Guintéguéla a été érigée en sous-préfecture en 1975. Elle est entourée par plusieurs autres sous-préfectures : Koro au nord, Touba à l’ouest, Foungbésso et Biankouma au sud et la région du Worodougou à l’est. C’est l’une des 8 sous-préfectures que compte la région du Bafing. Les 31 décembre, 1er et 2 janvier derniers, nous y avons passé un séjour durant lequel des informations clés ont été récoltées relativement au développement et aux conflits dans cette zone convoitée. Notre reportage…
Le peuple «tènin» ou le tamis de sauvetage
Sous la colonisation française, l’actuelle sous-préfecture de Guintéguéla constituait le ‘’canton tènin’’, peuplade malinké de patronymes Bamba, Koné, Coulibaly, Fofana, Bakayoko, etc., dont l’accent vocalique est à mi-chemin entre le mahouka et le koyaka. En son temps, nous dit-on, tout esprit malin était tamisé et neutralisé dans cette zone maraboutique. Les savants et devins constituaient donc une sorte de remparts mystiques contre les ennemis du peuple. D’où l’appellation « tènin » qui devrait signifier « tamisage ». Bamba Samouka, chef de village et ancien maire intérimaire de Guintéguéla, donne ces informations avec force détails. Pour ce qui est du nom « guintéguéla », plusieurs versions courent les rues. L’une des plus plausibles fait de ce mot le prénom du fondateur de la ville. Gbéné Fofana a crée le campement qui a porté son nom et est devenu par déformation guintéguéla. Mais partout, les Koné sont reconnus comme les propriétaires terriens. Ensuite, suivent les Bamba.
Les naissances et la scolarisation en panne
Selon le recensement Rgph de 1998, l’ensemble de la sous-préfecture (792 km2) ne comptait que 5310 habitants. La densité de peuplement très faible tournait alors autour de 6 habitants. /km2. L’exode des jeunes vers les grandes villes du pays en est l’une des raisons. Aujourd’hui encore, le taux de naissance demeure faible, soutient le sous-préfet Tanoh Yao Paul au poste depuis 2009. Selon les dernières estimations faites en juillet 2013 par l’INS, la sous-préfecture de Guintéguéla comprend 19000 habitants repartis sur 20 villages et 14 campements. Guintéguéla, le chef-lieu de sous-préfecture est la seule commune (érigé en 1997) avec 10 villages. Le maire actuel est Bamba Sory porté à la tête de la commune par une liste indépendante qui a finalement rejoint le Rassemblement des républicains (RDR). La 1ère Vice-présidente de l’Assemblée nationale, Sarrah Fadika Sako, est la députéd de Guintéguéla. Concernant l’éducation, il n’y a que 8 écoles primaires publiques (EPP) dans toute la sous-préfecture. « Il n’existe pas ici un réel engouement pour la scolarisation des enfants et particulièrement des jeunes filles », dit le sous-préfet. Pas plus de 20 élèves au CM2 pour une circonscription à laquelle l’ex-président Gbagbo avait octroyé un collège d’enseignement secondaire en 2009.
L’inexistence des infrastructures de base
Le marché hebdomadaire de la ville (chaque mercredi) est certes relativement fréquenté, mais les échanges restent informels et essentiellement destinés aux besoins basiques. Le seul axe reprofilé est celui menant de Touba à Guintéguéla (45 km). Cela est l’œuvre du programme présidentiel d’urgence (ppu) ; le tronçon alliant Kolon est en cours de réhabilitation. Aucune voie n’est revêtue de bitume. Les motos constituent les seuls moyens de transport de cette zone accidentée à l’image de la région voisine de Biankouma. Seule la ville de Guintéguéla est éclairée. Tout le reste de la sous-préfecture est dans le noir. La résidence officielle du sous-préfet est encore livrée à la broussaille, faute de réhabilitation. La sodeci est absente ; la pharmacie et les forces de l’ordre aussi. Le parc du Mont Sangbé qui couvre 95000 ha est à cheval sur les 3 sous-préfectures de Foungbésso, Biankouma et Guintéguéla. Il est aujourd’hui infiltré par des braconniers et autres exploitants forestiers essentiellement burkinabé qui y produisent du cacao. Idem pour la forêt classée de Kolon. Un seul réseau téléphonique est correctement fonctionnel. Les recharges d’unités téléphoniques sont payées à des prix différenciés plus chers. Le litre d’essence s’acquiert à 1000 FCFA à Guintéguéla alors qu’il coûte 740 FCFA à la pompe.
L’existence de conflits fonciers larvés
«Le processus d’acquisition des terres ici est une bombe à retardement », reconnaît le représentant de l’Etat. Selon M. Tanoh Paul, les autochtones bradent les terres à vil prix, sans aucune garantie légale. Des Burkinabé ont acheté récemment à Kolon, 100 ha de forêts contre quelques billets de banques, témoigne celui qui a fait 5 années de services à la préfecture de Duékoué. Le caractère illégal des échanges de gré à gré crée toujours des problèmes à l’avenir. Ainsi il n’est pas rare de constater par endroit des tensions, de veillées d’armes entre autochtones ou entre autochtones et étrangers. Tienfou 2 et Faman qui abritent le gros lot d’étrangers, vit parfois de vives tensions. A ces exploitants étrangers (burkinabé, togolais) et allogènes (baoulé, sénoufo et lobi), il est reproché d’abuser des largesses des autochtones et de ne pas contribuer effectivement au développement de la région. De leur côté, les Burkinabé trouvent que leurs tuteurs ne respectent pas toujours les clauses des contrats édictés entre eux au départ. Ainsi le spectre de la violence liée au foncier rural comme à l’ouest est à craindre. Les joutes électorales ici sont des moments de vives querelles entre adversaires. Malgré ce tableau quelque peu sombre, Guintéguéla peut rebondir.
La richesse naturelle
D’après le Capitaine Kouamé Yao Démacoste, chef du cantonnement des Eaux et Forêts de Touba, la végétation dans la sous-préfecture de Guintéguéla est riche. C’est la savane boisée fertile contenant de nombreuses essences importantes. Un poste forestier veille sur la l’exploitation des ressources forestières. Le bois de vêne y a été abondamment coupé avant sa stricte interdiction en août 2013. La pluviométrie est bonne. A l’est de la sous-préfecture, les fleuves férédougouba et bafing se rencontrent pour former le sassandra. De multitudes cours d’eaux serpentent à travers la sous-préfecture. Le sol est propice à plusieurs cultures. Les vivriers sont le riz, l’igname, le manioc, la banane, etc. Quant aux cultures de rente, elles sont en croissance. Les champs d’anacarde s’étendent à perte de vue. La culture du coton revient en force. Le cheptel aussi. Lors d’une visite de terrain le 13 décembre 2013, le préfet de région, Yao Benoît a constaté l’effectivité de la production cacaoyère à Tienfou 2. La sous-préfecture de Guintéguéla est la plus grande zone de production cacaoyère dans la région du Bafing. Après la fuite massive des fèves, l’année dernière, le chiffre de 588 tonnes de cacao a été donné comme chiffre officiel pendant la campagne 2012-2013. Pour cette année, il a déjà été enregistré 68 t en novembre dernier. Le café et l’hévéa sont en bonne voie d’expérimentation.
Peuple tènin, peuplade pacifique
Les Tèninga, du nom des habitants de cette sous-préfecture, sont musulmans et pacifiques. Les valeurs ancestrales comme le respect de l’aîné, les jeux d’alliances, les travaux communautaires et les classes d’âge sont encore de mise. Les métiers de la cordonnerie, de la poterie et du fer sont pratiquées. La présence depuis près de 15 ans d’étrangers, exploitants agricoles comme les Burkinabé (qui comptent aujourd’hui plusieurs milliers autochtones), a fouetté l’orgueil des autochtones qui se sont lancés dans la plantation de cultures pérennes également. A Guintéguéla, origine de l’humoriste Bamba Bakary, de belles bâtisses sont construites. Malgré quelques frictions liées à toute coexistence, les étrangers et leurs tuteurs ne sont pas prêts à en découdre. « Il est désormais clair en Côte d’Ivoire que la terre ne s’achète pas comme on l’a fait ici par le passé. Je demande à tous mes compatriotes de se conformer aux lois ivoiriennes », affirme Zonnin Arouna, naba (chef) des Burkinabé de Guintéguéla.
Les jeunes reconnaissants à l’équipe municipale
Lors des festivités de fin d’année organisées par le conseil municipal de Guintéguéla les 31 décembre et 1er janvier, une série d’activités ont permis aux jeunes de la sous-préfecture de valoriser leurs talents. Côté culturel, l’on a assisté a des ballets et à des émouvantes prestations théâtrales sur les thèmes de la dépravation des mœurs et la gestion des conflits fonciers. Un bal de fin d’année a été organisé jusqu’au petit matin du 1er janvier. Au sport, FC Différence a remporté le trophée du maire Bamba Sory devant la jeune équipe des Dawalaban. Cette finale marquait ainsi le clou du tournoi qui avait mis aux prises 8 équipes composées de jeunes burkinabé, baoulé et autochtones. A la fin, quelques uns ont livré leurs sentiments : « Ce genre de fête consacrée à la jeunesse est une première à Guintéguéla. Nous remercions le conseil municipal qui nous a ainsi procuré beaucoup de plaisir », a témoigné Sékou venu de Vassérisso. Pour le président de la jeunesse communale, l’implication des cadres dans la prévention des crises peut être utile. C’est en cela que nous félicitons le maire Bamba Sory qui a pris son bâton de pèlerin pour parer au plus pressé, fait savoir Lacina.
Bayo Lynx, correspondant régional
Le peuple «tènin» ou le tamis de sauvetage
Sous la colonisation française, l’actuelle sous-préfecture de Guintéguéla constituait le ‘’canton tènin’’, peuplade malinké de patronymes Bamba, Koné, Coulibaly, Fofana, Bakayoko, etc., dont l’accent vocalique est à mi-chemin entre le mahouka et le koyaka. En son temps, nous dit-on, tout esprit malin était tamisé et neutralisé dans cette zone maraboutique. Les savants et devins constituaient donc une sorte de remparts mystiques contre les ennemis du peuple. D’où l’appellation « tènin » qui devrait signifier « tamisage ». Bamba Samouka, chef de village et ancien maire intérimaire de Guintéguéla, donne ces informations avec force détails. Pour ce qui est du nom « guintéguéla », plusieurs versions courent les rues. L’une des plus plausibles fait de ce mot le prénom du fondateur de la ville. Gbéné Fofana a crée le campement qui a porté son nom et est devenu par déformation guintéguéla. Mais partout, les Koné sont reconnus comme les propriétaires terriens. Ensuite, suivent les Bamba.
Les naissances et la scolarisation en panne
Selon le recensement Rgph de 1998, l’ensemble de la sous-préfecture (792 km2) ne comptait que 5310 habitants. La densité de peuplement très faible tournait alors autour de 6 habitants. /km2. L’exode des jeunes vers les grandes villes du pays en est l’une des raisons. Aujourd’hui encore, le taux de naissance demeure faible, soutient le sous-préfet Tanoh Yao Paul au poste depuis 2009. Selon les dernières estimations faites en juillet 2013 par l’INS, la sous-préfecture de Guintéguéla comprend 19000 habitants repartis sur 20 villages et 14 campements. Guintéguéla, le chef-lieu de sous-préfecture est la seule commune (érigé en 1997) avec 10 villages. Le maire actuel est Bamba Sory porté à la tête de la commune par une liste indépendante qui a finalement rejoint le Rassemblement des républicains (RDR). La 1ère Vice-présidente de l’Assemblée nationale, Sarrah Fadika Sako, est la députéd de Guintéguéla. Concernant l’éducation, il n’y a que 8 écoles primaires publiques (EPP) dans toute la sous-préfecture. « Il n’existe pas ici un réel engouement pour la scolarisation des enfants et particulièrement des jeunes filles », dit le sous-préfet. Pas plus de 20 élèves au CM2 pour une circonscription à laquelle l’ex-président Gbagbo avait octroyé un collège d’enseignement secondaire en 2009.
L’inexistence des infrastructures de base
Le marché hebdomadaire de la ville (chaque mercredi) est certes relativement fréquenté, mais les échanges restent informels et essentiellement destinés aux besoins basiques. Le seul axe reprofilé est celui menant de Touba à Guintéguéla (45 km). Cela est l’œuvre du programme présidentiel d’urgence (ppu) ; le tronçon alliant Kolon est en cours de réhabilitation. Aucune voie n’est revêtue de bitume. Les motos constituent les seuls moyens de transport de cette zone accidentée à l’image de la région voisine de Biankouma. Seule la ville de Guintéguéla est éclairée. Tout le reste de la sous-préfecture est dans le noir. La résidence officielle du sous-préfet est encore livrée à la broussaille, faute de réhabilitation. La sodeci est absente ; la pharmacie et les forces de l’ordre aussi. Le parc du Mont Sangbé qui couvre 95000 ha est à cheval sur les 3 sous-préfectures de Foungbésso, Biankouma et Guintéguéla. Il est aujourd’hui infiltré par des braconniers et autres exploitants forestiers essentiellement burkinabé qui y produisent du cacao. Idem pour la forêt classée de Kolon. Un seul réseau téléphonique est correctement fonctionnel. Les recharges d’unités téléphoniques sont payées à des prix différenciés plus chers. Le litre d’essence s’acquiert à 1000 FCFA à Guintéguéla alors qu’il coûte 740 FCFA à la pompe.
L’existence de conflits fonciers larvés
«Le processus d’acquisition des terres ici est une bombe à retardement », reconnaît le représentant de l’Etat. Selon M. Tanoh Paul, les autochtones bradent les terres à vil prix, sans aucune garantie légale. Des Burkinabé ont acheté récemment à Kolon, 100 ha de forêts contre quelques billets de banques, témoigne celui qui a fait 5 années de services à la préfecture de Duékoué. Le caractère illégal des échanges de gré à gré crée toujours des problèmes à l’avenir. Ainsi il n’est pas rare de constater par endroit des tensions, de veillées d’armes entre autochtones ou entre autochtones et étrangers. Tienfou 2 et Faman qui abritent le gros lot d’étrangers, vit parfois de vives tensions. A ces exploitants étrangers (burkinabé, togolais) et allogènes (baoulé, sénoufo et lobi), il est reproché d’abuser des largesses des autochtones et de ne pas contribuer effectivement au développement de la région. De leur côté, les Burkinabé trouvent que leurs tuteurs ne respectent pas toujours les clauses des contrats édictés entre eux au départ. Ainsi le spectre de la violence liée au foncier rural comme à l’ouest est à craindre. Les joutes électorales ici sont des moments de vives querelles entre adversaires. Malgré ce tableau quelque peu sombre, Guintéguéla peut rebondir.
La richesse naturelle
D’après le Capitaine Kouamé Yao Démacoste, chef du cantonnement des Eaux et Forêts de Touba, la végétation dans la sous-préfecture de Guintéguéla est riche. C’est la savane boisée fertile contenant de nombreuses essences importantes. Un poste forestier veille sur la l’exploitation des ressources forestières. Le bois de vêne y a été abondamment coupé avant sa stricte interdiction en août 2013. La pluviométrie est bonne. A l’est de la sous-préfecture, les fleuves férédougouba et bafing se rencontrent pour former le sassandra. De multitudes cours d’eaux serpentent à travers la sous-préfecture. Le sol est propice à plusieurs cultures. Les vivriers sont le riz, l’igname, le manioc, la banane, etc. Quant aux cultures de rente, elles sont en croissance. Les champs d’anacarde s’étendent à perte de vue. La culture du coton revient en force. Le cheptel aussi. Lors d’une visite de terrain le 13 décembre 2013, le préfet de région, Yao Benoît a constaté l’effectivité de la production cacaoyère à Tienfou 2. La sous-préfecture de Guintéguéla est la plus grande zone de production cacaoyère dans la région du Bafing. Après la fuite massive des fèves, l’année dernière, le chiffre de 588 tonnes de cacao a été donné comme chiffre officiel pendant la campagne 2012-2013. Pour cette année, il a déjà été enregistré 68 t en novembre dernier. Le café et l’hévéa sont en bonne voie d’expérimentation.
Peuple tènin, peuplade pacifique
Les Tèninga, du nom des habitants de cette sous-préfecture, sont musulmans et pacifiques. Les valeurs ancestrales comme le respect de l’aîné, les jeux d’alliances, les travaux communautaires et les classes d’âge sont encore de mise. Les métiers de la cordonnerie, de la poterie et du fer sont pratiquées. La présence depuis près de 15 ans d’étrangers, exploitants agricoles comme les Burkinabé (qui comptent aujourd’hui plusieurs milliers autochtones), a fouetté l’orgueil des autochtones qui se sont lancés dans la plantation de cultures pérennes également. A Guintéguéla, origine de l’humoriste Bamba Bakary, de belles bâtisses sont construites. Malgré quelques frictions liées à toute coexistence, les étrangers et leurs tuteurs ne sont pas prêts à en découdre. « Il est désormais clair en Côte d’Ivoire que la terre ne s’achète pas comme on l’a fait ici par le passé. Je demande à tous mes compatriotes de se conformer aux lois ivoiriennes », affirme Zonnin Arouna, naba (chef) des Burkinabé de Guintéguéla.
Les jeunes reconnaissants à l’équipe municipale
Lors des festivités de fin d’année organisées par le conseil municipal de Guintéguéla les 31 décembre et 1er janvier, une série d’activités ont permis aux jeunes de la sous-préfecture de valoriser leurs talents. Côté culturel, l’on a assisté a des ballets et à des émouvantes prestations théâtrales sur les thèmes de la dépravation des mœurs et la gestion des conflits fonciers. Un bal de fin d’année a été organisé jusqu’au petit matin du 1er janvier. Au sport, FC Différence a remporté le trophée du maire Bamba Sory devant la jeune équipe des Dawalaban. Cette finale marquait ainsi le clou du tournoi qui avait mis aux prises 8 équipes composées de jeunes burkinabé, baoulé et autochtones. A la fin, quelques uns ont livré leurs sentiments : « Ce genre de fête consacrée à la jeunesse est une première à Guintéguéla. Nous remercions le conseil municipal qui nous a ainsi procuré beaucoup de plaisir », a témoigné Sékou venu de Vassérisso. Pour le président de la jeunesse communale, l’implication des cadres dans la prévention des crises peut être utile. C’est en cela que nous félicitons le maire Bamba Sory qui a pris son bâton de pèlerin pour parer au plus pressé, fait savoir Lacina.
Bayo Lynx, correspondant régional