Après l’Assurance-maladie universelle (AMU) préconisée par le régime Gbagbo, c’est aujourd’hui le projet de Couverture maladie universelle (CMU), voulu par Alassane Ouattara, qui suscite bien des attentes. Le point sur cette promesse de campagne qui anime chaque candidat au fauteuil présidentiel ivoirien depuis une décennie.
Que ce soit sous Laurent Gbagbo ou sous Alassane Ouattara, la mise en œuvre de cette mesure coince, et les populations qui avaient placé beaucoup d’espoir en cette forme d’assurance commencent à douter de sa faisabilité sous les tropiques. Même si, à chaque fois, chaque régime a entretenu l’espoir de l’effectivité de l’assurance-maladie en Côte d’Ivoire, du moins accessible aux couches les plus défavorisées et telle que conçue et portée par les pouvoirs publics. D’abord sous la « refondation ». Aux dires de l’ex-ministre Ohouochi Clotilde Yapi, qui a piloté ce projet d’abord en tant que ministre de la Solidarité et des Affaires sociales, puis en tant que conseiller spécial de Laurent Gbagbo chargé de l’Assurance-maladie universelle, «l’Amu [était] un devoir de solidarité. Elle [était] encore au stade de projet. Ce sont les études de faisabilité qui ont été menées. Compte tenu de la situation de guerre, on n’a pas pu la mettre en œuvre. Mais nous disons que les objectifs de l’AMU consistent à réduire les disparités régionales.»
Les espoirs déçus de l’AMU
En termes de fonctionnement de l’AMU, Madame Ohouochi avait expliqué en 2010 que pour permettre une meilleure prise en charge des assurés, trois caisses avaient été créées. Il y avait la Caisse sociale agricole, qui s’occupait exclusivement de recenser et d’immatriculer tous les acteurs du secteur agricole et assimilés. Ensuite, la Caisse nationale d’assurance-maladie, qui devrait identifier et immatriculer tous les acteurs des autres secteurs d’activité, y compris les demandeurs sociaux (chômeurs, etc.). Pour chapeauter ces deux caisses, il était également prévu un fonds national d’AMU (FNAM) qui devrait jouer le rôle de «banque» de tout le système. Les cotisations qui devraient émaner du monde agricole et des autres secteurs devraient converger vers ce fonds qui allait payer les factures aux prestataires de soins. Ainsi, le malade n’aurait plus eu de soucis à se faire pour être soigné au premier niveau de la pyramide sanitaire, c’est-à-dire dans les dispensaires s’il était en zone rurale. «Et la caisse à laquelle il est affilié va transférer son dossier au fonds d’AMU, qui va payer les prestations», nous disait-on alors. Quid du ticket modérateur ? Dans son application, «le système est organisé de façon pyramidale. Il y a le premier niveau : centre de santé, dispensaires, etc. Ce n’est qu’au deuxième niveau de la pyramide sanitaire qu’intervient le ticket modérateur qui varie entre 20 et 30% du coût des prestations dans les hôpitaux généraux. Le ticket modérateur intervient également au même taux, au troisième niveau (CHU et structures de référence). Toutefois, le malade est obligé de respecter cette évolution de la pyramide sanitaire. De sorte à éviter que les CHU ne soient pas transformés en dispensaires, mais plutôt des centres où les professeurs en santé interviennent», avaient annoncé à l’époque les promoteurs de ce projet. Malheureusement, la décennie de crise militaro-politique qui a commencé en septembre 2002 n’a pas permis une implémentation réelle des différents projets pilotes initiés, aussi bien à Bondoukou et Soubré.
La CMU devrait démarrer en 2015
Quant à la Couverture maladie universelle (CMU), initiée sous le pouvoir d’Alassane Ouattara, elle devrait être lancée en janvier 2014. Mais aux dernières nouvelles, il va falloir encore patienter. En attendant, la CMU est au centre de plusieurs séminaires gouvernementaux impliquant spécialistes de la santé, experts en assurance-maladie et parlementaires. Du côté du Parlement ivoirien, les députés ont adopté à l’unanimité ce projet de loi instituant l’assurance universelle voulue par le président Alassane Ouattara, c’est-à-dire la mise en place effective de cette Couverture maladie universelle qui devra, à terme, «permettre l’accès et le remboursement des soins, les prestations et les médicaments à toute personne résidant en Côte d’Ivoire et qui n’est pas déjà couverte par un autre régime obligatoire d’assurance-maladie ». Un projet de loi, a été in fine adopté le jeudi 11 décembre 2013, en Conseil des ministres, instituant donc CMU «à compter du 1er janvier 2015». Mieux, un atelier de consensus a eu lieu, avec pour objectif de définir de façon consensuelle le panier des prestations dans le cadre de la CMU, pour chaque type d’établissement sanitaire, aux différents niveaux de la pyramide, ainsi que les orientations sur les outils de gestion des prestations.
Un enjeu de solidarité nationale
Pour Dosso Moussa, ministre d’Etat, ministre de l’Emploi, des Affaires sociales et de la Formation professionnelle, «la décision du président de la République est fondée sur le fait qu’en Côte d’Ivoire, environ 95% de nos populations ne bénéficient pas d’un système de protection du risque financier lié à la maladie. Pour le président de la République, il s’agit donc de mettre en place une politique de solidarité à l’effet d’assurer une plus grande accessibilité des populations aux services de santé». Ajoutant que la CMU est une réponse à la réduction de la pauvreté en permettant l’accessibilité de tous à des soins de qualité et abordables. Enfin, qu’en pense la représentation de l’Organisation mondiale de santé (OMS) en Côte d’Ivoire ? Pour le docteur Kalilou Souley, « l’offre des soins et ses implications sur la qualité des prestations des soins à offrir appellent une information et un consensus large des parties prenantes et acteurs de la mise en œuvre de la CMU. Plus qu’une simple assurance, la CMU sera un véritable instrument de solidarité nationale. Ce qui suppose la mise en commun des risques et un large partage des coûts avec un soutien accru aux couches sociales les plus défavorisées.»
En clair, il s’agira de promouvoir «une solidarité entre riches et pauvres, entre vieux et jeunes, entre travailleurs et sans emploi, entre citadins et ruraux, entre bien portants et moins bien portants», a-t-il prévenu. Pour que cela fonctionne, le représentant de l’OMS a attiré l’attention sur le respect de quelques principes. Notamment l’universalité (prise en compte de l’ensemble de la population), la responsabilité générale de l’Etat, l’équité, la gestion participative et l’efficience. Dans sa mise en œuvre, la pharmacie de la santé publique, désormais réformée, devrait jouer un rôle stratégique.
Pas facile de s’inspirer de ce modèle français
L’AMU, selon ses promoteurs, était «un devoir de solidarité, de partage, de redistribution des ressources nationales. On ne peut pas comprendre cela quand on n’est pas de gauche. En France, l’AMU fait partie de leur histoire». Ohouochi Clotilde, dans les colonnes du quotidien ivoirien Le Temps, ajoutait, lors du dernier semestre 2010, en pleine pré-campagne présidentielle : «Quatorze pays africains ont décidé, en février 2006 à Dakar, à la suite du message de la Côte d’Ivoire, d’aller tous à l’AMU. Au Gabon, ils ont commencé par couvrir les Gabonais qui sont économiquement faibles.» En France, la Couverture maladie universelle (CMU) est une prestation sociale permettant l’accès et le remboursement des soins, prestations et médicaments à toute personne résidant en France et qui n’est pas déjà couverte par un autre régime obligatoire d’assurance-maladie. Ce dispositif a remplacé la couverture «carte santé» qui était du ressort des départements et qui assurait jusqu’alors les mêmes prestations. La CMU (CMU de base) et la Couverture maladie universelle complémentaire (MU-C) ont été votées dans le cadre de la loi du 27 juillet 1999, sous le gouvernement du Premier ministre français d’alors, Lionel Jospin, à l’initiative de Martine Aubry. Cette loi est entrée en vigueur le 1er janvier 2000.
S. d’Avignon
Que ce soit sous Laurent Gbagbo ou sous Alassane Ouattara, la mise en œuvre de cette mesure coince, et les populations qui avaient placé beaucoup d’espoir en cette forme d’assurance commencent à douter de sa faisabilité sous les tropiques. Même si, à chaque fois, chaque régime a entretenu l’espoir de l’effectivité de l’assurance-maladie en Côte d’Ivoire, du moins accessible aux couches les plus défavorisées et telle que conçue et portée par les pouvoirs publics. D’abord sous la « refondation ». Aux dires de l’ex-ministre Ohouochi Clotilde Yapi, qui a piloté ce projet d’abord en tant que ministre de la Solidarité et des Affaires sociales, puis en tant que conseiller spécial de Laurent Gbagbo chargé de l’Assurance-maladie universelle, «l’Amu [était] un devoir de solidarité. Elle [était] encore au stade de projet. Ce sont les études de faisabilité qui ont été menées. Compte tenu de la situation de guerre, on n’a pas pu la mettre en œuvre. Mais nous disons que les objectifs de l’AMU consistent à réduire les disparités régionales.»
Les espoirs déçus de l’AMU
En termes de fonctionnement de l’AMU, Madame Ohouochi avait expliqué en 2010 que pour permettre une meilleure prise en charge des assurés, trois caisses avaient été créées. Il y avait la Caisse sociale agricole, qui s’occupait exclusivement de recenser et d’immatriculer tous les acteurs du secteur agricole et assimilés. Ensuite, la Caisse nationale d’assurance-maladie, qui devrait identifier et immatriculer tous les acteurs des autres secteurs d’activité, y compris les demandeurs sociaux (chômeurs, etc.). Pour chapeauter ces deux caisses, il était également prévu un fonds national d’AMU (FNAM) qui devrait jouer le rôle de «banque» de tout le système. Les cotisations qui devraient émaner du monde agricole et des autres secteurs devraient converger vers ce fonds qui allait payer les factures aux prestataires de soins. Ainsi, le malade n’aurait plus eu de soucis à se faire pour être soigné au premier niveau de la pyramide sanitaire, c’est-à-dire dans les dispensaires s’il était en zone rurale. «Et la caisse à laquelle il est affilié va transférer son dossier au fonds d’AMU, qui va payer les prestations», nous disait-on alors. Quid du ticket modérateur ? Dans son application, «le système est organisé de façon pyramidale. Il y a le premier niveau : centre de santé, dispensaires, etc. Ce n’est qu’au deuxième niveau de la pyramide sanitaire qu’intervient le ticket modérateur qui varie entre 20 et 30% du coût des prestations dans les hôpitaux généraux. Le ticket modérateur intervient également au même taux, au troisième niveau (CHU et structures de référence). Toutefois, le malade est obligé de respecter cette évolution de la pyramide sanitaire. De sorte à éviter que les CHU ne soient pas transformés en dispensaires, mais plutôt des centres où les professeurs en santé interviennent», avaient annoncé à l’époque les promoteurs de ce projet. Malheureusement, la décennie de crise militaro-politique qui a commencé en septembre 2002 n’a pas permis une implémentation réelle des différents projets pilotes initiés, aussi bien à Bondoukou et Soubré.
La CMU devrait démarrer en 2015
Quant à la Couverture maladie universelle (CMU), initiée sous le pouvoir d’Alassane Ouattara, elle devrait être lancée en janvier 2014. Mais aux dernières nouvelles, il va falloir encore patienter. En attendant, la CMU est au centre de plusieurs séminaires gouvernementaux impliquant spécialistes de la santé, experts en assurance-maladie et parlementaires. Du côté du Parlement ivoirien, les députés ont adopté à l’unanimité ce projet de loi instituant l’assurance universelle voulue par le président Alassane Ouattara, c’est-à-dire la mise en place effective de cette Couverture maladie universelle qui devra, à terme, «permettre l’accès et le remboursement des soins, les prestations et les médicaments à toute personne résidant en Côte d’Ivoire et qui n’est pas déjà couverte par un autre régime obligatoire d’assurance-maladie ». Un projet de loi, a été in fine adopté le jeudi 11 décembre 2013, en Conseil des ministres, instituant donc CMU «à compter du 1er janvier 2015». Mieux, un atelier de consensus a eu lieu, avec pour objectif de définir de façon consensuelle le panier des prestations dans le cadre de la CMU, pour chaque type d’établissement sanitaire, aux différents niveaux de la pyramide, ainsi que les orientations sur les outils de gestion des prestations.
Un enjeu de solidarité nationale
Pour Dosso Moussa, ministre d’Etat, ministre de l’Emploi, des Affaires sociales et de la Formation professionnelle, «la décision du président de la République est fondée sur le fait qu’en Côte d’Ivoire, environ 95% de nos populations ne bénéficient pas d’un système de protection du risque financier lié à la maladie. Pour le président de la République, il s’agit donc de mettre en place une politique de solidarité à l’effet d’assurer une plus grande accessibilité des populations aux services de santé». Ajoutant que la CMU est une réponse à la réduction de la pauvreté en permettant l’accessibilité de tous à des soins de qualité et abordables. Enfin, qu’en pense la représentation de l’Organisation mondiale de santé (OMS) en Côte d’Ivoire ? Pour le docteur Kalilou Souley, « l’offre des soins et ses implications sur la qualité des prestations des soins à offrir appellent une information et un consensus large des parties prenantes et acteurs de la mise en œuvre de la CMU. Plus qu’une simple assurance, la CMU sera un véritable instrument de solidarité nationale. Ce qui suppose la mise en commun des risques et un large partage des coûts avec un soutien accru aux couches sociales les plus défavorisées.»
En clair, il s’agira de promouvoir «une solidarité entre riches et pauvres, entre vieux et jeunes, entre travailleurs et sans emploi, entre citadins et ruraux, entre bien portants et moins bien portants», a-t-il prévenu. Pour que cela fonctionne, le représentant de l’OMS a attiré l’attention sur le respect de quelques principes. Notamment l’universalité (prise en compte de l’ensemble de la population), la responsabilité générale de l’Etat, l’équité, la gestion participative et l’efficience. Dans sa mise en œuvre, la pharmacie de la santé publique, désormais réformée, devrait jouer un rôle stratégique.
Pas facile de s’inspirer de ce modèle français
L’AMU, selon ses promoteurs, était «un devoir de solidarité, de partage, de redistribution des ressources nationales. On ne peut pas comprendre cela quand on n’est pas de gauche. En France, l’AMU fait partie de leur histoire». Ohouochi Clotilde, dans les colonnes du quotidien ivoirien Le Temps, ajoutait, lors du dernier semestre 2010, en pleine pré-campagne présidentielle : «Quatorze pays africains ont décidé, en février 2006 à Dakar, à la suite du message de la Côte d’Ivoire, d’aller tous à l’AMU. Au Gabon, ils ont commencé par couvrir les Gabonais qui sont économiquement faibles.» En France, la Couverture maladie universelle (CMU) est une prestation sociale permettant l’accès et le remboursement des soins, prestations et médicaments à toute personne résidant en France et qui n’est pas déjà couverte par un autre régime obligatoire d’assurance-maladie. Ce dispositif a remplacé la couverture «carte santé» qui était du ressort des départements et qui assurait jusqu’alors les mêmes prestations. La CMU (CMU de base) et la Couverture maladie universelle complémentaire (MU-C) ont été votées dans le cadre de la loi du 27 juillet 1999, sous le gouvernement du Premier ministre français d’alors, Lionel Jospin, à l’initiative de Martine Aubry. Cette loi est entrée en vigueur le 1er janvier 2000.
S. d’Avignon