Koffi Yao Appia est le président de l’Association des Exportateurs de Cajou de Côte d’Ivoire (AEC-CI). Une faitière qui représente la plupart des exportateurs exerçant en Côte d’Ivoire tant au niveau des Coopératives exportatrices que des sociétés commerciales, avec environ 80% des volumes exportés ces deux dernières années. Dans cette interview, M. Appia fait le point de sa récente mission à Paris. Il parle aussi de la reforme et de l’avenir de la filière cajou en Côte d’Ivoire.
Vous revenez d’un salon sur l’alimentation organisé récemment à Paris, France. Que peut-on retenir de cette mission ?
Nous avons eu le privilège de participer au SIAL (Salon International de l’Alimentation) de Paris qui s’est tenu du 19 au 23 octobre dernier. Ce fut une belle et riche expérience. Plus de 6500 exposants de 105 pays, et près de 150 000 visiteurs. Tous les professionnels de l’industrie alimentaires du monde s’y sont retrouvés. Ce salon est pratiquement le plus grand marché de l’agro business. Il a des ramifications un peu partout à travers le monde, Brésil, Chine, Abu- Dhabi etc. C’est une tribune formidable qui permet aux promoteurs de l’industrie alimentaire de participer à la globalisation de marchés de ce secteur. Je voudrais saluer tous les opérateurs de l’anacarde en Côte d’Ivoire qui y ont pris part. Cette expérience va nous permettre de développer nos activités et tendre davantage vers le professionnalisme pour relever tous les défis du moment et de l’avenir. Faire du secteur de l’anacarde une véritable industrie, comme cela se constate ailleurs. C’est pourquoi je lance un appel à tous les exportateurs de Côte d’ivoire, membres de l’AEC-CI ou non, de se préparer afin de participer encore nombreux à la prochaine édition de ce salon prévue du 16 au 20 octobre 2016 à Paris. C’est une grande opportunité, une véritable plateforme de promotion, de partage d’expérience et d’expertise et de partenariats que nous recommandons vivement à tous les operateurs du secteur de l’anacarde en Côte d’Ivoire.
Quels ont été les acquis de ce salon pour les opérateurs du secteur de l’anacarde en Côte d’Ivoire ?
Nous avons eu à nos côtés plusieurs autorités ivoiriennes au cours de ce salon. Nous ferons en temps opportun le bilan avec ces autorités; mais déjà je puis dire que les perspectives sont bonnes. Au niveau de l’amande de l’anacarde qui est le produit final des noix de cajou que nous produisons, il y a une demande croissante et cela augure de la possibilité de faire de la transformation une véritable industrie en Côte d’Ivoire. Le marché existe. La transformation ne saurait donc souffrir d’aucun problème de débouchés. Nous revenons plus confiants de ce salon.
Au plan national quel bilan faites-vous de la campagne de commercialisation qui vient de s’achever ?
La campagne a été officiellement lancée le 17 février 2014 par le ministre de l’Agriculture Coulibaly Sangafowa . Au terme de celle-ci, nous avons fait un bilan avec Le Conseil du Coton et de l’Anacarde en septembre 2014. Globalement satisfaisant, car de l’avis de la grande majorité des acteurs c’est l’une des meilleures campagnes sur les cinq dernières années.
En effet, c’est la première fois que le prix plancher minimum 225 F CFA/KG prix brousse et 295 Fcfa/KG prix entrée magasin port sont respectés à la lettre. Il ressort également de ce bilan que la Côte d’Ivoire a exporté un peu plus de 506.000 tonnes de noix de cajou dont environ 326 000 tonnes en direction de l’Inde soit 65% et 160 000 tonnes en direction du Vietnam soit 31%, les deux principaux marchés. Nous relevons aussi avec beaucoup de satisfaction l’amélioration de la qualité des noix, favorisée certainement par la reforme qui a été mise en place depuis septembre 2013. Et cela est à l’actif du Conseil du Coton et de l’Anacarde, de nos braves producteurs et acheteurs agréés. Grâce à la qualité, nous n’avons pas eu de souci pour les dénouements de contrat. Mais, nous demandons qu’il y ait des équipements en nombre suffisants pour le contrôle de la qualité du produit bord champ. Il y a aussi la nécessité d’une maitrise de ces équipements par les agents habilités à procéder aux contrôles. Des formations s’avèrent importante à ce niveau. Autre satisfaction, c’est la mesure de fermeture effective des frontières, l’interdiction formelle de faire l’exportation par voie terrestre principalement par les frontières du Ghana et du Burkina. C’est une mesure que nous encourageons car elle a permis de décourager les fossoyeurs et autres fraudeurs. Nous remercions le gouvernement et le conseil du coton anacarde.
Apparemment, la reforme vous donne satisfaction
La reforme n’est qu’à sa première année, mais elle porte déjà ses fruits. Elle est entrain de donner une véritable visibilité à la filière. Nous avons parlé de la qualité. Pour la première fois, les producteurs de l’anacarde ont reçu la sacherie brousse même si la distribution s’est faite tardivement. Par contre, la sacherie export a posé plus de difficultés parce que les transitaires et manutentionnaires n’ont pas les équipements adéquats pour faire le ré ensachage. Nous avons dû négocier avec le Conseil du coton et de l’anacarde qui a bien voulu comprendre notre situation en tant que exportateurs. Mais, cette année les mesures sont en train d’être prises pour que la sacherie export et brousse soient mise à disposition très rapidement pour que nous améliorons l’origine Côte d’Ivoire. La reforme permet aussi d’avoir une base de données des acteurs de la filière. Pour la première fois, les acheteurs de produits ont été identifiés, au point qu’aujourd’hui, il nous est facile de connaitre le nombre exact des opérateurs intervenant dans la chaine de commercialisation. Mais, Il y a encore du travail à faire et nous travaillons avec le Conseil afin de prendre toujours les bonnes décisions pour qu’au bout de la chaine tout le monde y gagne.
Avez-vous tout de même quelques soucis par rapport à cette reforme ?
La procédure d’exportation actuelle est très lourde et fastidieuse parce qu’il faut faire une déclaration sur poids théorique et après l’apurer. Cela nous cause beaucoup de problèmes. Il y a beaucoup de grincements de dents de la part des exportateurs que nous sommes. Nous avons des problèmes de régularisation avec la douane. Quand nous restons devoir à la douane, si l’apurement n’est pas fait nous sommes sommés de le faire au risque de ne pouvoir exporter. Mais, si c’est l’administration douanière qui doit régulariser sa situation, c’est tout autre chose. Nous avons saisi le Conseil du coton et de l’anacarde et espérons qu’une solution sera trouvée.
Qu’est ce qui est fait exactement au niveau de la transformation. La reforme a-t-elle permis d’enregistrer des avancées à ce niveau ?
Il faut absolument passer à la phase de la transformation de nos produits agricoles, si nous tenons à être au rendez-vous de l’émergence en 2020 comme le souhaite le Président de la République. Pour la filière cajou, l’objectif du gouvernement est d’atteindre 35% de la transformation d’ici à 2015 et 100% en 2020. Les investisseurs ont aujourd’hui plus d’éléments d’appréciations grâce aux données dont dispose la filière. Des usines sont en train de se créer. Quelques exportateurs sont même en train de passer allégrement de l’exportation des noix à la transformation.
Quelle est la place des Ivoiriens dans l’exportation. Est-ce qu’il y a des actions qui sont prévues pour accompagner ces exportateurs nationaux dans leurs efforts ?
Les sociétés exportatrices qui exercent en Côte d’Ivoire sont toutes de droit ivoirien mais majoritairement à capitaux étrangers et dirigées pour la plus part par des extra nationaux. La filière anacarde est jeune. La communauté indo-pakistanaise a eu le temps de s’installer au début des années 90. Mais aujourd’hui, il y a une nouvelle génération de promoteurs ivoiriens avec des capitaux ivoiriens qui arrive dans la filière et qui essaie tant bien que mal de se faire une place en grignotant quelques parts de marché anciennement dévolues aux grands groupes étrangers. C’est un frémissement qu’il faut saluer et encourager même si ce n’est pas encore suffisant pour parler d’une marrée d’exportateurs ivoiriens. Et pour ma part je suis très heureux de cet élan. Il y a de la place dans la filière pour produire assez. Il y a une demande de la noix sur le marché. La Côte d’Ivoire est le deuxième producteur mondial. Ce qui faut espérer c’est que les nationaux travaillent de façon professionnelle pour se hisser au niveau où les autres sont arrivés. Nous au niveau de l’Association sommes là pour défendre les intérêts de tous les exportateurs sans exception, promoteurs nationaux et extra nationaux.
Le salon international des Equipements et des Technologies de Transformation de l’Anacarde (SIETTA) est annoncé pour bientôt du 26 -28 Novembre 2014 au Palais des Sports de Treichville. Comment le préparez-vous ?
C’est d’abord sonner la mobilisation au niveau des exportateurs de noix de cajou. Pour un pays comme la Côte d’Ivoire qui est devenu en si peu de temps le premier producteur africain et deuxième au monde avec plus de 500 000 tonnes (40% de la production africaine et 20% de la production mondiale), c’est une chance inouïe d’abriter un tel salon. Cela dénote de la politique ferme du gouvernement à faire de l’anacarde une véritable filière pour le développement en Côte d’Ivoire. Nous n’avons pas de raison de ne pas participer activement à ce grand rendez-vous. C’est pourquoi j’appelle l’ensemble des exportateurs à se faire enregistrer nombreux auprès du commissariat général de ce salon initié par nos autorités. C’est un salon du donner et du recevoir. Une tribune qui va permettre de faire des rencontres, tisser ou renforcer des partenariats et augmenter le portefeuille clientèle ou relationnel. Au niveau d’AEC- CI, nous travaillons à apporter notre expertise et notre carnet d’adresse au commissariat général, et nous ne ménagerons aucun effort pour le succès de ce Salon.
Comment vous voyez la filière à l’horizon 2020 ?
Les perspectives sont radieuses. La demande de l’amande de cajou sur le marché mondial ne fait que croitre au niveau de la classe moyenne dans le monde, mais également, en Afrique. Il y a dix ans en arrière, la Chine n’était pas un marché, aujourd’hui elle se présente comme un véritable marché. Le Brésil était exportateur exclusif des produits d’amande vers les Etats unis. Aujourd’hui, il n’exporte que 30% et consommant les 70% et le même phénomène se retrouve en Inde. Il y a donc des marchés traditionnels et nouveaux à approvisionner. Comparativement à l’Inde et au Vietnam, la Côte d’Ivoire dispose suffisamment d’espace pour produire la matière première. Nous disposons d’importantes surfaces cultivables, nous faisons de la qualité, le marché est juste à côté de nous (USA, EUROPE…), autant dire que tous les ingrédients sont réunis pour faire de l’anacarde une veritable industrie en Côte d’Ivoire. Mais si nous voulons tirer profit de cette dynamique, nous devons passer à la transformation. Je n’en doute pas que nous y arriverons.
Un appel pour conclure ?
Nous saluons tous les efforts qui sont faits par l’Etat et le Conseil du coton et de l’anacarde. Mais nous demandons au gouvernement de travailler aussi à faciliter la tache aux opérateurs en créant des mesures attractives et incitatives à l’investissement. Nous voulons en tant que acteurs de cette filière participer un peu plus aux débats et aux prises de décisions. C’est pourquoi nous appelons de tous nos vœux la mise en place de notre interprofession. Ce serait une bonne solution. Il est également impérieux que les banquiers se tournent aussi vers la filière anacarde pour que l’accès au financement ne soit plus un leurre. Au niveau de l’Association, nous demandons aux exportateurs d’être unis pour être plus forts et relever les défis qui nous attendent. Que ceux qui ne sont pas encore membres viennent adhérer et que ceux qui sont déjà membres participent efficacement à la vie de l’association pour le rayonnement de la filière.
Interview réalisée par Vincent Kouassi
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