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Société Publié le vendredi 29 novembre 2013 | Nord-Sud

Occupation illégale de la voie publique à Abidjan : mendiants et vendeurs ambulants défient Hamed Bakayoko

© Nord-Sud Par Didier ASSOUMOU
Visas d`entrée en Côte d`Ivoire: le gouvernement et la societé SNEDAI lancent le E-visa
Vendredi 22 Novembre 2013. Abidjan. Les ministres Hamed Bakayoko (Intérieur) et DIBY Koffi Charles (Affaires étrangères) ont procédé au lancement de la procédure de demande du E-visa en Côte d`Ivoire. Le demandeur de visa a la possibilité de faire pre-enroler en ligne et recevoir son visa à son arrivée à l`aéroport.
Pied de nez au premier flic ivoirien. Les mendiants et les vendeurs ambulants appelés communément «bana-bana» foulent au pied la décision du ministre de l’intérieur et de la sécurité (26 juillet) leur interdisant de faire la manche sur la voie publique pour les uns et de vendre les articles pour les autres. Il est 11 heures ce lundi 11 novembre. Trois mois après l’interdiction, les marchands ambulants et les mendiants occupent le macadam. Ouédraogo Florence fait le pied de grue. Nous sommes au carrefour de l’hypermarché Sococé, sur le boulevard Latrille, dans la commune de Cocody. Accompagnée de ses jumeaux, la jeune femme tend la main aux passants et aux automobilistes. Elle demande de l’aide. Sur le trottoir, on voit deux récipients en plastique de couleur bleue. A l’intérieur se trouvent des pièces de 100 francs ; de 50 francs et de 25 francs. Lorsque nous arrivons à son niveau, Florence répète son geste. Nous lui tendons une pièce de 100 francs. « Merci ! Que Dieu vous bénisse ! », nous lance-t-elle. A la question de savoir pourquoi ses jumeaux et elle occupent la voie publique en dépit de l’interdiction de mendier, la réponse est claire comme l’eau de roche : «Je le sais mais je suis obligée de faire ça pour nourrir mes six enfants.» Selon elle, il n’y a pas eu de mesures d’accompagnement. «Les policiers nous ont chassés. On ne sait pas où nous allons partir. Mon mari est veilleur de nuit. Son salaire ne permet pas de satisfaire tous les besoins de la famille. Donc, je suis obligée de venir mendier pour aider mon mari à faire bouillir la marmite et à scolariser nos enfants », explique notre interlocutrice assise sous un parapluie. Elle justifie son ‘’entêtement’’ tout en allaitant ses enfants. «Je ne peux pas aller m’asseoir devant la mosquée. Là-bas, ça ne marche pas. Personne ne viendra vous donner quelque chose sauf le vendredi (jour de prière hebdomadaire pour les musulmans, ndlr). Je suis ici avec mes enfants car les gens peuvent me voir. Ils peuvent me donner quelque chose. Je peux avoir en moyenne 2000 Fcfa par jour», se dédouane Florence en indiquant qu’à la fin de la journée elle retourne à «Colombie», un bidonville juste derrière la grande surface de distribution, où elle habite. Quelques mètres plus loin, au carrefour de l’Ecole nationale d’administration (Ena), même constat. Ici, les mendiants et les vendeurs ambulants (verreries, téléphones portables, appareils électroménagers,…) se disputent la clientèle. Mahmoud Issoufou, vendeur ambulant explique qu’il est bien informé de la mesure mais il ne peut faire autrement. «J’ai une famille. Je me débrouille en vendant mes articles ici. Je n’ai pas les moyens pour m’installer dans un magasin. Les gens paient bien ici car les marchandises sont à des prix à la portée de toutes les bourses. On se débrouille», soutient-il entouré de cinq autres commerçants dont l’âge varie entre 20 et 35 ans. Nos interlocuteurs n’auront pas le temps d’en dire plus car une patrouille d’éléments du commissariat de police du 12ème arrondissement débarque sur le lieu. Mendiants et vendeurs courent dans tous les sens. Dans cette débandade, un accident de circulation est évité de justesse. Ce qui provoque la colère d’un automobiliste. «On ne comprend plus rien. Ils ont été interdits de venir sur la voie mais ils sont revenus. C’est dommage car cette situation pose le problème de sécurité routière », fulmine-t-il. Pendant ce temps, deux sous-officiers de l’Unité de régulation de la circulation (Urc) interviennent afin de freiner la course des indésirables. Peine perdue. Ils filent à toute vitesse avec leurs marchandises. Le constat du retour des mendiants et des vendeurs ambulants sur la voie publique est aussi réel dans les autres communes d’Abidjan. A Treichville, au carrefour de la Solibra sur le boulevard Valéry Giscard d’Estaing, les ‘’bana-bana’’ règnent en maîtres au nez et à la barbe des flics. «On se débrouille en attendant la réalisation des promesses de création d’emploi du président de la République », lâche Touré Djibril, titulaire d’un brevet de technicien en comptabilité. A peine a-t-il prononcé ces quelques mots qu’il court vers un automobiliste pour lui présenter ses marchandises (sacs, trousseaux de clés, moquettes,…). Même scène de chasse aux clients sur le boulevard de la paix au niveau du carrefour de l’ex-hotel Sébroko d’Attécoubé. Idrissa Amarou et ses collègues marchands ambulants présentent volontiers aux automobilistes leurs objets. « On sait mais on est obligés de venir sur la route. Nous voulons partir cependant le gouvernement doit nous aider à nous installer. Nous demandons une aide financière pour nous installer sur un site approprié », indique le jeune vendeur ambulant de 25 ans. À Abobo, l’interpellation en septembre d’une dizaine de «bana-bana» n’entame pas l’ardeur des vendeurs ambulants. Ils occupent tout le long de la clôture de la mairie. Ils vendent à la criée leurs marchandises. «C’est comme cela. Quand ils constatent notre absence, ils reviennent sur la voie publique. Ce sont des récidivistes. Dès qu’ils nous voient ils fuient. Lorsque nous tournons le dos, alors ils reviennent à la charge. Ils gênent la circulation car ils se mettent au milieu de la chaussée pour vendre. Les mendiants sont aussi au milieu de la chaussée pour quémander. On les chasse mais ils reviennent. Depuis la prise de la décision, les agents font la ronde. Ils savent l’heure à laquelle les policiers arrivent donc ils se cachent. Après le passage des agents, ils ressortent de leurs cachettes. Il sera difficile pour les policiers de se mettre en Tc (Tenue civile) pour attraper les mendiants et les vendeurs ambulants. La population est devenue agressive envers les agents. L’agent qui va se mettre en Tc pour se présenter devant un ‘’bana-bana’’, c’est à ses risques et périls. Ce dernier peut l’agresser. Ces vendeurs ambulants sont violents. Ils vont gifler l’agent en question. Donc, la décision d’interdiction de la mendicité sur la voie publique souffre dans son application sur le terrain. C’est difficile», déplore un lieutenant en service au commissariat de police du 12ème arrondissement, dans la commune de Cocody.
«Le gouvernement n’entend pas reculer»
Selon des sources introduites au ministère de l’Intérieur et de la sécurité, la décision de débarrasser la voie publique des mendiants et des vendeurs ambulants n’a pas été prise au hasard. « C’est justement par rapport aux conséquences négatives de ces pratiques (mendicité et vendeurs ambulants, ndlr). De ce point de vue, le gouvernement n’entend pas reculer. C’est une décision qui a été prise non seulement après analyse de la situation mais après bon nombre de constats », assurent nos interlocuteurs dans l’anonymat car, se justifient-ils, une communication officielle du ministre Hamed Bakayoko est attendue dans les jours à venir. Poursuivant, ils prétextent que cette mesure répond à la fois à des enjeux sécuritaires et fiscaux. «Il faut dire qu’avec ce qui se passe sur ces boulevards, à ces grands carrefours, il y a une véritable fuite fiscale derrière. C’est une pratique anti-économique. Il y a une concurrence déloyale à l’endroit de ceux qui paient régulièrement leur impôt. Les vendeurs ambulants sont nombreux. Certains le font pour subvenir aux besoins de leurs familles ; d’autres ne sont rien que les bras avancés de gros commerçants qui sont censés n’être que des grossistes. Ces derniers envoient des personnes à leur solde pour vendre au détail. Tout ceci au détriment de toute la réglementation en vigueur», fustigent des membres influents du comité interministériel de suivi de l’application de la mesure gouvernementale d’interdiction du commerce ambulant et de la mendicité sur les grands carrefours et boulevards. Ce comité est composé du préfet de police d’Abidjan, du gouverneur du district d’Abidjan, des représentants des structures techniques ; à savoir les ministères de l’Intérieur et de la sécurité, des Affaires étrangères, de l’Emploi et de la solidarité, du Commerce, de l’Environnement, de la Famille, de la Justice et de la Communication. A cette liste d’entités techniques, il faut ajouter tous les maires des communes du district d’Abidjan. Ce comité, chapeauté par Diakité Sidiki, préfet d’Abidjan est supervisé par le ministre de l’Intérieur et de la sécurité. A en croire nos sources, depuis le 5 août, date de l’entrée en vigueur de la décision gouvernementale, une centaine de vendeurs ambulants ont été arrêtés pour les faits de fraude fiscale et d’occupation illégale de la voie publique. «Vous avez vu qu’il y a eu une période d’occupation quasi-permanente des boulevards et des grands carrefours par les mendiants et les vendeurs ambulants. Nous avons une zone d’expérimentation. Elle couvre les grands boulevards et les grands carrefours. Vous avez vu qu’il y a aussi eu une présence quasi-permanente de la police pendant un bout de temps. On a eu une période de relâchement. C’était pour voir si les personnes concernées veulent s’installer dans la répression permanente ou alors si elles comprennent le bien-fondé de la décision gouvernementale pour entrer dans des circuits de commercialisation bien précis. Malheureusement, nous nous rendons compte qu’elles ne veulent pas obtempérer. L’opération, qui n’est pas arrêtée, va continuer. C’est une opération qui est permanente », insiste un fonctionnaire du ministère du Commerce. Qui souligne d’ailleurs que le comité interministériel manie le bâton et la carotte. «Le gouvernement entend aller jusqu’au bout. Des personnes ont déjà été interpellées. Des enquêtes sont en cours pour savoir d’où venaient ces marchandises; qui les mettaient sur le marché pour que ce soit justement à la source du problème que le phénomène puisse être combattu. Donc, il ne faut pas s’étonner de voir que de grands commerçants soient interpellés. Nous préférons prévenir l’installation que d’aller immédiatement à la sanction. La sanction, c’est lorsqu’un contrevenant brave les autorités de police. L’idéal pour nous, c’est que le concerné soit empêché de s’installer par une présence permanente des forces de l’ordre dans le respect des droits humains », nous confie un administrateur des services judiciaires.

Ouattara Moussa
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