut des terres, le développement des ressources humaines, le financement du développement, la politique d’immigration et d’intégration ainsi que le phénomène nouveau de l’émigration des Ivoiriens, le statut de la femme et la protection de l’environnement. L’amélioration de la démarche méthodologique a consisté à intégrer l’analyse structurelle et l’analyse du jeu des acteurs du système Côte d’Ivoire. Après, nous avons conduit une enquête nationale sur les aspirations des populations vivant en Côte d’Ivoire. C’est aussi une innovation par rapport aux études passées. En effet, celles-ci n’ont identifié que les aspirations des Ivoiriens. Mais cette fois-ci, nous avons cherché à savoir les aspirations des populations vivant en Côte d’Ivoire, c’est-à-dire les nationaux et les non nationaux.

Est-ce que toutes ces aspirations seront consignées dans un document ?

Oui, les aspirations ont été consignées dans un document accessible à tous. Dans cette phase de construction de la base de données, nous avons également réalisé l’analyse structurelle et l’analyse du jeu des acteurs du système Côte d’Ivoire.

Qu’entendez-vous par ‘’analyse du jeu des acteurs du système Côte d’Ivoire’’ ?

Comme vous le savez, l’évolution d’un pays dépend de plusieurs facteurs et des relations des uns avec les autres. L’analyse structurelle a permis d’identifier les variables clées qui conditionnent l’évolution de la Côte d’Ivoire, de révéler les relations entre celles-ci et de dégager les messages clés du futur. Derrière les variables, il y a des acteurs. L’analyse du jeu des acteurs a consisté à identifier les acteurs clés du système Côte d’Ivoire, les alliances et conflits éventuels, leurs convergences et divergences ainsi que les questions clées d’avenir. Par exemple, les relations économiques de la Côte d’Ivoire avec l’extérieur, le rôle du secteur privé dans l’économie, le rôle de la société civile dans le processus démocratique. Nous sommes maintenant à la phase de la construction des scénarios. Les scénarios sont des images futures possibles de la Côte d’Ivoire, c’est-à-dire la représentation que l’on se fait de la Côte d’ Ivoire à l’horizon 2040. Nous avons commencé par l’identification des incertitudes majeures qui pèsent sur le système Côte d’Ivoire. En fait, les incertitudes sont des phénomènes qui existent et dont les évolutions ne sont pas maîtrisables mais qui peuvent avoir des influences négatives ou positives sur ‘’le système Côte d’Ivoire’’. Ces phénomènes peuvent évoluer dans tous les sens. Et comme nous ne savons pas dans quels sens ils vont évoluer, nous avons formulé des hypothèses cohérentes et vraisemblables sur l’évolution de ces incertitudes. C’est le travail que nous avons fait récemment à Agboville.

Alors, ce sont juste des hypothèses ? En prospective, vous avez pour coutume de dire que tous les scénarios sont possibles, mais pas souhaitables. Qu’est-ce que vous pensez beaucoup plus souhaitable pour la Côte d’Ivoire d’ici 2020?

Comme vous l’avez vous-même dit, tous les scénarios sont possibles. D’ici à l’an 2040, personne ne peut dire avec exactitude ce qui va se passer. Donc, il peut avoir des futurs souhaités, des futurs redoutés, ce qu’on ne souhaite pas, et des futurs entre ces deux extrêmes. Donc, d’ici 2040, tout peut arriver.

Est-ce que vous pensez que les études prospectives antérieures ont été prises en compte par nos gouvernants pour qu’on soit encore à une nouvelle étude prospective?

La première étude prospective a été réalisée entre 1973 et 1974. Le plan quinquennal 1976-1980, s’est fortement appuyé sur les résultats de cette étude prospective, ‘’dénommée Côte d’Ivoire 2000’’. Il y a eu une étude nationale prospective qui a été réalisée en 1983-1984, dénommée ‘’Côte d’Ivoire 2010’’. Le plan quinquennal 1981-1985 s’est inspiré de l’Etude nationale prospective ‘’Côte d’Ivoire 2010’’. Mais, ce plan n’a pu être mis en œuvre à cause des contraintes des programmes d’ajustement structurel. L’étude nationale prospective ‘’Côte d’Ivoire 2025’’ a été réalisée entre 1993-1995. Bien que cette étude n’ait pas abouti à un plan quinquennal, le programme de gouvernement dénommé les ‘’12 chantiers de l’éléphant d’Afrique’’ s’en est fortement inspiré. Mais, les gouvernants d’alors n’ont pas accordé une attention suffisante au scénario pessimiste, baptisé ‘’le suicide du scorpion’’. Qui disait que s’il y a blocage du processus démocratique, et une mauvaise gouvernance, il va avoir des mécontentements. L’armée va s’ingérer dans le jeu politique et c’est ce qui s’est effectivement passé. Le coup d’Etat de décembre 1999 et les différentes crises armées subséquentes ont confirmé la pertinence des conclusions de l’étude nationale prospective ‘’Côte d’Ivoire 2025’’ dont l’exploitation judicieuse aurait pu éviter au pays cette situation préjudiciable à la paix et à la cohésion sociale. De plus, le Plan National de Développement (PND) 2012-2015 s’est fondé sur certains résultats de l’étude nationale prospectives ‘’Côte d’Ivoire 2025’’. Comme vous le voyez, d’une façon ou d’une autre, les gouvernants tiennent compte des résultats des études nationales prospectives.

Comment faites-vous pour mesurer la perception des populations vivant en Côte d’Ivoire sur la gouvernance économique ? Puisque dans la première partie de cette étude, « 75% des Ivoiriens estiment qu’il y a mauvaise gestion » ?

Il y a des données qui sont fournies par la Banque Mondiale. Est-ce que l’administration fonctionne correctement ? Est-ce que les décisions de justice sont transparentes ? Est-ce que la corruption est maîtrisée ? Au cours de l’enquête sur les aspirations, des questions ont été posées sur la gestion des deniers publics. A partir d’une analyse fréquentielle, nous avons pu dégager la perception des populations.

Est-ce que vous pouvez me permettre de dire que l’émergence en 2020 devrait commencer par la mise en place des résultats de l’Etude Nationale Prospectives Côte d’Ivoire 2040?

La vision du Président de la République, c’est de faire de la Côte d’Ivoire un pays émergent à l’horizon 2020. Le PND 2012-2015 intègre cette vision. L’étude prospective en cours devra alimenter le prochain plan national de développement qui va couvrir la période 2016-2020. Les conclusions de cette étude devront donc renforcer les stratégies pouvant permettre d’atteindre l’émergence à l’horizon 2020. Pour ce faire, l’étude devra définir des horizons intermédiaires dans la détermination des orientations stratégiques de développement du pays. Ce qui permettrait de prendre en compte la vision du président de la République.

Je voudrais vous poser une question purement d’école. Quelle est la différence entre la prospective et la futurologie? Est-ce que les deux termes se valent ?

La futurologie, de façon ramassée, c’est la science qui étudie le futur alors que personne ne sait ce que sera le futur, tous les avenirs étant possibles comme nous l’avons déjà indiqué. La prospective fait de l’anticipation sur le futur en élaborant divers scénarios. Les deux termes s’utilisent et il y a certains auteurs qui parlent de futurible, c'est-à-dire les futurs possibles.

Il y a le privé à travers le patronat qui a également mené une étude ‘’Côte d’Ivoire 2040, le défi du meilleur’’. Est-ce que vous avez pris en compte cette étude ?

L’étude du secteur privé est un document qui vient d’être réalisé mais c’est une étude sectorielle. L’étude nationale prospective a un champ plus vaste puisqu’il intègre toutes les questions liées aux différents secteurs d’activités, à la coopération internationale, les questions socio-culturelles, les questions politiques, etc. Evidemment, certains de leurs résultats seront pris en compte dans la détermination des orientations stratégiques pour assurer le développement de la Côte d’Ivoire. Il n’y a donc pas de conflits entre ces deux études. Elles sont plutôt complémentaires. De toute façon, on ne peut atteindre l’émergence sans un secteur privé fort, capable de transformer nos matières premières, d’appuyer la recherche-développement en vue de créer de nouveaux procédés de fabrication de produits, de créer des emplois décents. Au fond, pour impulser la croissance économique.

Quel est le scénario le plus optimiste pour assurer le développement durable de la Côte d’Ivoire ?

Au stade actuel de l’étude, l’on ne peut pas parler de scénario optimiste. Nous sommes à la phase d’identification des incertitudes et des hypothèses de construction des scénarios. Le croisement de ces hypothèses va nous donner des scénarios par grands thèmes prospectifs. On parle de ‘’scénarios thématiques’’. Ces scénarios thématiques vont être croisés pour avoir ce qu’on appelle des scénarios globaux. C’est à l’issue de cet exercice qu’on pourra ajouter un épithète aux différents scénarios. Par exemple, scénario très optimiste, scénario optimiste, scénario pessimiste, scénario très pessimiste. Pour le moment, je ne peux pas vous en dire plus.
K.Hyacinthe
PUBLICITÉ
PUBLICITÉ

Playlist Société

Toutes les vidéos Société à ne pas rater, spécialement sélectionnées pour vous

PUBLICITÉ