Le chef du Parlement ivoirien a animé hier, un meeting au stade de Ouragahio. Une occasion mise à profit pour répondre à ceux qui l’accusent d’avoir trahi l’ancien président, Laurent Gbagbo. Le numéro Deux ivoirien a même révélé quelques pans de la longue marche effectuée en compagnie de l’ancien chef de file de la refondation.
Chers parents de Ouragahio,
Ce n’est pas la première fois que je viens à Ouragahio. Mais, c’est la première fois que je suis ici en ma qualité de président de l’Assemblée nationale. Le rôle de l’Assemblée nationale, c’est d’être avec les populations dans les hameaux, les campements, dans les villages, les villes. C’est pourquoi depuis cette législature, j’ai entamé des tournées dans les autres régions. Mais comme je vous l’ai dit je n’avais pas programmé Gagnoa. J’ai dû, à la place d’Agboville, venir à Gagnoa parce que la chefferie traditionnelle a été entreprenante. Les chefs l’ont dit à plusieurs reprises, ils veulent que je vienne à Gagnoa. Mais que je les aide à régler un certain nombre de problèmes. Et j’ai pris cet engagement de le faire. Je serai avec eux. Eux aussi, je le sais, dès que j’ai annoncé que je venais à Gagnoa et Ouragahio, ils ont reçu des menaces de mort. Des gens qui envoient des menaces de mort aux chefs traditionnels... Ce n’est pas normal parce que personne n’a un titre de propriété privé sur une portion du territoire de la Côte d’Ivoire. La Côte d’Ivoire appartient à tous les Ivoiriens sans exclusion. Et j’ai dit aux chefs que pour ceux qui ont envoyé les messages de menaces, on enverra l’affaire à la Police. Un jour où l’autre, on les trouvera pour leur dire que c’est illégal de proférer des menaces de mort. Mais, nous nous retrouverons, demain à Gagnoa pour parler vrai, pour nous dire la vérité. Parce que comme le disait quelqu’un, la vérité rougit les yeux mais ne les casse pas. Et comme je n’ai pas la langue de bois, demain, il y a d’autres questions que j’aborderai avec vous.
Rendez-vous de vérités aujourd’hui à Gagnoa
Mais, pour l’étape de Ouragahio, le maire l’a dit dans son discours, le député aussi l’a évoqué, c’est le chef-lieu de sous-préfecture de la localité où est né Laurent Gbagbo. Je l’ai connu, Laurent Gbagbo. Et dans les années 1990, c’était très dur. J’étais étudiant et après je suis devenu le leader des étudiants. A l’époque, on nous taxait d’être manipulés par l’opposition. On nous indexait et nous sommes même allés en prison. Nous avons souffert. Mais, ce que je voudrais que les gens sachent, c’est que je n’ai pas suivi Laurent Gbagbo quand il est devenu président de la République ; bien au contraire, je l’ai fui. J’étais avec lui dans les moments difficiles donc on ne peut pas dire que je cherchais à manger. J’avais une conviction, c’était la liberté et la démocratie pour mon pays. En ce moment, très peu de personnes se réclamaient de Laurent Gbagbo. Je dis bien très peu. Car personne n’avait le courage de le dire ou même de le revendiquer. Mais, nous, nous sommes allés en prison et, des témoins sont vivants. Si le commissaire Zoumana est là, il peut témoigner. Eh bien, il est là. Mon commissaire, j’ai été détenu à l’école de Police. A la Dst, j’ai fait, avec les élèves policiers, la Fcb, c’est-à-dire la formation commune de base. Tous les policiers savent ce qui est un Pipao. Laissez-moi vous dire que j’ai été un Pipao à l’école de Police. Donc je parle aux parents de Ouragahio. J’ai fait tout cela.
1998, la séparation d’avec Gbagbo
En 1998, j’ai décidé de partir parce que je me suis senti trahi, quand, à l’université, j’ai vu qu’on a commencé à réfléchir en terme d’ethnie. Mais que les gens n’oublient pas que pendant que j’endurais toutes les souffrances, y compris les cinq fois que je suis allé en prison, je n’étais pas Bété. Chaque fois que j’allais en prison à l’Ecole de police, à la Dst ou à la Maca et qu’on me disait : « C’est Gbagbo qui te finance, c’est Gbagbo qui te manipule », je n’étais pas Bété. J’ai toujours été un petit Sénoufo. Et pourtant, j’ai fait la prison. Aujourd’hui, je vois certains qui parlent, alors que pendant les moments difficiles, ils n’étaient pas là. Eux, ils ont connu Gbagbo quand il est devenu président. Mais, nous l’avons connu dans la prison. Et, je le dis, je le revendique, parce que c’est mon histoire à moi. Personne ne peut le nier parce que les faits sont encore récents. J’entends certains dire aujourd’hui : «Guillaume a trahi Gbagbo et c’est à cause de lui qu’il est à La Haye ». Comment l’ai-je trahi ? L’histoire est là, très simple à relater.
J’ai été nommé Premier ministre pour organiser des élections. Je n’avais pas été nommé Premier ministre pour être le directeur de campagne de Laurent Gbagbo. Je n’avais non plus pas été nommé Premier ministre pour être le directeur de campagne d’Alassane Ouattara. J’ai été nommé Premier ministre pour organiser des élections démocratiques, transparentes, pour que le peuple ivoirien aille aux urnes et se choisisse le président qu’il désire. J’ai été nommé, pas pour favoriser un candidat ou un autre, mais parce que j’étais convaincu que c’est par les urnes que le président démocratiquement élu devait sortir. Nous avons signé les Accords de Ouagadougou le 4 mars et quand Gbagbo arrivait à Ouagadougou, il pensait qu’on allait signer cet accord et que je devais être nommé, le même jour, Premier ministre. Quand en 2002, j’ai demandé à être Premier ministre, tout le monde a dit : «Soro, Premier ministre ? Jamais !». Le 4 mars 2007, nous étions trois, le Président Compaoré, Gbagbo et moi. Nous nous sommes concertés avant de signer l’Accord de Ouagadougou. Quand nous étions dans la salle, on s’est mis d’accord sur le document que Louis-André Dacoury-Tabley et Désiré Tagro venaient de parapher.
Dans nos discussions, Gbagbo a dit : «Soro, avant que je ne signe le décret de ta nomination comme Premier ministre, il faut qu’on ait un entretien». J’ai répondu: « quel Premier ministre ? Je ne veux pas parce que ton caractère et le mien sont incompatibles. Si je suis Premier ministre, ça ne peut pas fonctionner, donc prend Charles Koffi Diby comme Premier ministre». Gbagbo était surpris, il m’a dit que ça ne pourra pas marcher. Il s’est tourné vers Blaise Compaoré pour lui demander qui il propose comme Premier ministre. Compaoré lui a dit qu’il a trois propositions : la première, Soro Guillaume, la deuxième, Guillaume Soro, la troisième proposition, Soro Kigbafori Guillaume. Nous en avons ri et il a dit d’aller signer l’accord d’abord, et qu’on verra par la suite les modalités d’application de cet accord. C’est ainsi que le 4 mars nous avons signé l’accord cadre qui a servi de programme pour gouvernement. Et pendant quatre semaines, plusieurs chefs d’Etat m’ont appelé pour que j’accepte d’être Premier ministre.
On a ri et puis il a dit : « Ecoutez, allons déjà signer l’accord cadre et puis après on va voir les modalités de la nomination du Premier ministre. C’est comme ainsi que le 4 mars nous avons signé l’accord cadre qui a servi de base de programme pour le gouvernement. Et pendant deux semaines, plusieurs chefs d’Etat m’ont appelé pour que j’accepte d’être Premier ministre de l’Etat de Côte d’Ivoire. J’ai même été jusqu’à Libreville à l’époque pour voir le Président Bongo. Paix à son âme. Il m’a dit fiston, le destin met la main sur vous à des moments inattendus, accepte d’être le Premier ministre. Je lui ai dit : « doyen, je suis d’accord mais et ma sécurité à Abidjan ? » Il m’a dit : « Mais Soro, la façon dont tu t’es débrouillé pour survivre à Bouaké, c’est de la même façon que tu vas te débrouiller pour survivre à Abidjan ». Ce n’est qu’après cela que je suis venu. C’est ce qui explique ma nomination le 29 mars.
Promesses faites à Gbagbo
Mais quand j’ai été nommé, Gbagbo et moi-même nous nous sommes entretenus. Ce jour-là, il y avait Alain Michel Lobognon, l’actuel ministre de la Jeunesse et des sports. Il y avait Konaté Sidiki. Il y avait Désiré Tagro. Et j’ai dit au Président Gbagbo ce jour-là. J’ai dit : « M. le président je suis Premier ministre, je vous serez loyal, je ne vous poignarderai pas. Mais ne me demandez pas non plus de poignarder l’opposition. Je ne suis pas venu pour ça. Si on est d’accord sur cela, je pense qu’il n’y a pas de problème. Autant je vous serez loyal comme président de la République, autant ne me demandez pas d’aller poignarder l’opposition, Bédié et Alassane. Ce n’est pas mon travail ». Voilà ce qui s’est passé. Et j’ai fait mon travail.
Il y a eu même des moments difficiles. Rappelez-vous la double dissolution de la Cei et du gouvernement. C’était en février 2010. M. le préfet, ce jour-là quand le Président Gbagbo a dissous le gouvernement et la Cei, le pays s’est embrasé. L’opposition, le Rdr, le Pdci attendaient que je démissionne. Je me suis dit : « Je suis Premier ministre, j’ai promis d’être loyal au président de la République. Je ne peux pas le poignarder ». Mais le Pdci et le Rdr, tout le monde m’a traité de traître. Il y en a même un qui est venu dans mon salon au nom de ses amis pour me dire : « Tout le monde raconte en ville que c’est parce que tu n’as pas démissionné que Gbagbo est encore au pouvoir. Si tu démissionnes aujourd’hui il tombe. Comme tu es mon ami, je suis venu te dire ce que les gens disent en ville tout bas. Tout le monde dit que tu es un traître. Parce que Gbagbo c’est déjà fini ». Je l’ai regardé, j’ai dit : « Est-ce que tu sais que tu parles à quelqu’un qui a utilisé la forme la plus extrême de la violence ? Je ne démissionnerai pas. Maintenant, si je suis un traître, moi-même je suis content de l’être». Les gens ont écrit : « c’est parce qu’il aime la primature, qu’il a la grosse tête, il veut s’accrocher à la primature». Si je démissionnais le pays basculait dans la guerre, la violence. Et je ne le voulais pas. Je suis allé dire au Président Gbagbo que je ne démissionne pas. Je me souviens même d’un titre d’un journal quand j’ai formé le gouvernement, parce que l’opposition refusait d’y rentrer. Ils ont titré : « Le gouvernement manchot de Guillaume Soro». Donc en ce moment-là, où étaient ceux qui disent que je suis traître aujourd’hui? Alors donc nous avons fait les élections. Gbagbo a perdu les élections
Soro, pas homme à mentir
Celui qui a gagné les élections, je l’ai dit, c’est Alassane Ouattara. Si c’était Gbagbo, je l’aurai dit. Je ne suis pas homme à mentir, je ne suis pas homme à me laisser manipuler. J’ai dit en âme et conscience, en regardant, le peuple ivoirien que c’est Gbagbo qui a perdu les élections. Si à cause de cela je suis un traître, alors je suis un bon traître. Et je suis content d’être un traître parce que j’ai dit la vérité. Si c’était Bédié, je l’aurais dit mais j’ai dit à Gbagbo : « Tu as perdu les élections ». Ceux qui n’ont pas eu le courage de dire à Gbagbo qu’être président ce n’est pas une finalité, ce sont eux qui l’ont trahi. Ceux qui n’ont pas eu le courage de dire à Gbagbo : « Ecoute, c’est Dieu qui décide, c’est Dieu qui est le maître de tout destin », ce sont eux qui l’ont trahi. Ceux qui n’ont pas eu le courage de dire : « Ecoute, tu es enfant de pauvre comme nous tous. Tu es devenu président pendant 10 ans, même si c’était un jour seul de présidence, c’est ce destin que Dieu t’a donné ; accepte-le, laisse le pouvoir. » Il ne serait pas à La Haye aujourd’hui. Ceux qui sont allés le blaguer, pour lui dire : « On est devant, tiens bon », ce sont eux qui l’ont blagué. Parce que moi je suis allé le voir dans sa résidence, l’ambassadeur Koné Boubacar est là, le commandant Dia est là. Je suis allé le voir dans sa résidence et je lui ai dit : « Cette affaire-là, les nouvelles ne sont pas bonnes pour toi. C’est Alassane qui est devant et il va gagner, laisse le pouvoir. Je ne te parle pas en tant que Premier ministre. Je te parle en tant que fils. Prends-moi comme un fils, comme un frère ; pardon laisse le pouvoir. Il y a des hommes qui ont marqué l’histoire du monde sans jamais être président. Toi tu as fait dix ans, tu as besoin de quoi encore ? Martin Luther King, Nelson Mandela, qui a fait 4 ans seulement, aujourd’hui il est immortel ». Ceux qui l’ont blagué pour lui dire : « Président tiens bon, nos poitrines sont là, tiens bon », ce sont ceux qui l’ont trahi. Quand il y avait les élections, Alassane a dit « Je vais te nommer Premier ministre ». Quand Bédié disait : « Je vais te nommer », qu’est-ce que j’ai dit.
L’histoire triomphera
Donc Ouragahio ne vous laissez pas blaguer. Ne vous trompez pas, la vérité est là et l’histoire triomphera. Quand on était aux portes d’Abidjan, j’ai fait une prière et j’ai dit à Dieu : « Si je me suis trompé dans ma conviction, je ne rentrerai pas à Abidjan. Mais si nous avons fait ces élections dans la clarté, dans la transparence, que nous rentrerions Abidjan saints et saufs. Et par extraordinaire, nous sommes entrés à Abidjan sans que un des commandants ne soit blessé. Mieux, nous avons donné des instructions fermes pour que Gbagbo ait la vie sauve. Ils sont ici Jah Gao, Wattao, Morou Ouattara. Je leur ai dit qu’on ne touche pas à Gbagbo. Je leur dit qu’on ne touche pas à Simone. Qu’on ne touche à aucun cheveu. Je leur ai dit protégez-les. Même au Golf, c’est ma chambre que j’ai donnée à Gbagbo. Les gens sont en train de vous mentir. Mais lui, de là où il est, il sait la vérité. Il sait que j’ai été là. Certains auront honte de dire que je les ai aidés.
Donc pourquoi veut-on faire croire que Ouragahio n’est que Fpi ? La démocratie veut que la pluralité des opinions politiques s’exprime librement et sans entrave. C’est pourquoi je suis venu à Ouragahio. Je suis venu. Pas pour narguer quelqu’un, mais pour aider Ouragahio. Le maire a posé des doléances. Mais, attendez, pourquoi ces doléances n’étaient pas réalisées ? Parce que je peux lui dire : « Mais Monsieur le maire, vous dites de ne pas venir ici, pourquoi c’est à moi que vous posez des doléances ? » Tu ne veux pas de quelqu’un et tu veux son argent. Vous ne pouvez pas dire à quelqu’un de ne pas venir chez vous et lui demander de réparer la route. On répare la route, puis on est ensemble et on parle.
Donc chers parents de Ouragahio,
Pensez au développement de Ouragahio. Laissez la politique de côté. Chacun est libre d’être dans le parti politique qu’il veut. Chacun est libre de se donner le leader qu’il veut. Mais quand il s’agit du développement local, il n’y a plus de parti politique. Quand il s’agit des écoles, des dispensaires de Ouragahio, il n’y a plus de parti politique. Donc quand je viens ici, c’est pour aider Ouragahio. Et demain quand le Président Alassane Ouattara viendra à Ouragahio, ce sera pour aider Ouragahio. Vous devez même souhaiter qu’il vienne rapidement ici. Je suis venu vous tenir le langage de la vérité. Je suis venu vous dire ce qui s’est passé.
Donc chers parents,
Voici le message que je voulais vous livrer. Mais je sais que certains en ont gros sur le cœur. D’autres sont mécontents. Je suis venu demander pardon aux populations de Ouragahio pour toutes les souffrances que vous avez endurées. Oui, Abel Djohoré l’a dit. Aux premières heures, je l’ai appelé. Je lui ai dit, cours sur Gagnoa et protège les populations. Moi-même, je me suis déplacé pour aller à Daloa pour dire qu’il faut qu’on protège les populations Bété. Je ne voulais pas qu’il y ait une revanche. Je ne voulais pas qu’on tombe dans la violence. J’ai dit que je ne veux pas qu’on touche au peuple bété. Parce que ce sont mes beaux. Je ne veux pas que quelqu’un cherche à se venger. Certains me l’ont reproché. Mais je l’ai fait. Je demande pardon à ceux qui ont souffert. Je ne suis pas de ceux qui pensent que demander pardon fait honte. Il faut qu’on s’humilie. Les grandes religions musulmanes et chrétiennes disent que le pardon est divin. Mais il y a certains à qui on dit de demander pardon et qui refusent. Ils disent qu’ils n’ont jamais péché. Je ne savais pas qu’il y a avait des Saints sur la terre. Et que la perfection était de ce monde. Mais moi, je demande pardon. Ouragahio, acceptez mon pardon. Mais acceptez aussi de demander pardon. Ouragahio, acceptez la réconciliation, acceptez le développement.
Je vous remercie
Propos recueillis par Marc Dossa,
envoyé spécial à Ouragahio
Chers parents de Ouragahio,
Ce n’est pas la première fois que je viens à Ouragahio. Mais, c’est la première fois que je suis ici en ma qualité de président de l’Assemblée nationale. Le rôle de l’Assemblée nationale, c’est d’être avec les populations dans les hameaux, les campements, dans les villages, les villes. C’est pourquoi depuis cette législature, j’ai entamé des tournées dans les autres régions. Mais comme je vous l’ai dit je n’avais pas programmé Gagnoa. J’ai dû, à la place d’Agboville, venir à Gagnoa parce que la chefferie traditionnelle a été entreprenante. Les chefs l’ont dit à plusieurs reprises, ils veulent que je vienne à Gagnoa. Mais que je les aide à régler un certain nombre de problèmes. Et j’ai pris cet engagement de le faire. Je serai avec eux. Eux aussi, je le sais, dès que j’ai annoncé que je venais à Gagnoa et Ouragahio, ils ont reçu des menaces de mort. Des gens qui envoient des menaces de mort aux chefs traditionnels... Ce n’est pas normal parce que personne n’a un titre de propriété privé sur une portion du territoire de la Côte d’Ivoire. La Côte d’Ivoire appartient à tous les Ivoiriens sans exclusion. Et j’ai dit aux chefs que pour ceux qui ont envoyé les messages de menaces, on enverra l’affaire à la Police. Un jour où l’autre, on les trouvera pour leur dire que c’est illégal de proférer des menaces de mort. Mais, nous nous retrouverons, demain à Gagnoa pour parler vrai, pour nous dire la vérité. Parce que comme le disait quelqu’un, la vérité rougit les yeux mais ne les casse pas. Et comme je n’ai pas la langue de bois, demain, il y a d’autres questions que j’aborderai avec vous.
Rendez-vous de vérités aujourd’hui à Gagnoa
Mais, pour l’étape de Ouragahio, le maire l’a dit dans son discours, le député aussi l’a évoqué, c’est le chef-lieu de sous-préfecture de la localité où est né Laurent Gbagbo. Je l’ai connu, Laurent Gbagbo. Et dans les années 1990, c’était très dur. J’étais étudiant et après je suis devenu le leader des étudiants. A l’époque, on nous taxait d’être manipulés par l’opposition. On nous indexait et nous sommes même allés en prison. Nous avons souffert. Mais, ce que je voudrais que les gens sachent, c’est que je n’ai pas suivi Laurent Gbagbo quand il est devenu président de la République ; bien au contraire, je l’ai fui. J’étais avec lui dans les moments difficiles donc on ne peut pas dire que je cherchais à manger. J’avais une conviction, c’était la liberté et la démocratie pour mon pays. En ce moment, très peu de personnes se réclamaient de Laurent Gbagbo. Je dis bien très peu. Car personne n’avait le courage de le dire ou même de le revendiquer. Mais, nous, nous sommes allés en prison et, des témoins sont vivants. Si le commissaire Zoumana est là, il peut témoigner. Eh bien, il est là. Mon commissaire, j’ai été détenu à l’école de Police. A la Dst, j’ai fait, avec les élèves policiers, la Fcb, c’est-à-dire la formation commune de base. Tous les policiers savent ce qui est un Pipao. Laissez-moi vous dire que j’ai été un Pipao à l’école de Police. Donc je parle aux parents de Ouragahio. J’ai fait tout cela.
1998, la séparation d’avec Gbagbo
En 1998, j’ai décidé de partir parce que je me suis senti trahi, quand, à l’université, j’ai vu qu’on a commencé à réfléchir en terme d’ethnie. Mais que les gens n’oublient pas que pendant que j’endurais toutes les souffrances, y compris les cinq fois que je suis allé en prison, je n’étais pas Bété. Chaque fois que j’allais en prison à l’Ecole de police, à la Dst ou à la Maca et qu’on me disait : « C’est Gbagbo qui te finance, c’est Gbagbo qui te manipule », je n’étais pas Bété. J’ai toujours été un petit Sénoufo. Et pourtant, j’ai fait la prison. Aujourd’hui, je vois certains qui parlent, alors que pendant les moments difficiles, ils n’étaient pas là. Eux, ils ont connu Gbagbo quand il est devenu président. Mais, nous l’avons connu dans la prison. Et, je le dis, je le revendique, parce que c’est mon histoire à moi. Personne ne peut le nier parce que les faits sont encore récents. J’entends certains dire aujourd’hui : «Guillaume a trahi Gbagbo et c’est à cause de lui qu’il est à La Haye ». Comment l’ai-je trahi ? L’histoire est là, très simple à relater.
J’ai été nommé Premier ministre pour organiser des élections. Je n’avais pas été nommé Premier ministre pour être le directeur de campagne de Laurent Gbagbo. Je n’avais non plus pas été nommé Premier ministre pour être le directeur de campagne d’Alassane Ouattara. J’ai été nommé Premier ministre pour organiser des élections démocratiques, transparentes, pour que le peuple ivoirien aille aux urnes et se choisisse le président qu’il désire. J’ai été nommé, pas pour favoriser un candidat ou un autre, mais parce que j’étais convaincu que c’est par les urnes que le président démocratiquement élu devait sortir. Nous avons signé les Accords de Ouagadougou le 4 mars et quand Gbagbo arrivait à Ouagadougou, il pensait qu’on allait signer cet accord et que je devais être nommé, le même jour, Premier ministre. Quand en 2002, j’ai demandé à être Premier ministre, tout le monde a dit : «Soro, Premier ministre ? Jamais !». Le 4 mars 2007, nous étions trois, le Président Compaoré, Gbagbo et moi. Nous nous sommes concertés avant de signer l’Accord de Ouagadougou. Quand nous étions dans la salle, on s’est mis d’accord sur le document que Louis-André Dacoury-Tabley et Désiré Tagro venaient de parapher.
Dans nos discussions, Gbagbo a dit : «Soro, avant que je ne signe le décret de ta nomination comme Premier ministre, il faut qu’on ait un entretien». J’ai répondu: « quel Premier ministre ? Je ne veux pas parce que ton caractère et le mien sont incompatibles. Si je suis Premier ministre, ça ne peut pas fonctionner, donc prend Charles Koffi Diby comme Premier ministre». Gbagbo était surpris, il m’a dit que ça ne pourra pas marcher. Il s’est tourné vers Blaise Compaoré pour lui demander qui il propose comme Premier ministre. Compaoré lui a dit qu’il a trois propositions : la première, Soro Guillaume, la deuxième, Guillaume Soro, la troisième proposition, Soro Kigbafori Guillaume. Nous en avons ri et il a dit d’aller signer l’accord d’abord, et qu’on verra par la suite les modalités d’application de cet accord. C’est ainsi que le 4 mars nous avons signé l’accord cadre qui a servi de programme pour gouvernement. Et pendant quatre semaines, plusieurs chefs d’Etat m’ont appelé pour que j’accepte d’être Premier ministre.
On a ri et puis il a dit : « Ecoutez, allons déjà signer l’accord cadre et puis après on va voir les modalités de la nomination du Premier ministre. C’est comme ainsi que le 4 mars nous avons signé l’accord cadre qui a servi de base de programme pour le gouvernement. Et pendant deux semaines, plusieurs chefs d’Etat m’ont appelé pour que j’accepte d’être Premier ministre de l’Etat de Côte d’Ivoire. J’ai même été jusqu’à Libreville à l’époque pour voir le Président Bongo. Paix à son âme. Il m’a dit fiston, le destin met la main sur vous à des moments inattendus, accepte d’être le Premier ministre. Je lui ai dit : « doyen, je suis d’accord mais et ma sécurité à Abidjan ? » Il m’a dit : « Mais Soro, la façon dont tu t’es débrouillé pour survivre à Bouaké, c’est de la même façon que tu vas te débrouiller pour survivre à Abidjan ». Ce n’est qu’après cela que je suis venu. C’est ce qui explique ma nomination le 29 mars.
Promesses faites à Gbagbo
Mais quand j’ai été nommé, Gbagbo et moi-même nous nous sommes entretenus. Ce jour-là, il y avait Alain Michel Lobognon, l’actuel ministre de la Jeunesse et des sports. Il y avait Konaté Sidiki. Il y avait Désiré Tagro. Et j’ai dit au Président Gbagbo ce jour-là. J’ai dit : « M. le président je suis Premier ministre, je vous serez loyal, je ne vous poignarderai pas. Mais ne me demandez pas non plus de poignarder l’opposition. Je ne suis pas venu pour ça. Si on est d’accord sur cela, je pense qu’il n’y a pas de problème. Autant je vous serez loyal comme président de la République, autant ne me demandez pas d’aller poignarder l’opposition, Bédié et Alassane. Ce n’est pas mon travail ». Voilà ce qui s’est passé. Et j’ai fait mon travail.
Il y a eu même des moments difficiles. Rappelez-vous la double dissolution de la Cei et du gouvernement. C’était en février 2010. M. le préfet, ce jour-là quand le Président Gbagbo a dissous le gouvernement et la Cei, le pays s’est embrasé. L’opposition, le Rdr, le Pdci attendaient que je démissionne. Je me suis dit : « Je suis Premier ministre, j’ai promis d’être loyal au président de la République. Je ne peux pas le poignarder ». Mais le Pdci et le Rdr, tout le monde m’a traité de traître. Il y en a même un qui est venu dans mon salon au nom de ses amis pour me dire : « Tout le monde raconte en ville que c’est parce que tu n’as pas démissionné que Gbagbo est encore au pouvoir. Si tu démissionnes aujourd’hui il tombe. Comme tu es mon ami, je suis venu te dire ce que les gens disent en ville tout bas. Tout le monde dit que tu es un traître. Parce que Gbagbo c’est déjà fini ». Je l’ai regardé, j’ai dit : « Est-ce que tu sais que tu parles à quelqu’un qui a utilisé la forme la plus extrême de la violence ? Je ne démissionnerai pas. Maintenant, si je suis un traître, moi-même je suis content de l’être». Les gens ont écrit : « c’est parce qu’il aime la primature, qu’il a la grosse tête, il veut s’accrocher à la primature». Si je démissionnais le pays basculait dans la guerre, la violence. Et je ne le voulais pas. Je suis allé dire au Président Gbagbo que je ne démissionne pas. Je me souviens même d’un titre d’un journal quand j’ai formé le gouvernement, parce que l’opposition refusait d’y rentrer. Ils ont titré : « Le gouvernement manchot de Guillaume Soro». Donc en ce moment-là, où étaient ceux qui disent que je suis traître aujourd’hui? Alors donc nous avons fait les élections. Gbagbo a perdu les élections
Soro, pas homme à mentir
Celui qui a gagné les élections, je l’ai dit, c’est Alassane Ouattara. Si c’était Gbagbo, je l’aurai dit. Je ne suis pas homme à mentir, je ne suis pas homme à me laisser manipuler. J’ai dit en âme et conscience, en regardant, le peuple ivoirien que c’est Gbagbo qui a perdu les élections. Si à cause de cela je suis un traître, alors je suis un bon traître. Et je suis content d’être un traître parce que j’ai dit la vérité. Si c’était Bédié, je l’aurais dit mais j’ai dit à Gbagbo : « Tu as perdu les élections ». Ceux qui n’ont pas eu le courage de dire à Gbagbo qu’être président ce n’est pas une finalité, ce sont eux qui l’ont trahi. Ceux qui n’ont pas eu le courage de dire à Gbagbo : « Ecoute, c’est Dieu qui décide, c’est Dieu qui est le maître de tout destin », ce sont eux qui l’ont trahi. Ceux qui n’ont pas eu le courage de dire : « Ecoute, tu es enfant de pauvre comme nous tous. Tu es devenu président pendant 10 ans, même si c’était un jour seul de présidence, c’est ce destin que Dieu t’a donné ; accepte-le, laisse le pouvoir. » Il ne serait pas à La Haye aujourd’hui. Ceux qui sont allés le blaguer, pour lui dire : « On est devant, tiens bon », ce sont eux qui l’ont blagué. Parce que moi je suis allé le voir dans sa résidence, l’ambassadeur Koné Boubacar est là, le commandant Dia est là. Je suis allé le voir dans sa résidence et je lui ai dit : « Cette affaire-là, les nouvelles ne sont pas bonnes pour toi. C’est Alassane qui est devant et il va gagner, laisse le pouvoir. Je ne te parle pas en tant que Premier ministre. Je te parle en tant que fils. Prends-moi comme un fils, comme un frère ; pardon laisse le pouvoir. Il y a des hommes qui ont marqué l’histoire du monde sans jamais être président. Toi tu as fait dix ans, tu as besoin de quoi encore ? Martin Luther King, Nelson Mandela, qui a fait 4 ans seulement, aujourd’hui il est immortel ». Ceux qui l’ont blagué pour lui dire : « Président tiens bon, nos poitrines sont là, tiens bon », ce sont ceux qui l’ont trahi. Quand il y avait les élections, Alassane a dit « Je vais te nommer Premier ministre ». Quand Bédié disait : « Je vais te nommer », qu’est-ce que j’ai dit.
L’histoire triomphera
Donc Ouragahio ne vous laissez pas blaguer. Ne vous trompez pas, la vérité est là et l’histoire triomphera. Quand on était aux portes d’Abidjan, j’ai fait une prière et j’ai dit à Dieu : « Si je me suis trompé dans ma conviction, je ne rentrerai pas à Abidjan. Mais si nous avons fait ces élections dans la clarté, dans la transparence, que nous rentrerions Abidjan saints et saufs. Et par extraordinaire, nous sommes entrés à Abidjan sans que un des commandants ne soit blessé. Mieux, nous avons donné des instructions fermes pour que Gbagbo ait la vie sauve. Ils sont ici Jah Gao, Wattao, Morou Ouattara. Je leur ai dit qu’on ne touche pas à Gbagbo. Je leur dit qu’on ne touche pas à Simone. Qu’on ne touche à aucun cheveu. Je leur ai dit protégez-les. Même au Golf, c’est ma chambre que j’ai donnée à Gbagbo. Les gens sont en train de vous mentir. Mais lui, de là où il est, il sait la vérité. Il sait que j’ai été là. Certains auront honte de dire que je les ai aidés.
Donc pourquoi veut-on faire croire que Ouragahio n’est que Fpi ? La démocratie veut que la pluralité des opinions politiques s’exprime librement et sans entrave. C’est pourquoi je suis venu à Ouragahio. Je suis venu. Pas pour narguer quelqu’un, mais pour aider Ouragahio. Le maire a posé des doléances. Mais, attendez, pourquoi ces doléances n’étaient pas réalisées ? Parce que je peux lui dire : « Mais Monsieur le maire, vous dites de ne pas venir ici, pourquoi c’est à moi que vous posez des doléances ? » Tu ne veux pas de quelqu’un et tu veux son argent. Vous ne pouvez pas dire à quelqu’un de ne pas venir chez vous et lui demander de réparer la route. On répare la route, puis on est ensemble et on parle.
Donc chers parents de Ouragahio,
Pensez au développement de Ouragahio. Laissez la politique de côté. Chacun est libre d’être dans le parti politique qu’il veut. Chacun est libre de se donner le leader qu’il veut. Mais quand il s’agit du développement local, il n’y a plus de parti politique. Quand il s’agit des écoles, des dispensaires de Ouragahio, il n’y a plus de parti politique. Donc quand je viens ici, c’est pour aider Ouragahio. Et demain quand le Président Alassane Ouattara viendra à Ouragahio, ce sera pour aider Ouragahio. Vous devez même souhaiter qu’il vienne rapidement ici. Je suis venu vous tenir le langage de la vérité. Je suis venu vous dire ce qui s’est passé.
Donc chers parents,
Voici le message que je voulais vous livrer. Mais je sais que certains en ont gros sur le cœur. D’autres sont mécontents. Je suis venu demander pardon aux populations de Ouragahio pour toutes les souffrances que vous avez endurées. Oui, Abel Djohoré l’a dit. Aux premières heures, je l’ai appelé. Je lui ai dit, cours sur Gagnoa et protège les populations. Moi-même, je me suis déplacé pour aller à Daloa pour dire qu’il faut qu’on protège les populations Bété. Je ne voulais pas qu’il y ait une revanche. Je ne voulais pas qu’on tombe dans la violence. J’ai dit que je ne veux pas qu’on touche au peuple bété. Parce que ce sont mes beaux. Je ne veux pas que quelqu’un cherche à se venger. Certains me l’ont reproché. Mais je l’ai fait. Je demande pardon à ceux qui ont souffert. Je ne suis pas de ceux qui pensent que demander pardon fait honte. Il faut qu’on s’humilie. Les grandes religions musulmanes et chrétiennes disent que le pardon est divin. Mais il y a certains à qui on dit de demander pardon et qui refusent. Ils disent qu’ils n’ont jamais péché. Je ne savais pas qu’il y a avait des Saints sur la terre. Et que la perfection était de ce monde. Mais moi, je demande pardon. Ouragahio, acceptez mon pardon. Mais acceptez aussi de demander pardon. Ouragahio, acceptez la réconciliation, acceptez le développement.
Je vous remercie
Propos recueillis par Marc Dossa,
envoyé spécial à Ouragahio