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Économie Publié le jeudi 23 mai 2013 | Le Temps

Rackets sur «La côtière» dégradée : Le calvaire des usagers et des opérateurs économiques

Chassé le naturel, il revient au galop. Le racket et les tracasseries routières, pratiques tant décriées, ont du mal à disparaitre sur «La côtière» reliant Abidjan à San Pedro. Les Frci s’y adonnent à cœur joie. Reportage…

Lundi 18 mars 2013, il est 8h 30mn à la grande gare routière d’Adjamé. Précisément à «Chaadi Transport» qui assure la desserte de l’axe Abidjan-San Pedro via, «La côtière» long de 360 km. Très dégradée par endroit depuis son inauguration à la fin des années 90. Dans le brouhaha et les coups de klaxon incessants, nous restons sourds aux interpellations des coxers qui nous proposent leurs services. Qui pour nous accompagner à une gare. Qui pour nous aider à supporter le poids de nos bagages. Malgré tout, nous réussissons à payer le ticket d’embarquement, à destination de San Pedro, 10h 00. Le minicar Mercedes de 16 places à bord duquel nous prenons place, est en mouvement pour la station balnéaire. Mais avant de sortir de la commune de Yopougon, nous tombons sur un premier barrage tenu non seulement par des éléments des Forces républicaines de Côte d’Ivoire, (Frci) mais aussi par ceux de la Brigade anti émeute (Bae) et de la Gendarmerie nationale. Si on s’en tient aux tenues qu’ils portaient. Après des coups de sifflets stridents, l’apprenti ou le convoyeur (c’est selon) court en trombe pour glisser dans la main de l’un d’eux, un billet de banque. Pendant qu’un autre élément qui «cherchait peut-être pour lui», s’activait à voir le contenu de trois males métalliques de couleur verte, appartenant à une jeune fille portant encore fraîchement les attributs d’une nouvelle mariée en pays Malinké. Renseignement pris, la nouvelle mariée avait rangé dans ses males, ses ustensiles de cuisines, des objets de tables et des habillements. Qu’à cela ne tienne, «notre Frci» très excité comme un pou, passe par tous les moyens, voire à la limite du harcèlement, pour obtenir un petit billet de banque. Après quoi, la guimbarde se remet en marche et le calvaire des usagers ne fait que commencer. Après la localité de Songon, enveloppée dans un parfum nauséabond provenant des véhicules transportant des fonds de tasse (latex à l’état brut), à livrer à des usines de première transformation qu’on trouve en grand nombre dans cette zone, nous voici dans le périmètre communal de Dabou. Le car s’immobilise à nouveau et l’ordre est donné à tous les occupants de descendre pour traverser à pieds le corridor de fortune, fait de pneumatiques usagers et de bloc de béton. Même des personnes du troisième âge et des femmes portant leurs bébés en main sont obligées de s’exécuter. Il en sera ainsi aux entrées et aux sorties de certaines localités comme Grand Lahou, Lozoua, et de gros villages tels que Moussadougou, Dassioko en passant par le carrefour de Fresco et au corridor de Sassandra. Si par moments, les éléments des Frci et de la Gendarmerie commis à la surveillance de «La côtière» épargnent parfois les usagers, le conducteur via son apprenti est obligé de mettre la main à la poche : glisser un billet de 1000 Fcfa dans les pièces destinées aux éléments des forces de sécurité dont on voit certains souvent couchés dans des fauteuils en bambou à l’ombre des box de fortune.

Colère et indignation des usagers et des opérateurs économiques
Après «Ils ne se gênent même pas. C’est l’apprenti qui descend et va vers eux. Ce sont ces mêmes pratiques qu’on reprochait aux ex-Forces de défenses et de sécurité (ex-Fds, sous Gbagbo). Il y a quelques années. Ils attendent comme ça «le thé songôn» (entendez l’argent du thé en Malinké). Mais chassé le naturel, il revient au galop» nous dit à voix basse, notre voisine, Sita D, la trentaine environ et mâchant son Chewing-gum à pleine dents. Alors que nous avons franchi le pont enjambant le fleuve Sassandra, une autre jeune dame à l’allure pas très sereine comme nous l’avons remarqué depuis le début du voyage, ne tient pas sur son siège. Dès que le car s’immobilise au corridor de Sassandra, nous sommes envahis par une cohorte de vendeuses de poissons fumés d’eau douce et de crabes poilus. A travers des approches marketing dont elles détiennent jalousement le secret, chacune y va de sa stratégie pour écouler sa marchandise et faire certainement de bonnes affaires. Dès que nous levons la tête, nous voyons dans le car, un élément Frci qui nous lance au visage dans un français approximatif : «Chef pièce ! Pièce !!!!». Malheureusement, il s’est trouvé qu’au cours du contrôle de routine que la ravissante jeune dame qui avait la trouille à chaque barrage, n’avait pas de pièce nationale d’identité. Malgré les suppliques et les réactions des autres voyageurs, rien n’y fit. Elle a été sommée par l’élément Frci de descendre et de le suivre au poste. Pourquoi faire ? A travers les vitres, nous suivons à distance les échanges par moments houleux qui se passent au poste et en train de suivre notre jeune homme en tenue prendre le contact téléphonique de la pauvre jeune femme. Près de dix minutes après, tout rentre dans l’ordre, F.T. c’est le nom que nous lui donnons, vient prendre place à bord du minicar, non sans lancer un «tchrr» (juron) traduisant toute sa colère.

Le visage renfrogné, elle lance à qui veut l’entendre : «On leur dit de venir assurer la sécurité sur la côtière et combattre les coupeurs de route, ce sont les petits billets et les numéros des pauvres commerçantes ils veulent. Tu as joué bidet». Aussitôt le véhicule démarre ! Question pour le conducteur d’arriver à temps à San Pedro. Sur le reste du tronçon, l’un des occupants excédé par le comportement des «racketeurs» nous apprendra que sur le corridor Nord de Yamoussoukro aux postes frontaliers Nord d’avec le Mali et le Burkina Faso, les anciennes pratiques ont la peau dure et ne disparaitrons pas de sitôt (Voir tableau). Aussi, le mauvais état de la route par endroit très dégradée, en rajoute au calvaire des usagers et des transporteurs qui sont contraints de marquer une halte au «poste à péage» estimés à au moins vingt postes entre Abidjan et San Pedro. Et où les transporteurs doivent «payer pour passer». Il en est de même pour des commerçants qui au final, n’hésiteront pas à faire payer la note aux consommateurs finaux. Que disent les autorités administratives de la Région du Bas Sassandra ? Approché, Coulibaly Ousmane, le Préfet de Région et préfet de San Pedro, dit prendre des dispositions pour lutter contre le fléau. «Nous allons prendre les dispositions qui s’imposent pour éradiquer le racket qui cause beaucoup de préjudices financiers aux opérateurs économiques. Depuis notre prise de fonction, nous nous sommes engagés à rendre fluide le transport et le convoyage de certains produits principalement, le cacao vers le port de San Pedro.

Nous tenons à la sécurisation des convois de cacao comme à la prunelle de nos yeux», ajoute Ousmane Coulibaly. L’Etat de la route ? Malgré certains travaux de pointe à temps et de revêtement, «La côtière» qui avait pour principal atout de désenclaver toute la région du sud-ouest ivoirien marquée par une intense activité agricole et servir de soutien au développement des industries du bois et de l’agroalimentaire, est aujourd’hui fortement dégradée. «A preuve, là où il permettait de relier Abidjan et San Pedro en quelques 3h, il faut désormais en voiture 4 à 5h, contre environ 7h en car. En clair, pour l’usager qui emprunte un car, s’il part d’Abidjan à 8h, c’est quasiment à 15h qu’il va arriver à San Pedro après de nombreux arrêts en route…», révèle Fredy, jeune opérateur économique. Seulement voilà, «la côtière» aujourd’hui n’inspire qu’un mot chez les usagers de la route : «calvaire».

Bamba Mafoumgbé, envoyé spécial
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