Charles Blé Goudé, au moment où nous mettions sous presse, était en passe d’avoir son billet « aller simple » pour la CPI. La Chambre d’accusation a, à la suite du Gouvernement, autorisé son transfèrement à La Haye autour de 18 heures. A partir de cet instant, les choses se sont accélérées. L’ancien président du Cojep a été embarqué dans un vol spécial pour la Hollande. Blé Goudé parti. Que dire d’autre ? Si ce n’est : « Dommage ! ». Au-delà de tout ce que l’on peut reprocher à celui qui se faisait appeler « le Général de la rue », c’est un sentiment de regret partagé qui anime les Ivoiriens dans une bonne proportion. Au plus profond d’eux-mêmes, bien peu d’Ivoiriens n’auraient souhaité un tel épilogue pour Charles Blé Goudé. Car, il est toujours difficile de voir un compatriote, de surcroit dans la force de l’âge et plein d’avenir, se retrouver dans une prison, loin de ses parents et de ses proches. Et pourtant, pour éviter ce gros gâchis, il aurait fallu tout simplement user de tact et de diplomatie. Charles Blé Goudé, au sujet des crimes et exactions commis au cours de la période postélectorale, n’a jamais manifesté le moindre regret à l’égard des nombreuses victimes. Pas même un traître mot d’excuse ou de pardon. Au contraire. Après son départ en catimini de la Côte d’Ivoire, « Blé la machette » est resté toujours actif, dans le mauvais sens. Qui ne se souvient des déclarations publiées dans la presse et des interviews qu’il a accordées aux journalistes ? « Le génie du Kpo » avait même déclaré dans un entretien à « Jeune Afrique » qu’il était prêt à répondre de ses actes devant la Cour pénale internationale. Aujourd’hui, il est sans doute en train de regretter amèrement ses propos. A La Haye, on sait quand y on va, mais on ne sait pas quand on y revient. Dans cette affaire, l’entourage et le camp de Charles Blé Goudé ne l’ont pas aidé. Les sorties tonitruantes de ses avocats ces derniers temps sur l’affaire des photos et les allégations de maltraitance à son encontre l’ont plutôt desservi. Or en publiant les photos, ses conseillers en communication ont cru avoir réussi un coup médiatique. Oubliant qu’en toute chose, il faut savoir raison garder. Car l’effet boomerang n’est jamais loin. Le même problème s’est posé avec Laurent Gbagbo. Là où le FPI et les proches de l’ancien président de la République étaient appelé à négocier, ils se sont cru obliger de durcir le ton voire d’appeler leurs partisans à l’insurrection. Finalement, Laurent Gbagbo s’est retrouvé à La Haye. Lorsqu’on est en position de faiblesse, on négocie. C’est une question de bons sens et d’intelligence. Puisque l’homme sage, c’est celui qui connait ses limites. Aujourd’hui, le vin est tiré, il faut le boire. Charles Blé Goudé est maintenant un pensionnaire du centre pénitencier de Scheveningen. Son sort est désormais entre les mains des juges de La Haye. Ce qui aurait pu être évité avec un peu plus d’humilité et de sagesse. C’est dommage. Vraiment dommage ! Car en réalité, et force est de le reconnaître, ce qui arrive aujourd’hui à Blé Goudé n’est que le juste prix d’un activisme politique pour le moins outrancier d’un jeune homme qui n’a jamais compris qu’en politique, comme partout ailleurs du reste, l’excès nuit. Et que même si on a épousé une cause, il faut en mesurer les limites et agir en conséquence. Une fois de plus, dommage !
Jean-Claude Coulibaly
Jean-Claude Coulibaly