L’Attiéké, semoule de manioc cuite à la vapeur est un mets prisé par les Ivoiriens. Depuis plus de trois semaines, du fait de la sécheresse, ce produit de grande consommation se raréfie sur le marché entrainant une flambée des prix. Et ce, au grand dam des consommateurs.
Mardi 5 janvier 2016, il est 10 h. C’est la recréation dans tous les établissements scolaires du pays. Au collège moderne du Plateau les certains élèves jouent. D’autres qui n’avaient pas eu le temps de prendre leur petit déjeuner très tôt le matin, profitent de cette pause pour mettre quelque chose dans l’estomac. Cécile Kouamé, Rosine Koné et Raïssa Doué ont choisi le garba, une recette d’attiéké et du poisson. Elles sont venues de leurs quartiers d’habitation avec ce mets fait de semoule cuite à la vapeur accompagné de poisson thon. Assises à même le sol, sous le mur à l’extérieur de leur établissement elles mangent avec appétit dans des assiettes en plastique ou des sachets-plastiques. Ces élèves en classe de 5ème, 4ème et 3ème profitent de l’absence de l’un de leurs professeurs pour recharger leurs accus. « Actuellement, il n’y a pas d’attiéké et le prix a flambé. Moi j’ai acheté mon « garba » à Abobo. La portion qui valait 50 F Cfa, il n’y a pas longtemps, s’obtient aujourd’hui à 100 F cfa. On n’a pas le choix », se lamente Cécile Kouamé, en classe de 5ème. « Moi, j’apprécie le « garba » et je suis obligée de débourser plus pour avoir ma ration habituelle. Et cela a une incidence sur mon argent de poche », renchérit Rosine Koné, en classe de 4ème. Comme elles, nombreux sont les Ivoiriens qui aiment l’attiéké. C’est le cas de Mme Florencia Yao, éducatrice préscolaire. « Je mange beaucoup d’attiéké. J’en achète en moyenne pour 3000 F Cfa par semaine. C’est cette année que j’ai constaté qu’il y a pénurie sur le marché. Pour avoir la quantité souhaitée je débourse environ 6 000 F Cfa, le double de ce que je dépense habituellement », explique-t-elle. L’enseignante précise qu’elle apprécie l’attiéké pour son côté bourratif. M. Ferdinand Kouassi, entrepreneur et planteur d’hévéa souligne qu’en tant qu’Ahizi (peuple du sud de la Côte d’Ivoire) l’attiéké est son aliment de base. « C’est le manque de manioc qui favorise la pénurie d’attiéké. C’est la famine actuellement dans nos villages », fait-il savoir ajoutant que cette situation est pénible pour les économiquement faibles. « En temps normal, les pauvres ont du mal à avoir un repas par jour. Avec l’attiéké dont le prix est abordable et qui est bourratif, les Ivoiriens les moins nantis essaient de survivre. Aujourd’hui avec cette pénurie, ils n’ont d’autre choix que de se contenter d’igname ou de riz ». Selon lui, cette pénurie est due à l’abandon des cultures vivrières au profit des cultures pérennes :hévéa, café, cacao, palmier à l’huile. « C’est malheureux. Nous avons abandonné les cultures vivrières pour pratiquer les cultures de rente. Aujourd’hui, le prix du kilogramme de l’hévéa a chuté de façon drastique et ne rapporte pas grand-chose », déplore-t-il. Mme N’guessan, présidente de l’Association des Femmes catholiques (AFEC) de la paroisse St Jean-Paul II de Cocody Angré 8ème tranche, confirme que l’attiéké coûte actuellement cher. « Les enfants consomment beaucoup d’attiéké. Avec la pénurie qui fait flamber les prix, la portion de 100 F Cfa est cédée aujourd’hui à 200 F Cfa, celle de 250 coûte 500 F Cfa. Cette situation nous crée beaucoup de désagréments », clame-t-elle. « Quand je ne savais pas quel mets concocter pour les enfants, j’optais pour l’attiéké-poisson. Mais aujourd’hui du fait de la pénurie de cet aliment, je remplace l’attiéké par le pain. Mais à ce niveau aussi, il y a problème car le poids des baguettes de pain est de plus en plus réduit », soutient-elle
Produire en quantité le manioc
Elle indique que si cette situation perdure, elle sera dans l’obligation d’avoir recours à l’igname pour subvenir aux besoins alimentaires des siens. « Il faut que le gouvernement sensibilise les agriculteurs à la culture du manioc », conseille-t-elle. Quant à Mme Carole Son, esthéticienne, elle explique qu’aujourd’hui, certains pays limitrophes s’adonnent à la production de manioc, à sa fabrication et à sa commercialisation. « L’attiéké est un mets typiquement ivoirien. Et nous l’exportons également. Si rien n’est fait, les autres pays vont nous ravir notre place », précise-t-elle. Pour elle, les planteurs devraient, en plus des cultures pérennes, produire en quantité le manioc et partant les cultures vivrières en général. « Puisque, ajoute-t-elle, la commercialisation du manioc rapporte plus que l’hévéa dont le kilogramme ne vaut désormais que 247 F Cfa. M. Youssouf Kambiré, vendeur de « garba » met pour sa part en exergue l’impact de cette pénurie d’attiéké sur son activité commerciale. « Avant les fêtes de fin d’année, le panier d’attiéké était cédé à 5 000 F Cfa. Aujourd’hui, il est commercialisé à 8 000 voire 8500F Cfa. Pour entrer dans nos frais, nous sommes obligés de réduire la quantité servie à nos clients», lance-t-il. Les vendeurs d’attiéké affirment à l’unanimité que la pénurie de manioc entraine nécessairement la flambée des prix de l’attiéké. « Nous n’avons pas le choix et nous ne pouvons pas vendre à perte. C’est la loi de l’offre et de la demande », précise Mme N’Drin dite « Tantie Choc », productrice et vendeuse d’attiéké au grand marché d’Abobo. Elle explique que cette année à cause de la sécheresse, il a été difficile d’avoir de l’attiéké en grande quantité. « Actuellement à Dabou et Grand Lahou, des zones productrices d’attiéké, ce mets se fait rare. La portion d’environ 1,5 kg qui coûtait 250 francs s’obtient aujourd’hui à 500 voire 600 F Cfa. », fait-elle remarquer. Selon elle, dans la zone de Jacqueville, cette pénurie se fait moins sentir et n’existe pratiquement pas à Alépé. « Avant la pénurie, je me ravitaillais en attiéké à Dabou, Grand-Lahou. Aujourd’hui, je m’approvisionne à Alépé », confie-t-elle. Alépé est devenue la capitale de l’attiéké. Cette ruée des femmes vers Alépé à la recherche de cet aliment est devenue une réalité. Il faut se rendre à la gare d’Alépé située à Abobo-Samanké pour s’en rendre compte. Le minicar vient juste de stationner. L’apprenti, l’air fatigué décharge nonchalamment les sacs d’attiéké sur lesquels l’on peut lire « Commande ». D’autres sacs se différencient par leurs couleurs ou les enseignes. Les propriétaires, impatientes, déchargent avec dextérité leurs sacs devant l’apprenti et le chauffeur qui n’attendent que « cette bataille » s’achève pour reprendre leur route. En fait, il s’agit des commerçantes qui ont leurs fournisseurs dans cette zone akyé et qui les ravitaillent tous les deux jours. Cette technique a pour avantage, selon elles, de se fatiguer moins et réduire ainsi les prix de revient de leurs marchandises. Les planteurs de manioc du département d’Alépé ont pris cette année des dispositions nécessaires pour pallier cette pénurie. En effet, tenant compte de la période de la sécheresse et du fait qu’il existe une unité de production d’attiéké à Montézo, les planteurs ont mis en place une stratégie pour mieux gérer leurs productions de manioc. Ainsi, si cette région ne connait pas de pénurie mais le fait qu’elle soit la seule pourvoyeuse d’attiéké favorise les enchères.
Rosemonde Kouadio
Mardi 5 janvier 2016, il est 10 h. C’est la recréation dans tous les établissements scolaires du pays. Au collège moderne du Plateau les certains élèves jouent. D’autres qui n’avaient pas eu le temps de prendre leur petit déjeuner très tôt le matin, profitent de cette pause pour mettre quelque chose dans l’estomac. Cécile Kouamé, Rosine Koné et Raïssa Doué ont choisi le garba, une recette d’attiéké et du poisson. Elles sont venues de leurs quartiers d’habitation avec ce mets fait de semoule cuite à la vapeur accompagné de poisson thon. Assises à même le sol, sous le mur à l’extérieur de leur établissement elles mangent avec appétit dans des assiettes en plastique ou des sachets-plastiques. Ces élèves en classe de 5ème, 4ème et 3ème profitent de l’absence de l’un de leurs professeurs pour recharger leurs accus. « Actuellement, il n’y a pas d’attiéké et le prix a flambé. Moi j’ai acheté mon « garba » à Abobo. La portion qui valait 50 F Cfa, il n’y a pas longtemps, s’obtient aujourd’hui à 100 F cfa. On n’a pas le choix », se lamente Cécile Kouamé, en classe de 5ème. « Moi, j’apprécie le « garba » et je suis obligée de débourser plus pour avoir ma ration habituelle. Et cela a une incidence sur mon argent de poche », renchérit Rosine Koné, en classe de 4ème. Comme elles, nombreux sont les Ivoiriens qui aiment l’attiéké. C’est le cas de Mme Florencia Yao, éducatrice préscolaire. « Je mange beaucoup d’attiéké. J’en achète en moyenne pour 3000 F Cfa par semaine. C’est cette année que j’ai constaté qu’il y a pénurie sur le marché. Pour avoir la quantité souhaitée je débourse environ 6 000 F Cfa, le double de ce que je dépense habituellement », explique-t-elle. L’enseignante précise qu’elle apprécie l’attiéké pour son côté bourratif. M. Ferdinand Kouassi, entrepreneur et planteur d’hévéa souligne qu’en tant qu’Ahizi (peuple du sud de la Côte d’Ivoire) l’attiéké est son aliment de base. « C’est le manque de manioc qui favorise la pénurie d’attiéké. C’est la famine actuellement dans nos villages », fait-il savoir ajoutant que cette situation est pénible pour les économiquement faibles. « En temps normal, les pauvres ont du mal à avoir un repas par jour. Avec l’attiéké dont le prix est abordable et qui est bourratif, les Ivoiriens les moins nantis essaient de survivre. Aujourd’hui avec cette pénurie, ils n’ont d’autre choix que de se contenter d’igname ou de riz ». Selon lui, cette pénurie est due à l’abandon des cultures vivrières au profit des cultures pérennes :hévéa, café, cacao, palmier à l’huile. « C’est malheureux. Nous avons abandonné les cultures vivrières pour pratiquer les cultures de rente. Aujourd’hui, le prix du kilogramme de l’hévéa a chuté de façon drastique et ne rapporte pas grand-chose », déplore-t-il. Mme N’guessan, présidente de l’Association des Femmes catholiques (AFEC) de la paroisse St Jean-Paul II de Cocody Angré 8ème tranche, confirme que l’attiéké coûte actuellement cher. « Les enfants consomment beaucoup d’attiéké. Avec la pénurie qui fait flamber les prix, la portion de 100 F Cfa est cédée aujourd’hui à 200 F Cfa, celle de 250 coûte 500 F Cfa. Cette situation nous crée beaucoup de désagréments », clame-t-elle. « Quand je ne savais pas quel mets concocter pour les enfants, j’optais pour l’attiéké-poisson. Mais aujourd’hui du fait de la pénurie de cet aliment, je remplace l’attiéké par le pain. Mais à ce niveau aussi, il y a problème car le poids des baguettes de pain est de plus en plus réduit », soutient-elle
Produire en quantité le manioc
Elle indique que si cette situation perdure, elle sera dans l’obligation d’avoir recours à l’igname pour subvenir aux besoins alimentaires des siens. « Il faut que le gouvernement sensibilise les agriculteurs à la culture du manioc », conseille-t-elle. Quant à Mme Carole Son, esthéticienne, elle explique qu’aujourd’hui, certains pays limitrophes s’adonnent à la production de manioc, à sa fabrication et à sa commercialisation. « L’attiéké est un mets typiquement ivoirien. Et nous l’exportons également. Si rien n’est fait, les autres pays vont nous ravir notre place », précise-t-elle. Pour elle, les planteurs devraient, en plus des cultures pérennes, produire en quantité le manioc et partant les cultures vivrières en général. « Puisque, ajoute-t-elle, la commercialisation du manioc rapporte plus que l’hévéa dont le kilogramme ne vaut désormais que 247 F Cfa. M. Youssouf Kambiré, vendeur de « garba » met pour sa part en exergue l’impact de cette pénurie d’attiéké sur son activité commerciale. « Avant les fêtes de fin d’année, le panier d’attiéké était cédé à 5 000 F Cfa. Aujourd’hui, il est commercialisé à 8 000 voire 8500F Cfa. Pour entrer dans nos frais, nous sommes obligés de réduire la quantité servie à nos clients», lance-t-il. Les vendeurs d’attiéké affirment à l’unanimité que la pénurie de manioc entraine nécessairement la flambée des prix de l’attiéké. « Nous n’avons pas le choix et nous ne pouvons pas vendre à perte. C’est la loi de l’offre et de la demande », précise Mme N’Drin dite « Tantie Choc », productrice et vendeuse d’attiéké au grand marché d’Abobo. Elle explique que cette année à cause de la sécheresse, il a été difficile d’avoir de l’attiéké en grande quantité. « Actuellement à Dabou et Grand Lahou, des zones productrices d’attiéké, ce mets se fait rare. La portion d’environ 1,5 kg qui coûtait 250 francs s’obtient aujourd’hui à 500 voire 600 F Cfa. », fait-elle remarquer. Selon elle, dans la zone de Jacqueville, cette pénurie se fait moins sentir et n’existe pratiquement pas à Alépé. « Avant la pénurie, je me ravitaillais en attiéké à Dabou, Grand-Lahou. Aujourd’hui, je m’approvisionne à Alépé », confie-t-elle. Alépé est devenue la capitale de l’attiéké. Cette ruée des femmes vers Alépé à la recherche de cet aliment est devenue une réalité. Il faut se rendre à la gare d’Alépé située à Abobo-Samanké pour s’en rendre compte. Le minicar vient juste de stationner. L’apprenti, l’air fatigué décharge nonchalamment les sacs d’attiéké sur lesquels l’on peut lire « Commande ». D’autres sacs se différencient par leurs couleurs ou les enseignes. Les propriétaires, impatientes, déchargent avec dextérité leurs sacs devant l’apprenti et le chauffeur qui n’attendent que « cette bataille » s’achève pour reprendre leur route. En fait, il s’agit des commerçantes qui ont leurs fournisseurs dans cette zone akyé et qui les ravitaillent tous les deux jours. Cette technique a pour avantage, selon elles, de se fatiguer moins et réduire ainsi les prix de revient de leurs marchandises. Les planteurs de manioc du département d’Alépé ont pris cette année des dispositions nécessaires pour pallier cette pénurie. En effet, tenant compte de la période de la sécheresse et du fait qu’il existe une unité de production d’attiéké à Montézo, les planteurs ont mis en place une stratégie pour mieux gérer leurs productions de manioc. Ainsi, si cette région ne connait pas de pénurie mais le fait qu’elle soit la seule pourvoyeuse d’attiéké favorise les enchères.
Rosemonde Kouadio