Excellence, Monsieur le Président,
A mon corps défendant, parce que n’ayant plus accès à vous pour vous exprimer de vive voix mes remerciements pour ce qui a été fait pour Toulépleu, et mes préoccupations pour ce qui est en cours et ce qui reste, hélas, à faire et que nos populations attendent encore et encore, je me résous par cette lettre ouverte, à travers le seul canal dont je dispose encore pour m’adresser à vous : les médias. Il est bien loin, le temps où jeune frère que j’étais (vous m’aviez toujours appelé ainsi, chaque fois que vous me receviez) pouvait vous exprimer directement de ce qui tient les populations à cœur. Comprenez donc que ceci est l’expression de préoccupations venant du pays profond, du département de Toulépleu, transmis par le seul maire, puisque le département de Toulépleu n’a qu’une seule commune dont les populations ont bien voulu nous confier la direction de l’équipe municipale. Non sans respect à votre personne et à tous vos collaborateurs.
Comprenez, par ailleurs, Monsieur le Président, que ceci est un cri du cœur venant d’un élu local, d’un jeune frère, qui ne comprend pas ce qui a pu freiner le bel élan de développement décentralisé que vous aviez si bien entamé et qui espère faire entendre les complaintes de ses administrés à la plus haute autorité du pays que vous êtes.
En effet, au début de votre premier mandat en tant que Président de la République, vous nous aviez fait l’honneur de commencer vos visites d’Etat par le département de Toulépleu. Et lors de votre mémorable présence à Toulépleu, le samedi 22 avril 2012, vous aviez annoncé, au grand bonheur des populations, de vastes et intéressants chantiers de développement local. Notamment, en matière d’éducation, de santé, d’électrification, d’hydraulique, de voirie, de sécurité… Ces chantiers qui traduisent l’amour que vous avez pour Toulepleu, venaient s’ajouter à l’estime que vous accordez aux fils et filles de Toulépleu. Par exemple, en faisant confiance à notre Sœur, la fille de notre département, Mme Anne Désirée Ouloto, au Gouvernement depuis 2011 avec des portefeuilles ministériels importants et divers. Moi-même, avais bénéficié de votre confiance et j’ai géré le Conseil d’administration de la Poste de Côte d’Ivoire pendant 8 ans. Quoi que, faut-il le rappeler, à la présidentielle de 2010, vous n’aviez même pas eu 1000 voix à Toulépleu, même en cumulant les voix avec celles obtenues par votre allié d’alors, le président Henri Konan Bédié. Vous avez sécurisé Toulépleu par l’installation d’un escadron de la gendarmerie, d’un bataillon des FACI, le renforcement du commissariat de police et la surveillance permanente de la frontière. Vous avez initié bien de projets à impacts réels comme le Programme présidentiel d’urgence (PPU), le Papci. Pour tout ceci, Toulepleu vous dit merci et grand merci.
Mais, force est de reconnaître qu’en dépit de ces efforts, Toulépleu attend encore beaucoup de vous pour être au même niveau de développement que toutes les régions de Côte d’Ivoire.
Car, à la vérité, Excellence, Monsieur le président, beaucoup des chantiers et projets restent inachevés à Toulépleu. De fait, le département de Toulépleu, a de sérieux problèmes d’ordre infrastructurel, d’ordre social, d’ordre économique. La Mairie que nous dirigeons fait ce qu’elle peut avec les moyens à sa disposition pour mener à bien sa mission. Mais force est de reconnaître que ce qui est du ressort de l’Etat central a comme pris du plomb dans l’aile et ceci n’est pas sans poser d’énormes difficultés aux populations. Ces problèmes, entre autres sont :
Les routes : La voie Bloléquin-Toulépleu-Frontière du Liberia, a été déjà construite aux ¾, grâce à vous, mais depuis près de trois ans, les travaux sont arrêtés au niveau de Sahibly pour des raisons que nous ignorons. Et à la moindre pluie, Toulépleu est coupée du reste du pays parce que le tronçon Sahibly-Toulépleu (long de 8 kilomètres) devient un torrent de boue impossible à emprunter. En outre, le bitumage a quasiment tué l'âme du village de Sahibly divisé en deux et a rendu difficilement accessible le chef-lieu de la sous-préfecture de Péhé, laissé en hauteur. Notre département de Toulépleu souffre toujours du manque de routes. Notamment les routes reliant les chefs-lieux de sous-préfecture au chef-lieu du département sont dans un état tel que la moindre petite pluie les rend totalement impraticables pour plusieurs jours voire des semaines. Nous devons donc nous battre pour l’entretien de nos routes comme cela se fait ailleurs, mais sans moyens, que pouvons-nous ? Ce que Toulépleu demande pour bien vivre les fêtes de fin d’année, c’est le passage des machines de reprofilage en vue de faire des tronçons Guiglo-Boléquin et Sahibly-Toulépleu des voies praticables. En attendant la reprise des travaux de bitumage.
L’eau potable: La station de traitement d’eau que vous avez fait construire sur le fleuve Cavally à Sahibly et qui devait ravitailler en eau potable la totalité des villages du département, est désormais sur un fleuve rendu boueux par l’orpaillage clandestin, l’eau qui part de là n’est reçue que dans moins de dix (10) villages sur soixante-deux (62). Et la plupart des pompes villageoises sont soit en panne soit délaissées par ceux qui devraient les entretenir.
L’électricité : L’électrification est encore et toujours un luxe pour plusieurs villages de Toulépleu. Alors que vous aviez instruit pour que les villages de plus de 500 habitants bénéficient de l’électrification, des villages de plus de 3000 âmes, tels que Ziombly, Diai, Grie 2 qui étaient au programme de Côte d’Ivoire-Energies depuis plus de quatre ans. Tandis que des villages inscrits au même programme qu’eux sont électrifiés depuis décembre 2020. Ces villages Ziombly, Diai, Grié 2 et bien d’autres à Toulépleu sont toujours dans l’obscurité et attendent encore. Malheureusement, le projet Côte d’Ivoire-Energies engagé dans 9 villages de Toulépleu est jusque-là inachevé. Des entreprises passent, disparaissent. Sans explication ni aux autorités ni à la population.
L’éducation : A l’instar de toutes les localités du pays, le département de Toulépleu a encore et toujours besoin d’écoles, de collèges, de Centres de formation technique et professionnelle. Le seul Lycée Moderne (créé comme CEG en 1980) et les collèges de proximité (qui peinent à ouvrir et jouer leur rôle) existants manquent du matériel (tables-bancs, salles spécialisées…) qui les mettrait dans le starting-block des écoles compétitives pour l’Excellence que vous prônez. Autre fait majeur, c’est le manque criant d’enseignants au Lycée moderne de Toulépleu et au niveau des écoles primaires publiques.
La santé : Le département de Toulépleu a un hôpital général, des centres de santé urbains et ruraux, des dispensaires, mais cela ne suffit toujours pas. Les plateaux techniques, quoique renforcés et les équipements et même les effectifs du personnel soignant sont toujours en deçà des attentes. Il manque un bloc opératoire opérationnel.
Excellence, Monsieur le Président, voici quelques préoccupations vécues dans le bas peuple et que je me permets de partager avec vous dans l’intérêt supérieur de la Nation et des populations. Il est souhaitable que ces difficultés ne soient plus oubliées, pour que nos parents, partout, bénéficient des routes, de l’eau potable, de l’électricité et de toutes les autres commodités de la vie qu’un Etat doit assurer à ses populations. J’espère et j’ai la ferme conviction que vous et votre gouvernement en tiendrez compte. Sinon pour l’heure, le grand espoir fortement entretenu hier est en train de se muer en un grand désespoir.
Très respectueusement.
Denis Kah Zion
Maire de la Commune de Toulépleu