Le colonel-major Ehoussou Aka, coordonnateur du Comité de libération des sites privés ou publics occupés, exhorte les populations à adhérer davantage au processus de restitutions des biens.
Après trois mois d’exercice du Comité de libération des sites privés ou publics occupés, cette structure peut-elle défendre un bilan ?
On peut faire un bilan partiel parce que nous enregistrons chaque jour des requêtes à Abidjan et à l’intérieur du pays. Il y a deux modes de réception de ces demandes : soit par voie téléphonique après quoi le requérant fournit des documents authentiques afférents à la propriété du site occupé ; ou il se présente physiquement et fait une demande écrite. Il est enregistré et le comité étudie son dossier. Donc on ne peut que faire un bilan partiel dans la mesure où même ce matin nous avons enregistré des dossiers.
Un bilan partiel chiffré des réclamations est-il disponible ?
Oui, disons que nous avons mis un accent particulier sur la région du Gbêkê, parce qu’il y a quelques mois que le président de la République s’y est rendu. Bouaké a subi beaucoup de désagréments dans ce sens. A Abidjan, nous avons 54 dossiers enregistrés dont 36 traités. Et les autres sont en cours.
Et quel est le statut de ces sites libérés, est-ce des habitations, des industries… ?
En général, c’est le privé qui subit l’occupation des sites. Quand il s’agit d’une habitation ou d’un hôtel, par exemple, le propriétaire perd une rente journalière. C’est pourquoi nous nous concentrons sur ce type de situations quand nous en sommes saisis. A Abidjan, sur 36 sites, il y a 2 habitations. Sur 210 autres à Bouaké, 201 ont été libérés dont des sites publics. C’est le cas du Cnra (Centre national pour la recherche agronomique, ndlr) et l’habitat de la Caisse au quartier Commerce. A l’intérieur du pays, à part Bouaké, nous avons 75 dossiers. Mais nous n’y sommes pas encore allés.
Comment fonctionne le comité à part le mode de saisine ?
Nous avons reparti les zones de la façon suivante : Abidjan et sa périphérie, la région de Bouaké du fait de la guerre et les autres départements. Au total, nous avons enregistré 339 dossiers dont 135 sites ont été libérés et 79 en cours. Le reste, les 163 autres dossiers sont examinés par le comité. Un dossier est en cours lorsqu’un occupant illégal bénéficie d’un délai de grâce de la part du requérant, qui a saisi le comité, en attendant la libération du bien de ce dernier. Dans le cas d’espèce, nous invitons les deux parties à s’entendre. Ensuite, elles nous disent ce qu’elles ont décidé. Enfin, nous en prenons acte. Mais le délai convenu une fois arrivé à échéance, n’est plus négociable ; parce que le jour J, nous récupérons les clés et les remettons au propriétaire des lieux.
A voir le taux de réussite intéressant des actions du comité, on dirait qu’il travaille sans la moindre difficulté. Est-ce vraiment le cas?
Je pense qu’il y a un facteur qui nous aide depuis un certain temps. C‘est que le gouvernement et le président de la République prônent la paix, la réconciliation et la normalisation de la vie sociopolitique. Ainsi, de nombreuses populations ont adhéré à ces idéaux. Toute chose qui favorise l’action du comité. Au niveau de l’état-major (des Forces républicaines de Côte d’Ivoire: Ndlr), par exemple, nous avons eu un soutien inestimable ; un message a été émis à l’attention de tous ceux qu’on appelle ‘’corps habillés‘’ afin qu’ils libèrent les maisons. Donc nous parlons plus aux civils qu’aux militaires. Je suis militaire et quand je leur parle, ils comprennent. Ceux qui ne comprennent pas, je les envoie vers le chef d’état-major.
Comment expliquez-vous qu’Abidjan enregistre un faible taux de sites publics ou privés occupés, alors qu’il se dit que la capitale économique regorge de nombreux cas pareils ?
C’est qu’à Bouaké, à part que la visite du président de la République a été un élément catalyseur, le préfet de Bouaké nous a beaucoup aidés dans la réalisation de spots et de communiqués par la voie de radios de proximité. Ce qui fait qu’aujourd’hui à Bouaké, ceux qui disent qu’ils ne sont pas au courant de l’existence de ce comité ne sont pas très nombreux. Alors qu’à Abidjan, au moment où les spots passent à la télé, les gens sont au travail. Nous comptons relancer la sensibilisation avec le service chargé de la communication du ministère de la Défense.
Dans la pratique, comment le comité s’assure-t-il qu’une résidence ou un local d’un autre type appartient effectivement à un tel ou à un tel autre ? N’y a-t-il pas de risque d’arnaque ?
Nous savons qu’ils sont nombreux, nos frères qui ont des maisons occupées et qui vivent hors du pays. Alors, quand une personne se présente, se plaint de l’occupation de sa maison par X, nous lui demandons la procuration que le propriétaire lui a donnée. C’est au vu de ce document que le requérant devient notre interlocuteur. Sinon, nous ne parlons pas à ceux qui prétendent être propriétaires d’un local sans en posséder un titre de propriété ou une procuration, signée par la personne qualifiée.
Voudriez-vous clarifier le terme occupation ; est-ce du fait des deux crises ou de la méprise d’une décision de justice ou par la simple volonté d’exproprier?
Nous agissons dans les deux cas. Le comité est formé de dix-neuf membres. Je n’en suis que le coordinateur. Quand nous sommes saisis d’un dossier d’une certaine technicité, nous nous en remettons à un interlocuteur qualifié : l’Agef, le ministère de la Construction qui prennent la décision qui s’imposent. Quand ils disent qu’un site n’appartient pas à X, je convoque les deux parties auxquelles je demande les documents qui les fondent à revendiquer la propriété du site occupé. Nous travaillons avec des personnes ressources dans différents ministères, les cadastres, le domaine urbain, l’Agef, la Cnps. Les décisions sont collégiales.
Des requérants dont les résidences sont occupées par des ex-supplétifs des forces régulières ne craignent-ils pas pour leur sécurité quand ils vous saisissent ?
Avant, ils avaient peur. Mais quand le comité a été mis en place nous avons écrit à la Dgat (Direction générale de l’administration du territoire, ndlr). Nous avons ainsi adressé des messages à tous les préfets de Côte d’Ivoire. Ils me répondent progressivement. Chacun d’eux fait l’état des lieux dans sa région. S’ils nous disent qu’aucun site n’est occupé, nous classons le dossier concernant leur zone. C’est le cas de la commune d’Adiaké.
Pour être plus efficace, le Comité ne devrait-il pas être représenté à l’intérieur du pays ?
Cela aurait été la solution idéale mais ce démembrement va entraîner des frais et des charges- et pourquoi pas des lourdeurs- du fait du nombre de départements, 139, que compte le pays. Si on doit avoir 139 bureaux, il faut leur trouver un local qu’il faut payer, trouver des moyens de mobilité... Je pense que c’est à cause de ces charges qu’on centralise l’activité à Abidjan. On s’appuie sur les préfets et les maires et parfois les commissariats, parce qu’avant l’avènement de cette structure, les plaintes étaient déposées dans les commissariats de police. Donc nous travaillons avec tous les fichiers de la police, de la gendarmerie, du ministère de l’Environnement.
Quelles solutions préconisez-vous pour la sensibilisation des populations qui seraient encore réticentes à saisir le comité de libération des sites privés ou publics occupés ?
Il ne faut plus qu’elles aient des appréhensions, parce qu’en fait le comité n’est pas le fait d’un individu. J’ai reçu des instructions de ma hiérarchie. Qui elle aussi en a certainement reçues de la hiérarchie sienne. Donc il faudrait que les uns et les autres adhèrent à ce processus pour qu’ils puissent entrer en possession de leurs biens. Maintenant, ceux qui occupent le patrimoine des uns et des autres doivent en faire de même afin que la réconciliation prônée aboutisse. Il faut donc que les uns et les autres comprennent : il y va de la cohésion sociale.
Réalisée par Bidi Ignace
Après trois mois d’exercice du Comité de libération des sites privés ou publics occupés, cette structure peut-elle défendre un bilan ?
On peut faire un bilan partiel parce que nous enregistrons chaque jour des requêtes à Abidjan et à l’intérieur du pays. Il y a deux modes de réception de ces demandes : soit par voie téléphonique après quoi le requérant fournit des documents authentiques afférents à la propriété du site occupé ; ou il se présente physiquement et fait une demande écrite. Il est enregistré et le comité étudie son dossier. Donc on ne peut que faire un bilan partiel dans la mesure où même ce matin nous avons enregistré des dossiers.
Un bilan partiel chiffré des réclamations est-il disponible ?
Oui, disons que nous avons mis un accent particulier sur la région du Gbêkê, parce qu’il y a quelques mois que le président de la République s’y est rendu. Bouaké a subi beaucoup de désagréments dans ce sens. A Abidjan, nous avons 54 dossiers enregistrés dont 36 traités. Et les autres sont en cours.
Et quel est le statut de ces sites libérés, est-ce des habitations, des industries… ?
En général, c’est le privé qui subit l’occupation des sites. Quand il s’agit d’une habitation ou d’un hôtel, par exemple, le propriétaire perd une rente journalière. C’est pourquoi nous nous concentrons sur ce type de situations quand nous en sommes saisis. A Abidjan, sur 36 sites, il y a 2 habitations. Sur 210 autres à Bouaké, 201 ont été libérés dont des sites publics. C’est le cas du Cnra (Centre national pour la recherche agronomique, ndlr) et l’habitat de la Caisse au quartier Commerce. A l’intérieur du pays, à part Bouaké, nous avons 75 dossiers. Mais nous n’y sommes pas encore allés.
Comment fonctionne le comité à part le mode de saisine ?
Nous avons reparti les zones de la façon suivante : Abidjan et sa périphérie, la région de Bouaké du fait de la guerre et les autres départements. Au total, nous avons enregistré 339 dossiers dont 135 sites ont été libérés et 79 en cours. Le reste, les 163 autres dossiers sont examinés par le comité. Un dossier est en cours lorsqu’un occupant illégal bénéficie d’un délai de grâce de la part du requérant, qui a saisi le comité, en attendant la libération du bien de ce dernier. Dans le cas d’espèce, nous invitons les deux parties à s’entendre. Ensuite, elles nous disent ce qu’elles ont décidé. Enfin, nous en prenons acte. Mais le délai convenu une fois arrivé à échéance, n’est plus négociable ; parce que le jour J, nous récupérons les clés et les remettons au propriétaire des lieux.
A voir le taux de réussite intéressant des actions du comité, on dirait qu’il travaille sans la moindre difficulté. Est-ce vraiment le cas?
Je pense qu’il y a un facteur qui nous aide depuis un certain temps. C‘est que le gouvernement et le président de la République prônent la paix, la réconciliation et la normalisation de la vie sociopolitique. Ainsi, de nombreuses populations ont adhéré à ces idéaux. Toute chose qui favorise l’action du comité. Au niveau de l’état-major (des Forces républicaines de Côte d’Ivoire: Ndlr), par exemple, nous avons eu un soutien inestimable ; un message a été émis à l’attention de tous ceux qu’on appelle ‘’corps habillés‘’ afin qu’ils libèrent les maisons. Donc nous parlons plus aux civils qu’aux militaires. Je suis militaire et quand je leur parle, ils comprennent. Ceux qui ne comprennent pas, je les envoie vers le chef d’état-major.
Comment expliquez-vous qu’Abidjan enregistre un faible taux de sites publics ou privés occupés, alors qu’il se dit que la capitale économique regorge de nombreux cas pareils ?
C’est qu’à Bouaké, à part que la visite du président de la République a été un élément catalyseur, le préfet de Bouaké nous a beaucoup aidés dans la réalisation de spots et de communiqués par la voie de radios de proximité. Ce qui fait qu’aujourd’hui à Bouaké, ceux qui disent qu’ils ne sont pas au courant de l’existence de ce comité ne sont pas très nombreux. Alors qu’à Abidjan, au moment où les spots passent à la télé, les gens sont au travail. Nous comptons relancer la sensibilisation avec le service chargé de la communication du ministère de la Défense.
Dans la pratique, comment le comité s’assure-t-il qu’une résidence ou un local d’un autre type appartient effectivement à un tel ou à un tel autre ? N’y a-t-il pas de risque d’arnaque ?
Nous savons qu’ils sont nombreux, nos frères qui ont des maisons occupées et qui vivent hors du pays. Alors, quand une personne se présente, se plaint de l’occupation de sa maison par X, nous lui demandons la procuration que le propriétaire lui a donnée. C’est au vu de ce document que le requérant devient notre interlocuteur. Sinon, nous ne parlons pas à ceux qui prétendent être propriétaires d’un local sans en posséder un titre de propriété ou une procuration, signée par la personne qualifiée.
Voudriez-vous clarifier le terme occupation ; est-ce du fait des deux crises ou de la méprise d’une décision de justice ou par la simple volonté d’exproprier?
Nous agissons dans les deux cas. Le comité est formé de dix-neuf membres. Je n’en suis que le coordinateur. Quand nous sommes saisis d’un dossier d’une certaine technicité, nous nous en remettons à un interlocuteur qualifié : l’Agef, le ministère de la Construction qui prennent la décision qui s’imposent. Quand ils disent qu’un site n’appartient pas à X, je convoque les deux parties auxquelles je demande les documents qui les fondent à revendiquer la propriété du site occupé. Nous travaillons avec des personnes ressources dans différents ministères, les cadastres, le domaine urbain, l’Agef, la Cnps. Les décisions sont collégiales.
Des requérants dont les résidences sont occupées par des ex-supplétifs des forces régulières ne craignent-ils pas pour leur sécurité quand ils vous saisissent ?
Avant, ils avaient peur. Mais quand le comité a été mis en place nous avons écrit à la Dgat (Direction générale de l’administration du territoire, ndlr). Nous avons ainsi adressé des messages à tous les préfets de Côte d’Ivoire. Ils me répondent progressivement. Chacun d’eux fait l’état des lieux dans sa région. S’ils nous disent qu’aucun site n’est occupé, nous classons le dossier concernant leur zone. C’est le cas de la commune d’Adiaké.
Pour être plus efficace, le Comité ne devrait-il pas être représenté à l’intérieur du pays ?
Cela aurait été la solution idéale mais ce démembrement va entraîner des frais et des charges- et pourquoi pas des lourdeurs- du fait du nombre de départements, 139, que compte le pays. Si on doit avoir 139 bureaux, il faut leur trouver un local qu’il faut payer, trouver des moyens de mobilité... Je pense que c’est à cause de ces charges qu’on centralise l’activité à Abidjan. On s’appuie sur les préfets et les maires et parfois les commissariats, parce qu’avant l’avènement de cette structure, les plaintes étaient déposées dans les commissariats de police. Donc nous travaillons avec tous les fichiers de la police, de la gendarmerie, du ministère de l’Environnement.
Quelles solutions préconisez-vous pour la sensibilisation des populations qui seraient encore réticentes à saisir le comité de libération des sites privés ou publics occupés ?
Il ne faut plus qu’elles aient des appréhensions, parce qu’en fait le comité n’est pas le fait d’un individu. J’ai reçu des instructions de ma hiérarchie. Qui elle aussi en a certainement reçues de la hiérarchie sienne. Donc il faudrait que les uns et les autres adhèrent à ce processus pour qu’ils puissent entrer en possession de leurs biens. Maintenant, ceux qui occupent le patrimoine des uns et des autres doivent en faire de même afin que la réconciliation prônée aboutisse. Il faut donc que les uns et les autres comprennent : il y va de la cohésion sociale.
Réalisée par Bidi Ignace