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Editorial Publié le vendredi 20 décembre 2013 | Nord-Sud

Conversations en ville : Les Ivoiriens parlent-ils leurs langues maternelles ?

Parler sa langue maternelle, n’est plus chose évidente dans plusieurs grandes villes de Côte d’Ivoire. De nombreuses raisons justifient le délaissement des moyens de communication dans les langues nationales dans le milieu urbain.

La langue officielle de la Côte d’Ivoire est le Français. Le pays a hérité d’elle depuis la colonisation. Mais, selon les historiens, l’Eburnie compte plus d’une soixantaine de langues traditionnelles reparties entre quatre grands groupes ethniques : les Krou, les Akan, les Voltaïques et les Mandé. Si chaque citoyen reconnaît son appartenance à un de ces groupes, il n’est pas évident qu’il soit en mesure de justifier cette causalité en s’exprimant dans une des langues vernaculaires. Une situation qui tend à être banale dans la capitale économique Abidjan. «Je suis Sénoufo. Mais, je ne parle pas ma langue maternelle. Ce sont mes frères qui ont vécu au village qui savent le faire», explique K. Traoré, agent de liaison dans une entreprise de la place. Selon lui, ses parents installés à Bouaké ont eu pour habitude de lui parler en Malinké, langue véhiculaire utilisée dans le commerce. Etant dans l’incapacité de s’exprimer dans sa langue, c’est en Malinké -rarement, sinon en français- qu’il s’adresse à ses enfants. «Quand on parle le Bété à côté de moi, je comprends quelques phrases. Mais, je ne peux pas m’exprimer dans cette langue», rapporte, Elodie Séry, stagiaire dans une bibliothèque. Pourtant, ces deux personnes reconnaissent que leurs géniteurs parlaient leurs langues à la maison. Soit avec des parents proches, ou même entre eux. «Mon problème est que depuis petit, je n’ai plus mis les pieds au village. Ce qui fait qu’aujourd’hui, je n’arrive plus à bien m’exprimer en Odiennéka. Pourtant, je comprends tout ce qu’on dit autour de moi», souligne T. Lacina, jeune fonctionnaire. Poussant la réflexion, il souligne que certaines langues, parce que proches d’autres ou moins usitées, tendent à être délaissées. Et de citer l’exemple de l’Odiennéka et le Malinké. La seconde langue citée tend, selon lui, à noyer la première dans les grandes villes. «Vous remarquez que les Koyaka parlent plus leur langue. C’est parce qu’elle se démarque, à plusieurs niveaux, du Malinké», corrobore-t-il son idée. Pour Ouattara O., la multiplication des couples mixtes (dont les parents ne sont pas de la même ethnie), favorise la situation. «Le père n’étant jamais là, c’est la mère qui essaie de parler sa langue avec l’enfant. Et ce n’est pas toujours évident que ce dernier y prête attention», remarque-t-il.

On peut encore sauver les meubles

Sur la question de l’usage des langues nationales, les rares études menées relèvent que la situation n’est pas catastrophique. Pour Atin Kouassi, auteur d’une thèse, qui a mis en évidence l’usage des langues ivoiriennes dans la communication courante, 88,8 % des conversations relevées sur les marchés se font dans une de ces langues. Seuls 11% sont faits dans «une variante du français». Quant aux élèves, il relève que 77 à 92 % d’entre eux déclarent utiliser habituellement une langue africaine dans leurs relations avec leurs parents. 61 à 77% avec leurs tuteurs, 63% avec des camarades non scolarisés, et 25 % avec leurs frères et sœurs en général eux aussi scolarisés. L’introduction des langues maternelles dans le système éducatif, qui est déjà à l’étude en Côte d’Ivoire, contribuera pour beaucoup, à rectifier le tir. Car, justifie M. Kouassi, le premier préalable à un tel développement était de démontrer l’aptitude de ces langues à jouer un rôle dans la communication écrite, et dans toutes les composantes de la vie moderne. Pour lui, plusieurs universitaires ont démontré, exemples à l’appui, que les langues ivoiriennes possèdent tous les moyens lexicaux et syntaxiques qui leur permettent de s’adapter à l’évolution de leur environnement. Selon Ahmed Sidibé, coordonnateur du Projet école intégrée (Pei) du ministère de l’Education nationale et de l’enseignement technique, les résultats de l’expérience menée montrent que les enfants apprennent deux à trois fois plus dans les langues maternelles qu’en français.

Sanou A.
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