Présent à la 10e édition de la CGECI Academy, combinée avec la Rencontre des Entreprises francophones (La REF), les 27 et 28 octobre, à Abidjan, Henri Monceau, Directeur de la Francophonie économique et numérique, Département au sein de l’organisation internationale de la francophonie en charge de ces dossiers, a partagé son expertise au cours d’un table ronde portant sur le thème : ‘’La circulation des personnes dans l’espace francophone : une nécessité pour dynamiser les flux économiques’’. Dans cet entretien, M. Monceau parle de la Francophonie économique et numérique, livre ses impressions et présente les perspectives.
Quand on parle de Francophonie économique et numérique, de quoi s’agit-il ?
Tout d’abord, la Francophonie économique et numérique, occupe une place non négligeable de l’économie mondiale, puisque l’espace francophone, c’est 54 Etats et gouvernements membres, et 34 Etats supplémentaires qui sont observateurs ou associés. 88 au total, ces Etats représentent 16% du PIB mondial, 20 % des échanges et en 2021 la Francophonie de manière générale représentait également une croissance moyenne de 7 %. À l'échelle mondiale, la francophonie est mieux connue souvent sous ses versants culturel ou politique qui sont évidemment important aussi pour les enjeux économiques. Mais dès la fin du siècle précédent, les dirigeants francophones ont souhaité que cette dimension économique et numérique soit prise en compte. Le numérique notamment puisque vous évoquiez l'enjeu, la Francophonie a été une des premières institutions internationales à l'échelle de la planète à s'en soucier puisque dès 1995, il y a eu une réunion de haut niveau associant des chefs d'État, des ministres, pour poser la question de la société de l'information. Ces réunions se sont poursuivies mais en 1995, 5 ans après l'invention du World Wild Web (www) au tout début de l'Internet, bien avant les réseaux sociaux. La Francophonie était pionnière, elle a continué à l’être, elle a suscité beaucoup de développement internationaux notamment les réunions des Nations Unies appeler sommets mondiaux de la société de l'information dont la première édition s'est d'ailleurs tenu en Tunisie, un des pays fondateurs de la Francophonie, et qui sera le pays qui accueillera notre sommet cette année. Donc il y a eu ces stratégies économiques développées en 2014 et puis tout récemment en 2021, et ces stratégies numériques également en 2012. On vient de la renouveler elle aussi l'année dernière. Ces stratégies donnent une orientation, permettent aux acteurs, aux États membres de la Francophonie, de travailler ensemble, pour faire de cet espace, un espace de plus grandes opportunités parce que c'est vrai que si les francophones de manière générale sont très dynamiques économiquement même s’il y a des disparités. Mais s’ils sont dynamiques, ils ont encore beaucoup de possibilités d'échanges entre eux. Des projets de construction, des projets économiques, des projets numériques en termes de coopération Sud-Sud et tripartite.
En quoi a consisté la participation de votre Département à cet événement ?
La Francophonie soutient depuis que l’intention a été exprimée, il y a un peu plus d'un an maintenant la constitution de l'Alliance des patronats francophones. C'est lors de la rencontre des entreprises francophones organisée à l'initiative du patronat français, le MEDEF. C’est en août 2021 que l'idée a été émise et quelques mois plus tard, au mois de mars de cette année 27 patronats, je pense, signaient un accord pour mettre en œuvre cette alliance qui connaît donc sa première vraie rencontre ici à Abidjan, en tant que des patronats. Nous l'avons soutenu depuis le début parce que c'est ça la réalité de la Francophonie économique. Les institutions comme la nôtre, comme les Etats et les gouvernements, peuvent tenter d'apporter une impulsion mais si les structures réelles de l'économie et notamment les organisations patronales, si ces entreprises-là, à un moment de ne voient pas l'intérêt de la Francophonie économie, la Francophonie comme espace d'affaires, cela n'a pas beaucoup d'intérêt. C'est cela la réalité du terrain, et c'est la raison pour laquelle nous avons appuyé, soutenu la mise en place de cette initiative. On l'a fait notamment à travers des financements mais on l'a fait aussi à travers la mise à disposition d’expertises. Il y a 7 groupes de travail qui ont été constitués depuis des mois pour préparer la rencontre d'Abidjan, pour pouvoir avancer sur un certain nombre de thématique en matière d'investissement, de circulation des biens et des personnes, d'accompagnement des entreprises, de formation professionnelle etc. Dans chacun de ces groupes de travail, nous avons mis à disposition des experts venant de la Francophonie et qui pouvaient éclairer les débats.
Au terme de la rencontre d’Abidjan, vos attentes sont-elles comblées?
Des rendez-vous comme ceux-ci demeurent des moments de créativité, d'échange et ce qui est certain, c'est que le dynamisme est là. Il y aura la déclaration d'Abidjan qui sera d'ailleurs relayée au sommet des chefs d'État et de gouvernement de la Francophonie lors du 18e Sommet à Djerba en Tunisie. Il y a du résultat et je suis sûr qu’une fois que toute cette activité, cette créativité, sera retombée quand on sera parti d’Abidjan, on va voir plus de résultats encore que ce que nous ne pensons parce que j'entends parler de beaucoup de projets qu'ils sont en train de se mettre en place.
Quelles sont les perspectives ?
Les perspectives, elles sont déjà très claires pour ce qui concerne la structure elle-même. 28 organisations patronales de 28 pays différents qui sont membres de l’Alliance, sont formellement membres. 2 pays qui sont en observateur, il y a 4 ou 5 pays pour lesquels les discussions pour leur adhésion sont très avancées. Le Québec a annoncé qu'il accueillerait dans un an à Montréal, la prochaine REF et ensuite le Maroc. Donc nous sommes dans une perspective qui est très claire et encore une fois autour d’axes concrets. On est là vraiment pour discuter de projet, de l'environnement des affaires, de comment on peut le faire évoluer, de ce qu'il faut expliquer aux gouvernements pour faciliter ces échanges, pour faire en sorte donc que les entreprises fonctionnent mieux. Qu'il y ait plus de création d'emplois et au total que cela bénéficie à l'ensemble de la société. Ce qui est très important aussi notamment dans une perspective politique puisqu’on sait que la région dans laquelle nous nous trouvons par exemple est déstabilisée dans plusieurs pays et par plusieurs menaces. Les menaces, elles sont globales. Mais il y a aussi des menaces spécifiques. La discussion, elle a porté aussi sur ces aspects notamment dans le cadre de l'assemblée générale des patronats le 26 octobre au tout début juste avant l'ouverture de la REF mais aussi dans beaucoup d'ateliers. Il y a cette conscience très forte dans le rôle qui est joué par rapport à l'ensemble des sociétés francophones.
Avez-vous un message particulier à l’endroit de cette communauté de la Francophonie économique et numérique ?
Mon message, c'est à l’endroit de la jeunesse. Penser à la jeunesse. La Côte d'Ivoire compte plus de 30 millions d'habitants dont 75 % ont moins de 35 ans. Si vous pensez à la zone sahélienne, l'âge médian se situe en général entre 15 et 16 ans. La moitié de la population a moins de 15 ans dans des pays comme le Mali, le Niger, le Tchad. Donc on est dans une situation où la jeunesse est à la fois un enjeu formidable. Il y a un ensemble d’opportunités mais à condition de pouvoir les transformer. Une des seules façons de pouvoir relever ce défi, c'est vraiment de promouvoir l'entrepreneuriat, de faire en sorte que l'activité soit possible. Parce que les structures économiques existent aujourd'hui, elles ne peuvent pas absorber tous ces besoins de la jeunesse. Elles ne peuvent pas leur donner une perspective, s'il n'y a pas cet appui en termes de développement économique, de développement de l'entrepreneuriat à tous les points de vue. C’est-à-dire en termes de développement entrepreneurial dans le domaine du numérique, du social développement, des petites et moyennes entreprises, dans le domaine des agro-industries qui sont extrêmement importants dans toute l'Afrique subsaharienne. C'est tous ces enjeux qui sont importants. Il est essentiel que les patrons de ces 28 pays réunis aujourd'hui Abidjan aient bien cela en tête, qu'ils travaillent dans cette perspective, qu'ils travaillent pour la jeunesse et que notre humanité se porte mieux dans les décennies à venir.
Réalisée par Jean Christophe PAGNI