La Côte d’Ivoire est secouée depuis des décennies par des crises à répétition. Retirée à Oumé sa région d’origine, Mme Madeleine Tchikaya, diplomate, femme leader, que nous avons rencontrée en sa résidence le dimanche 30 juin dernier, se prononce sur l’actualité politique ivoirienne. A 89 ans bien comptés, elle n’a rien perdu de sa verve.
Comment vous portez-vous actuellement ?
Coussicoussa. C’est ce que je réponds à tout le monde.
Quelle est l’actualité de Mme Tchikaya, aujourd’hui ?
Mon actualité c’est qu’on me laisse en paix. Je vis tranquille. Mes enfants sont à Abidjan, ils travaillent. Vous savez comment sont les enfants. Si je n’avais pas gardé ma mère, peut-être j’aurais été grand directeur par-ci grand directeur-là. La mère n’est pas là donc tu peux être directeur comme tu veux. C’est ce que je reproche pour mes enfants, alors je suis à Oumé.
Quelles sont vos activités aujourd’hui ?
Mes activités, c’est de soigner mes articulations, chauffer de l’eau, frotter, regarder la télévision.
La Côte d’Ivoire a connu Mme Chikaya grande opératrice agricole et d’élevage. Qu’en est-il aujourd’hui ?
J’ai donné l’élevage de poisson à un de mes frères pas parce que je ne peux plus travailler, mais parce que quand j’avais pris ma retraite... J’étais fonctionnaire d’abord au ministère des Affaires étrangères. Si on a parlé de Mme Tchikaya, c’est cela. J’ai demandé à partir de la Fonction publique et à travailler dans le privé. Les gens disaient, mais elle est folle celle-là. Elle va chercher quoi ?
Qu’est-ce qui a motivé cette décision ?
Comme ça ! Je m’ennuyais. Dans la Fonction publique, il faut reconnaitre une chose. Les autorités ne vont pas être contentes. On vous donne des grands noms (Titres) vous ne foutez rien. C’est tout et j’en avais marre. On me dit, tu dois dix ans à la Fonction publique. Je connais le monde entier, j’ai voyagé. Moi je voulais travailler. Moi, pendant dix ans, je vais envoyer des bordereaux de transmission, merci. Donc j’ai compté les années et dans la dixième année, j’ai écrit et je suis partie dans le privé comme n’importe qui. J’ai passé une vingtaine d’années dans le privé, j’en suis repartie directrice générale. C’est ce que je voulais.
Quelle lecture faites-vous de l’actualité politique ivoirienne marquée par les affrontements verbaux par presse interposée entre les frères d’hier devenus adversaires politiques ?
Je crois que si je dis ce que je pense de la Côte d’Ivoire actuellement, on me mettra en prison, quel que soit mon âge. Il vaut mieux que je ne le dise pas. Et d’abord, je vais vous dire une chose, je n’ai pas fait de politique, la politique s’est servie de moi. Au moment de l’Association des femmes ivoiriennes (Afi), les femmes sont venues me trouver pour dire, non vous savez entre nous femmes, notre rôle sera de faire à manger et servir les personnalités qui sont de passage. On veut que vous soyez présidente pour nous faire travailler. Le président Félix Houphouët-Boigny m’a fait partir à bord de son Grumman présidentiel d’Abidjan à Yamoussoukro, pour que je retire ma candidature. Et il a donné les raisons. Avant cela, il faut que je vous dise, tout s’est passé à la Maison des Congrès du Pdci à Treichville, à côté du marché, j’étais encore en fonction et en pleine forme. C’était le ministre Jean Konan Banny qui était l’intermédiaire entre le président à Yamoussoukro et moi à Abidjan. Et le ministre Jean Konan Banny me dit, le président me demande de te dire de retirer ta candidature, parce qu’il y avait moi et Hortense Aka-Anghui qui est décédée tout dernièrement. Paix à son âme. Jean Konan Banny est allé transmettre le message au président Houphouët. Celui-ci m’envoie son avion me chercher pour me rendre à Yamoussoukro. Avant que je n’arrive à l’aéroport à Port-Bouët, les femmes étaient couchées sur le tarmac. Elles disent que l’avion ne décolle pas. Elles se disaient qu’à cause d’elles, je vais à Yamoussoukro, peut-être que je vais aller en prison ou on va me tuer. Elles ne voulaient pas. Le pilote du président à l’époque s’appelle Coulibaly. Je lui ai demandé combien de personnes l’avion pouvait embarquer. Je ne me rappelle plus ce qu’il m’a dit. Disons dix personnes. On en a pris finalement douze. C’est ainsi qu’on prend douze femmes. Elles sont montées dans l’avion et les autres se sont tenues debout.
Est-ce qu’il y a des noms qui vous reviennent ?
Il y a Mme Assana Coulibaly, Mme Danièle Boni Claverie, ce sont les noms qui me reviennent à l’instant parmi celles qui sont encore vivantes et que je connais. Il y avait d’autres que je connais mais beaucoup sont mortes. Et nous sommes allées, on a trouvé le président Houphouët. Il faut que je vous dise, qu’à l’aéroport, j’avais une Mercedes pour moi seule. J’ai dit non. Les femmes ont dit, on ne te laisse pas partir. Le ministre Banny a appelé le président pour lui dire que les femmes ne veulent pas me laisser partir dans la Mercedes. Une deuxième voiture est venue. Nous sommes montées dans les deux voitures, on est allées chez le président Houphouët. Il faisait la sieste, il s’est levé. J’étais à côté de lui. Il a parlé longtemps. Mais il a fini par cette phrase : « Ma fille, pour ces raisons, je te demande de retirer ta candidature. Je lui ai dit oui, monsieur le président je retire ma candidature. Et le même Grumman nous a ramenées à Abidjan. Je vais chez moi qui était plein de monde, les femmes m’attendaient. Elles disaient, si tu n’étais pas rentrée, on allait te retrouver à Yamoussoukro. Elles m’ont demandé si j’avais retiré ma candidature, je leur ai dit oui j’ai retiré ma candidature. Elles ont commencé à dire oh qu’est-ce que tu as fait là ? Elles ont parlé tant qu’elles ont pu et les journalistes voulaient que je leur décrive ce qui s’est passé à Yamoussoukro. Je leur ai dit que je ne pouvais pas le faire. En conclusion, il m’a convaincue de retirer ma candidature. Et Houphouët lui-même m’a appelée, il dit je sais que les journalistes vont t’embêter, ne leur réponds pas. Je n’ai pas répondu et après, ils se sont tus. Donc Hortense Aka-Anghui est restée seule candidate. Et le lendemain, dans cette maison, Houphouët nous a fait s’embrasser, Hortense et moi. J’ai encore les photos.
Quelle était la nature des relations que vous aviez avec Mme Aka-Anghui par la suite ?
De bonnes relations. Et elle est venue à Oumé, elle s’est couchée chez moi. C’était politique, donc on n’en fait pas un plat, non ! Les photos sont là.
Quels sont vos rapports avec le Pdci Rda ?
Rien du tout. Je n’ai de rapport avec personne. Je reste dans mon coin. A chaque période, il y a des choses à faire. J’ai été jeune. Je travaillais comme tout le monde. Maintenant c’est fini.
Comment avez-vous vécu les élections régionales, législatives, sénatoriales et municipales à Oumé, vous y vivez en permanence depuis huit ans ?
Cela ne m’a pas plu. Ce sont des jeunes, ce sont mes enfants ceux qui ont été élus maire ou député, etc. Les députés ne sont pas du parti qui m’inspire. Je vais vous raconter une chose, le maire sorti, un jour il a envoyé un jeune me dire, le maire dit…Il n’a pas terminé, j’ai terminé en disant : Le maire dit quoi ? Une femme qui peut te mettre au monde, tout maire qu’il est, tu ne peux pas venir me dire bonjour. Le préfet d’Oumé est venu ici me dire bonjour, moi une vieille femme! Dis au maire qu’il me fait c…Je ne connais pas son nom, je ne l’ai jamais vu. Etant maire, il parait qu’il vivait à Yamoussoukro.
Quel est le regard que vous portez sur les récents évènements politiques tels que la libération du président Gbagbo, le rapprochement entre le Fpi et le Pdci, le président Guillaume Soro qui est désormais aux côtés du président Bédié dans le cadre d’une nouvelle plateforme politique stratégique ?
J’ai des opinions personnelles. Je ne vous les donne pas. Si je dis, ils vont me mettre en prison (Rires). Je ne suis pas d’accord avec ces gens-là. Je vous ai donné l’exemple du maire. Il aurait pu, s’il était poli, venir voir une vieille femme, qui a travaillé comme lui. Laurent Gbagbo, on l’a envoyé à la Cour pénale internationale (Cpi) pour quoi faire ? Nous ne sommes pas capables de juger et de pardonner ? Quand ont dit à quelqu’un je te pardonne, ça veut dire, tu m’as fait du tort mais viens, on va travailler ensemble. J’appelle cela pardonner. En gros, mon avis sur toutes ces questions, je préfère les garder pour moi. Si je parle, j’irai en prison.
Comment percevez-vous la Justice ivoirienne aujourd’hui ?
Il y a une Justice ivoirienne. Je dis-moi qu’il n’y en a pas.
Qu’est-ce qui sous-tend votre position ?
J’estime que dans ce pays il n’y a pas de Justice, parce que tout est galvaudé. Si vous dites à quelqu’un, vous m’avez fait du tort, je vous pardonne de tout cœur. C’est-à-dire vous reprenez votre métier, vous avez vos avoirs, votre compte n’est pas bloqué, etc. Je vous aide tant que je peux parce que je vous ai pardonné. Mais si vous m'envoyez dans une autre justice. Ou bien vous me laissez en Côte d’Ivoire en prison, où est la Justice ?
Quel est votre avis sur le processus de réconciliation nationale ?
Quelle réconciliation ? En Côte d’Ivoire ici ? Je prédis une chose, l’année prochaine, vous allez voir ce qu’il va avoir en Côte d’Ivoire pour l’élection présidentielle…Vous allez voir.
Pouvez-vous être un peu plus explicite ?
Je vous ai dit, je risque d’aller en prison (Rires).
Les lecteurs veulent s’abreuver à votre grande expérience, dites-leur ce que vous sentez ?
Je vous dis, attendez, attendez, l’année prochaine et vous verrez. Tout le monde veut être président. Aujourd’hui on est ami, demain on est ennemi. Sans dire des noms vous voyez de qui je veux parler. Quand même ! Des gens qui, hier étaient amis, aujourd’hui ne le sont pas et ils traînent des gens derrière eux. Je sais, si vous êtes président je serai ministre. Je fais tout pour que vous soyez président. C’est comme ça. Vous appelez ça de la justice ?
Quel bilan dressez-vous des trois décennies de multipartisme en Côte d’Ivoire ?
Je traverse une période où je suis seule dans mon coin d’Oumé. Je ne peux pas dire autre chose. Je serais à Abidjan peut-être, si je travaillais peut-être. J’ai pris ma retraite, il m’est difficile de juger si depuis 1990 ça va mieux ou ça va mal.
Quel message avez-vous vous pour les Ivoiriens ?
Mon message est qu’en Côte d’Ivoire on ne se batte pas. C’est qu’en Côte d’Ivoire, quand on dit la Côte d’Ivoire est le pays de la vraie fraternité, de l’amitié que ce ne soit pas de vains mots. La Cpi, vous avez vu un Blanc là-bas ? A-t-elle été créée pour le Noir ? Il n’y a que les Noirs qui y vont, ce n’est pas normal. Nous sommes dans une période sensible. Si je dois vous dire la vérité…Si je travaillais, si mes enfants étaient petits, peut-être que j’aurais eu des opinions. Mais en gros, je peux dire que je ne suis pas fière de mon pays.
Interview réalisée à Oumé par SERGE AMANY
Comment vous portez-vous actuellement ?
Coussicoussa. C’est ce que je réponds à tout le monde.
Quelle est l’actualité de Mme Tchikaya, aujourd’hui ?
Mon actualité c’est qu’on me laisse en paix. Je vis tranquille. Mes enfants sont à Abidjan, ils travaillent. Vous savez comment sont les enfants. Si je n’avais pas gardé ma mère, peut-être j’aurais été grand directeur par-ci grand directeur-là. La mère n’est pas là donc tu peux être directeur comme tu veux. C’est ce que je reproche pour mes enfants, alors je suis à Oumé.
Quelles sont vos activités aujourd’hui ?
Mes activités, c’est de soigner mes articulations, chauffer de l’eau, frotter, regarder la télévision.
La Côte d’Ivoire a connu Mme Chikaya grande opératrice agricole et d’élevage. Qu’en est-il aujourd’hui ?
J’ai donné l’élevage de poisson à un de mes frères pas parce que je ne peux plus travailler, mais parce que quand j’avais pris ma retraite... J’étais fonctionnaire d’abord au ministère des Affaires étrangères. Si on a parlé de Mme Tchikaya, c’est cela. J’ai demandé à partir de la Fonction publique et à travailler dans le privé. Les gens disaient, mais elle est folle celle-là. Elle va chercher quoi ?
Qu’est-ce qui a motivé cette décision ?
Comme ça ! Je m’ennuyais. Dans la Fonction publique, il faut reconnaitre une chose. Les autorités ne vont pas être contentes. On vous donne des grands noms (Titres) vous ne foutez rien. C’est tout et j’en avais marre. On me dit, tu dois dix ans à la Fonction publique. Je connais le monde entier, j’ai voyagé. Moi je voulais travailler. Moi, pendant dix ans, je vais envoyer des bordereaux de transmission, merci. Donc j’ai compté les années et dans la dixième année, j’ai écrit et je suis partie dans le privé comme n’importe qui. J’ai passé une vingtaine d’années dans le privé, j’en suis repartie directrice générale. C’est ce que je voulais.
Quelle lecture faites-vous de l’actualité politique ivoirienne marquée par les affrontements verbaux par presse interposée entre les frères d’hier devenus adversaires politiques ?
Je crois que si je dis ce que je pense de la Côte d’Ivoire actuellement, on me mettra en prison, quel que soit mon âge. Il vaut mieux que je ne le dise pas. Et d’abord, je vais vous dire une chose, je n’ai pas fait de politique, la politique s’est servie de moi. Au moment de l’Association des femmes ivoiriennes (Afi), les femmes sont venues me trouver pour dire, non vous savez entre nous femmes, notre rôle sera de faire à manger et servir les personnalités qui sont de passage. On veut que vous soyez présidente pour nous faire travailler. Le président Félix Houphouët-Boigny m’a fait partir à bord de son Grumman présidentiel d’Abidjan à Yamoussoukro, pour que je retire ma candidature. Et il a donné les raisons. Avant cela, il faut que je vous dise, tout s’est passé à la Maison des Congrès du Pdci à Treichville, à côté du marché, j’étais encore en fonction et en pleine forme. C’était le ministre Jean Konan Banny qui était l’intermédiaire entre le président à Yamoussoukro et moi à Abidjan. Et le ministre Jean Konan Banny me dit, le président me demande de te dire de retirer ta candidature, parce qu’il y avait moi et Hortense Aka-Anghui qui est décédée tout dernièrement. Paix à son âme. Jean Konan Banny est allé transmettre le message au président Houphouët. Celui-ci m’envoie son avion me chercher pour me rendre à Yamoussoukro. Avant que je n’arrive à l’aéroport à Port-Bouët, les femmes étaient couchées sur le tarmac. Elles disent que l’avion ne décolle pas. Elles se disaient qu’à cause d’elles, je vais à Yamoussoukro, peut-être que je vais aller en prison ou on va me tuer. Elles ne voulaient pas. Le pilote du président à l’époque s’appelle Coulibaly. Je lui ai demandé combien de personnes l’avion pouvait embarquer. Je ne me rappelle plus ce qu’il m’a dit. Disons dix personnes. On en a pris finalement douze. C’est ainsi qu’on prend douze femmes. Elles sont montées dans l’avion et les autres se sont tenues debout.
Est-ce qu’il y a des noms qui vous reviennent ?
Il y a Mme Assana Coulibaly, Mme Danièle Boni Claverie, ce sont les noms qui me reviennent à l’instant parmi celles qui sont encore vivantes et que je connais. Il y avait d’autres que je connais mais beaucoup sont mortes. Et nous sommes allées, on a trouvé le président Houphouët. Il faut que je vous dise, qu’à l’aéroport, j’avais une Mercedes pour moi seule. J’ai dit non. Les femmes ont dit, on ne te laisse pas partir. Le ministre Banny a appelé le président pour lui dire que les femmes ne veulent pas me laisser partir dans la Mercedes. Une deuxième voiture est venue. Nous sommes montées dans les deux voitures, on est allées chez le président Houphouët. Il faisait la sieste, il s’est levé. J’étais à côté de lui. Il a parlé longtemps. Mais il a fini par cette phrase : « Ma fille, pour ces raisons, je te demande de retirer ta candidature. Je lui ai dit oui, monsieur le président je retire ma candidature. Et le même Grumman nous a ramenées à Abidjan. Je vais chez moi qui était plein de monde, les femmes m’attendaient. Elles disaient, si tu n’étais pas rentrée, on allait te retrouver à Yamoussoukro. Elles m’ont demandé si j’avais retiré ma candidature, je leur ai dit oui j’ai retiré ma candidature. Elles ont commencé à dire oh qu’est-ce que tu as fait là ? Elles ont parlé tant qu’elles ont pu et les journalistes voulaient que je leur décrive ce qui s’est passé à Yamoussoukro. Je leur ai dit que je ne pouvais pas le faire. En conclusion, il m’a convaincue de retirer ma candidature. Et Houphouët lui-même m’a appelée, il dit je sais que les journalistes vont t’embêter, ne leur réponds pas. Je n’ai pas répondu et après, ils se sont tus. Donc Hortense Aka-Anghui est restée seule candidate. Et le lendemain, dans cette maison, Houphouët nous a fait s’embrasser, Hortense et moi. J’ai encore les photos.
Quelle était la nature des relations que vous aviez avec Mme Aka-Anghui par la suite ?
De bonnes relations. Et elle est venue à Oumé, elle s’est couchée chez moi. C’était politique, donc on n’en fait pas un plat, non ! Les photos sont là.
Quels sont vos rapports avec le Pdci Rda ?
Rien du tout. Je n’ai de rapport avec personne. Je reste dans mon coin. A chaque période, il y a des choses à faire. J’ai été jeune. Je travaillais comme tout le monde. Maintenant c’est fini.
Comment avez-vous vécu les élections régionales, législatives, sénatoriales et municipales à Oumé, vous y vivez en permanence depuis huit ans ?
Cela ne m’a pas plu. Ce sont des jeunes, ce sont mes enfants ceux qui ont été élus maire ou député, etc. Les députés ne sont pas du parti qui m’inspire. Je vais vous raconter une chose, le maire sorti, un jour il a envoyé un jeune me dire, le maire dit…Il n’a pas terminé, j’ai terminé en disant : Le maire dit quoi ? Une femme qui peut te mettre au monde, tout maire qu’il est, tu ne peux pas venir me dire bonjour. Le préfet d’Oumé est venu ici me dire bonjour, moi une vieille femme! Dis au maire qu’il me fait c…Je ne connais pas son nom, je ne l’ai jamais vu. Etant maire, il parait qu’il vivait à Yamoussoukro.
Quel est le regard que vous portez sur les récents évènements politiques tels que la libération du président Gbagbo, le rapprochement entre le Fpi et le Pdci, le président Guillaume Soro qui est désormais aux côtés du président Bédié dans le cadre d’une nouvelle plateforme politique stratégique ?
J’ai des opinions personnelles. Je ne vous les donne pas. Si je dis, ils vont me mettre en prison (Rires). Je ne suis pas d’accord avec ces gens-là. Je vous ai donné l’exemple du maire. Il aurait pu, s’il était poli, venir voir une vieille femme, qui a travaillé comme lui. Laurent Gbagbo, on l’a envoyé à la Cour pénale internationale (Cpi) pour quoi faire ? Nous ne sommes pas capables de juger et de pardonner ? Quand ont dit à quelqu’un je te pardonne, ça veut dire, tu m’as fait du tort mais viens, on va travailler ensemble. J’appelle cela pardonner. En gros, mon avis sur toutes ces questions, je préfère les garder pour moi. Si je parle, j’irai en prison.
Comment percevez-vous la Justice ivoirienne aujourd’hui ?
Il y a une Justice ivoirienne. Je dis-moi qu’il n’y en a pas.
Qu’est-ce qui sous-tend votre position ?
J’estime que dans ce pays il n’y a pas de Justice, parce que tout est galvaudé. Si vous dites à quelqu’un, vous m’avez fait du tort, je vous pardonne de tout cœur. C’est-à-dire vous reprenez votre métier, vous avez vos avoirs, votre compte n’est pas bloqué, etc. Je vous aide tant que je peux parce que je vous ai pardonné. Mais si vous m'envoyez dans une autre justice. Ou bien vous me laissez en Côte d’Ivoire en prison, où est la Justice ?
Quel est votre avis sur le processus de réconciliation nationale ?
Quelle réconciliation ? En Côte d’Ivoire ici ? Je prédis une chose, l’année prochaine, vous allez voir ce qu’il va avoir en Côte d’Ivoire pour l’élection présidentielle…Vous allez voir.
Pouvez-vous être un peu plus explicite ?
Je vous ai dit, je risque d’aller en prison (Rires).
Les lecteurs veulent s’abreuver à votre grande expérience, dites-leur ce que vous sentez ?
Je vous dis, attendez, attendez, l’année prochaine et vous verrez. Tout le monde veut être président. Aujourd’hui on est ami, demain on est ennemi. Sans dire des noms vous voyez de qui je veux parler. Quand même ! Des gens qui, hier étaient amis, aujourd’hui ne le sont pas et ils traînent des gens derrière eux. Je sais, si vous êtes président je serai ministre. Je fais tout pour que vous soyez président. C’est comme ça. Vous appelez ça de la justice ?
Quel bilan dressez-vous des trois décennies de multipartisme en Côte d’Ivoire ?
Je traverse une période où je suis seule dans mon coin d’Oumé. Je ne peux pas dire autre chose. Je serais à Abidjan peut-être, si je travaillais peut-être. J’ai pris ma retraite, il m’est difficile de juger si depuis 1990 ça va mieux ou ça va mal.
Quel message avez-vous vous pour les Ivoiriens ?
Mon message est qu’en Côte d’Ivoire on ne se batte pas. C’est qu’en Côte d’Ivoire, quand on dit la Côte d’Ivoire est le pays de la vraie fraternité, de l’amitié que ce ne soit pas de vains mots. La Cpi, vous avez vu un Blanc là-bas ? A-t-elle été créée pour le Noir ? Il n’y a que les Noirs qui y vont, ce n’est pas normal. Nous sommes dans une période sensible. Si je dois vous dire la vérité…Si je travaillais, si mes enfants étaient petits, peut-être que j’aurais eu des opinions. Mais en gros, je peux dire que je ne suis pas fière de mon pays.
Interview réalisée à Oumé par SERGE AMANY