Colonel Bahin Lejeune est le coordonnateur de la Cellule de prévention et d’investigation du comité national de lutte contre la contrefaçon (CONLC). Dans une interview qu’il nous a accordée, il dresse un diagnostic alarmant sur le développement de la contrefaçon. Et prévient sur les dangers de ce fléau tant pour l’économie du pays, la sécurité nationale et la santé des populations.
Vous êtes le coordonnateur national de la lutte contre la contrefaçon. Qu’est ce que la contrefaçon?
La contrefaçon se définit comme l’acte par lequel une personne physique ou morale utilise ou exploite un droit de propriété intellectuelle, sans l’autorisation préalable de son titulaire ou de ces ayants-droits. Le piratage est une atteinte de propriété littéraire artistique, cinématographique.
Quels sont les produits qui sont l’objet de contrefaçon exponentielle en Côte d’Ivoire ?
Je voudrais dire que l’Etat, ayant pris conscience du danger que représentent la contrefaçon et le piratage a fait voter une loi relative à la lutte contre la contrefaçon et le piratage. Ensuite en 2014, l’Etat à signé un décret portant attribution et fonctionnement du Comité national de lutte contre la contrefaçon. C’est une autorité administrative indépendante. Elle a deux organes.
Concernant les produits les touchés par la contrefaçon, il faut dire que par le passé, les produits de luxe et de grande marque qui étaient les plus touchés par la contrefaçon. Mais de nos jours, tous les produits de grande consommation sont aussi contrefaits sans exception. Aucun secteur d’activité n’est épargné par la contrefaçon.
Cette pratique a-t-elle un impact sur l’économie nationale ?
Son impact sur l’économie nationale est trop énorme. Dans la mesure où la contrefaçon est une activité illicite et informelle. C’est une activité qui se déroule au noir. Et qui dit activité au noir dit échapper aux impôts. Que ce soit l’impôt de douane ou l’impôt intérieur. Les recettes de l’Etat viennent de la fiscalité. L’Etat en faisant son budget fait des projections en se fixant des objectifs pour les différentes régies financières. Mais si l’Etat n’arrive pas à capter l’ensemble de ces recettes fiscales pour cause de fraude, d’activités illicites, cela a des conséquences évidentes. Et la contrefaçon impacte les projets d’investissements. Mieux, un investisseur qui arrive et qui veut investir en Côte d’Ivoire, a besoin de s’assurer que le produit qu’il va fabriquer ne serra pas copié, ni être l’objet de concurrence déloyale. Il est donc important pour nous d’assainir le milieu des affaires, la contrefaçon tend à se substituer aux vrais produits.
Mais comment expliquer vous cette forte tendance ?
L’une des explications, c’est que nous avons des capitaux dont nous ignorons l'origine. Ils servent à effectuer des investissements. Il y a aujourd’hui une véritable industrie de la contrefaçon qui est installée avec des capitaux, des banques et qui profitent de la mondialisation de l’économie pour envahir tout le marché.
Au regard de ce constat, pensez-vous que la lutte vaille la peine ?
Nous ne sommes pas là pour taper notre poitrine pour dire qu’il n’y aura plus de contrefaçon. L’Etat nous a donné un objectif qui est de réduire la contrefaçon à une proportion raisonnable, c’est-à-dire avec une réduction considérable dans quelques années d’au moins 80%. La contrefaçon a beaucoup de facteurs que nous ne maîtrisons pas. Personne ne peut dire au jour d’aujourd’hui qu’il peut lutter contre la contrefaçon.
C’est à croire que c’est une véritable mafia ?
Je ne dis pas que c’est une mafia. Il faut éviter de dire des choses que tu ne peux pas prouver. Lorsque vous avez une responsabilité, il faut éviter de dire des choses qu’on ne maîtrise pas. Mais je dis que c’est un commerce qui est là, très bien structuré. Ils ont des banques, des capitaux énormes. Même les pièces détachées d’avion font l’objet de contrefaçon.
Vous indiquez récemment qu’il y a 80% des produits informatiques qui sont contrefaits. Es-ce qu’il y a eu des études ?
Il y a des études qui sont menées dans chaque secteur d’activité. Pour ce qui concerne le secteur informatique, nous avons été saisi par un fabriquant de logiciel. À la suite de plusieurs réunions de travail, les résolutions ont révélé qu’il y a plus de 80% des logiciels, même utilisés dans l’administration publique qui sont de fausses licences. Nous réfléchissons à notre niveau déjà pour voir dans quelle mesure nous allons faire des propositions aux responsables des services informatiques de l’administration publique pour leur recommander que l’achat de leur logiciel soit authentifié par le fabricant du logiciel. Sans compter les logiciels qui sont utilisés dans le privé. Il en est de même pour le matériel informatique.
Beaucoup de personnes estiment que le développement de la contrefaçon est en partie dû au coût élevé des produits originaux...
Je ne peux pas justifier la contrefaçon. Chercher à justifier la contrefaçon, c’est se faire complice de la contrefaçon, c’est se faire complice d’une activité illégale. La vie est chère. Mais, ce n’est pas pour autant que vous allez consommer des produits qui peuvent vous tuer. Rien au monde ne peut être au-dessus des problèmes de sécurité d’un pays, de la santé d’un pays. Or la contrefaçon est considérée malheureusement comme une infraction mineure. Certains vont jusqu’à dire qu’il y a de petits commerçants qui se débrouillent. Mais on ne peut pas se débrouiller en détruisant toute une entité industrielle, en mettant en péril la santé d’un pays, la santé des populations.
Les commerçants ont récemment dénoncé la saisie des pagnes que vous avez effectuée chez un commerçant. Ils estiment que c’est un abus de l’entreprise Uniwax qui veut avoir le monopole du secteur…
C’est un problème qui oppose Uniwax aux commerçants. Le CONLC n’est pas partie prenante dans cette affaire. Nous avons été saisis par une entreprise qui a estimé que ses dessins ont été utilisés et vendus sur le marché sans en avoir donné l’autorisation. Elle nous a saisis et nous avons fait notre travail. Le CONLC n’est pas un organe qui a été créé contre les commerçants. Bien au contraire. Si un commerçant travaille normalement, accomplit ses obligations fiscales, et qu’il ne vend pas de produits contrevenants, il n’y a pas de problème. Le CONCL n’est pas non plus à la solde d’une entreprise. Nous sommes des fonctionnaires de l’Etat et nous travaillons d’abord et avant tout pour l’Etat. Je demande aux commerçants de nous aider à assainir leur milieu.
Un appel à lancer…
A l’endroit des entreprises, je voudrais dire que l’Etat a mis à leur disposition un instrument pour leur permettre de lutter contre ce fléau. Il nous faut absolument un véritable partenariat entre le secteur privé et l’Etat. Que chacun joue sa partition. Toute entreprise ivoirienne ou toute personne dont les droits sont spoliés du fait de la contrefaçon ou du piratage se doit de nous saisir. Pour ce qui est de la population, rien ne peut justifier l’utilisation des produits contrefaits. Ils sont dangereux pour la santé. Que les populations fassent attention à ce qu’elles consomment.
Ernest Famin
Vous êtes le coordonnateur national de la lutte contre la contrefaçon. Qu’est ce que la contrefaçon?
La contrefaçon se définit comme l’acte par lequel une personne physique ou morale utilise ou exploite un droit de propriété intellectuelle, sans l’autorisation préalable de son titulaire ou de ces ayants-droits. Le piratage est une atteinte de propriété littéraire artistique, cinématographique.
Quels sont les produits qui sont l’objet de contrefaçon exponentielle en Côte d’Ivoire ?
Je voudrais dire que l’Etat, ayant pris conscience du danger que représentent la contrefaçon et le piratage a fait voter une loi relative à la lutte contre la contrefaçon et le piratage. Ensuite en 2014, l’Etat à signé un décret portant attribution et fonctionnement du Comité national de lutte contre la contrefaçon. C’est une autorité administrative indépendante. Elle a deux organes.
Concernant les produits les touchés par la contrefaçon, il faut dire que par le passé, les produits de luxe et de grande marque qui étaient les plus touchés par la contrefaçon. Mais de nos jours, tous les produits de grande consommation sont aussi contrefaits sans exception. Aucun secteur d’activité n’est épargné par la contrefaçon.
Cette pratique a-t-elle un impact sur l’économie nationale ?
Son impact sur l’économie nationale est trop énorme. Dans la mesure où la contrefaçon est une activité illicite et informelle. C’est une activité qui se déroule au noir. Et qui dit activité au noir dit échapper aux impôts. Que ce soit l’impôt de douane ou l’impôt intérieur. Les recettes de l’Etat viennent de la fiscalité. L’Etat en faisant son budget fait des projections en se fixant des objectifs pour les différentes régies financières. Mais si l’Etat n’arrive pas à capter l’ensemble de ces recettes fiscales pour cause de fraude, d’activités illicites, cela a des conséquences évidentes. Et la contrefaçon impacte les projets d’investissements. Mieux, un investisseur qui arrive et qui veut investir en Côte d’Ivoire, a besoin de s’assurer que le produit qu’il va fabriquer ne serra pas copié, ni être l’objet de concurrence déloyale. Il est donc important pour nous d’assainir le milieu des affaires, la contrefaçon tend à se substituer aux vrais produits.
Mais comment expliquer vous cette forte tendance ?
L’une des explications, c’est que nous avons des capitaux dont nous ignorons l'origine. Ils servent à effectuer des investissements. Il y a aujourd’hui une véritable industrie de la contrefaçon qui est installée avec des capitaux, des banques et qui profitent de la mondialisation de l’économie pour envahir tout le marché.
Au regard de ce constat, pensez-vous que la lutte vaille la peine ?
Nous ne sommes pas là pour taper notre poitrine pour dire qu’il n’y aura plus de contrefaçon. L’Etat nous a donné un objectif qui est de réduire la contrefaçon à une proportion raisonnable, c’est-à-dire avec une réduction considérable dans quelques années d’au moins 80%. La contrefaçon a beaucoup de facteurs que nous ne maîtrisons pas. Personne ne peut dire au jour d’aujourd’hui qu’il peut lutter contre la contrefaçon.
C’est à croire que c’est une véritable mafia ?
Je ne dis pas que c’est une mafia. Il faut éviter de dire des choses que tu ne peux pas prouver. Lorsque vous avez une responsabilité, il faut éviter de dire des choses qu’on ne maîtrise pas. Mais je dis que c’est un commerce qui est là, très bien structuré. Ils ont des banques, des capitaux énormes. Même les pièces détachées d’avion font l’objet de contrefaçon.
Vous indiquez récemment qu’il y a 80% des produits informatiques qui sont contrefaits. Es-ce qu’il y a eu des études ?
Il y a des études qui sont menées dans chaque secteur d’activité. Pour ce qui concerne le secteur informatique, nous avons été saisi par un fabriquant de logiciel. À la suite de plusieurs réunions de travail, les résolutions ont révélé qu’il y a plus de 80% des logiciels, même utilisés dans l’administration publique qui sont de fausses licences. Nous réfléchissons à notre niveau déjà pour voir dans quelle mesure nous allons faire des propositions aux responsables des services informatiques de l’administration publique pour leur recommander que l’achat de leur logiciel soit authentifié par le fabricant du logiciel. Sans compter les logiciels qui sont utilisés dans le privé. Il en est de même pour le matériel informatique.
Beaucoup de personnes estiment que le développement de la contrefaçon est en partie dû au coût élevé des produits originaux...
Je ne peux pas justifier la contrefaçon. Chercher à justifier la contrefaçon, c’est se faire complice de la contrefaçon, c’est se faire complice d’une activité illégale. La vie est chère. Mais, ce n’est pas pour autant que vous allez consommer des produits qui peuvent vous tuer. Rien au monde ne peut être au-dessus des problèmes de sécurité d’un pays, de la santé d’un pays. Or la contrefaçon est considérée malheureusement comme une infraction mineure. Certains vont jusqu’à dire qu’il y a de petits commerçants qui se débrouillent. Mais on ne peut pas se débrouiller en détruisant toute une entité industrielle, en mettant en péril la santé d’un pays, la santé des populations.
Les commerçants ont récemment dénoncé la saisie des pagnes que vous avez effectuée chez un commerçant. Ils estiment que c’est un abus de l’entreprise Uniwax qui veut avoir le monopole du secteur…
C’est un problème qui oppose Uniwax aux commerçants. Le CONLC n’est pas partie prenante dans cette affaire. Nous avons été saisis par une entreprise qui a estimé que ses dessins ont été utilisés et vendus sur le marché sans en avoir donné l’autorisation. Elle nous a saisis et nous avons fait notre travail. Le CONLC n’est pas un organe qui a été créé contre les commerçants. Bien au contraire. Si un commerçant travaille normalement, accomplit ses obligations fiscales, et qu’il ne vend pas de produits contrevenants, il n’y a pas de problème. Le CONCL n’est pas non plus à la solde d’une entreprise. Nous sommes des fonctionnaires de l’Etat et nous travaillons d’abord et avant tout pour l’Etat. Je demande aux commerçants de nous aider à assainir leur milieu.
Un appel à lancer…
A l’endroit des entreprises, je voudrais dire que l’Etat a mis à leur disposition un instrument pour leur permettre de lutter contre ce fléau. Il nous faut absolument un véritable partenariat entre le secteur privé et l’Etat. Que chacun joue sa partition. Toute entreprise ivoirienne ou toute personne dont les droits sont spoliés du fait de la contrefaçon ou du piratage se doit de nous saisir. Pour ce qui est de la population, rien ne peut justifier l’utilisation des produits contrefaits. Ils sont dangereux pour la santé. Que les populations fassent attention à ce qu’elles consomment.
Ernest Famin