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Art et Culture Publié le mardi 8 octobre 2013 | Le Patriote

Interview / Delphine Yoboué (Initiatrice du FITHA) : “Il faut faire revivre le théâtre”

La 4ème édition du Festival international de théâtre d’Abidjan (FITHA) se tiendra du 28 octobre au 2 novembre 2013 autour du thème, “la place privilégiée du théâtre pour favoriser la convergence du jeune. Dans cet entretien, Delphine Yoboué, initiatrice, situe les enjeux de cet événement. Aussi cette comédienne et directrice de la compagnie Siamois Expression plaide t-elle pour une vraie politique culturelle en Côte d’Ivoire.
Le Patriote : Pourquoi voulez-vous cette année faire particulièrement honneur aux femmes ?
Delphine Yoboué : Les femmes ne sont malheureusement pas assez honorées dans la culture et singulièrement le théâtre. Elles participent à de grands événements culturels et ramènent souvent des prix à la maison, mais personne n’en parle comme s’il ne s’était rien passé. C’est un peu cette injustice que nous voulons réparer en faisant cette année honneur à ces femmes qui ont marqué durant ces dix dernières années, la culture dans les pays respectifs, par leur engagement, leur courage et leur savoir-faire. C’est une manière d’encourager ces femmes et leur dire que le combat continue. Car, c’est grâce à la culture qu’un pays vit.

L.P : Justement, quelles sont ces femmes qui seront honorées ?

DY : Je ne peux donner de noms maintenant parce qu’ils ne seront connus que pendant le festival. Pour l’instant, ce qu’il faut savoir, c’est qu’il y a des nominées.

L.P : Comment ont-elles été sélectionnées ?

DY : Nous avons sillonné pendant un an plusieurs pays pour identifier les femmes qui se battent pour représenter leur culture. C’est sur cette base qu’on est parti. Cela a fait donc un an qu’on a sélectionné ces femmes, qui seront à ce rendez-vous.

LP : Quelles seront les grandes articulations de cette 4ème édition du FITHA ?

DY : Il y aura des ateliers de formation, notamment sur le jeu d’acteur, ainsi que la fabrication et la manipulation des marionnettes par les femmes. Au cours du festival, certaines vont présenter leurs projets dans divers domaines artistiques entre autres la danse, le conte ou le théâtre. C’est ouvert.

L.P : Le FITHA, c’est aussi les représentations théâtrales. Combien de compagnies y participeront ?

DY : Nous aurons une dizaine de compagnies, issues outre de la Côte d’Ivoire, de dix pays d’Afrique, à savoir le Togo, le Bénin, le Burkina Faso, le Niger, le Mali, le Maroc, la Tunisie, la Centrafrique, le Cameroun et le Congo (Brazzaville). Les représentations théâtrales auront lieu à l’Allocodrome deYopougon, qui abritera le village du festival, et aussi à l’Insaac (Institut national supérieur des arts et de l’action culturelle) à Cocody, à Abobo, et Yopougon dans des établissements scolaires.

LP : Après trois éditions, il manque encore au FITHA, une reconnaissance populaire. Comment expliquez-vous cela?

DY : Ce n’est pas la faute du festival. Cela est plutôt dû à un manque de politique culturelle. Nous, en tant qu’opérateurs culturels et artistes, faisons ce que nous pouvons pour que la culture puisse vivre. Mais, nous avons besoin d’un coup de pouce de nos autorités pour porter plus haut ce que nous faisons. Sinon, on se bat comme on peut pour que la culture ivoirienne et africaine puisse vivre. Mais, on attend toujours un signal de nos gouvernants pour booster la culture. J’espère que cela viendra un jour.

LP : Quelles sont, à propos, les principales difficultés auxquelles le FITHA est confronté?

DY : Il s’agit essentiellement de problèmes de financement. A chaque édition, il faut remuer ciel et terre pour que le festival puisse se tenir et je vous assure que ce n’est pas facile.
Heureusement que nous avons des partenaires comme l’OIF (Organisation Internationale de la Francophonie), l’UEMOA, et bien d’autres, qui croient en ce festival. Il y a aussi des mécènes qui nous aident. Sinon, au niveau de notre tutelle, on attend encore. J’espère que cette année, le ministère (de la Culture et de la Francophonie) fera bien quelque chose. Ils ont déjà fait des pas, mais on a besoin d’eux pour grandir. Parce qu’un enfant à lui-seul, il ne peut pas devenir un homme.

LP : Combien nécessite la tenue d’un tel festival ?

DY : Pour que le festival puisse bien se dérouler, le budget s’élève à 39 millions de FCFA. Pour l’instant, on a des promesses et des acquis. Mais, sur papier, on ne peut rien déclarer en ce moment. Toutefois, on se battra pour que le festival ait lieu.

LP : Vous organisez un festival de théâtre dans un contexte où le théâtre est presque mort. Ne pensez-vous pas que vous prêchez un peu dans le désert ?

DY : Non, le théâtre n’est pas encore mort. Il est juste penché (rires). Justement, c’est pour ça qu’on se bat pour qu’il puisse vivre. Regardez par exemple la RTI, il n’y a plus d’émissions sur le théâtre, alors qu’il y a quelques années, que «Théâtre chez nous» passait le jeudi soir, tout le monde courait devant la télé. Je me souviens que quand on allait au théâtre, on ne connaissait pas les fusils. Aujourd’hui, même «Mensonges d’un soir », qui donnait la possibilité aux téléspectateurs de se familiariser avec le conte, a disparu du petit écran. Ce sont des choses qui nous interpellent. Car, quand la culture meurt, on prend des armes. Il y a une autre manière d’entretenir son peuple. Donc, il faut soutenir les actions culturelles et surtout faire revivre le théâtre. Pour qu’un pays puisse évoluer, il faut aussi la culture. Il faut surtout faire revivre le théâtre. C’est le grand combat de Delphine Yoboué et de tous ceux qui se battent pour le théâtre. J’ai mal au cœur quand on me tend un micro à tout moment, et qu’on me dit que le théâtre va mal. Il faut que le théâtre suive et que la culture ivoirienne soit représentée partout dans le monde. Quand nous allons nous produire à l’étranger, la salle est remplie. Les gens viennent parce que la Côte d’Ivoire est là avec un spectacle. Mais, on ne sait pas ce qui se passe chez nous. Il faut un soutien réel des autorités à la culture.

LP : En attendant ce soutien, que faut-il dans l’immédiat faire sur le terrain ?

DY : Aider les compagnies à leurs créations. Beaucoup de pièces ne survivent pas à une seule représentation. Des compagnies s’échinent pendant des semaines voire des mois à monter un spectacle et une fois qu’il est joué, il est rangé dans le tiroir, faute de moyens. Ce sont les moyens qui manquent sinon les comédiens et les metteurs en scène travaillent à tout moment. C’est un vrai souci pour nous, qui évoluons dans le domaine du théâtre. C’est justement pour pallier cette situation difficile que nous avons initié ce festival pour qu’il y ait, en dehors du MASA (Marché des arts du spectacle africain), un autre cadre d’expression et d’échanges pour faire grandir le théâtre ivoirien et africain.

LP : Que devient la compagnie «Siamois Expression ». Il y a longtemps qu’on n’a pas vu une de ses créations ?

DY : C’est vrai que cela fait un moment qu’elle ne s’est pas produite en Côte d’Ivoire. Mais, la compagnie « Siamois Expression» va bien. Elle a récemment représenté la Côte d’Ivoire à un festival au Congo (Brazzaville) avec la pièce intitulée «Le rire du destin», écrite par le journaliste Azo Vauguy. Et en novembre, juste après le FITHA, nous nous envolerons pour la Centrafrique, où nous allons encore représenter la Côte d’Ivoire. En février 2014, en prélude au MASA, on fera ici en Côte d’Ivoire, la grande première de la pièce.
Réalisée par Y. Sangaré
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