Une mission conjointe du Fonds monétaire International (FMI) et de la Banque africaine de développement (BAD) a séjourné en Côte d’Ivoire du 17 septembre au 1er octobre 2014. Ceci dans le cadre la sixième évaluation du programme économique et financier triennal 2011-2014 appuyé par la Facilité élargie de crédit (FEC).
Durant près de deux semaines, les performances économiques de la Côte d’Ivoire et les engagements du gouvernement ivoirien ont été passés au scanner. A la fin de la mission, il a été annoncé de façon officielle que les perspectives 2015 sont bonnes pour la Côte d’Ivoire, qui pourrait terminer l’année 2014 avec un taux de croissance d’environ 8%. En tout cas, c’est ce que Michel Lazare, le chef de la mission et sa délégation sont allés dire au chef de l’Etat ivoirien, Alassane Ouattara, au cours d’une audience au Palais de la présidence de la République, au Plateau.
Mais au-delà de cette annonce des plus officielles, les petites notes émanant des discussions entre les experts du gouvernement ivoirien et les émissaires des institutions de Breton Woods laissent entrevoir quelques points de divergences sur certains chiffres, et notamment les taux de prévisions avancés par Abidjan. D’abord sur le taux global de croissance sur l’année 2014. En effet, là où la Direction de la conjoncture de la prévision économique (DCPE) proposait un taux de 10% calculé à partir du prix constant sur la base fixe 2009, le FMI, pour sa part, propose un taux différent : «Le FMI, après avoir recueilli les informations sur le secteur réel lors de la première semaine, est arrivé à faire ses propres estimations de l’évolution de l’activité économique en prévoyant 7,2% de croissance. La méthode de calcul du taux global est à préciser. Il semble que la base de pondération n’est pas la même. Le taux de 10% projeté par la Direction de la conjoncture et de la prévision économique est réalisé à prix constant base fixe 2009, alors que celui projeté par le FMI semble être basé sur l’année n-1», peut-on lire dans les petites notes de la mission.
Pour être en phase avec le gouvernement ivoirien, il a été convenu que les deux parties s’accordent sur la méthode de calcul du taux global, c’est-à-dire en choisissant une année de base. Ensuite, en ce qui concerne la mise en œuvre de la Couverture maladie universelle (CMU), il nous revient que, globalement, peu de choses devraient commencer en 2015. S’agissant de la contribution du secteur privé pour cette phase pilote, le FMI a cherché à savoir si «la contrepartie de la contribution employeur à l’Etat de 1,8 milliard FCFA a été prévue dans la masse salariale». En réponse, le ministre en charge du dossier a répondu qu’à ce jour aucune documentation ne permettait de dire que l’Etat devrait apporter une contribution supplémentaire autre que celle déjà identifiée.
Le financement des prestations sociales
Après quoi, la mission, plus exigeante, a voulu en savoir davantage sur «l’évolution dans la mise en place de la CMU et l’impact budgétaire en 2014 et 2015, le choix de la nature de la couverture et la liste des risques couverts, le coût de la partie indigent dans le budget 2015 d’une part, et l’horizon de fin des études de la contribution employeur à l’Etat, la gratuité des soins, l’équité des cotisations et de la consommation, et le niveau du ticket modérateur d’autre part». A ces différentes préoccupations, la partie ivoirienne a répondu que «la loi sur la CMU a été promulguée le 26 mars 2014 et un décret pris le 25 juin 2014 pour la création de la CNAM. La CNAM est désormais en attente de l’approvisionnement du fond d’établissement dont la dotation budgétaire est de 5,5 milliards FCFA en 2014, et 4,5 milliards en 2015».
Autre information de taille de la part du pouvoir d’Abidjan : un comité sur la nature de la couverture et la liste des risques couverts rendra des conclusions qui permettront d’étudier la question. Toutefois les prestations de consultations, soins infirmiers et fourniture de médicaments génériques sont retenues. Il n’est pas prévu de budgétisation pour les indigents en 2015. Le critère d’indigence sera défini au premier trimestre 2015 sur la base des résultats du RGPH 2014, qui sont présentement en cours de compilation. Le démarrage se fera avec le secteur formel, suivi par la prise en compte des autres secteurs. Le régime sera contributif (de 1.000 FCFA par tête et par mois) et non contributif (indigents) (…). La contrepartie de la contribution employeur à l’Etat est de 1,8 milliard FCFA. Le programme de gratuité ciblé et les programmes spécifiques nationaux sont maintenus, en plus de la CMU. Le régime contributif est obligatoire et fixé comme tel par une loi. Toutefois, l’Etat pourrait également mettre en œuvre une parafiscalité pour appuyer les prestations. Enfin, une provision sera établie sur les premières années pour assurer l’équilibre financier. Quid du niveau du ticket modérateur ? A cette autre inquiétude, la partie ivoirienne a répondu : «Le niveau du ticket modérateur sera défini par les études en cours. Aussi l’adhésion donnera droit à une carte avec cotisations mensuelles e-payables et l’accès à des soins gratuits dans les centres publics ainsi que d’autres services qui seront définis dans la Stratégie nationale de prestations sociales.»
Secteur pétrolier et programme d’adduction en eau potable
Enfin, Michel Lazare a voulu avoir de plus amples informations sur le niveau des dividendes de la Société nationale d’opération pétrolière en Côte d’Ivoire (Petroci) et des explications sur le contraste entre la production de pétrole brut et celle de gaz naturel. D’autant qu’il est constaté une baisse de la production de pétrole brut, tandis que celle de gaz naturel se maintient. Comme réponse, les dirigeants de la Petroci, dont les grands comptes sont gérés à partir de la présidence de la République depuis l’arrivée du Dr Alassane Ouattara aux affaires d’Etat, ont répondu ainsi : «La baisse de la production de pétrole brut s’explique par la déplétion naturelle des différents champs. Des difficultés techniques expliquent aussi ces tendances. Des dispositions sont prises sur les champs Baobab et Espoir. Les travaux en cours produiront leur effet à fin 2015, courant 2016. Un plan de développement est en cours de finalisation pour le champ Gazelle, pour accroître la production de gaz.»
En ce qui concerne l’évolution des chantiers en cours en vue de permettre aux populations abidjanaises d’avoir accès à l’eau potable, les missionnaires ont voulu connaître les raisons du blocage des financements de Eximbank Chine dans le projet d’adduction d’eau potable à Abidjan à partir de la nappe souterraine de Bonoua dans sa première phase. Le montant du financement chinois est de 50 milliards FCFA. S’agissant des difficultés, nos sources sont formelles sur la réaction de Patrick Achi, ministre des Infrastructures économiques, qui a évoqué la faiblesse de la capacité d’absorption des financements avec des délais de réalisation plus longs que la normale ; 90% des investissements reposent sur financement extérieur. Mais, a-t-il indiqué, «ces délais sont réduits de moitié avec les projets sur financement trésor public. Pendant que la contrainte des fenêtres de financement posée par le FMI ne permet pas de recourir à des bailleurs non concessionnels». D’où un plaidoyer afin de trouver en accord avec le FMI sur les secteurs ciblés, comme étant des secteurs de survie qui pourraient bénéficier de fenêtres de financement plus souples dans les projets. En ce qui concerne les chantiers de construction du château d’eau de Bonoua et son raccordement avec le district d’Abidjan, là aussi, la révélation du ministre Achi est de taille : «Concernant les projets d’adduction d’eau potable, les besoins à Abidjan sont de 160.000 m3/jour. Eximbank finance le gap de 80.000 m3 qui provient d’une nappe située à 100 km de la capitale. Le retard de huit mois constaté est lié à des changements institutionnels opérés par les autorités chinoises, mais également en raison de nouvelles règles de gouvernance mise en place par les dites autorités.»
Stéphane d’Avignon
Durant près de deux semaines, les performances économiques de la Côte d’Ivoire et les engagements du gouvernement ivoirien ont été passés au scanner. A la fin de la mission, il a été annoncé de façon officielle que les perspectives 2015 sont bonnes pour la Côte d’Ivoire, qui pourrait terminer l’année 2014 avec un taux de croissance d’environ 8%. En tout cas, c’est ce que Michel Lazare, le chef de la mission et sa délégation sont allés dire au chef de l’Etat ivoirien, Alassane Ouattara, au cours d’une audience au Palais de la présidence de la République, au Plateau.
Mais au-delà de cette annonce des plus officielles, les petites notes émanant des discussions entre les experts du gouvernement ivoirien et les émissaires des institutions de Breton Woods laissent entrevoir quelques points de divergences sur certains chiffres, et notamment les taux de prévisions avancés par Abidjan. D’abord sur le taux global de croissance sur l’année 2014. En effet, là où la Direction de la conjoncture de la prévision économique (DCPE) proposait un taux de 10% calculé à partir du prix constant sur la base fixe 2009, le FMI, pour sa part, propose un taux différent : «Le FMI, après avoir recueilli les informations sur le secteur réel lors de la première semaine, est arrivé à faire ses propres estimations de l’évolution de l’activité économique en prévoyant 7,2% de croissance. La méthode de calcul du taux global est à préciser. Il semble que la base de pondération n’est pas la même. Le taux de 10% projeté par la Direction de la conjoncture et de la prévision économique est réalisé à prix constant base fixe 2009, alors que celui projeté par le FMI semble être basé sur l’année n-1», peut-on lire dans les petites notes de la mission.
Pour être en phase avec le gouvernement ivoirien, il a été convenu que les deux parties s’accordent sur la méthode de calcul du taux global, c’est-à-dire en choisissant une année de base. Ensuite, en ce qui concerne la mise en œuvre de la Couverture maladie universelle (CMU), il nous revient que, globalement, peu de choses devraient commencer en 2015. S’agissant de la contribution du secteur privé pour cette phase pilote, le FMI a cherché à savoir si «la contrepartie de la contribution employeur à l’Etat de 1,8 milliard FCFA a été prévue dans la masse salariale». En réponse, le ministre en charge du dossier a répondu qu’à ce jour aucune documentation ne permettait de dire que l’Etat devrait apporter une contribution supplémentaire autre que celle déjà identifiée.
Le financement des prestations sociales
Après quoi, la mission, plus exigeante, a voulu en savoir davantage sur «l’évolution dans la mise en place de la CMU et l’impact budgétaire en 2014 et 2015, le choix de la nature de la couverture et la liste des risques couverts, le coût de la partie indigent dans le budget 2015 d’une part, et l’horizon de fin des études de la contribution employeur à l’Etat, la gratuité des soins, l’équité des cotisations et de la consommation, et le niveau du ticket modérateur d’autre part». A ces différentes préoccupations, la partie ivoirienne a répondu que «la loi sur la CMU a été promulguée le 26 mars 2014 et un décret pris le 25 juin 2014 pour la création de la CNAM. La CNAM est désormais en attente de l’approvisionnement du fond d’établissement dont la dotation budgétaire est de 5,5 milliards FCFA en 2014, et 4,5 milliards en 2015».
Autre information de taille de la part du pouvoir d’Abidjan : un comité sur la nature de la couverture et la liste des risques couverts rendra des conclusions qui permettront d’étudier la question. Toutefois les prestations de consultations, soins infirmiers et fourniture de médicaments génériques sont retenues. Il n’est pas prévu de budgétisation pour les indigents en 2015. Le critère d’indigence sera défini au premier trimestre 2015 sur la base des résultats du RGPH 2014, qui sont présentement en cours de compilation. Le démarrage se fera avec le secteur formel, suivi par la prise en compte des autres secteurs. Le régime sera contributif (de 1.000 FCFA par tête et par mois) et non contributif (indigents) (…). La contrepartie de la contribution employeur à l’Etat est de 1,8 milliard FCFA. Le programme de gratuité ciblé et les programmes spécifiques nationaux sont maintenus, en plus de la CMU. Le régime contributif est obligatoire et fixé comme tel par une loi. Toutefois, l’Etat pourrait également mettre en œuvre une parafiscalité pour appuyer les prestations. Enfin, une provision sera établie sur les premières années pour assurer l’équilibre financier. Quid du niveau du ticket modérateur ? A cette autre inquiétude, la partie ivoirienne a répondu : «Le niveau du ticket modérateur sera défini par les études en cours. Aussi l’adhésion donnera droit à une carte avec cotisations mensuelles e-payables et l’accès à des soins gratuits dans les centres publics ainsi que d’autres services qui seront définis dans la Stratégie nationale de prestations sociales.»
Secteur pétrolier et programme d’adduction en eau potable
Enfin, Michel Lazare a voulu avoir de plus amples informations sur le niveau des dividendes de la Société nationale d’opération pétrolière en Côte d’Ivoire (Petroci) et des explications sur le contraste entre la production de pétrole brut et celle de gaz naturel. D’autant qu’il est constaté une baisse de la production de pétrole brut, tandis que celle de gaz naturel se maintient. Comme réponse, les dirigeants de la Petroci, dont les grands comptes sont gérés à partir de la présidence de la République depuis l’arrivée du Dr Alassane Ouattara aux affaires d’Etat, ont répondu ainsi : «La baisse de la production de pétrole brut s’explique par la déplétion naturelle des différents champs. Des difficultés techniques expliquent aussi ces tendances. Des dispositions sont prises sur les champs Baobab et Espoir. Les travaux en cours produiront leur effet à fin 2015, courant 2016. Un plan de développement est en cours de finalisation pour le champ Gazelle, pour accroître la production de gaz.»
En ce qui concerne l’évolution des chantiers en cours en vue de permettre aux populations abidjanaises d’avoir accès à l’eau potable, les missionnaires ont voulu connaître les raisons du blocage des financements de Eximbank Chine dans le projet d’adduction d’eau potable à Abidjan à partir de la nappe souterraine de Bonoua dans sa première phase. Le montant du financement chinois est de 50 milliards FCFA. S’agissant des difficultés, nos sources sont formelles sur la réaction de Patrick Achi, ministre des Infrastructures économiques, qui a évoqué la faiblesse de la capacité d’absorption des financements avec des délais de réalisation plus longs que la normale ; 90% des investissements reposent sur financement extérieur. Mais, a-t-il indiqué, «ces délais sont réduits de moitié avec les projets sur financement trésor public. Pendant que la contrainte des fenêtres de financement posée par le FMI ne permet pas de recourir à des bailleurs non concessionnels». D’où un plaidoyer afin de trouver en accord avec le FMI sur les secteurs ciblés, comme étant des secteurs de survie qui pourraient bénéficier de fenêtres de financement plus souples dans les projets. En ce qui concerne les chantiers de construction du château d’eau de Bonoua et son raccordement avec le district d’Abidjan, là aussi, la révélation du ministre Achi est de taille : «Concernant les projets d’adduction d’eau potable, les besoins à Abidjan sont de 160.000 m3/jour. Eximbank finance le gap de 80.000 m3 qui provient d’une nappe située à 100 km de la capitale. Le retard de huit mois constaté est lié à des changements institutionnels opérés par les autorités chinoises, mais également en raison de nouvelles règles de gouvernance mise en place par les dites autorités.»
Stéphane d’Avignon