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Économie Publié le lundi 23 juin 2014 | Cote d’Ivoire Economie

Infrastructures économiques : La Côte d’Ivoire amorce-t-elle vraiment l’émergence ?

© Cote d’Ivoire Economie Par DR
Le Chef de l`Etat du Burkina Faso recoit le Premier ministre Daniel Kablan Duncan
Jeudi 22 mai 2014. Ouagadougou. Présidence du Faso. Le chef de l`Etat, Blaise Compaoré, a reçu en audience en début de soirée le Premier ministre ivoirien, Daniel Kablan Duncan.Photo: le Premier ministre ivoirien, Daniel Kablan Duncan
Après les bilans économiques et sociaux, le Premier ministre ivoirien, Daniel Kablan Duncan, a animé sa troisième conférence de presse le 28 avril dernier à Abidjan. Cette fois-ci, l’accent a été mis sur les chantiers d’infrastructures, passage obligé pour atteindre les objectifs d’émergence.


Dans le dispositif dit du «Triomphe de l’Eléphant», le Plan national de développement (PND) 2012-2015 avait affiché des ambitions louables. En témoignent les taux de croissance projetés, de l’ordre de 8,1% en 2012, 9% en 2013, 10% en 2014 et 10,1% en 2015. Dès la fin de la première année, les experts du Fonds monétaire international (FMI), de la Banque mondiale (BM) et de la Banque africaine de développement (BAD) avaient évalué la croissance ivoirienne à 9,8% à fin 2012, y compris un niveau d’inflation relativement bas, de l’ordre de 1,3% en termes réel. En 2013, le gouvernement ivoirien a maintenu l’élan pour afficher un taux de croissance réel de 8,5%. «L’investissement continue de stimuler la croissance économique. Ainsi, le taux d’investissement global est estimé à 16,5% du PIB à la fin de l’année 2013 contre 13,7% du PIB en 2012. En terme nominal, les investissements ont augmenté de 20,4%», a précisé le Premier ministre. Il y a des signes encourageants sur les plans de la croissance économique et de l’amélioration du produit intérieur brut (PIB) du pays. Ce sont les deux premiers indicateurs macroéconomiques qui attestent bien du temps de l’émergence. Pour ce faire, le Gouvernement ivoirien a mis un accent particulier sur les grands travaux pour stimuler la croissance. Des atouts qui ont été mis en exergue par le Premier ministre lors de cette dernière conférence de presse.

Cap sur les gros chantiers d’infrastructures

En l’espace de deux années consécutives, la Côte d’Ivoire s’est offert de nouveaux édifices (des ponts, des routes, des autoroutes, des châteaux d’eau, etc.) et a renouvelé bon nombre de ses infrastructures économiques (Cf : tableau). Ce sont plusieurs centaines de milliards qui sont investis pour mener à bien ces projets d’infrastructures économiques. L’Etat a eu recours à différents modes de financement, notamment les partenariats public-privé (PPP) qui occupent une place de choix dans la politique gouvernementale. Sans ignorer les formes classiques comme les BOT (Built operate and transfer), où des investisseurs privés agissent pour le compte du public et exploitent les infrastructures avant de les céder à l’Etat. Au constat, la plupart des grands chantiers sont focalisés dans le district d’Abidjan. Qu’en est-il de l’intérieur du pays ? Ce sont près de 90 milliards de FCFA mis à contribution pour les travaux de reprofilage des routes et le traitement de points critiques sur le territoire national, a précisé le Daniel Kablan Duncan.
De même, un emprunt de 130 milliards FCFA a été octroyé au Fonds d’entretien routier (FER) par le système bancaire pour redorer, un temps soit peu, le paysage routier ivoirien. Depuis le 11 décembre 2013, les automobilistes circulent sans grande contrainte sur l’autoroute du Nord, d’Abidjan jusqu’à Yamoussoukro, parcours long de 221,9 km. Il a fallu investir près de 172,5 milliards FCFA pour l’achèvement du tronçon Singrobo-Yamoussoukro, couplé avec la reprise intégrale du revêtement du tronçon Abidjan-Singrobo. D’autres axes stratégiques du pays sont en chantier, à savoir la voie express Adzopé-Abengourou, et jusqu’à la frontière du Burkina Faso pour bientôt. En somme, ces réalisations économiques s’inscrivent dans un seul élan qui n’est rien d’autre que l’émergence projetée à l’horizon 2020. Mais force est de constater que cette dynamique n’a pas que des effets positifs.

Quand la pression fiscale persiste…

Pour le financement de grands chantiers, le gouvernement ivoirien s’est appuyé, en grande partie, sur les ressources générées à l’interne. Cela s’impose pour soutenir cette croissance économique, mais le contribuable ivoirien y paie un lourd tribut. Aujourd’hui, les opérateurs économiques se plaignent de plus belle de la pression fiscale, bien présente et constituant un véritable fardeau pour les acteurs du secteur privé. Sur cette question, le Premier ministre, Daniel Kablan Duncan, reconnaît que la pression fiscale est une réalité en Côte d’Ivoire. «Lorsqu’on baisse les taxes, on augmente l’assiette fiscale et les résultats sont plus importants. C’est vers cela que nous allons», a-t-il indiqué. Il s’est même appuyé sur son expérience des années 90. «Dans le secteur du foncier, l’on est passé d’un cumul des taxes de 33% à 15%, et l’on s’est rendu compte que les recettes de l’Etat se sont considérablement accrues», a-t-il répondu. A vrai dire, les Ivoiriens n’attendent que ce genre de mesures et dispositions fiscales allant dans le sens de l’allégement des impôts et taxes à payer. Même si les choses tardent à venir, et le gouvernement en est bien conscient. «Vous ne pouvez pas être pays émergent si votre fiscalité n’est pas bonne, pas compétitive», a souligné le Premier ministre. D’ici peu, l’imposition de 5% sur le chiffre d’affaires dans l’hévéaculture trouvera certainement une solution. Une taxation qui est en train de mettre à mal un secteur en grandes difficultés. Mais d’autres pans de l’économie, comme la télécommunication, ne sont guère épargnés…

Les marchés publics aussi indexés


En Côte d’Ivoire, l’on se rend également compte que l’accès aux marchés publics est une autre bataille pour les entreprises locales. Même si l’Etat a mis en place l’Autorité nationale de régulation des marchés publics (ANRMP) pour secourir la Direction des marchés publics (DMP), la gestion de ces marchés reste encore contraignante. «Il faut en moyenne 322 jours pour conclure un marché public en Côte d’Ivoire», a précisé le Premier ministre, le 28 avril dernier. Ce qui conduit inévitablement à un recours plus accentué au gré à gré. Un dispositif qui tend à se généraliser, et même à s’amplifier à divers endroits. En règle générale, l’on a recours à des appels d’offres pour des marchés de 30 millions FCFA et plus. Toutefois, de nombreux marchés à coûts de milliards se sont faits de gré à gré. Quel que soit le justificatif, le principe reste le même. Il y a encore beaucoup d’efforts à fournir, comme l’a bien indiqué le Premier ministre Kablan Duncan, parce que le délai de passation des marchés publics doit passer de 322 à 100, voire 90 jours. De même, la part des acquisitions des marchés publics de gré à gré doit encore baisser pour atteindre le taux raisonnable de 10%. Celui-ci était de 43% en 2013. Dans l’élan de l’émergence, les principes de bonne gouvernance doivent être strictement respectés. Ce sont des conditions indéfectibles pour ne pas faire de l’exception une règle en matière de passation des marchés publics en Côte d’Ivoire. Il faut donc inverser la tendance au plus vite !


Des conséquences sur la cherté de la vie
Il y a un troisième indicateur qui caractérise l’émergence. Celui du niveau de vie des populations, qui doit évoluer, à un rythme plus ou moins proportionnel, à la croissance économique du pays. A ce niveau, l’on se rend bien compte que le pouvoir d’achats des Ivoiriens n’a pas véritablement évolué ces dernières années. L’objectif du PND 2012-2015 est de réduire de moitié le taux de pauvreté, c’est-à-dire passer de 48,9% (estimé INS 2008) à 25%. Après deux ans, les lignes ne semblent pas vraiment bouger. Et plusieurs analyses montrent que la vie devient de plus en plus chère. Cela se justifie par plusieurs facteurs endogènes et exogènes. En politique macro-économique, la croissance n’implique pas le développement de facto et ne saurait automatiquement se traduire en bien-être pour les populations. Il faut un peu plus de temps pour sentir les retombées de la croissance. Même si de grands chantiers d’infrastructures sont engagés, ils ne constituent pas des activités directement génératrices de revenus. C’est l’étape première pour amorcer le vrai développement. En attendant, la pauvreté demeure et s’aggrave à divers endroits du pays. De plus, les populations doivent comprendre que tous les facteurs évoluent en synergie. Si le budget de l’Etat est passé de 3 160 milliards FCFA en 2012 à 3 815 milliards FCFA en 2013, puis 4 248 milliards FCFA en 2014, c’est le signe manifeste de l’émergence économique. Comme répercussions, le taux de croissance économique s’accélère et les prix des denrées alimentaires et autres produits évoluent concomitamment. Pour établir un certain équilibre, les travailleurs doivent accroître leurs revenus et l’Etat doit s’atteler à faire une meilleure répartition des fruits de la croissance au sein des populations. Telle est la grande difficulté des pays en développement comme la Côte d’Ivoire. Il s’agit de l’épineux problème de la redistribution des ressources générées par l’économie nationale. Et aller à une croissance économique assez inclusive. Sans quoi, les populations continueront de déplorer la cherté de la vie.
En définitive, la Côte d’Ivoire présente des signaux économiques qui indiquent la marche vers l’émergence. Mais plusieurs facteurs tels que la pression fiscale, l’accès aux marchés publics, et surtout la pauvreté et la cherté de la vie constituent de réels défis à relever dans un court laps de temps. L’idéal est bien de maintenir le cap sur les investissements publics et assurer une meilleure redistribution des richesses.
A l’heure de la lutte pour la richesse !
Il est temps que l’on change de paradigme pour ne plus parler de lutte contre la pauvreté, mais de lutte pour la richesse. Une option très stratégique qui voudrait dire que les actions publiques, privées et personnelles ne doivent plus être orientées contre la pauvreté. Mais tous les efforts doivent maintenant aller dans le sens de la richesse. D’aucuns diront qu’il y a pas de différence ! Non, elle reste fondamentale et incontournable. Depuis des décennies, il est question de lutter contre la pauvreté, mais la situation ne fait qu’empirer de part et d’autre. Pourquoi ne pas inverser la tendance et changer de terminologie. Parlons simplement de lutte pour la richesse. Cela induirait un caractère psychologique et mental, et aiderait assurément à quitter le spectre de la pauvreté qui a longtemps dominé les pays en développement comme la Côte d’Ivoire. Aujourd’hui, l’émergence exige que les Ivoiriens se départissent de la notion de pauvreté et s’approprient un autre langage. Il faudrait maintenant lutter pour acquérir de la richesse.


Assane De YAPY
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