Abidjan - Un pourvoi en cassation contre la lourde condamnation de Simone Gbagbo a été annoncé lundi, alors que de premiers soldats sont jugés devant le tribunal militaire d’Abidjan pour des crimes commis durant la crise de 2010-2011, marquant une accélération judiciaire avant la présidentielle d’octobre.
Ce pourvoi était attendu de la part de la défense. Mais il a aussi été demandé, à la surprise générale, par le parquet général, qui avait vu ses réquisitions - 10 ans de réclusion contre l’ex-Première dame - doublées dans le verdict rendu le 10 mars par la cour d’assises d’Abidjan.
"Le parquet a introduit un pourvoi en cassation au regard de la loi", a déclaré à l’AFP l’avocat général Simon Yabo Odi, sans préciser les motivations de ce pourvoi.
"On s’est pourvu en cassation. La procédure est irrégulière et doit être frappée de nullité", a fait savoir de son côté Habiba Touré, une avocate de Mme Gbagbo, condamnée à 20 ans de réclusion.
Il n’est pas possible de faire appel d’un verdict de cour d’assises dans le droit ivoirien. Il est possible en revanche de se pourvoir en cassation. La Cour de cassation examinera alors la justesse d’un verdict au regard du droit et non sur le fond.
Lundi après-midi, l’avocat Mathurin Dirabou a annoncé à l’AFP le pourvoi en cassation des 78 co-accusés de Simone Gbagbo.
Leur procès, qui a duré plus de deux mois, a permis à la justice ivoirienne de se plonger dans la crise postélectorale de 2010-2011, causée par le refus de l’ex-président Laurent Gbagbo de reconnaître la victoire de l’actuel chef de l’Etat Alassane Ouattara à la présidentielle de novembre 2010.
- ’Beaucoup de zones d’ombre’ -
Moins d’une semaine après le rendu du verdict, un nouveau marathon judiciaire semble avoir démarré au tribunal militaire.
Un commandant et un maréchal des logis ont été jugés lundi devant un tribunal militaire pour "meurtre par usage d’armes lourdes" dans le cadre du bombardement d’un marché d’Abobo, une commune favorable à Alassane Ouattara, le 17 mars 2011.
"Nous sommes profondément dubitatifs. Il y a beaucoup de zones d’ombre", a déclaré le procureur militaire, requérant la relaxe des deux accusés, qui a finalement été prononcée.
Cette affaire, qui avait fait grand bruit, devait précéder l’audience de huit soldats accusés de meurtres lors de la répression d’une manifestation d’opposition à l’ex-président. Ce procès ne s’est finalement pas tenu.
Une trentaine de soldats se succèderont ces prochaines semaines à la barre pour justifier des violences commises durant la crise. Plus de 3.000 personnes sont mortes en cinq mois.
"Un calendrier aussi serré laisse à penser qu’on attend certains résultats qu’on pourrait utiliser politiquement", observe Yacouba Doumbia, président du Mouvement ivoirien des droits de l’Homme (MIDH), interrogé par l’AFP, pour qui une justice aussi "séquencée" paraît "curieuse".
- ’Précipitation’ -
Abidjan prône la réconciliation à sept mois de la présidentielle. Le président Ouattara a lui-même évoqué en janvier une possible grâce ou amnistie pour les condamnés. Un telle mesure interviendrait au nom de la "décrispation" politique, selon plusieurs observateurs, alors que la participation de l’opposition au scrutin est nécessaire.
"Le gouvernement a besoin d’un bilan en matière de justice", décrypte un observateur souhaitant rester anonyme. "C’est une bonne chose, mais cela représente un risque : "la précipitation se traduit souvent par de grandes approximations judiciaires, assez préoccupantes", poursuit-il.
Trois ONG, dont la Fédération internationale des droits de l’Homme (FIDH) et le MIDH, ont déploré jeudi dernier l’"absence d’éléments de preuve probants", la "faiblesse des témoignages à charge et de l’accusation dans son ensemble" durant le procès de Simone Gbagbo, aux "insuffisances préoccupantes".
"Ce procès doit servir de contre-exemple pour les procédures en cours" sur les crimes de sang commis durant la crise, qui donneront lieu à un second procès, à la date encore inconnue, a souligné Patrick Baudouin, président d’honneur de la FIDH.
Faute de redresser la barre, "la Côte d’Ivoire devra transférer Simone Gbagbo (...) à la CPI", a commenté Me Baudouin.
Considérée comme une protagoniste majeure de la crise, l’ancienne "Dame de fer", à la personnalité très controversée, est également poursuivie pour "crimes contre l’humanité" par la Cour pénale internationale, à l’instar de son époux Laurent et de l’ex-chef de milice Charles Blé Goudé.
Mais Abidjan refuse son transfèrement à La Haye, affirmant être en mesure d’assurer à l’ex-Première dame une justice exemplaire sur le sol ivoirien.
Mais seuls les pro-Gbagbo sont pour l’instant inquiétés, nourrissant les accusations de "justice des vainqueurs".
"La CPI pourra se servir de la faiblesse du dernier procès pour réclamer son transfèrement. Ils pourront argumenter et dire : +envoyez-nous Simone Gbagbo pour qu’elle puisse être jugée convenablement+", observe un expert occidental en droits de l’Homme.
ck-jf/ndy/sba/mr
Ce pourvoi était attendu de la part de la défense. Mais il a aussi été demandé, à la surprise générale, par le parquet général, qui avait vu ses réquisitions - 10 ans de réclusion contre l’ex-Première dame - doublées dans le verdict rendu le 10 mars par la cour d’assises d’Abidjan.
"Le parquet a introduit un pourvoi en cassation au regard de la loi", a déclaré à l’AFP l’avocat général Simon Yabo Odi, sans préciser les motivations de ce pourvoi.
"On s’est pourvu en cassation. La procédure est irrégulière et doit être frappée de nullité", a fait savoir de son côté Habiba Touré, une avocate de Mme Gbagbo, condamnée à 20 ans de réclusion.
Il n’est pas possible de faire appel d’un verdict de cour d’assises dans le droit ivoirien. Il est possible en revanche de se pourvoir en cassation. La Cour de cassation examinera alors la justesse d’un verdict au regard du droit et non sur le fond.
Lundi après-midi, l’avocat Mathurin Dirabou a annoncé à l’AFP le pourvoi en cassation des 78 co-accusés de Simone Gbagbo.
Leur procès, qui a duré plus de deux mois, a permis à la justice ivoirienne de se plonger dans la crise postélectorale de 2010-2011, causée par le refus de l’ex-président Laurent Gbagbo de reconnaître la victoire de l’actuel chef de l’Etat Alassane Ouattara à la présidentielle de novembre 2010.
- ’Beaucoup de zones d’ombre’ -
Moins d’une semaine après le rendu du verdict, un nouveau marathon judiciaire semble avoir démarré au tribunal militaire.
Un commandant et un maréchal des logis ont été jugés lundi devant un tribunal militaire pour "meurtre par usage d’armes lourdes" dans le cadre du bombardement d’un marché d’Abobo, une commune favorable à Alassane Ouattara, le 17 mars 2011.
"Nous sommes profondément dubitatifs. Il y a beaucoup de zones d’ombre", a déclaré le procureur militaire, requérant la relaxe des deux accusés, qui a finalement été prononcée.
Cette affaire, qui avait fait grand bruit, devait précéder l’audience de huit soldats accusés de meurtres lors de la répression d’une manifestation d’opposition à l’ex-président. Ce procès ne s’est finalement pas tenu.
Une trentaine de soldats se succèderont ces prochaines semaines à la barre pour justifier des violences commises durant la crise. Plus de 3.000 personnes sont mortes en cinq mois.
"Un calendrier aussi serré laisse à penser qu’on attend certains résultats qu’on pourrait utiliser politiquement", observe Yacouba Doumbia, président du Mouvement ivoirien des droits de l’Homme (MIDH), interrogé par l’AFP, pour qui une justice aussi "séquencée" paraît "curieuse".
- ’Précipitation’ -
Abidjan prône la réconciliation à sept mois de la présidentielle. Le président Ouattara a lui-même évoqué en janvier une possible grâce ou amnistie pour les condamnés. Un telle mesure interviendrait au nom de la "décrispation" politique, selon plusieurs observateurs, alors que la participation de l’opposition au scrutin est nécessaire.
"Le gouvernement a besoin d’un bilan en matière de justice", décrypte un observateur souhaitant rester anonyme. "C’est une bonne chose, mais cela représente un risque : "la précipitation se traduit souvent par de grandes approximations judiciaires, assez préoccupantes", poursuit-il.
Trois ONG, dont la Fédération internationale des droits de l’Homme (FIDH) et le MIDH, ont déploré jeudi dernier l’"absence d’éléments de preuve probants", la "faiblesse des témoignages à charge et de l’accusation dans son ensemble" durant le procès de Simone Gbagbo, aux "insuffisances préoccupantes".
"Ce procès doit servir de contre-exemple pour les procédures en cours" sur les crimes de sang commis durant la crise, qui donneront lieu à un second procès, à la date encore inconnue, a souligné Patrick Baudouin, président d’honneur de la FIDH.
Faute de redresser la barre, "la Côte d’Ivoire devra transférer Simone Gbagbo (...) à la CPI", a commenté Me Baudouin.
Considérée comme une protagoniste majeure de la crise, l’ancienne "Dame de fer", à la personnalité très controversée, est également poursuivie pour "crimes contre l’humanité" par la Cour pénale internationale, à l’instar de son époux Laurent et de l’ex-chef de milice Charles Blé Goudé.
Mais Abidjan refuse son transfèrement à La Haye, affirmant être en mesure d’assurer à l’ex-Première dame une justice exemplaire sur le sol ivoirien.
Mais seuls les pro-Gbagbo sont pour l’instant inquiétés, nourrissant les accusations de "justice des vainqueurs".
"La CPI pourra se servir de la faiblesse du dernier procès pour réclamer son transfèrement. Ils pourront argumenter et dire : +envoyez-nous Simone Gbagbo pour qu’elle puisse être jugée convenablement+", observe un expert occidental en droits de l’Homme.
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