Paris - Les fous de cacao l’ignorent peut-être mais pas le leader mondial du chocolat pour l’industrie et les professionnels : une
pénurie de ces précieuses fèves menace, les cours flambant sous l’effet de la demande et des spéculateurs.
De passage à Paris jeudi, Juergen Steinemann, directeur-général de Barry Callebault, groupe mondial basé et coté à Zurich, se dit satisfait des performances de ses produits, en particulier sur les marchés émergents, mais ne cache pas une réelle inquiétude pour l’avenir.
"On prend le leadership dans les pays émergents qui représentent désormais 28% de nos ventes, en hausse de 18% en un an", se félicite-t-il. Mais "si la consommation (dans ces pays, ndlr), actuellement de 50 grammes par an et par tête, passe ne serait-ce qu’à 2 kilos, la demande deviendra difficile à satisfaire". Par comparaison, la consommation annuelle de chocolat d’un Américain ou d’un Européen varie de 10 à 12 kilos.
La production mondiale, de 4 millions de tonnes actuellement, devra augmenter d’un bon million de tonnes d’ici 2020 pour accompagner cette demande croissante, estime le groupe qui transforme déjà le quart environ des fèves mondiales.
"La seule façon de faire face sera d’augmenter la production", juge M.
Steinemann qui se rend régulièrement en Côte d’Ivoire, premier producteur de cacao (36% de la production mondiale, devant le Ghana).
L’Afrique produit à elle seule plus des deux tiers du cacao mondial.
"L’objectif est de doubler les rendements des producteurs ivoiriens de 400 kilos/ha à 800 kilos d’ici 2020" indique Philippe Janvier, vice-président de Barry Callebaut et coordinateur France.
Le cacao ivoirien représente déjà le quart des approvisionnements du
groupe. Or dans ce pays d’Afrique de l’Ouest, secoué par une grave crise
politico-militaire durant les dix premières années du siècle, il s’agit donc
de retrouver un niveau de rendement perdu par négligences et manque de
savoir-faire.
- Une question de formation -
Malgré des cours mondiaux en très forte hausse (+30% sur les douze derniers
mois), les agriculteurs ont tendance à se détourner du cacao, lui préférant la
palme ou la banane, explique M. Janvier. Mais selon lui, "il sera facile de
les convaincre de retourner au cacao si on les aide à obtenir de meilleurs
rendements, une meilleure qualité et donc un meilleur profit". Le groupe
investit près de 10 millions de francs suisses (8,1 millions d’euros) dans ces
programmes, précise-t-il.
Pas question, reprend M. Steinemann "de procéder à des plantations parce
qu’il faut environ 7 ans avant la première récolte. Mais les plants existants
peuvent faire deux fois mieux: tout est question de formation" juge-t-il:
montrer aux paysans comment nettoyer les fruits abimés, les feuilles malades.
"Ce sont des choses très simples, du jardinage, mais qui entravent la
croissance".
La taille moyenne des plantations ivoiriennes se limite à 2 ou 3 ha: "C’est un micro-business. Les paysans ne sont pas formés, ils utilisent les mêmes techniques que leurs pères".
Juergen Steinemann exclut par ailleurs les essais de cacao génétiquement
modifié pratiqués en Equateur, qui "ne correspondent pas à l’envie du
consommateur". Et s’il pense pouvoir continuer de se passer des OGM c’est que,
juge-t-il, "le cacao restant un marché de niche, il y a peu de chances de voir
arriver des groupes comme Monsanto", le géant américain.
En revanche les spéculateurs et les fonds de pension, eux, sont déjà bien présents et pèsent sur les cours. Le cacao, coté à Londres et à New York attire les investisseurs en raison justement de ces risques possibles de pénurie à long terme explique-t-il: "Ca me rendait furieux il y a quelques années, mais il faut bien s’adapter et la volatilité ne fera qu’augmenter dans les années qui viennent" prédit-il.
Cette saison, les bonnes prévisions chez les principaux producteurs, Côte d’Ivoire et Ghana, calment les esprits.
Le groupe est désormais implanté sur tous les continents. Il a
commercialisé en 2012-2013 1,5 million de tonnes de chocolat, pour un montant de 5 milliards de francs suisses (4,08 milliards d’euros).
Par Anne CHAON
ach/fpo/blb/gg
pénurie de ces précieuses fèves menace, les cours flambant sous l’effet de la demande et des spéculateurs.
De passage à Paris jeudi, Juergen Steinemann, directeur-général de Barry Callebault, groupe mondial basé et coté à Zurich, se dit satisfait des performances de ses produits, en particulier sur les marchés émergents, mais ne cache pas une réelle inquiétude pour l’avenir.
"On prend le leadership dans les pays émergents qui représentent désormais 28% de nos ventes, en hausse de 18% en un an", se félicite-t-il. Mais "si la consommation (dans ces pays, ndlr), actuellement de 50 grammes par an et par tête, passe ne serait-ce qu’à 2 kilos, la demande deviendra difficile à satisfaire". Par comparaison, la consommation annuelle de chocolat d’un Américain ou d’un Européen varie de 10 à 12 kilos.
La production mondiale, de 4 millions de tonnes actuellement, devra augmenter d’un bon million de tonnes d’ici 2020 pour accompagner cette demande croissante, estime le groupe qui transforme déjà le quart environ des fèves mondiales.
"La seule façon de faire face sera d’augmenter la production", juge M.
Steinemann qui se rend régulièrement en Côte d’Ivoire, premier producteur de cacao (36% de la production mondiale, devant le Ghana).
L’Afrique produit à elle seule plus des deux tiers du cacao mondial.
"L’objectif est de doubler les rendements des producteurs ivoiriens de 400 kilos/ha à 800 kilos d’ici 2020" indique Philippe Janvier, vice-président de Barry Callebaut et coordinateur France.
Le cacao ivoirien représente déjà le quart des approvisionnements du
groupe. Or dans ce pays d’Afrique de l’Ouest, secoué par une grave crise
politico-militaire durant les dix premières années du siècle, il s’agit donc
de retrouver un niveau de rendement perdu par négligences et manque de
savoir-faire.
- Une question de formation -
Malgré des cours mondiaux en très forte hausse (+30% sur les douze derniers
mois), les agriculteurs ont tendance à se détourner du cacao, lui préférant la
palme ou la banane, explique M. Janvier. Mais selon lui, "il sera facile de
les convaincre de retourner au cacao si on les aide à obtenir de meilleurs
rendements, une meilleure qualité et donc un meilleur profit". Le groupe
investit près de 10 millions de francs suisses (8,1 millions d’euros) dans ces
programmes, précise-t-il.
Pas question, reprend M. Steinemann "de procéder à des plantations parce
qu’il faut environ 7 ans avant la première récolte. Mais les plants existants
peuvent faire deux fois mieux: tout est question de formation" juge-t-il:
montrer aux paysans comment nettoyer les fruits abimés, les feuilles malades.
"Ce sont des choses très simples, du jardinage, mais qui entravent la
croissance".
La taille moyenne des plantations ivoiriennes se limite à 2 ou 3 ha: "C’est un micro-business. Les paysans ne sont pas formés, ils utilisent les mêmes techniques que leurs pères".
Juergen Steinemann exclut par ailleurs les essais de cacao génétiquement
modifié pratiqués en Equateur, qui "ne correspondent pas à l’envie du
consommateur". Et s’il pense pouvoir continuer de se passer des OGM c’est que,
juge-t-il, "le cacao restant un marché de niche, il y a peu de chances de voir
arriver des groupes comme Monsanto", le géant américain.
En revanche les spéculateurs et les fonds de pension, eux, sont déjà bien présents et pèsent sur les cours. Le cacao, coté à Londres et à New York attire les investisseurs en raison justement de ces risques possibles de pénurie à long terme explique-t-il: "Ca me rendait furieux il y a quelques années, mais il faut bien s’adapter et la volatilité ne fera qu’augmenter dans les années qui viennent" prédit-il.
Cette saison, les bonnes prévisions chez les principaux producteurs, Côte d’Ivoire et Ghana, calment les esprits.
Le groupe est désormais implanté sur tous les continents. Il a
commercialisé en 2012-2013 1,5 million de tonnes de chocolat, pour un montant de 5 milliards de francs suisses (4,08 milliards d’euros).
Par Anne CHAON
ach/fpo/blb/gg