CÔTE D’IVOIRE
Héritages et droits de succession : A qui profitent-ils ?
Maître Bertin Paul-Arnaud Zehouri
L’indivision est une structure juridique de fait, dans laquelle se trouvent des personnes physiques ou morales, qui ont, en commun, des biens ou des droits qu’elles ont choisi de ne pas partager. La gestion collective du bien indivis, lorsqu’elle est mal menée, peut conduire, inévitablement, dans une impasse. En effet, le principe directeur en matière de gestion d’un état d’indivision, c’est l’unanimité. Autrement dit, tous les indivisaires, sans aucune exception, doivent, absolument, et, unanimement, souscrire aux résolutions visant l’exploitation du ou des biens indivis. Faute d’obtenir l’unanimité, c’est l’impasse. Or, on le sait, là où il y a l’impasse, la ruine s’impose et le développement s’arrête aussi. De fait, la dégradation des biens liée aux disputes fait que les biens périssent et l’Etat éprouve les pires difficultés à recouvrer les impôts fonciers. Au final, c’est l’économie nationale prise dans sa globalité, qui se trouve impactée par l’effet d’une absence de partage entre les propriétaires d’un bien indivis.
ETAT DES LIEUX : RECONNAITRE UN BIEN INDIVIS
Concernant le patrimoine immobilier
Les immeubles bâtis
La ville d’Abidjan, à l’image des grandes métropoles de notre pays, est jonchée d’immeubles bâtis, ou non bâtis, tombés en désuétude. Il suffit de passer, en voiture, sur les ponts d’Abidjan pour s’apercevoir, en sortant la tête par la portière, que des concessions abandonnées offrent le spectacle d’une ville fantôme avec des toits de for tune, des vêtements accrochés à la sauvette, comme pour annoncer la ruine. Les occupants, sans droit, ni titre, n’ont, par fois, jamais, su l’identité du propriétaire. Ces derniers n’hésitent pas, parfois, à s’approprier le bien en question.
Les immeubles non bâtis :
Les terrains
Proche des immeubles flambant neufs, il n’est pas exceptionnel de visiter des terrains nus, supportant, au mieux, une plantation de cultures, au pire, un campement de marginaux sociaux qui, transportant, à Abidjan, l’ambiance et le décor des villages éloignés de notre pays, bâtissent un habitat de fortune.
Concernant le patrimoine professionnel
L’entreprise
Un tour dans les unités de production, qui ont fait la gloire de l’économie de marché des années 1970, permet de découvrir des machines en ruine, grippées par la rouille. Les bâtiments de production, naguère, élégants sont devenus des abris de souris et autres rongeurs. Les véhicules roulants et autres chargeurs à l’arrêt depuis des années, finissent par devenir des loques dans l’enceinte de l’ancienne usine abandonnée.
LES EFFETS DE L’ETAT D’INDIVISION
L’état d’indivision dans lequel se trouvent confinés les héritiers après décès, les conjoints après divorce, les associés après dissolution, s’avère catastrophique, d’abord, pour les acteurs concernés, eux mêmes, pour la famille ou l’entreprise, et enfin, pour l’Etat.
A l’égard des héritiers eux-mêmes
Les héritiers, qui ne peuvent disposer des biens qu’ils ont reçus par successions, courent le risque de s’appauvrir. Si, malgré tout, un accord n’est pas trouvé, entre eux, à l’effet de pourvoir au règlement de la succession, les mineurs seraient privés d’entretien, les étudiants, de subvention parentale, ceux qui travaillent seraient, aussi, privés de fonds d’appui pour développer leurs capacités. Quant aux entreprises ayant appartenu au de cujus, elles seraient, purement et simplement, stoppées dans leurs développements. Les comptes en banque du défunt, les titres souscrits avant sa mort, bien que produisant des intérêts, seraient bloqués, aussi longtemps, que dureraient la mésentente et l’indivision.
A l’égard de l’entourage de l’indivisaire
Dans une sorte de cercle vicieux, les effets du désordre entre les héritiers ou ayants droit se feraient sentir forcement sur l’ensemble de la famille. De fil en aiguille, certains des co-héritiers iront, bien souvent, avoir pour seule occupation, la défense de leurs droits dans la succession. Très peu par viendront à des résultats après une bataille, par fois, épique de plusieurs années sans pouvoir entreprendre autre chose à côté. D’autres, en revanche, (hélas c’est la majorité) n’y parviendront jamais. Au contraire, finiront-ils l’aventure avec des dettes colossales tandis que certains autres ne verront, malheureusement, jamais, la fin des opérations de règlement de la succession de leur géniteur étant eux-mêmes, entre temps, décédés.
A l’égard de l’Etat
La perte des taxes et impôts fonciers
Les conséquences de la mauvaise gestion des transmissions de patrimoine, ont une emprise directe pour l’Etat, générant un manque à gagner considérable pour les trésoreries des régies financières.
Concernant les impôts fonciers perdus
Si après avoir liquidé son imposition, l’Etat ne sait pas à qui s’adresser pour le recouvrement parce que le propriétaire serait décédé et que les héritiers seraient introuvables, il va sans dire que l’Etat perdrait de fortes sommes d’argent.
Soit, un manque à gagner en ce qui concerne le recouvrement de l’impôt foncier de 216 milliards de F CFA (330 millions d’euros), environ, par an, en considérant une moyenne de biens immobiliers dont les impôts échappent au fisc du fait de l’impossibilité d’identifier, clairement, les propriétaires. Or, faut-il le souligner, les recettes fiscales en matière foncière, entre autres, constituent la source des financements du développement de notre pays.
Concernant les droits de mutation après cession
Comme source de revenu fiscale en matière immobilière, il convient, également, de tenir compte des taxes supportées par le vendeur et l’acquéreur d’un bien immobilier ou foncier, en l’occurrence, l’héritier alloti. Il s’agit des droits de mutation à titre onéreux dus à l’état d’indivision et aux difficultés y liées, les caisses de l’Etat auraient un manque à gagner conséquent pouvant être estimé suivant le nombre de notaires (200) et des transactions de cette taille (environ 1,5 par mois) à 64.800.000.000 F CFA (18.000.000 X 1,5) X 12 X 200 en dehors de la TVA.
La démobilisation des investisseurs
Les avions en provenance des pays étrangers sont chargés de prospects en tous domaines. Lesdits investisseurs éprouvent, le besoin de terrains bâtis ou non bâtis. Et c’est à ce niveau qu’il y a problème. En pratique, les terrains existent puisqu’on les voit, partout, comme il est indiqué en début de propos. Malheureusement, lorsque vient le moment de savoir à qui appartient tel ou tel espace, on se rend compte qu’on n’a, en face, que des informations difficiles à vérifier. Les informateurs improvisés affirmeront qu’ils sont les vrais propriétaires ou qu’ils sont mandatés par les vrais propriétaires. Résultats : soit, l’investisseur se fait gruger en acquittant le prix entre les mains de personnes inappropriées avec, parfois, la complicité passive ou active de certaines autorités comme les notaires dont la vigilance dans ce domaine est plus que nécessaire. Soit, l’investisseur est réduit à revoir sa copie en changeant de pays après avoir été trimballé chez de faux propriétaires organisés en vrais escrocs, vendeurs d’illusions.
PROPOSITIONS DE SOLUTIONS
Il s’agirait, par exemple, d’institutions telles que le mandat de gérant d’indivision, le mandat à effet posthume, le mandat de génération future, et autres.
La gérance
Le mandat de gérance après le décès du propriétaire
Pour éviter les blocages, il serait envisageable de nommer, amiablement, y compris par devant notaire ou par voie judiciaire, un des co-indivisaires chargé de gérer les intérêts collectifs. Il conviendrait de conférer au mandataire des pouvoirs exceptionnels et un droit de veto pour lui permettre de décider. En sorte, il aurait le droit, sous certaines réserves, de passer outre les oppositions des autres indivisaires.
Le mandat de gérance du vivant du propriétaire à effet après son décès
De son vivant, le propriétaire du patrimoine immobilier ou professionnel pourrait nommer, par contrat, un gérant pour administrer ses biens et prendre des actes de disposition pour le temps où il ne serait plus capable de pourvoir à ses besoins ou en cas de mort. On parle de mandat de génération future, ou encore, de mandat à effet posthume, voire, de fiducie-gestion avec, chacun, sa spécificité. De tels mandats devraient être, nécessairement, établis par acte authentique notarié compte tenu de la gravité de la décision. Un tel acte à caractère successoral, serait conçu du vivant du décideur, signé par lui, mais, le mandataire serait autorisé à s’en prévaloir, uniquement, à compter du décès du mandant.
La sortie d’indivision et la désignation d’un notaire liquidateur
Nul n’est censé demeurer dans l’indivision. Selon l’article 84 de la Loi n° 64-379 du 7 octobre 1964 relative aux successions, nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision et le partage peut être, toujours, provoqué, nonobstant prohibitions et conventions contraires. Dans un tel cas de figure, un des cohéritiers, pour obtenir son départ de l’indivision doit assigner ses co-indivisaires en partage judiciaire. La mise en œuvre de cette disposition légale d’ordre public débouche sur une pratique et des usages, par fois, complexes. Selon l’article 90 de la loi précitée, s’il y a lieu, pour les opérations de partage, un notaire est nommé. Le juge saisi est tenu de prononcer la sortie d’indivision à charge pour l’indivisaire partageant de vendre l’immeuble, en récolter le prix avant d’en reverser aux autres, sous forme de soultes, la quote-part leur revenant.
L’attribution préférentielle
Lors d’une procédure de partage liée à un divorce ou à une succession, un indivisaire, un héritier ou légataire copartageant peut, sous des conditions strictes, demander à se voir attribuer, en priorité, un bien (domicile conjugal, maison, exploitation agricole, entreprise commerciale, par ts de sociétés, fonds de commerce) par rapport aux autres copartageants. C’est ce que l’on nomme l’attribution préférentielle définie par les articles 106 à 109 du code civil. Ainsi, la valeur du bien attribué, amiablement, ou par le tribunal dans le lot de la personne, s’imputera sur ses droits et si elle est supérieure, donnera lieu au paiement d’une soulte. L’attribution préférentielle permettrait, donc, d’éviter les procédures judiciaires en attribuant, amiablement, l’immeuble ou l’entreprise à l’un des héritiers compétents à charge de l’exploiter et de reverser aux autres, les droits leur revenant sous la forme de soulte.
La créance de salaire différé
Bien souvent, dans les familles de planteurs de cultures pérennes (cacao, anacarde, et autres), mais, également, dans les entreprises commerciales, industrielles, artisanales, certains enfants travaillent avec leurs parents sans percevoir aucun salaire ni participation aux résultats de l’exploitation. L’article 110 de la loi du 7 octobre 1964 sur les successions, fait bénéficier le descendant resté sur l’exploitation des parents d’une créance contre la succession appelée créance de salaire différé convertible en bien existant en nature dans la succession. En sorte, il y a, ici, une possibilité de briser, légalement, l’indivision en allotissant un des successibles d’un immeuble ou d’une entreprise dont la valeur équivaudrait à sa créance de salaire.
La gestion des dossiers de successions par le tribunal peut être améliorée
Il est urgent de redonner du sens à la chaîne de fonctionnement de l’appareil judiciaire en matière de règlement des successions. Le notaire nommé pour procéder aux opérations de liquidation - par tage du patrimoine est livré aux contradictions des héritiers. Il suffit qu’un héritier, sur fond de rumeur, ait un doute ou une interrogation pour que ce dernier soit reçu dans ses récriminations. Les pouvoirs reconnus, actuellement, aux notaires semblent être très théoriques alors qu’en pratique, les officiers publics demeurent la cible de tous les dysfonctionnements de la chaîne judiciaire en la matière. Le notaire désigné par le tribunal et non par les héritiers devrait bénéficier d’un appui du palais de justice pendant les opérations de liquidation et ne pas se voir dessaisi au moindre coup de vent. A force de dessaisir l’un au profit de l’autre sans fondement légal, les notaires ivoiriens ne par viennent pas à liquider les successions. Ce qui fait le lit aux indivisions de longue durée.
En conclusion, comme il vient d’être démontré, une grande partie des causes de sous-développement semble se trouver dans la difficulté de transmettre d’une génération à l’autre, les richesses produites en Côte d’Ivoire. Les patrimoines, s’ils ne périssent pas avant le décès de leur créateur, ne lui sur vivent pas. Les désastres sur les familles, les entreprises et l’économie nationale semblent insondables. D’ailleurs, a-t- on, vraiment, besoin de statistiques scientifiques pour mesurer l’ordre de gravité des ravages provoqués par les cas d’indivision sur le budget de l’Etat ? Il apparaît plus qu’urgent que les stratèges et promoteurs de l’émergence de la Côte d’Ivoire apportent des réponses et des ajustements aux problèmes des successions non réglées.
Maître Bertin Paul-Arnaud ZEHOURI
Diplômé Supérieur du Notariat français (DSN)
Notaire à Abidjan
Conseil à Paris
Spécialisé en Stratégie du Patrimoine
Expert Banque Mondiale pour le foncier et la fiscalité immobilière
Enseignant-Chercheur des facultés de droit
OFFICE NOTARIAL PARIS-VILLAGE ABIDJAN (R.C.I) 9, rue Paris-Village (PLATEAU)
Tél: (225) 20 22 94 18
Fax: 20 22 94 55
CABINET CONSEIL NOTARIAL PARIS (FRANCE)
156, Rue du Temple PARIS (75003)
Tél: (33) 01 42 02 74 54
Fax: (33) 01 42 77 14 01
maitrezehouri.notaire@orange.fr / zehouriconseil.notarial@orange.fr
www.maitrezehouri-notaire-conseil.com
Héritages et droits de succession : A qui profitent-ils ?
Maître Bertin Paul-Arnaud Zehouri
L’indivision est une structure juridique de fait, dans laquelle se trouvent des personnes physiques ou morales, qui ont, en commun, des biens ou des droits qu’elles ont choisi de ne pas partager. La gestion collective du bien indivis, lorsqu’elle est mal menée, peut conduire, inévitablement, dans une impasse. En effet, le principe directeur en matière de gestion d’un état d’indivision, c’est l’unanimité. Autrement dit, tous les indivisaires, sans aucune exception, doivent, absolument, et, unanimement, souscrire aux résolutions visant l’exploitation du ou des biens indivis. Faute d’obtenir l’unanimité, c’est l’impasse. Or, on le sait, là où il y a l’impasse, la ruine s’impose et le développement s’arrête aussi. De fait, la dégradation des biens liée aux disputes fait que les biens périssent et l’Etat éprouve les pires difficultés à recouvrer les impôts fonciers. Au final, c’est l’économie nationale prise dans sa globalité, qui se trouve impactée par l’effet d’une absence de partage entre les propriétaires d’un bien indivis.
ETAT DES LIEUX : RECONNAITRE UN BIEN INDIVIS
Concernant le patrimoine immobilier
Les immeubles bâtis
La ville d’Abidjan, à l’image des grandes métropoles de notre pays, est jonchée d’immeubles bâtis, ou non bâtis, tombés en désuétude. Il suffit de passer, en voiture, sur les ponts d’Abidjan pour s’apercevoir, en sortant la tête par la portière, que des concessions abandonnées offrent le spectacle d’une ville fantôme avec des toits de for tune, des vêtements accrochés à la sauvette, comme pour annoncer la ruine. Les occupants, sans droit, ni titre, n’ont, par fois, jamais, su l’identité du propriétaire. Ces derniers n’hésitent pas, parfois, à s’approprier le bien en question.
Les immeubles non bâtis :
Les terrains
Proche des immeubles flambant neufs, il n’est pas exceptionnel de visiter des terrains nus, supportant, au mieux, une plantation de cultures, au pire, un campement de marginaux sociaux qui, transportant, à Abidjan, l’ambiance et le décor des villages éloignés de notre pays, bâtissent un habitat de fortune.
Concernant le patrimoine professionnel
L’entreprise
Un tour dans les unités de production, qui ont fait la gloire de l’économie de marché des années 1970, permet de découvrir des machines en ruine, grippées par la rouille. Les bâtiments de production, naguère, élégants sont devenus des abris de souris et autres rongeurs. Les véhicules roulants et autres chargeurs à l’arrêt depuis des années, finissent par devenir des loques dans l’enceinte de l’ancienne usine abandonnée.
LES EFFETS DE L’ETAT D’INDIVISION
L’état d’indivision dans lequel se trouvent confinés les héritiers après décès, les conjoints après divorce, les associés après dissolution, s’avère catastrophique, d’abord, pour les acteurs concernés, eux mêmes, pour la famille ou l’entreprise, et enfin, pour l’Etat.
A l’égard des héritiers eux-mêmes
Les héritiers, qui ne peuvent disposer des biens qu’ils ont reçus par successions, courent le risque de s’appauvrir. Si, malgré tout, un accord n’est pas trouvé, entre eux, à l’effet de pourvoir au règlement de la succession, les mineurs seraient privés d’entretien, les étudiants, de subvention parentale, ceux qui travaillent seraient, aussi, privés de fonds d’appui pour développer leurs capacités. Quant aux entreprises ayant appartenu au de cujus, elles seraient, purement et simplement, stoppées dans leurs développements. Les comptes en banque du défunt, les titres souscrits avant sa mort, bien que produisant des intérêts, seraient bloqués, aussi longtemps, que dureraient la mésentente et l’indivision.
A l’égard de l’entourage de l’indivisaire
Dans une sorte de cercle vicieux, les effets du désordre entre les héritiers ou ayants droit se feraient sentir forcement sur l’ensemble de la famille. De fil en aiguille, certains des co-héritiers iront, bien souvent, avoir pour seule occupation, la défense de leurs droits dans la succession. Très peu par viendront à des résultats après une bataille, par fois, épique de plusieurs années sans pouvoir entreprendre autre chose à côté. D’autres, en revanche, (hélas c’est la majorité) n’y parviendront jamais. Au contraire, finiront-ils l’aventure avec des dettes colossales tandis que certains autres ne verront, malheureusement, jamais, la fin des opérations de règlement de la succession de leur géniteur étant eux-mêmes, entre temps, décédés.
A l’égard de l’Etat
La perte des taxes et impôts fonciers
Les conséquences de la mauvaise gestion des transmissions de patrimoine, ont une emprise directe pour l’Etat, générant un manque à gagner considérable pour les trésoreries des régies financières.
Concernant les impôts fonciers perdus
Si après avoir liquidé son imposition, l’Etat ne sait pas à qui s’adresser pour le recouvrement parce que le propriétaire serait décédé et que les héritiers seraient introuvables, il va sans dire que l’Etat perdrait de fortes sommes d’argent.
Soit, un manque à gagner en ce qui concerne le recouvrement de l’impôt foncier de 216 milliards de F CFA (330 millions d’euros), environ, par an, en considérant une moyenne de biens immobiliers dont les impôts échappent au fisc du fait de l’impossibilité d’identifier, clairement, les propriétaires. Or, faut-il le souligner, les recettes fiscales en matière foncière, entre autres, constituent la source des financements du développement de notre pays.
Concernant les droits de mutation après cession
Comme source de revenu fiscale en matière immobilière, il convient, également, de tenir compte des taxes supportées par le vendeur et l’acquéreur d’un bien immobilier ou foncier, en l’occurrence, l’héritier alloti. Il s’agit des droits de mutation à titre onéreux dus à l’état d’indivision et aux difficultés y liées, les caisses de l’Etat auraient un manque à gagner conséquent pouvant être estimé suivant le nombre de notaires (200) et des transactions de cette taille (environ 1,5 par mois) à 64.800.000.000 F CFA (18.000.000 X 1,5) X 12 X 200 en dehors de la TVA.
La démobilisation des investisseurs
Les avions en provenance des pays étrangers sont chargés de prospects en tous domaines. Lesdits investisseurs éprouvent, le besoin de terrains bâtis ou non bâtis. Et c’est à ce niveau qu’il y a problème. En pratique, les terrains existent puisqu’on les voit, partout, comme il est indiqué en début de propos. Malheureusement, lorsque vient le moment de savoir à qui appartient tel ou tel espace, on se rend compte qu’on n’a, en face, que des informations difficiles à vérifier. Les informateurs improvisés affirmeront qu’ils sont les vrais propriétaires ou qu’ils sont mandatés par les vrais propriétaires. Résultats : soit, l’investisseur se fait gruger en acquittant le prix entre les mains de personnes inappropriées avec, parfois, la complicité passive ou active de certaines autorités comme les notaires dont la vigilance dans ce domaine est plus que nécessaire. Soit, l’investisseur est réduit à revoir sa copie en changeant de pays après avoir été trimballé chez de faux propriétaires organisés en vrais escrocs, vendeurs d’illusions.
PROPOSITIONS DE SOLUTIONS
Il s’agirait, par exemple, d’institutions telles que le mandat de gérant d’indivision, le mandat à effet posthume, le mandat de génération future, et autres.
La gérance
Le mandat de gérance après le décès du propriétaire
Pour éviter les blocages, il serait envisageable de nommer, amiablement, y compris par devant notaire ou par voie judiciaire, un des co-indivisaires chargé de gérer les intérêts collectifs. Il conviendrait de conférer au mandataire des pouvoirs exceptionnels et un droit de veto pour lui permettre de décider. En sorte, il aurait le droit, sous certaines réserves, de passer outre les oppositions des autres indivisaires.
Le mandat de gérance du vivant du propriétaire à effet après son décès
De son vivant, le propriétaire du patrimoine immobilier ou professionnel pourrait nommer, par contrat, un gérant pour administrer ses biens et prendre des actes de disposition pour le temps où il ne serait plus capable de pourvoir à ses besoins ou en cas de mort. On parle de mandat de génération future, ou encore, de mandat à effet posthume, voire, de fiducie-gestion avec, chacun, sa spécificité. De tels mandats devraient être, nécessairement, établis par acte authentique notarié compte tenu de la gravité de la décision. Un tel acte à caractère successoral, serait conçu du vivant du décideur, signé par lui, mais, le mandataire serait autorisé à s’en prévaloir, uniquement, à compter du décès du mandant.
La sortie d’indivision et la désignation d’un notaire liquidateur
Nul n’est censé demeurer dans l’indivision. Selon l’article 84 de la Loi n° 64-379 du 7 octobre 1964 relative aux successions, nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision et le partage peut être, toujours, provoqué, nonobstant prohibitions et conventions contraires. Dans un tel cas de figure, un des cohéritiers, pour obtenir son départ de l’indivision doit assigner ses co-indivisaires en partage judiciaire. La mise en œuvre de cette disposition légale d’ordre public débouche sur une pratique et des usages, par fois, complexes. Selon l’article 90 de la loi précitée, s’il y a lieu, pour les opérations de partage, un notaire est nommé. Le juge saisi est tenu de prononcer la sortie d’indivision à charge pour l’indivisaire partageant de vendre l’immeuble, en récolter le prix avant d’en reverser aux autres, sous forme de soultes, la quote-part leur revenant.
L’attribution préférentielle
Lors d’une procédure de partage liée à un divorce ou à une succession, un indivisaire, un héritier ou légataire copartageant peut, sous des conditions strictes, demander à se voir attribuer, en priorité, un bien (domicile conjugal, maison, exploitation agricole, entreprise commerciale, par ts de sociétés, fonds de commerce) par rapport aux autres copartageants. C’est ce que l’on nomme l’attribution préférentielle définie par les articles 106 à 109 du code civil. Ainsi, la valeur du bien attribué, amiablement, ou par le tribunal dans le lot de la personne, s’imputera sur ses droits et si elle est supérieure, donnera lieu au paiement d’une soulte. L’attribution préférentielle permettrait, donc, d’éviter les procédures judiciaires en attribuant, amiablement, l’immeuble ou l’entreprise à l’un des héritiers compétents à charge de l’exploiter et de reverser aux autres, les droits leur revenant sous la forme de soulte.
La créance de salaire différé
Bien souvent, dans les familles de planteurs de cultures pérennes (cacao, anacarde, et autres), mais, également, dans les entreprises commerciales, industrielles, artisanales, certains enfants travaillent avec leurs parents sans percevoir aucun salaire ni participation aux résultats de l’exploitation. L’article 110 de la loi du 7 octobre 1964 sur les successions, fait bénéficier le descendant resté sur l’exploitation des parents d’une créance contre la succession appelée créance de salaire différé convertible en bien existant en nature dans la succession. En sorte, il y a, ici, une possibilité de briser, légalement, l’indivision en allotissant un des successibles d’un immeuble ou d’une entreprise dont la valeur équivaudrait à sa créance de salaire.
La gestion des dossiers de successions par le tribunal peut être améliorée
Il est urgent de redonner du sens à la chaîne de fonctionnement de l’appareil judiciaire en matière de règlement des successions. Le notaire nommé pour procéder aux opérations de liquidation - par tage du patrimoine est livré aux contradictions des héritiers. Il suffit qu’un héritier, sur fond de rumeur, ait un doute ou une interrogation pour que ce dernier soit reçu dans ses récriminations. Les pouvoirs reconnus, actuellement, aux notaires semblent être très théoriques alors qu’en pratique, les officiers publics demeurent la cible de tous les dysfonctionnements de la chaîne judiciaire en la matière. Le notaire désigné par le tribunal et non par les héritiers devrait bénéficier d’un appui du palais de justice pendant les opérations de liquidation et ne pas se voir dessaisi au moindre coup de vent. A force de dessaisir l’un au profit de l’autre sans fondement légal, les notaires ivoiriens ne par viennent pas à liquider les successions. Ce qui fait le lit aux indivisions de longue durée.
En conclusion, comme il vient d’être démontré, une grande partie des causes de sous-développement semble se trouver dans la difficulté de transmettre d’une génération à l’autre, les richesses produites en Côte d’Ivoire. Les patrimoines, s’ils ne périssent pas avant le décès de leur créateur, ne lui sur vivent pas. Les désastres sur les familles, les entreprises et l’économie nationale semblent insondables. D’ailleurs, a-t- on, vraiment, besoin de statistiques scientifiques pour mesurer l’ordre de gravité des ravages provoqués par les cas d’indivision sur le budget de l’Etat ? Il apparaît plus qu’urgent que les stratèges et promoteurs de l’émergence de la Côte d’Ivoire apportent des réponses et des ajustements aux problèmes des successions non réglées.
Maître Bertin Paul-Arnaud ZEHOURI
Diplômé Supérieur du Notariat français (DSN)
Notaire à Abidjan
Conseil à Paris
Spécialisé en Stratégie du Patrimoine
Expert Banque Mondiale pour le foncier et la fiscalité immobilière
Enseignant-Chercheur des facultés de droit
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Tél: (225) 20 22 94 18
Fax: 20 22 94 55
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156, Rue du Temple PARIS (75003)
Tél: (33) 01 42 02 74 54
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