Le ministère des Transports a signé récemment un contrat de concession d’un système de gestion intégrée de l’ensemble des activités des transports terrestres avec la Société Quipux Afrique. L’avènement de cette nouvelle société sonne le glas des anciennes structures concessionnaires qui n’apprécient guère la façon dont les choses se sont passées. Pire, ce sont plus de 2000 travailleurs qui voient leur emploi hypothéqué. Notre dossier.
La nouvelle est tombée. Sèche comme un relevé de compte. Le mercredi 26 février 2014, le ministre des Transports, Gaoussou Touré, a adressé un courrier d’information aux trois structures intervenant dans la production du permis de conduire en Côte d’Ivoire, leur annonçant que la concession qui les liait jusque-là à l’Etat de Côte d’Ivoire prend fin à la date du vendredi 28 février 2014. Officiellement, depuis hier, Starten (qui gérait le pré-enrôlement), Biomédical (qui assurait les examens médicaux) et Interflex (qui éditait les permis) ont arrêté leurs activités. Certes, leur convention avec l’Etat de Côte d’Ivoire est arrivée à échéance en août 2013. Mais le gouvernement avait jugé utile que ce contrat fasse l’objet d’une prorogation. Mais depuis la réception du courrier ministériel, les ex-sociétés concessionnaires n’en reviennent pas. D’autant plus que la forme sous laquelle le ministre des Transports les a informés de la fin de leur contrat ne leur semble pas la plus indiquée, « car violant le parallélisme des formes», estiment-elles. «L’Etat nous a concédés la confection du permis à travers un décret, en l’occurrence, le décret N° 2007-679 du 28 décembre 2007. Pourquoi, c’est à travers un courrier ministériel qu’on nous informe de la fin du contrat qui nous lie à l’Etat alors même qu’aucun communiqué n’a été fait en conseil des ministres pour dire qu’on nous retirait la concession.», déplore, M. Niamoutié Kouao, le PDG d’Interflex, éditrice des permis format carte de crédit depuis 2007.
Une convention dénoncée
La note du ministre, il faut le dire tout net, crée un profond malaise dans le secteur du permis de conduire. M. Richard Amon, président du Conseil d’Administration de la société Starten qui assurait le pré-enregistrement des candidats au permis de conduire, estime lui- aussi que le ministère des Transports n’a pas joué franc-jeu. Dénonçant «un dévoiement de l’objet d’appel d’offre». « A l’origine, l’idée du ministère des Transports était de créer un système de gestion intégrée de l’ensemble des activités des transports terrestres. C’était l’objet de l’appel d’offres lancé en 2012», précise t-il. Et de poursuivre : « Mais à notre grande surprise, nous réalisons que la convention signée avec Quipux Afrique va au-delà de la simple gestion des bases de données intégrées, puisque cette Société prend également en main la confection du permis de conduire, la carte grise, la carte de transport, etc. C’est ce que nous ne comprenons pas.». La surprise est d’autant plus désagréable pour ces trois structures qu’il n’a jamais été question, selon elles, dans les termes de l’appel d’offres lancé par le ministère des Transports et remporté par Quipux Afrique, de confection du permis. En effet, l’intitulé de l’appel d’offres faisait mention « de la mise en place d’un système de gestion intégrée de l’ensemble des activités des transports terrestres». Les missions et compétences du nouvel opérateur devraient s’arrêter-là. De l’idée du système de gestion intégrée, M. Niamoutié Kouao estime que cela est très bonne chose dans la mesure où il assure au ministère une meilleure maîtrise de ses données. De fait, le système intégré devra comprendre une base de données unique, fiable, et une plateforme technologique assurant une interconnexion informatique de toutes les structures du ministère des transports, en charge de la production des titres de transports routiers.
Mais Starten, Inflex, et Biomédical sont frappés de consternation lorsqu’ils découvrent la signature d’une convention portant sur : « la conception, l’ingénierie, le financement, la mise en place et l’exploitation d’un système de gestion intégrée de l’ensemble des activités des transports terrestres entre l’Etat et Quipus Afrique». Ils dénoncent surtout le fait que le ministère mette en œuvre cette concession alors même qu’elle n’a pas encore été validée par un décret.
D’éventuelles ruptures des documents
Pour le PDG d’Interflex, les règles de bonne gouvernance ne sont pas ainsi respectées. «C’est le droit de l’Etat de reprendre ses prérogatives en ce qui concerne le permis. Mais s’il veut le concéder, il doit y avoir un appel d’offres clair. Parce que si cela avait été le cas, nous aurions pu soumissionner», martèle t-il. Or, l’on a «procédé par dissimulation, en laissant croire aux sociétés susmentionnées, que cet appel d’offres ne concernait que la base de données intégrée», se plaint-on à Biomédical. A l’Agence de gestions des transports urbains (Agetu), qui gère les cartes de transports urbains, les responsables sont aussi animés des mêmes sentiments d’inquiétude. Même la Société nationale des transports terrestres (Sonatt) qui assurait la maîtrise d’?uvre du permis se retrouve dépouillée de cette prérogative. Elle qui espérait, pourtant, reprendre toutes les activités du permis à l’échéance de la concession.
En effet, dans la perspective d’une reprise en main du permis, la Sonatt s’est dotée d’un équipement de pointe assorti de la signature d’un contrat d’assistance avec la Société Proostag, mondialement reconnue dans la sécurisation des titres de transport. Avec une technologie basée sur le code à bulle. Malheureusement, le choix de Quipux Afrique, par le ministère à la suite d’un appel d’offres «biaisé», selon les acteurs, semble couper l’herbe sous les pieds de cette société d’Etat qui n’aura même plus la charge de la gestion des cartes grises dans la nouvelle reforme. Les conséquences de cette décision sont pourtant incalculables, puisqu’elles engendrent de facto, la mise au chômage de plus de 2000 travailleurs.
En effet, les employés de Starten, Interflex et biomédical que nous avons rencontrés, vivent avec appréhension ces mesures. Ils se voient déjà au chômage. « Avec l’expertise que nous avons, nous étions loin de penser que l’on privilégierait une autre société à l’expertise ivoirienne.», se désole K. Hermann, du côté de Starten.
Des inquiétudes légitimes en ce sens qu’il n’est guère évident que Quipux Afrique les reverse automatiquement dans son personnel. Et même si cette hypothèse était envisagée, tous ces travailleurs ne peuvent pas conserver leur emploi. Selon les responsables des trois ex- structures concessionnaires, ce sont plus de 2000 travailleurs qui sont menacés par cette décision. Mais au-delà du chômage massif qui se profile à l’horizon, il faut s’attendre à gérer les désagréments liés à une rupture d’édition du permis, le temps d’une reprise véritable en main de la nouvelle Société. Toute chose qui pourrait concourir à mettre sens dessus dessous un secteur du permis où les problèmes ne manquent déjà pas.
Pour avoir la version des faits du ministère, nous avons approché le service de communication qui n’était pas disposé à nous répondre dans les meilleurs délais. M. Tano Yao David, son directeur, a cependant promis réagir sur cette affaire, le lundi 03 mars prochain.
Alexandre Lebel Ilboudo
La nouvelle est tombée. Sèche comme un relevé de compte. Le mercredi 26 février 2014, le ministre des Transports, Gaoussou Touré, a adressé un courrier d’information aux trois structures intervenant dans la production du permis de conduire en Côte d’Ivoire, leur annonçant que la concession qui les liait jusque-là à l’Etat de Côte d’Ivoire prend fin à la date du vendredi 28 février 2014. Officiellement, depuis hier, Starten (qui gérait le pré-enrôlement), Biomédical (qui assurait les examens médicaux) et Interflex (qui éditait les permis) ont arrêté leurs activités. Certes, leur convention avec l’Etat de Côte d’Ivoire est arrivée à échéance en août 2013. Mais le gouvernement avait jugé utile que ce contrat fasse l’objet d’une prorogation. Mais depuis la réception du courrier ministériel, les ex-sociétés concessionnaires n’en reviennent pas. D’autant plus que la forme sous laquelle le ministre des Transports les a informés de la fin de leur contrat ne leur semble pas la plus indiquée, « car violant le parallélisme des formes», estiment-elles. «L’Etat nous a concédés la confection du permis à travers un décret, en l’occurrence, le décret N° 2007-679 du 28 décembre 2007. Pourquoi, c’est à travers un courrier ministériel qu’on nous informe de la fin du contrat qui nous lie à l’Etat alors même qu’aucun communiqué n’a été fait en conseil des ministres pour dire qu’on nous retirait la concession.», déplore, M. Niamoutié Kouao, le PDG d’Interflex, éditrice des permis format carte de crédit depuis 2007.
Une convention dénoncée
La note du ministre, il faut le dire tout net, crée un profond malaise dans le secteur du permis de conduire. M. Richard Amon, président du Conseil d’Administration de la société Starten qui assurait le pré-enregistrement des candidats au permis de conduire, estime lui- aussi que le ministère des Transports n’a pas joué franc-jeu. Dénonçant «un dévoiement de l’objet d’appel d’offre». « A l’origine, l’idée du ministère des Transports était de créer un système de gestion intégrée de l’ensemble des activités des transports terrestres. C’était l’objet de l’appel d’offres lancé en 2012», précise t-il. Et de poursuivre : « Mais à notre grande surprise, nous réalisons que la convention signée avec Quipux Afrique va au-delà de la simple gestion des bases de données intégrées, puisque cette Société prend également en main la confection du permis de conduire, la carte grise, la carte de transport, etc. C’est ce que nous ne comprenons pas.». La surprise est d’autant plus désagréable pour ces trois structures qu’il n’a jamais été question, selon elles, dans les termes de l’appel d’offres lancé par le ministère des Transports et remporté par Quipux Afrique, de confection du permis. En effet, l’intitulé de l’appel d’offres faisait mention « de la mise en place d’un système de gestion intégrée de l’ensemble des activités des transports terrestres». Les missions et compétences du nouvel opérateur devraient s’arrêter-là. De l’idée du système de gestion intégrée, M. Niamoutié Kouao estime que cela est très bonne chose dans la mesure où il assure au ministère une meilleure maîtrise de ses données. De fait, le système intégré devra comprendre une base de données unique, fiable, et une plateforme technologique assurant une interconnexion informatique de toutes les structures du ministère des transports, en charge de la production des titres de transports routiers.
Mais Starten, Inflex, et Biomédical sont frappés de consternation lorsqu’ils découvrent la signature d’une convention portant sur : « la conception, l’ingénierie, le financement, la mise en place et l’exploitation d’un système de gestion intégrée de l’ensemble des activités des transports terrestres entre l’Etat et Quipus Afrique». Ils dénoncent surtout le fait que le ministère mette en œuvre cette concession alors même qu’elle n’a pas encore été validée par un décret.
D’éventuelles ruptures des documents
Pour le PDG d’Interflex, les règles de bonne gouvernance ne sont pas ainsi respectées. «C’est le droit de l’Etat de reprendre ses prérogatives en ce qui concerne le permis. Mais s’il veut le concéder, il doit y avoir un appel d’offres clair. Parce que si cela avait été le cas, nous aurions pu soumissionner», martèle t-il. Or, l’on a «procédé par dissimulation, en laissant croire aux sociétés susmentionnées, que cet appel d’offres ne concernait que la base de données intégrée», se plaint-on à Biomédical. A l’Agence de gestions des transports urbains (Agetu), qui gère les cartes de transports urbains, les responsables sont aussi animés des mêmes sentiments d’inquiétude. Même la Société nationale des transports terrestres (Sonatt) qui assurait la maîtrise d’?uvre du permis se retrouve dépouillée de cette prérogative. Elle qui espérait, pourtant, reprendre toutes les activités du permis à l’échéance de la concession.
En effet, dans la perspective d’une reprise en main du permis, la Sonatt s’est dotée d’un équipement de pointe assorti de la signature d’un contrat d’assistance avec la Société Proostag, mondialement reconnue dans la sécurisation des titres de transport. Avec une technologie basée sur le code à bulle. Malheureusement, le choix de Quipux Afrique, par le ministère à la suite d’un appel d’offres «biaisé», selon les acteurs, semble couper l’herbe sous les pieds de cette société d’Etat qui n’aura même plus la charge de la gestion des cartes grises dans la nouvelle reforme. Les conséquences de cette décision sont pourtant incalculables, puisqu’elles engendrent de facto, la mise au chômage de plus de 2000 travailleurs.
En effet, les employés de Starten, Interflex et biomédical que nous avons rencontrés, vivent avec appréhension ces mesures. Ils se voient déjà au chômage. « Avec l’expertise que nous avons, nous étions loin de penser que l’on privilégierait une autre société à l’expertise ivoirienne.», se désole K. Hermann, du côté de Starten.
Des inquiétudes légitimes en ce sens qu’il n’est guère évident que Quipux Afrique les reverse automatiquement dans son personnel. Et même si cette hypothèse était envisagée, tous ces travailleurs ne peuvent pas conserver leur emploi. Selon les responsables des trois ex- structures concessionnaires, ce sont plus de 2000 travailleurs qui sont menacés par cette décision. Mais au-delà du chômage massif qui se profile à l’horizon, il faut s’attendre à gérer les désagréments liés à une rupture d’édition du permis, le temps d’une reprise véritable en main de la nouvelle Société. Toute chose qui pourrait concourir à mettre sens dessus dessous un secteur du permis où les problèmes ne manquent déjà pas.
Pour avoir la version des faits du ministère, nous avons approché le service de communication qui n’était pas disposé à nous répondre dans les meilleurs délais. M. Tano Yao David, son directeur, a cependant promis réagir sur cette affaire, le lundi 03 mars prochain.
Alexandre Lebel Ilboudo