Francois Albert Amichia, maire de la commune de Treicville a présenté un exposé, le 25 août dernier, à Yamoussoukro à l’occasion d’une conférence organisée par la Ligue des Enseignants d’Histoire-Géographie de Côte d’Ivoire. Le thème abordé : « Le rôle de la commune dans la Côte d’Ivoire émergente à l’horizon 2020 ». Albert Amichia est également Docteur en Histoire Contemporaine, Ancien ministre, Président du forum ivoirien pour la sécurité urbaine (Fisu), Ex-président de l’Union des villes et communes de Côte d’Ivoire (Uvicoci), Président du Conseil des collectivités territoriales (Cct) de l’espace Uemoa, Vice-président du Réseau global des villes plus sûres (Gnsc) d’Onu-Habitat.
introduction
• Monsieur le Préfet de la Région du Bélier représentant Madame le ministre de l’Education Nationale et de l’Enseignement Technique,
• Excellence, Madame l’Ambassadrice Yao Yao Odette,
• Monsieur le Président du conseil Régional du Bélier,
• Monsieur le Gouverneur du District autonome de Yamoussoukro,
• Messieurs les Maîtres de conférence des Universités,
• Messieurs les Docteurs et Doctorants,
• Docteur N’gotta Roger,
• Monsieur le Président de la Ligue des Enseignants d’Histoire-Géographie de Côte d’Ivoire,
• Mesdames et Messieurs les Enseignants d’Histoire et Géographie des Lycées et collèges,
• Mesdames et Messieurs, en vos grades et qualités respectifs,
• Honorables invités,
Permettez-moi d’emblée d’adresser mes chaleureuses salutations à vous toutes et tous, et de traduire ma profonde gratitude à la ligue des enseignants d’Histoire-Géographie de cote d’ivoire, qui a bien voulu m’associer à ce séminaire de renforcement des capacités.
Notre pays la Côte d’Ivoire vient de célébrer le 54eme anniversaire de son indépendance et cette commémoration constitue pour moi un excellent point d’entrée pour le thème qu’il m’est donné d’animer, au cours de cette rencontre, à savoir : « le rôle de la commune dans la Côte d’Ivoire émergente à l’horizon 2020 ».
54 ans près son accès a l’indépendance, notre pays aspire sous la houlette du président Alassane Ouattara et son gouvernement à une émergence dans les 06 prochaines années, donc en 2020.
C’est un défi collectif, et chaque acteur de la vie politique et socio-économique de la Côte d’Ivoire est appelé à œuvrer pour la réalisation de cette vision, surtout que notre pays a connu une décennie de crise qui a plombé son développement.
En tant que gestionnaire de cité, c’est-a-dire élu local, Maire, je crois que les territoires sont l’un des maillons essentiels de cette ambition, en m’appuyant sur le postulat qu’il faut « penser global et agir local ». Ce qui revient à dire que le développement harmonieux de notre pays doit faire l’objet d’une réflexion participative au sens large du terme, que les paradigmes doivent découler d’une réelle concertation entre le pouvoir étatique et les pouvoirs locaux, ainsi que la société et c’est à la base, au niveau des territoire que les actions et programmes sectoriels doivent être exécutés et mis en œuvre.
La véritable politique de communalisation en Côte d’Ivoire a débuté en 1980, avec 27 communes, sous le Président Félix Houphouët-Boigny.
Elle se traduit par la loi n° 80-1182 du 17 octobre 1980 portant statut de la ville d’Abidjan qui crée la ville d’Abidjan avec dix (10) nouvelles communes, ajoutées aux 26 existantes, nous avons atteint le nombre à trente sept (37) communes.
La phase de démarrage effectif de l’opération de communalisation qui s’est étendue de 1980 à 1985, avec l’organisation, à l’échelle nationale, des premières élections municipales en 1980 et la création, par la loi n° 85-1085 du 17 octobre 1985, de quatre vingt dix-huit (98) nouvelles communes en 1985, portant ainsi à cent trente cinq (135) le nombre des communes en Côte d’Ivoire ;
Aujourd’hui, notre pays compte 197 communes.
En 50 ans, notre pays a connu 7 niveaux de décentralisation : la ville, le département, la commune, la région, la commune, le District avec des conflits de compétences et certainement une dispersion des ressources.
Depuis 2012, la Côte d’Ivoire décentralisée connait deux niveaux: la commune et la région auxquels il faut ajouter les Districts Autonomes d’Abidjan et de Yamoussoukro qui sont des structures décentralisées, tout en étant des entités déconcentrées.
Aujourd’hui, pour la ville d’Abidjan, nous avons le Préfet des Lagunes, le Gouverneur du District, les Maires des 13 communes.
en 2003, la loi n°2003-208 du 07 juillet 2003 portant transfert et répartition de compétences de l'état aux collectivités territoriales donne mandat aux communes dans 16 domaines de compétence, à savoir :
1. l’aménagement du territoire ;
2. la planification du développement ;
3. l’urbanisme et l’habitat ;
4. les voies de communication et les réseaux,
divers
5. le transport ;
6. la santé, l’hygiène publique et la qualité ;
7. la protection de l’environnement et la gestion des ressources naturelles ;
8. la sécurité et la protection civile ;
9. l’enseignement, la recherche scientifique et la formation professionnelle et technique ;
10. l’action sociale, culturelle et de promotion
humaine ;
11. le sport et les loisirs ;
12. la promotion du développement économique
et de l’emploi ;
13. la promotion du tourisme ;
14. la communication ;
15. l’hydraulique, l’assainissement et l’électrification ;
16. la promotion de la famille, de la jeunesse, de la femme, de l’enfant, des handicapés et des personnes du 3eme âge.
À travers, ce transfert de compétences aux collectivités territoriales, notamment aux communes, il apparait évident que l’Etat est conscient de leur importance dans le processus du développement national.
Les territoires sont les lieux où sont exprimées les attentes des populations et ou les réponses ou les solutions doivent être traduites en actions concrètes.
Une décentralisation réussie est plus qu’un préalable pour un pays qui aspire au développement.
Cependant, est-ce que la pratique et la gestion des mécanismes qui sous-tendent ce transfert sont effectives, efficaces et appliquées ?
Le thème à nous confié y trouve toute sa quintessence et pour le développer, nous avons choisi d’intervenir autour de trois axes principaux, notamment :
➢ les responsabilités de la commune ;
➢ les défis à relever par les communes : perspectives ;
➢ les obstacles à lever (les risques ou facteurs qui peuvent retarder le processus).
I. Les responsabilités de la commune
La décentralisation est un processus d’aménagement de l’Etat unitaire qui consiste à transférer des compétences administratives de l’état vers des entités (ou des collectivités) locales distinctes de lui.
Ce processus vise à donner aux collectivités locales des compétences propres, distinctes de celles de l'Etat, à faire élire leurs autorités par la population et à assurer ainsi un meilleur équilibre des pouvoirs sur l'ensemble du territoire.
Elle est différente, il est bon de le savoir, de la notion de déconcentration, qui elle, consiste à transférer des attributions, des pouvoirs de décision, à des agents du pouvoir central placés à la tête des diverses circonscriptions administratives ou divers services, tels que les préfets, sous-préfets, hauts commissaires, directeurs régionaux ou départementaux de services publics, etc.
Alors, partant de cette logique nous comprenons aisément que les collectivités territoriales, notamment des communes sont investies d’une mission de gestion et d’administration des territoires, ce qui renvoie à la création de conditions de vie acceptables et convenables pour leur administrés.
En effet, un rapport de responsabilités engage les communes à offrir un ordre urbain sécurisé, viable, salubre, cohésif, animé et d’un niveau de vie amélioré.
Ces points de responsabilités qui fondent le mandat des communes se résument dans un paradigme prédominant : l’attractivité. Autrement dit, la responsabilité première d’une équipe municipale, ou d’une commune est de créer les conditions d’une attractivité quotidienne.
Car c’est ce préalable qui engendre tous les autres intérêts qui peuvent être recherchés par les différents partenaires du développement local et par les populations.
Et l’attractivité trouve son visage humain dans des notions et dispositifs opérationnels ou encore dans des infrastructures urbaines, à savoir :
➢ l’accès aux services de base (éducation, santé, espaces marchands (marchés, centres commerciaux, eau potable et assainissement etc.),
➢ la sauvegarde de l’environnement et le développement des réseaux routiers et électriques,
➢ la gouvernance participative (participation de la société civile au processus de décisions et de mise en œuvre des projets et programmes communautaires),
➢ la promotion humaine à travers la Culture, les Sports, le Tourisme et les Loisirs,
➢ les actes administratifs et d’état civil,
➢ la création de richesse par l’activité économique, c’est-a-dire la création d’emplois et de conditions d’emplois.
Je vous donne quelques exemples de réalisation à Treichville avec :
la reconstruction du grand marché de Treichville qui passe pour être un des plus modernes de la sous-region ;
l’ouverture d’une médiathèque municipale ;
le bitumage de plus de 8,5 km de voie et du double en pavés sur ressources propres ;
la construction d’une unité de premier secours (sapeurs-pompiers communaux) ;
l’ouverture imminente d’un guichet communal de l’emploi, etc.
il faut souligner que les deux dernières initiatives sont les premières du genre réalisées par une collectivité en Côte d’Ivoire.
C’est l’ensemble de ces services, infrastructures et dispositifs qui constituent l’attractivité dont nous parlons, et c’est cette attractivité qui favorise l’investissement privé qui lui-même engendre la création de richesse et la disponibilité d’emplois, notamment pour les jeunes.
Aujourd’hui, les maires ont l’impression d’être les personnes qui accueillent les autorités, préparent leur passage et qui diffusent les messages de l’Etat. Non, ils ont une légitimité démocratique, ne l’oublions pas, à ce titre, ils doivent des parties prenantes de choix, parce que ce sont eux qui connaissent les territoires, qui vivent au contact quotidien des populations et qui portent leurs espoirs basiques.
Par conséquent leur rôle doit être soutenu par une vraie délégation d’action et de décision dont l’objectif est le bien-être des administrés, le développement local, et qui doit être accompagné des moyens nécessaires et efficaces, notamment le renforcement de leurs capacités et l’optimisation des ressources financières mises à leur disposition. Les élus locaux ont et doivent jouer un rôle moteur, un rôle de premier choix, c’est un impératif plus que fondé.
L’Etat, en mettant des ressources suffisantes à la disposition des entités décentralisées, pour réaliser des projets et programmes de développement communautaire visant l’amélioration des conditions de vie des populations.
Les performances ainsi réalisées, s’inscrivent dans l’atteinte du programme du président de la République qui indirectement voit son bilan enrichi.
Mesdames et Messieurs,
Voici les exigences territoriales de l’émergence de notre pays, à partir des collectivités territoriales. Mais cela nécessite l’accompagnement des initiatives locales par un transfert des ressources (humaines et financières) de la part de l’Etat, nous y reviendrons.
Cependant, les collectivités territoriales, notamment les communes, dans l’Etat actuel peuvent-elles participer à l’atteinte de l’émergence ? Disposent-elles d’outils et de dispositifs pertinents pour y arriver ?
Ces questions sont les défis auxquels les communes sont confrontées et les réponses a ces questions constituent les perspectives qui ouvrent la problématique de leur participation ou de leur rôle dans le processus d’avènement de cette émergence tant souhaitée.
II. les défis a relever : perspectives
Les collectivités territoriales ivoiriennes se sont organisées a travers deux grandes faitières : l’ardai (assemblée des régions et districts de cote d’ivoire et l’Uvicoci (union des villes et communes de cote d’ivoire) afin de :
➢ lever le préalable de la planification locale a travers des plans stratégiques locaux de développement,
➢ constituer une force de proposition auprès de l’Etat et mobiliser les partenaires techniques et financiers a la réalisation de programmes de développement,
➢ Intégrer obligatoirement les principes de bonne gouvernance dans la gestion des collectivités, car les élus doivent avoir de la recevabilité vis-à-vis des populations,
➢ Echanger sur les bonnes pratiques et bons procédés,
➢ Mutualiser les ressources, dans le cadre de l’intercommunalité,
➢ Intégrer le genre dans les politiques locales,
➢ Mobiliser à travers la coopération décentralisée, des ressources additionnelles pour le financement de projets innovants et créateurs d’emplois durables,
➢ Favoriser et consolider la réconciliation qui est un gage a tout développement,
➢ Mettre en place des mécanismes de participation citoyenne qui favorise l’équité et la justice,
➢ Développer des politiques de délégation de services publiques.
Les élus locaux, ont engage des initiatives, dans divers domaines qui ont été de vraies réussites reconnues par les organisations et les coopérations internationales.
Dans le domaine de la sécurité urbaine par exemple, les Maires ivoiriens ont créé un forum, le Fisu et qui a bénéficié d’importants financements et d’un appui technique du Pnud, de la Ctb, d’Onu-habitat, de la banque mondiale et récemment de la Jica.
Cette initiative de prévention de l’insécurité a permis la création de comités communaux de sécurité, la réalisation de diagnostics locaux de sécurités qui ont été traduits en plans d’action municipaux de prévention.
Aujourd’hui, notre pays est cité en exemple dans la matière, à travers le monde entier et nous sommes à la phase de publication d’un manuel des Maires pour la prévention de l’insécurité qui sera mis à la disposition de toutes les collectivités territoriales, grâce à un financement de l’Union européenne (UE).
Permettez-moi, de rappeler deux choses importantes.
Premièrement, au fort de la crise ivoirienne, entre 2002 et 2011, quand dans les zones Cno, zones occupées par la rébellion, pendant que l’Etat avait été contraint de quitter les zones administratives et que ses services déconcentrés ne fonctionnaient plus, qui ont maintenu l’administration minimum ? Qui au prix de leur vie ont et continue d’organiser les populations restées sur place ? Ce sont les élus locaux, les Maires résidents, les conseillers municipaux et régionaux. On ne doit pas l’oublier. C’est un devoir de mémoire et de raison.
Deuxièmement, à la sortie de la crise poste-électorale, la première convention que l’union européenne a signé en Côte d’Ivoire, dans le cadre de la reprise de la coopération avec notre pays, c’était avec les maires, à travers l’Uvicoci, en 2011.
Mesdames et Messieurs, Honorables invités, voici des actions concrètes mises en place par les communes qu’il importe de poursuivre et d’amplifier, pour donner davantage de chance à notre pays, engagé vers l’émergence à l’horizon 2020.
Toutefois, des obstacles doivent être levés et certaines conditions doivent être remplies pour permettre aux communes de jouer pleinement leur partition, dans un jeu de rôles où la confiance et l’initiative conjuguées méritent d’être toujours d’actualité.
III. Les obstacles ou facteurs qui peuvent entraver le processus
La contribution des collectivités territoriales à l’émergence de la Côte d’Ivoire est un impératif. Tous les acteurs sont d’accord sur ce principe.
Cependant, la pratique laisse entrevoir de nombreuses zones d’incertitude quant à la pleine participation des territoires, parce que la centralisation reste fortement présente.
Dans la partie introductive de notre intervention, nous avons rappelé le transfert des compétences qui malheureusement n’est pas toujours suivi du transfert des ressources humaines compétentes et financières importantes.
Cela constitue un énorme obstacle à une participation efficiente des communes au développement du pays.
Quelques chiffres pour vous l’illustrer :
L’impôt et les taxes constituent des sources de financement propres des communes :
L’impôt foncier, dont 30% revient aux communes et 70% l'Etat et aux régions. Cette tendance doit être inversée.
- l'Impôt synthétique dont bénéficient les budgets
Communaux. Depuis 1994 : la clé de répartition est
40% pour les communes et 60% pour l'Etat.
Cette situation de dépendance freine la réalisation a temps des opérations municipales, a cause de l’unicité des caisses de l’Etat et des collectivités.
Treichville, par exemple, abrite le port autonome d’Abidjan et bien d’autres grandes entreprises, mais aucun rapport fiscal n’existe entre la commune et ces structures qui paient la totalité de leurs impôts à l’Etat.
en 2013, les budgets des communes ont été approuvés et signés pratiquement en fin d’année.
en 2014, il a fallu attendre la fin du 2eme trimestre de l’année.
En outre le mécanisme de financement des collectivités n’est pas fonctionnel et il est difficile, sinon impossible à une commune d’emprunter auprès des banques, à plus forte raison sur le marché financier, alors qu’au Sénégal et dans d’autres pays de la sous-région, cela est possible. Vous savez comme moi que la ville de Dakar a été notée par une agence de notation et a pu par conséquent bénéficier d’importants financements privés.
L’Etat doit appliquer le principe de subsidiarité et permettre aux collectivités de faire et agir si cela est de leur ressort et non s’y substituer.
L’ensemble des élus locaux ivoiriens reconnait que la décentralisation doit s’inscrire dans une nouvelle dynamique d’efficacité, de subsidiarité, de délégations et de financements innovants.
C’est le prix de l’émergence avec les collectivités, c’est le rôle que les communes veulent et doivent jouer, aux côtés du gouvernement, pour le bonheur du Peuple Ivoirien.
Conclusion
Pour conclure mon propos, je voudrais féliciter la ligue des enseignants d’Histoire-Géographie de Côte d’Ivoire, pour cette importante initiative née de la belle idée d’évoluer désormais au sein d’une association communautaire.
L’Histoire et la Géographie, au-delà d’une double matière académique ou universitaire, est un savoir- faire et un creuset de réponses aux mutations de nos sociétés. On y trouve le monde d’hier, celui d’aujourd’hui et des débuts de réponses à celui de demain.
Les peuples et leurs combats, sont dans l’histoire, les reliefs et les climats existent sur les territoires, donc dans les communes et les enseignants doivent les faire connaitre.
Les élus locaux et les administrations territoriales sont des interlocuteurs que vous devez avoir pour la valorisation de votre corporation.
Il me plait donc, de vous faire deux propositions dans ce sens, me fondant sur le fait que dans les programmes scolaires sont inscrits les thèmes de la décentralisation et de la déconcentration.
la première serait de nouer un partenariat avec les faitières d’élus locaux que sont l’union des villes et communes de Côte d’Ivoire (Uvicoci) et l’Assemblée des Régions et Districts de Côte d’Ivoire (Ardci) pour mieux comprendre la vie des territoires que vous enseignez.
La seconde, qui est une suite logique de la première, est que votre ligue soit associée à la réalisation des monographies dans les communes et régions de notre pays.
Mesdames et Messieurs, chers collègues Enseignants,
Ceci n’est qu’un exposé liminaire qui n’a pas la prétention d’avoir abordé tous les aspects attendus du thème. Je me tiens donc à votre disposition pour d’éventuelles questions qui me permettront de répondre à vos attentes
Merci pour votre aimable attention !
introduction
• Monsieur le Préfet de la Région du Bélier représentant Madame le ministre de l’Education Nationale et de l’Enseignement Technique,
• Excellence, Madame l’Ambassadrice Yao Yao Odette,
• Monsieur le Président du conseil Régional du Bélier,
• Monsieur le Gouverneur du District autonome de Yamoussoukro,
• Messieurs les Maîtres de conférence des Universités,
• Messieurs les Docteurs et Doctorants,
• Docteur N’gotta Roger,
• Monsieur le Président de la Ligue des Enseignants d’Histoire-Géographie de Côte d’Ivoire,
• Mesdames et Messieurs les Enseignants d’Histoire et Géographie des Lycées et collèges,
• Mesdames et Messieurs, en vos grades et qualités respectifs,
• Honorables invités,
Permettez-moi d’emblée d’adresser mes chaleureuses salutations à vous toutes et tous, et de traduire ma profonde gratitude à la ligue des enseignants d’Histoire-Géographie de cote d’ivoire, qui a bien voulu m’associer à ce séminaire de renforcement des capacités.
Notre pays la Côte d’Ivoire vient de célébrer le 54eme anniversaire de son indépendance et cette commémoration constitue pour moi un excellent point d’entrée pour le thème qu’il m’est donné d’animer, au cours de cette rencontre, à savoir : « le rôle de la commune dans la Côte d’Ivoire émergente à l’horizon 2020 ».
54 ans près son accès a l’indépendance, notre pays aspire sous la houlette du président Alassane Ouattara et son gouvernement à une émergence dans les 06 prochaines années, donc en 2020.
C’est un défi collectif, et chaque acteur de la vie politique et socio-économique de la Côte d’Ivoire est appelé à œuvrer pour la réalisation de cette vision, surtout que notre pays a connu une décennie de crise qui a plombé son développement.
En tant que gestionnaire de cité, c’est-a-dire élu local, Maire, je crois que les territoires sont l’un des maillons essentiels de cette ambition, en m’appuyant sur le postulat qu’il faut « penser global et agir local ». Ce qui revient à dire que le développement harmonieux de notre pays doit faire l’objet d’une réflexion participative au sens large du terme, que les paradigmes doivent découler d’une réelle concertation entre le pouvoir étatique et les pouvoirs locaux, ainsi que la société et c’est à la base, au niveau des territoire que les actions et programmes sectoriels doivent être exécutés et mis en œuvre.
La véritable politique de communalisation en Côte d’Ivoire a débuté en 1980, avec 27 communes, sous le Président Félix Houphouët-Boigny.
Elle se traduit par la loi n° 80-1182 du 17 octobre 1980 portant statut de la ville d’Abidjan qui crée la ville d’Abidjan avec dix (10) nouvelles communes, ajoutées aux 26 existantes, nous avons atteint le nombre à trente sept (37) communes.
La phase de démarrage effectif de l’opération de communalisation qui s’est étendue de 1980 à 1985, avec l’organisation, à l’échelle nationale, des premières élections municipales en 1980 et la création, par la loi n° 85-1085 du 17 octobre 1985, de quatre vingt dix-huit (98) nouvelles communes en 1985, portant ainsi à cent trente cinq (135) le nombre des communes en Côte d’Ivoire ;
Aujourd’hui, notre pays compte 197 communes.
En 50 ans, notre pays a connu 7 niveaux de décentralisation : la ville, le département, la commune, la région, la commune, le District avec des conflits de compétences et certainement une dispersion des ressources.
Depuis 2012, la Côte d’Ivoire décentralisée connait deux niveaux: la commune et la région auxquels il faut ajouter les Districts Autonomes d’Abidjan et de Yamoussoukro qui sont des structures décentralisées, tout en étant des entités déconcentrées.
Aujourd’hui, pour la ville d’Abidjan, nous avons le Préfet des Lagunes, le Gouverneur du District, les Maires des 13 communes.
en 2003, la loi n°2003-208 du 07 juillet 2003 portant transfert et répartition de compétences de l'état aux collectivités territoriales donne mandat aux communes dans 16 domaines de compétence, à savoir :
1. l’aménagement du territoire ;
2. la planification du développement ;
3. l’urbanisme et l’habitat ;
4. les voies de communication et les réseaux,
divers
5. le transport ;
6. la santé, l’hygiène publique et la qualité ;
7. la protection de l’environnement et la gestion des ressources naturelles ;
8. la sécurité et la protection civile ;
9. l’enseignement, la recherche scientifique et la formation professionnelle et technique ;
10. l’action sociale, culturelle et de promotion
humaine ;
11. le sport et les loisirs ;
12. la promotion du développement économique
et de l’emploi ;
13. la promotion du tourisme ;
14. la communication ;
15. l’hydraulique, l’assainissement et l’électrification ;
16. la promotion de la famille, de la jeunesse, de la femme, de l’enfant, des handicapés et des personnes du 3eme âge.
À travers, ce transfert de compétences aux collectivités territoriales, notamment aux communes, il apparait évident que l’Etat est conscient de leur importance dans le processus du développement national.
Les territoires sont les lieux où sont exprimées les attentes des populations et ou les réponses ou les solutions doivent être traduites en actions concrètes.
Une décentralisation réussie est plus qu’un préalable pour un pays qui aspire au développement.
Cependant, est-ce que la pratique et la gestion des mécanismes qui sous-tendent ce transfert sont effectives, efficaces et appliquées ?
Le thème à nous confié y trouve toute sa quintessence et pour le développer, nous avons choisi d’intervenir autour de trois axes principaux, notamment :
➢ les responsabilités de la commune ;
➢ les défis à relever par les communes : perspectives ;
➢ les obstacles à lever (les risques ou facteurs qui peuvent retarder le processus).
I. Les responsabilités de la commune
La décentralisation est un processus d’aménagement de l’Etat unitaire qui consiste à transférer des compétences administratives de l’état vers des entités (ou des collectivités) locales distinctes de lui.
Ce processus vise à donner aux collectivités locales des compétences propres, distinctes de celles de l'Etat, à faire élire leurs autorités par la population et à assurer ainsi un meilleur équilibre des pouvoirs sur l'ensemble du territoire.
Elle est différente, il est bon de le savoir, de la notion de déconcentration, qui elle, consiste à transférer des attributions, des pouvoirs de décision, à des agents du pouvoir central placés à la tête des diverses circonscriptions administratives ou divers services, tels que les préfets, sous-préfets, hauts commissaires, directeurs régionaux ou départementaux de services publics, etc.
Alors, partant de cette logique nous comprenons aisément que les collectivités territoriales, notamment des communes sont investies d’une mission de gestion et d’administration des territoires, ce qui renvoie à la création de conditions de vie acceptables et convenables pour leur administrés.
En effet, un rapport de responsabilités engage les communes à offrir un ordre urbain sécurisé, viable, salubre, cohésif, animé et d’un niveau de vie amélioré.
Ces points de responsabilités qui fondent le mandat des communes se résument dans un paradigme prédominant : l’attractivité. Autrement dit, la responsabilité première d’une équipe municipale, ou d’une commune est de créer les conditions d’une attractivité quotidienne.
Car c’est ce préalable qui engendre tous les autres intérêts qui peuvent être recherchés par les différents partenaires du développement local et par les populations.
Et l’attractivité trouve son visage humain dans des notions et dispositifs opérationnels ou encore dans des infrastructures urbaines, à savoir :
➢ l’accès aux services de base (éducation, santé, espaces marchands (marchés, centres commerciaux, eau potable et assainissement etc.),
➢ la sauvegarde de l’environnement et le développement des réseaux routiers et électriques,
➢ la gouvernance participative (participation de la société civile au processus de décisions et de mise en œuvre des projets et programmes communautaires),
➢ la promotion humaine à travers la Culture, les Sports, le Tourisme et les Loisirs,
➢ les actes administratifs et d’état civil,
➢ la création de richesse par l’activité économique, c’est-a-dire la création d’emplois et de conditions d’emplois.
Je vous donne quelques exemples de réalisation à Treichville avec :
la reconstruction du grand marché de Treichville qui passe pour être un des plus modernes de la sous-region ;
l’ouverture d’une médiathèque municipale ;
le bitumage de plus de 8,5 km de voie et du double en pavés sur ressources propres ;
la construction d’une unité de premier secours (sapeurs-pompiers communaux) ;
l’ouverture imminente d’un guichet communal de l’emploi, etc.
il faut souligner que les deux dernières initiatives sont les premières du genre réalisées par une collectivité en Côte d’Ivoire.
C’est l’ensemble de ces services, infrastructures et dispositifs qui constituent l’attractivité dont nous parlons, et c’est cette attractivité qui favorise l’investissement privé qui lui-même engendre la création de richesse et la disponibilité d’emplois, notamment pour les jeunes.
Aujourd’hui, les maires ont l’impression d’être les personnes qui accueillent les autorités, préparent leur passage et qui diffusent les messages de l’Etat. Non, ils ont une légitimité démocratique, ne l’oublions pas, à ce titre, ils doivent des parties prenantes de choix, parce que ce sont eux qui connaissent les territoires, qui vivent au contact quotidien des populations et qui portent leurs espoirs basiques.
Par conséquent leur rôle doit être soutenu par une vraie délégation d’action et de décision dont l’objectif est le bien-être des administrés, le développement local, et qui doit être accompagné des moyens nécessaires et efficaces, notamment le renforcement de leurs capacités et l’optimisation des ressources financières mises à leur disposition. Les élus locaux ont et doivent jouer un rôle moteur, un rôle de premier choix, c’est un impératif plus que fondé.
L’Etat, en mettant des ressources suffisantes à la disposition des entités décentralisées, pour réaliser des projets et programmes de développement communautaire visant l’amélioration des conditions de vie des populations.
Les performances ainsi réalisées, s’inscrivent dans l’atteinte du programme du président de la République qui indirectement voit son bilan enrichi.
Mesdames et Messieurs,
Voici les exigences territoriales de l’émergence de notre pays, à partir des collectivités territoriales. Mais cela nécessite l’accompagnement des initiatives locales par un transfert des ressources (humaines et financières) de la part de l’Etat, nous y reviendrons.
Cependant, les collectivités territoriales, notamment les communes, dans l’Etat actuel peuvent-elles participer à l’atteinte de l’émergence ? Disposent-elles d’outils et de dispositifs pertinents pour y arriver ?
Ces questions sont les défis auxquels les communes sont confrontées et les réponses a ces questions constituent les perspectives qui ouvrent la problématique de leur participation ou de leur rôle dans le processus d’avènement de cette émergence tant souhaitée.
II. les défis a relever : perspectives
Les collectivités territoriales ivoiriennes se sont organisées a travers deux grandes faitières : l’ardai (assemblée des régions et districts de cote d’ivoire et l’Uvicoci (union des villes et communes de cote d’ivoire) afin de :
➢ lever le préalable de la planification locale a travers des plans stratégiques locaux de développement,
➢ constituer une force de proposition auprès de l’Etat et mobiliser les partenaires techniques et financiers a la réalisation de programmes de développement,
➢ Intégrer obligatoirement les principes de bonne gouvernance dans la gestion des collectivités, car les élus doivent avoir de la recevabilité vis-à-vis des populations,
➢ Echanger sur les bonnes pratiques et bons procédés,
➢ Mutualiser les ressources, dans le cadre de l’intercommunalité,
➢ Intégrer le genre dans les politiques locales,
➢ Mobiliser à travers la coopération décentralisée, des ressources additionnelles pour le financement de projets innovants et créateurs d’emplois durables,
➢ Favoriser et consolider la réconciliation qui est un gage a tout développement,
➢ Mettre en place des mécanismes de participation citoyenne qui favorise l’équité et la justice,
➢ Développer des politiques de délégation de services publiques.
Les élus locaux, ont engage des initiatives, dans divers domaines qui ont été de vraies réussites reconnues par les organisations et les coopérations internationales.
Dans le domaine de la sécurité urbaine par exemple, les Maires ivoiriens ont créé un forum, le Fisu et qui a bénéficié d’importants financements et d’un appui technique du Pnud, de la Ctb, d’Onu-habitat, de la banque mondiale et récemment de la Jica.
Cette initiative de prévention de l’insécurité a permis la création de comités communaux de sécurité, la réalisation de diagnostics locaux de sécurités qui ont été traduits en plans d’action municipaux de prévention.
Aujourd’hui, notre pays est cité en exemple dans la matière, à travers le monde entier et nous sommes à la phase de publication d’un manuel des Maires pour la prévention de l’insécurité qui sera mis à la disposition de toutes les collectivités territoriales, grâce à un financement de l’Union européenne (UE).
Permettez-moi, de rappeler deux choses importantes.
Premièrement, au fort de la crise ivoirienne, entre 2002 et 2011, quand dans les zones Cno, zones occupées par la rébellion, pendant que l’Etat avait été contraint de quitter les zones administratives et que ses services déconcentrés ne fonctionnaient plus, qui ont maintenu l’administration minimum ? Qui au prix de leur vie ont et continue d’organiser les populations restées sur place ? Ce sont les élus locaux, les Maires résidents, les conseillers municipaux et régionaux. On ne doit pas l’oublier. C’est un devoir de mémoire et de raison.
Deuxièmement, à la sortie de la crise poste-électorale, la première convention que l’union européenne a signé en Côte d’Ivoire, dans le cadre de la reprise de la coopération avec notre pays, c’était avec les maires, à travers l’Uvicoci, en 2011.
Mesdames et Messieurs, Honorables invités, voici des actions concrètes mises en place par les communes qu’il importe de poursuivre et d’amplifier, pour donner davantage de chance à notre pays, engagé vers l’émergence à l’horizon 2020.
Toutefois, des obstacles doivent être levés et certaines conditions doivent être remplies pour permettre aux communes de jouer pleinement leur partition, dans un jeu de rôles où la confiance et l’initiative conjuguées méritent d’être toujours d’actualité.
III. Les obstacles ou facteurs qui peuvent entraver le processus
La contribution des collectivités territoriales à l’émergence de la Côte d’Ivoire est un impératif. Tous les acteurs sont d’accord sur ce principe.
Cependant, la pratique laisse entrevoir de nombreuses zones d’incertitude quant à la pleine participation des territoires, parce que la centralisation reste fortement présente.
Dans la partie introductive de notre intervention, nous avons rappelé le transfert des compétences qui malheureusement n’est pas toujours suivi du transfert des ressources humaines compétentes et financières importantes.
Cela constitue un énorme obstacle à une participation efficiente des communes au développement du pays.
Quelques chiffres pour vous l’illustrer :
L’impôt et les taxes constituent des sources de financement propres des communes :
L’impôt foncier, dont 30% revient aux communes et 70% l'Etat et aux régions. Cette tendance doit être inversée.
- l'Impôt synthétique dont bénéficient les budgets
Communaux. Depuis 1994 : la clé de répartition est
40% pour les communes et 60% pour l'Etat.
Cette situation de dépendance freine la réalisation a temps des opérations municipales, a cause de l’unicité des caisses de l’Etat et des collectivités.
Treichville, par exemple, abrite le port autonome d’Abidjan et bien d’autres grandes entreprises, mais aucun rapport fiscal n’existe entre la commune et ces structures qui paient la totalité de leurs impôts à l’Etat.
en 2013, les budgets des communes ont été approuvés et signés pratiquement en fin d’année.
en 2014, il a fallu attendre la fin du 2eme trimestre de l’année.
En outre le mécanisme de financement des collectivités n’est pas fonctionnel et il est difficile, sinon impossible à une commune d’emprunter auprès des banques, à plus forte raison sur le marché financier, alors qu’au Sénégal et dans d’autres pays de la sous-région, cela est possible. Vous savez comme moi que la ville de Dakar a été notée par une agence de notation et a pu par conséquent bénéficier d’importants financements privés.
L’Etat doit appliquer le principe de subsidiarité et permettre aux collectivités de faire et agir si cela est de leur ressort et non s’y substituer.
L’ensemble des élus locaux ivoiriens reconnait que la décentralisation doit s’inscrire dans une nouvelle dynamique d’efficacité, de subsidiarité, de délégations et de financements innovants.
C’est le prix de l’émergence avec les collectivités, c’est le rôle que les communes veulent et doivent jouer, aux côtés du gouvernement, pour le bonheur du Peuple Ivoirien.
Conclusion
Pour conclure mon propos, je voudrais féliciter la ligue des enseignants d’Histoire-Géographie de Côte d’Ivoire, pour cette importante initiative née de la belle idée d’évoluer désormais au sein d’une association communautaire.
L’Histoire et la Géographie, au-delà d’une double matière académique ou universitaire, est un savoir- faire et un creuset de réponses aux mutations de nos sociétés. On y trouve le monde d’hier, celui d’aujourd’hui et des débuts de réponses à celui de demain.
Les peuples et leurs combats, sont dans l’histoire, les reliefs et les climats existent sur les territoires, donc dans les communes et les enseignants doivent les faire connaitre.
Les élus locaux et les administrations territoriales sont des interlocuteurs que vous devez avoir pour la valorisation de votre corporation.
Il me plait donc, de vous faire deux propositions dans ce sens, me fondant sur le fait que dans les programmes scolaires sont inscrits les thèmes de la décentralisation et de la déconcentration.
la première serait de nouer un partenariat avec les faitières d’élus locaux que sont l’union des villes et communes de Côte d’Ivoire (Uvicoci) et l’Assemblée des Régions et Districts de Côte d’Ivoire (Ardci) pour mieux comprendre la vie des territoires que vous enseignez.
La seconde, qui est une suite logique de la première, est que votre ligue soit associée à la réalisation des monographies dans les communes et régions de notre pays.
Mesdames et Messieurs, chers collègues Enseignants,
Ceci n’est qu’un exposé liminaire qui n’a pas la prétention d’avoir abordé tous les aspects attendus du thème. Je me tiens donc à votre disposition pour d’éventuelles questions qui me permettront de répondre à vos attentes
Merci pour votre aimable attention !