Qui dit que le petit David ne peut pas toujours gagner contre le géant Goliath ? Depuis des décades, le petit Singapour ne cesse de porter des coups puissants contre le colosse aux pieds d’argile qu’est l’Afrique, surtout celle appelée l’Afrique noire. Jacques Attali est un grand penseur aux multiples talents. Je pense, à mon niveau, qu’il est sans doute le plus brillant cerveau de ce monde contemporain. Chaque semaine, je lis comme parole d’Evangile son blog intitulé : « Conversations avec Jacques Attali. » Si je ne le lis pas, je sens une absence de connaissance et de savoir dans ma semaine. La semaine dernière, le maître s’est penché sur Singapour. Et sa chronique est intitulée : « Singapour, un modèle de société positive. » Il analyse les causes de la réussite perpétuelle de ce pays dont les habitants, en 1965, furent expulsés de la Malaisie. En cette année-là, les habitants du pays, d’origine chinoise, avaient pour revenu 500 dollars annuel par individu. Et le Gold Coast, la côte d’or, qu’on prendra par plaisir à baptiser Ghana cumulait par habitant, le même revenu que le petit Singapour. De même que presque tous les pays africains dont certains avaient un revenu annuel par habitant plus que celui de Singapour. En 2015, le revenu annuel par habitant à Singapour est passé à 55 000 dollars. Tenez-vous bien ! Celui du Ghana est à 3 200 dollars. Une montée à la tortue. « Il est prévu que, en 2050, c’est à Singapour que le niveau de vie sera le plus élevé du monde. » Comment éviter la chute de la Maison Afrique ? En allant tout simplement à l’école de Singapour. « Comment expliquer ce succès ? D’abord par un extraordinaire leadership, pérenne pendant 50 ans : un père fondateur lucide et incontesté, Lee Kuan Yew ; un exceptionnel architecte économique, le Dr Goh Keng Swee ; un philosophe politique, S. Rajaratnam, et un stratège culturel et militaire, Georges Yeo. Ensuite, une politique, stable depuis 50 ans, fondé sur trois principes : la méritocratie : (choisir les meilleurs, d’où qu’ils viennent socialement et ethniquement) ; le pragmatisme (face à tout problème, ne pas se préoccuper d’idéologie et se contenter d’adapter et de reproduire la meilleure solution appliquée dans un autre pays) ; l’honnêteté (lutter impitoyablement contre la corruption). » On aura vite compris que le développement est avant tout une affaire d’homme, de leadership. L’Afrique en est-elle capable de sortir des cadres qui ont la vision ou l’esprit de pionnier ? Pas certain. Le brillant sera vite « mangé » par les problèmes d’ethnie. Le tribalisme est le plus gros boulet aux pieds des pays africains. L’homme n’est plus jugé par son talent, sa compétence mais par son appartenance ethnique. Le citoyen ne se sent pas impliqué dans le développement de son pays tant que « un pays » n’est pas aux commandes. En outre, un leader est avant tout un lecteur des 5 genres de lecture (information, distraction, acquisition, ravissement et élévation). Ce sont ces 5 piliers qui vont réveiller l’homme couché et le faire bondir comme un tigre…asiatique. La corruption. J’ai décidé de ne plus en parler. Comme le tribalisme, tant qu’il ne sera pas « décapiter », inutile d’imaginer une « réussite africaine »malgré des plumitifs afro-optimistes. La parenthèse Rawlings au Ghana a montré que le combat contre la corruption est possible mais combien de Présidents africains sont-ils capables de fusiller des voleurs à col blanc ? La vocifération des tenants des droits d’homme fera que l’opération n’ira pas loin. Chaque jour, en lisant la presse africaine que de titres sur la corruption. On dirait que plus on en parle, plus elle monte. Toujours des prétendants prêts à « voler » le pays et en sortir pour bien profiter de leur butin bien placé ou converti. Le progrès du pays on s’en fout royalement. En plus, l’Occident est l’une des causes de notre incapacité d’atteindre Singapour. On nous a plongés dans la démocratie européenne disant qu’elle était universelle. Un pays déjà construit peut se permettre de se distraire. En y enfonçant un pays qui n’est pas encore une nation on cherche sa destruction ou on l’empêche de décoller. A Singapour, la démocratie, selon Jacques Attali ne fait pas partie des principes et dans cette dictature éclairée les médias sont sous contrôle. Et l’Occident laisse faire. « De tout cela, il faut retenir des leçons : un gouvernement stable, créant la confiance chez ses citoyens, décidant en fonction de l’intérêt à long terme du pays, sans parti pris, est un formidable facteur de succès économique et politique. » Quand reverrait-on des mandats de longue durée en Afrique pour créer la stabilité et donner aux investisseurs la confiance. Il faudrait en finir, dans les constitutions, avec les mandats de cinq années qui maintiennent le pays dans des campagnes électorales permanentes et prématurées, faisant encore perdre des années de retard sur la poursuite du tigre asiatique. Le lion africain a encore toutes ses pattes dans le piège de la corruption, du tribalisme, du manque d’ardeur et de la méchanceté. Ainsi va l’Afrique. A la semaine prochaine.
Par Isaïe Biton Koulibaly
Par Isaïe Biton Koulibaly