Dans cette ouverte, les partis politiques membres de la La Ligue des Mouvements pour le Progrès (LMP) interpelle le Premier ministre sur « les conditions de la réconciliation nationale ». La déclaration est signée du Président de la LMP, Appia Kabran.
Monsieur le Premier Ministre, Ministre de l’Economie et des Finances,
La Ligue des Mouvements pour le Progrès (LMP) vous présente ses compliments et a l’honneur, néanmoins, d’attirer votre attention sur les périls nombreux qui s’accumulent désormais.
L’avenir du pays a paru pourtant s’ouvrir avec ce processus politique de remembrement national que se partagent le Gouvernement et ceux des partis politiques qui, à travers le Cadre Permanent de Dialogue (CPD), ont accepté l’alternative du dialogue. Le rôle joué par notre groupement dans ce processus nous interdit le silence devant les dangereux blocages visibles et nous invite au contraire à la vigilance que nous voulons exercer ici.
Monsieur le Premier Ministre, il n’est pas inutile de rappeler que la LMP fait partie des groupements politiques qui furent à l’initiative du processus qui s’amorça officiellement à Bassam, les 26, 27 et 28 Avril 2012. Le principe du dialogue comme alternative à l’affrontement n’a pas été acquis facilement. Il a été précédé de biens des conciliabules et de bien des concessions. Lorsque le Gouvernement a manifesté son intention de faire progresser les conditions de la réconciliation nationale, il a rencontré la bonne foi et l’engagement d’un groupe déterminé de femmes et d’hommes politiques, qui avaient fait d’avance le sacrifice de leur réputation pour accepter ce qu’ils voyaient comme une main tendue au milieu du tumulte.
Le Gouvernement pouvait bien ne poursuivre à titre principal que son seul intérêt. La LMP et tous les autres groupes politiques ne pouvaient y voir en revanche que la chance de remembrement du corps politique malade de la Côte d’Ivoire et une perspective sérieuse de créer les conditions d’un vrai nouveau départ ; afin que le politique ne puisse se justifier de nouveau que par le service tant attendu du développement socioéconomique. Tant de pauvres gens continuaient de souffrir de la politique, hélas (les familles endeuillées, séparées par l’exil, les brimades et exactions quotidiennes, la pauvreté endémique, la maladie sans perspective de soin etc.) !
Nous avons attendu qu’on nous écoute sur les mérites de la proposition de libérer définitivement tous les prisonniers d’opinion, encore si nombreux ; de lever les séquestres divers qui frappent les biens ; de favoriser le retour des réfugiés ; de favoriser le principe du dialogue politique en créant un vrai statut de l’opposition ; d’engager des discussions sérieuses sur les conditions politiques, techniques et sécuritaires d’élections nationales justes et transparentes, d’ouvrir un dialogue républicain sur les questions profondes de l’identité, des terres, etc.
Monsieur le Premier Ministre, nous sommes tous obligés de noter aujourd’hui que nombre de nos illusions mutuelles ont vécu. Les extrémistes des différents camps opposés auront eu le dessus sur les meilleures intentions. A notre demande, et réagissant sûrement à d’autres interpellations, le gouvernement a fait, certes, des « gestes ». Il a été salué à juste titre pour ces décisions, même toujours aussi insuffisantes, compte tenu du volume de mesures réellement attendues.
Les bénéficiaires des décisions de mises en liberté provisoires n’ont pas été avares de reconnaissance, pour les plus honnêtes. Toutefois, pour ces mises en liberté, on ne peut que regarder la quantité encore excessive des détenus, dont les conditions inhumaines continuent de vous interpeller. Les pratiques discriminatoires et répressives n’ont pas disparu, même si elles peuvent paraître atténuées. La justice continue de fonctionner à sens unique, ne frappant continuellement que les « pros Gbagbo ». Le transfèrement du Ministre Charles Blé Goudé à la Cour Pénal internationale vient de confirmer la tendance. Si des maisons et des comptes ont été « libérés », il en reste encore tant d’autres !
Sur les réformes politiques, la situation n’est plus simplement au statu quo. Elle s’est empirée, sous le masque promesses d’avancées. Le Gouvernement n’a eu aucun égard pour l’opposition dans les réformes les plus porteuses de conflits : la naturalisation massive promise à des soi-disant « apatrides », sur la simple décision d’un ministre de la justice et sur la seule déclaration (non jugée) du pétitionnaire ; le recensement général de la population menée dans des conditions d’opacité, même atténuées par la récente intégration des partis politique à la supervision ; l’arrogance et le triomphe continue d’une commission électorale pourtant obsolète et inadaptée, dont le succédané récent renvoie encore l’image d’un déséquilibre profond ; le retard considérable dans la mise en place de tout statut et de tout financement sérieux des partis d’opposition ; etc.
Monsieur le Premier Ministre, les groupements comme la LMP peuvent et se veulent toujours conciliants dans la recherche de la paix. Mais personne n’est dupe du système que vous conduisez : le découpage électoral réalisé en 2011 ne visait-il pas surtout à favoriser la victoire automatique d’un seul camp ? Comme les lois sur la naturalisation et l’apatridie ne visent-elle pas, en fait à constituer le bétail électoral alibi des prochaines élections ? La RGPH peut-elle s’affranchir de la suspicion si elle se mêle d’état civil ? La liste électorale sera-t-elle un jour expurgée de tous ces faux ivoiriens que l’on s’évertue à faire voter ? Le retard dans la normalisation politique ne vise-t-il pas à s’assurer de la faiblesse conséquente des adversaires ? La nouvelle CEI déséquilibrée ne vise-t-elle pas surtout à empêcher tout contrôle sérieux desdites élections ? C’est au Gouvernement de faire taire les critiques légitimes que suscite le système, à peine subtil, mis en place. Sommes-nous condamnés au silence ? si les ivoiriens doivent se taire sur le plan politique, ils le pourraient difficilement sur le plan économique.
Monsieur le Premier Ministre, les Ivoiriens ne souffrent pas seulement d’une absence de volonté de remembrement définitif du corps de la nation. Ils sont devenus très pauvres et la vérité est qu’il y a aujourd’hui le petit nombre, rangé en tribu, qui jouit des privilèges, et le grand nombre de ceux qui gémissent continuellement sans perspective de répit. Vous ne réussirez pas facilement à réconcilier ceux qui crient la souffrance avec ceux qui jubilent.
Les statistiques officielles d’ici et d’ailleurs, complaisamment convoquées, n’ont pas réussi à effacer la misère quotidienne. Tout paraît tellement artificiel que cela en devient inquiétant pour la capacité même des ivoiriens à comprendre un jour pourquoi on leur parle de choses qu’ils ne voient jamais. La croissance peut être de 9%, voire plus, elle n’efface pas la baisse continuelle des revenus, ni cette réalité des plus de 50% de pauvres.
Au demeurant, cette croissance considérable du PIB, ne paraît pas dispenser le gouvernement de ce recours à l’endettement, qui semble devenu son mode privilégié de financement. La dette, déjà, de nouveau, énorme, ne sera pas remboursée par les travaux de BTP ; mais par ce vrai système de production de richesses qui fait défaut. Les investisseurs des BTP ou du secteur minier ne suffiront pas à entretenir une croissance durable et autocentrée ; surtout pas si on est obligé d’en subventionner quelques-uns (pourquoi ?) et s’ils peuvent rapatrier tous leurs avoirs, jusqu’au capital, tout en ne payant aucun impôt !
L’indice des prix à la consommation peut être également et officiellement faible. Il n’a aucun égard pour ce panier de la ménagère aujourd’hui presque vide. Le chômage officiel peut aussi être faible. Il ne correspond nullement aux 6 millions de « jeunes dans la rue », si visibles à chaque carrefour du pays. La pression fiscale affichée peut paraître « mondialement » faible. Elle n’empêche pas les entreprises de souffrir et de se plaindre de harcèlement.
Bref, tout va plus mal et la communication ne suffira pas à tromper la douleur ressentie par les pauvres.
Monsieur le Premier Ministre, notre intention n’est certes pas de faire chorus avec les extrêmes. Et il n’y a sûrement aucun remède miracle disponible pour les problèmes structurels que tous ceux qui ont déjà gouverné savent bien ! Pas plus ici qu’ailleurs. Soit ! Mais quand ça va mal, la méthode n’est-elle pas en soi le premier recours ? Rassembler les Ivoiriens, pour qu’ils regardent ensemble les vrais problèmes. N’est-ce pas l’ambition normale de tout gouvernement de crise ? Vous avez, certes, souvent souhaité la réconciliation, sans jamais vous démentir. Mais n’est-il pas temps de passer aux vrais actes ?
Monsieur le Premier Ministre, notre engagement à nous reste le même. Nous ne ferons pas l’économie des discussions, ni des propositions. Encore faudrait-il que la LMP soit plus souvent entendue qu’elle ne parle. Avant un probable orage !
Dans l’espoir que cette énième supplique vous atteigne, veuillez croire Monsieur le Premier Ministre, en l’expression de notre très haute et fraternelle considération
Pour la Ligue des Mouvements pour le Progrès
Le Président
Appia Kabran
Monsieur le Premier Ministre, Ministre de l’Economie et des Finances,
La Ligue des Mouvements pour le Progrès (LMP) vous présente ses compliments et a l’honneur, néanmoins, d’attirer votre attention sur les périls nombreux qui s’accumulent désormais.
L’avenir du pays a paru pourtant s’ouvrir avec ce processus politique de remembrement national que se partagent le Gouvernement et ceux des partis politiques qui, à travers le Cadre Permanent de Dialogue (CPD), ont accepté l’alternative du dialogue. Le rôle joué par notre groupement dans ce processus nous interdit le silence devant les dangereux blocages visibles et nous invite au contraire à la vigilance que nous voulons exercer ici.
Monsieur le Premier Ministre, il n’est pas inutile de rappeler que la LMP fait partie des groupements politiques qui furent à l’initiative du processus qui s’amorça officiellement à Bassam, les 26, 27 et 28 Avril 2012. Le principe du dialogue comme alternative à l’affrontement n’a pas été acquis facilement. Il a été précédé de biens des conciliabules et de bien des concessions. Lorsque le Gouvernement a manifesté son intention de faire progresser les conditions de la réconciliation nationale, il a rencontré la bonne foi et l’engagement d’un groupe déterminé de femmes et d’hommes politiques, qui avaient fait d’avance le sacrifice de leur réputation pour accepter ce qu’ils voyaient comme une main tendue au milieu du tumulte.
Le Gouvernement pouvait bien ne poursuivre à titre principal que son seul intérêt. La LMP et tous les autres groupes politiques ne pouvaient y voir en revanche que la chance de remembrement du corps politique malade de la Côte d’Ivoire et une perspective sérieuse de créer les conditions d’un vrai nouveau départ ; afin que le politique ne puisse se justifier de nouveau que par le service tant attendu du développement socioéconomique. Tant de pauvres gens continuaient de souffrir de la politique, hélas (les familles endeuillées, séparées par l’exil, les brimades et exactions quotidiennes, la pauvreté endémique, la maladie sans perspective de soin etc.) !
Nous avons attendu qu’on nous écoute sur les mérites de la proposition de libérer définitivement tous les prisonniers d’opinion, encore si nombreux ; de lever les séquestres divers qui frappent les biens ; de favoriser le retour des réfugiés ; de favoriser le principe du dialogue politique en créant un vrai statut de l’opposition ; d’engager des discussions sérieuses sur les conditions politiques, techniques et sécuritaires d’élections nationales justes et transparentes, d’ouvrir un dialogue républicain sur les questions profondes de l’identité, des terres, etc.
Monsieur le Premier Ministre, nous sommes tous obligés de noter aujourd’hui que nombre de nos illusions mutuelles ont vécu. Les extrémistes des différents camps opposés auront eu le dessus sur les meilleures intentions. A notre demande, et réagissant sûrement à d’autres interpellations, le gouvernement a fait, certes, des « gestes ». Il a été salué à juste titre pour ces décisions, même toujours aussi insuffisantes, compte tenu du volume de mesures réellement attendues.
Les bénéficiaires des décisions de mises en liberté provisoires n’ont pas été avares de reconnaissance, pour les plus honnêtes. Toutefois, pour ces mises en liberté, on ne peut que regarder la quantité encore excessive des détenus, dont les conditions inhumaines continuent de vous interpeller. Les pratiques discriminatoires et répressives n’ont pas disparu, même si elles peuvent paraître atténuées. La justice continue de fonctionner à sens unique, ne frappant continuellement que les « pros Gbagbo ». Le transfèrement du Ministre Charles Blé Goudé à la Cour Pénal internationale vient de confirmer la tendance. Si des maisons et des comptes ont été « libérés », il en reste encore tant d’autres !
Sur les réformes politiques, la situation n’est plus simplement au statu quo. Elle s’est empirée, sous le masque promesses d’avancées. Le Gouvernement n’a eu aucun égard pour l’opposition dans les réformes les plus porteuses de conflits : la naturalisation massive promise à des soi-disant « apatrides », sur la simple décision d’un ministre de la justice et sur la seule déclaration (non jugée) du pétitionnaire ; le recensement général de la population menée dans des conditions d’opacité, même atténuées par la récente intégration des partis politique à la supervision ; l’arrogance et le triomphe continue d’une commission électorale pourtant obsolète et inadaptée, dont le succédané récent renvoie encore l’image d’un déséquilibre profond ; le retard considérable dans la mise en place de tout statut et de tout financement sérieux des partis d’opposition ; etc.
Monsieur le Premier Ministre, les groupements comme la LMP peuvent et se veulent toujours conciliants dans la recherche de la paix. Mais personne n’est dupe du système que vous conduisez : le découpage électoral réalisé en 2011 ne visait-il pas surtout à favoriser la victoire automatique d’un seul camp ? Comme les lois sur la naturalisation et l’apatridie ne visent-elle pas, en fait à constituer le bétail électoral alibi des prochaines élections ? La RGPH peut-elle s’affranchir de la suspicion si elle se mêle d’état civil ? La liste électorale sera-t-elle un jour expurgée de tous ces faux ivoiriens que l’on s’évertue à faire voter ? Le retard dans la normalisation politique ne vise-t-il pas à s’assurer de la faiblesse conséquente des adversaires ? La nouvelle CEI déséquilibrée ne vise-t-elle pas surtout à empêcher tout contrôle sérieux desdites élections ? C’est au Gouvernement de faire taire les critiques légitimes que suscite le système, à peine subtil, mis en place. Sommes-nous condamnés au silence ? si les ivoiriens doivent se taire sur le plan politique, ils le pourraient difficilement sur le plan économique.
Monsieur le Premier Ministre, les Ivoiriens ne souffrent pas seulement d’une absence de volonté de remembrement définitif du corps de la nation. Ils sont devenus très pauvres et la vérité est qu’il y a aujourd’hui le petit nombre, rangé en tribu, qui jouit des privilèges, et le grand nombre de ceux qui gémissent continuellement sans perspective de répit. Vous ne réussirez pas facilement à réconcilier ceux qui crient la souffrance avec ceux qui jubilent.
Les statistiques officielles d’ici et d’ailleurs, complaisamment convoquées, n’ont pas réussi à effacer la misère quotidienne. Tout paraît tellement artificiel que cela en devient inquiétant pour la capacité même des ivoiriens à comprendre un jour pourquoi on leur parle de choses qu’ils ne voient jamais. La croissance peut être de 9%, voire plus, elle n’efface pas la baisse continuelle des revenus, ni cette réalité des plus de 50% de pauvres.
Au demeurant, cette croissance considérable du PIB, ne paraît pas dispenser le gouvernement de ce recours à l’endettement, qui semble devenu son mode privilégié de financement. La dette, déjà, de nouveau, énorme, ne sera pas remboursée par les travaux de BTP ; mais par ce vrai système de production de richesses qui fait défaut. Les investisseurs des BTP ou du secteur minier ne suffiront pas à entretenir une croissance durable et autocentrée ; surtout pas si on est obligé d’en subventionner quelques-uns (pourquoi ?) et s’ils peuvent rapatrier tous leurs avoirs, jusqu’au capital, tout en ne payant aucun impôt !
L’indice des prix à la consommation peut être également et officiellement faible. Il n’a aucun égard pour ce panier de la ménagère aujourd’hui presque vide. Le chômage officiel peut aussi être faible. Il ne correspond nullement aux 6 millions de « jeunes dans la rue », si visibles à chaque carrefour du pays. La pression fiscale affichée peut paraître « mondialement » faible. Elle n’empêche pas les entreprises de souffrir et de se plaindre de harcèlement.
Bref, tout va plus mal et la communication ne suffira pas à tromper la douleur ressentie par les pauvres.
Monsieur le Premier Ministre, notre intention n’est certes pas de faire chorus avec les extrêmes. Et il n’y a sûrement aucun remède miracle disponible pour les problèmes structurels que tous ceux qui ont déjà gouverné savent bien ! Pas plus ici qu’ailleurs. Soit ! Mais quand ça va mal, la méthode n’est-elle pas en soi le premier recours ? Rassembler les Ivoiriens, pour qu’ils regardent ensemble les vrais problèmes. N’est-ce pas l’ambition normale de tout gouvernement de crise ? Vous avez, certes, souvent souhaité la réconciliation, sans jamais vous démentir. Mais n’est-il pas temps de passer aux vrais actes ?
Monsieur le Premier Ministre, notre engagement à nous reste le même. Nous ne ferons pas l’économie des discussions, ni des propositions. Encore faudrait-il que la LMP soit plus souvent entendue qu’elle ne parle. Avant un probable orage !
Dans l’espoir que cette énième supplique vous atteigne, veuillez croire Monsieur le Premier Ministre, en l’expression de notre très haute et fraternelle considération
Pour la Ligue des Mouvements pour le Progrès
Le Président
Appia Kabran