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Économie Publié le mardi 24 mai 2016 |

Interview: Dr. Hinin Moustapha, Directeur des politiques et programmes de population: "nos pays peinent à sortir leurs populations de la pauvreté"

© Par DR
Atelier de finalisation du profil du dividende démographique du pays
Photo: Dr. Hinin Moustapha, Directeur des politiques et programmes de population au Ministère du Plan et du Développement
L’Office nationale de la population (ONP), a tenu du 19 au 21 mai 2016 dans un hôtel à Grand-Bassam, un atelier de finalisation du profil du dividende démographique du pays. Un enjeu capital dans le processus d’émergence engagé par le chef de l’Etat. Dr. Hinin Moustapha, Directeur des politiques et programmes de population au Ministère du Plan et du Développement précise les enjeux de cette opération.

SC: Situez nous le contexte et Objet de l’atelier

Hinin Moustapha: La vision de l’émergence à l’horizon 2020 de la Côte d’Ivoire est matérialisée par l’élaboration d’un ensemble de documents cadres : l’étude prospective 2040, le Plan National de Développement (PND 2016-2020) et la nouvelle Politique Nationale de Population (PNP). Ces trois(3) documents ont été conçus et élaborés sous le leadership du Ministère du Plan et du Développement.
Je voudrais donc saisir l’opportunité que vous m’offrez pour traduire mes remerciements à Madame le Ministre du Plan et du Développement qui a bien voulu autoriser la Direction Générale de l’ONP à mettre en place une équipe d’experts NTA pour la Côte d’Ivoire.
Cette équipe est constituée essentiellement de cadres du Ministère du Plan et du Développement (ONP, INS, ENSEA) et d’autres cadres issus des Ministères de la santé, de l’éducation Nationale, de l’économie et des finances et le Ministère de la Promotion de la Jeunesse, de l’Emploi des Jeunes et du Service Civique.
L’équipe de Côte d’Ivoire qui a séjourné au Sénégal, a utilisé le modèle des Comptes de transferts Nationaux (NTA en anglais) pour élaborer le profil du Dividende démographique de notre pays.
En effet, la plupart des gouvernements africains, dont la Côte d’Ivoire, admettent que le dividende démographique constitue un levier additionnel dans leur effort de développement. Le concept occupe ainsi, une place centrale dans la feuille de route de l’Union Africaine, notamment dans l’Agenda 2063, intitulé « l’Afrique que nous voulons ». Conscient des énormes défis à relever pour que les pays puissent effectivement tirer parti de ce dividende démographique, le Bureau Régional du Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA) a saisi l’opportunité de la mise en œuvre du projet « Autonomisation de la femme et Dividende Démographique dans le sahel (en abrégé SWEDD) », projet dont la Côte d’Ivoire est bénéficiaire, pour organiser en direction d’experts pays des questions de population de l’Afrique de l’Ouest et du Centre, une formation sur l’utilisation des Comptes de transferts Nationaux (NTA ). Les NTA constituent un outil d’aide pour mesurer l’ampleur, la distribution, les conditions de réalisation du dividende démographique et son impact réel sur la croissance économique. Cette session de formation qui a eu lieu au Sénégal a réuni six (6) pays : le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, la Guinée, le Niger, la Mauritanie et le Tchad.
Faut-il le préciser, la méthode NTA est une technique statistique de comptabilité basée sur les structures de population et les agrégats des comptes nationaux et des comptes satellites. Elle permet de rendre compte de la synergie entre l’analyse économique et la démographie d’un pays. En d’autres termes, c’est une approche qui permet de mesurer, comprendre et expliquer les comportements dans des domaines aussi variés que la reproduction humaine, la production et la consommation des biens et services ainsi que les dynamiques de population et leurs implications dans les échanges entre les individus et entre les différentes composantes de la population.
Avant de vous dire un mot sur les résultats préliminaires du modèle utilisé, je voudrais faire observer que ce modèle s’applique à un domaine particulier de l’économie, appelée économie générationnelle.

SC: C’est quoi l’économie générationnelle ?

L’économie générationnelle s’intéresse à la façon dont chaque groupe d’âges ou génération d’une population d’un pays produit, consomme, partage et épargne les ressources. Elle est fondée sur l’existence universelle d’un cycle de vie économique qui a trait aux schémas de consommation et de revenus selon l’âge qui conduisent à une inadéquation entre les besoins matériels et la capacité de satisfaire ces besoins par son propre travail. Dans toutes les sociétés contemporaines, le jeune et le vieux ont tendance à consommer en moyenne plus qu’ils ne produisent par leur propre travail. En revanche, les adultes en âge de travailler consomment moins que ce qu’ils produisent. Alors un système de transferts de ressources entre générations est indispensable pour maintenir le niveau de vie des tranches les plus vulnérables de la population (les jeunes et les vieux) et assurer que les générations futures sont mieux loties.
Issue de l’économie générationnelle, la méthode des Comptes de transferts Nationaux (NTA) est l’une des plus en pointe actuellement disponibles pour mesurer l’impact des changements dans la structure par âge de la population sur la situation financière, le comportement des groupes d’âges et celle de la population dans son ensemble à travers la prise en compte des générations dans la modélisation de l’économie.
Le ratio de soutien est un des indicateurs clés de l’économie générationnelle. Il s’agit d’un résumé de la structure par âge qui informe sur la façon dont la production et la consommation varient selon l’âge. Ce ratio est appréhendé en rapportant le nombre de travailleurs effectifs au nombre de consommateurs effectifs dans une société donnée.
Nous avons pu démontrer à l’instar des autres pays que toute augmentation d’un point de pourcentage du ratio de soutien implique une augmentation équivalente de la consommation et donc du niveau de vie des populations à tous les âges, toutes choses égales par ailleurs.
Le terme dividende démographique désigne donc l’augmentation du ratio de soutien, de la baisse relative de la demande sociale qui s’ensuit et de ses retombées économiques qui dépendent de la façon dont les ressources dégagées par cette baisse sont réinvesties.
Intérêt du modèle NTA pour la Côte d’ivoire.

Vous convenez avec moi qu’aujourd’hui, il est largement admis que la plupart de nos pays peinent à sortir leurs populations de la pauvreté. La Côte d’Ivoire par exemple fait actuellement face à une demande sociale forte émanant surtout de sa jeunesse qui subit un taux de chômage élevé. Une lecture nette des questions de population, notamment de la contribution de la structure par âge à la croissance économique est plus que nécessaire. Alors, nous pensons que dans un contexte national de quête de l’émergence, notre pays qui enregistre depuis ces dernières années des taux de croissance jamais enregistrés devrait tout faire pour bénéficier de ce coup de pouce que le dividende pourrait lui apporter. Le faisant, cela permettrait de rendre la croissance durable, encore forte et surtout solidaire.
Les résultats de l’application de l’outil à la situation de la Côte d’Ivoire
L’analyse du modèle indique que la population active doit faire face à trois défis majeurs : Pourvoir à ses propres besoins-financer les transferts publics et privés aux enfants et personnes âgées- et épargner suffisamment pour financer ses propres besoins à l’âge de la retraite
Selon les premiers résultats qui restent à être affinés comme nous l’avions indiqué, l’analyse du profil de revenu montre que celui-ci culmine aux alentours de 43 ans. Ce revenu culmine vers l’âge de 50 ans en France, peu importe que l’individu soit salarié ou indépendant. L’analyse du profil des transferts en éducation et santé révèle qu’en Côte d’Ivoire les charges éducatives continuent jusqu’à ce que l’enfant atteigne l’âge de 24 ans alors qu’en moyenne c’est seulement entre 30 et 33 ans que l’individu commence à prendre en charge ses besoins de santé. Ces résultats traduisent donc un niveau de dépendance prolongé pour les jeunes en ce qui concerne les dépenses en capital humain. Les niveaux d’épargne les plus élevés s’observent dans la tranche d’âges de 31-55 ans. Au-delà, l’épargne est faible et devient négligeable à partir de 65 ans. L’analyse par âge montre que les transferts nets financent surtout le déficit des groupes d’âge 0 à 29 ans. Les personnes âgées financent leur déficit du cycle de vie essentiellement à travers les transferts privés. Il apparaît que la Côte d’Ivoire à l’instar de nombreux pays africains enregistre des déficits de cycle de vie que le revenu du travail ne parvient pas à combler. De manière globale, les ivoiriens commencent à dégager un surplus à un âge avancé, traduisant ainsi une période de dépendance très longue comparativement à certains pays où les jeunes commencent plus tôt à dégager un surplus entre 20 et 29 ans. Deux facteurs déterminent cette dépendance : l’entrée tardive en activité et l’étroitesse des revenus en début de carrière.

L’analyse du profil de revenu et du cycle de vie selon le genre laisse apparaître aussi une grande inégalité. Non seulement, les femmes gagnent moins que les hommes mais, en plus, elles sont déficitaires tout au long de leur cycle de vie. Ce qui traduit un niveau d’autonomisation faible de la femme et de la jeune fille. Mais ce constat est quasi général dans la plupart des pays qui se sont engagé à utiliser cet outil d’analyse. Cela dénote une inégalité de genre assez largement partagée même si les écarts entre les sexes varient selon les pays. Au total, il convient de retenir que la prise en compte du genre est un aspect important de l’économie générationnelle.


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