Sa lettre ouverte aux éditeurs de presse
Chers collègues,
Frères et sœurs
Au moment où va s’ouvrir le 6e Congrès du Groupement des Editeurs de Presse de Côte d’Ivoire (GEPCI), je voudrais marquer ma fierté, en tant que membre fondateur et premier président du Bureau Exécutif (de 2005 à 2011) et de président honoraire (depuis 2011) de ce bel instrument de défense des intérêts des Editeurs de presse de la Côte d’Ivoire, de voir que le bébé que nous avons porté sur les fonts baptismaux en 2005 a bien grandi. Je suis d’autant heureux que le GEPCI tient encore et toujours debout, malgré les péripéties et embûches qui jonchent son évolution dans un pays où la politique domine et écrase tout, pour peu qu’elle ne vous contrôle pas.
Le GEPCI tient encore debout, dis-je, mais, force est de reconnaître qu’il est englué dans des problèmes à la fois existentiels et conjoncturels. Oui, les problèmes ne manquent pas, et ils ne manqueront pas de tous nous couler, si rien n’est concrètement fait.
En effet, si en son temps, l’on avait connu le printemps de la presse, tout indique aujourd’hui que la presse (toutes tendances confondues) est dans une période de grande disette. Les difficultés s’accumulent depuis 2011, qui ont pour noms : la chute des ventes, la chute des publicités, la baisse du contenu qui n’incite plus beaucoup à lire, la concurrence du numérique et des réseaux sociaux, l’absence de la subvention de l’Etat depuis près de 7 ans, la mauvaise distribution du peu que nous produisons… Face à ces problèmes qui menacent l’existence de la presse imprimée et, partant, du GEPCI, que faisons-nous, individuellement et collectivement ?
Des experts qui ont étudié l’écosystème de la presse soutiennent que depuis 2011, la presse ivoirienne a perdu près de 80% de son chiffre d’affaires, parce qu’elle n’est pratiquement plus vendue. Or, pour être achetée, il faut qu’elle soit mise en vente. Et c’est là que la seule structure, qui a l’exclusivité de vente de nos journaux, fait des siennes. Oui, EDIPRESSE, depuis des années ne couvre pas la totalité du territoire ivoirien, et donc nos journaux ne sont vendus que sur une infime partie du territoire. Pis, la recette du peu qui est mis en vente et qui est acheté, n’est malheureusement pas reversée à temps aux entreprises de presse. Alors que les charges augmentent au fil des mois, du fait de l’augmentation des coûts des intrants et de l’impression. Que faisons-nous pour que EDIPRESSE, non seulement vende comme il se doit nos journaux, mais qu’elle nous reverse comme il se doit les recettes ? Nos regards sont tournés vers le GEPCI
Depuis toutes ces années de difficultés de la presse, le problème ne semble nullement interpeller l’Etat de Côte d’Ivoire qui semble afficher une certaine démission. En effet, le même Etat qui harcèle les entreprises de presse pour prendre les Impôts, le même Etat, qui à travers la loi portant régime juridique de la presse, fait obligation aux entreprises de presse de payer les journalistes et travailleurs à la Convention collective, le même Etat qui, à travers l’ANP, joue les gendarmes derrière chaque entreprise de presse… Ce même Etat refuse, depuis plusieurs années, à porter assistance aux entreprises de presse, arguant que ce sont des entreprises privées. Quid des ristournes sur les taxes sur la publicité que lesdites entreprises sont en droit d’attendre, à travers la subvention comme cela se fait ailleurs ? Le silence absolu de notre tutelle, le ministre de la Communication, sinon le peu d’intérêt qu’il accorde aux cris de détresse des entreprises de presse fait penser beaucoup aujourd’hui qu’il a tout l'air d'être heureux de voir les entreprises de presse sombrer. Aussi, il est souhaitable que l’Agence de Soutien au Développement des médias (ASDM) doit jouer à fond son rôle.
Que faisons-nous pour que l’Etat assume son devoir d’assistance à la presse, garante de la démocratie et de l’éducation populaire ? Nos regards sont tournés vers le GEPCI.
Avec le développement de l’électronique, de l’outil informatique et de l’édition numérique, la presse imprimée a du mal à retrouver ses marques, en ce sens que son contenu tend à être du réchauffé (alors que les réseaux sociaux et la presse numérique donnent l’alerte ou l’information à la seconde. De fait, pour beaucoup, le contenu des journaux n'attire plus. Surtout que la plupart de nos supports n’ont jusque-là pas réussi à bien s’adapter au numérique. Que faisons-nous pour relever cet autre défi et faire en sorte que nos entreprises franchissent le cap du numérique ? Nos regards sont tournés vers le GEPCI.
Les problèmes liés à l’écosystème de la presse que vivent nos entreprises sont gros et nombreux, et nous n’avons, pour toute arme, que notre faitière le GEPCI, créé pour lutter au quotidien à la défense et à la protection des intérêts de nos jeunes entreprises. Mais, à notre corps défendant, nous constatons que le GEPCI ne bouge pas suffisamment comme nous l’attendions, il ne bouscule pas suffisamment comme il devrait le faire. Il y a comme une quasi démission de la part du GEPCI qui est devenu presque un accompagnateur des décideurs face à toutes ces réalités.
Vu la gravité des difficultés qui nous assaillent et l’urgence de les résoudre sans faux-fuyant, un vrai diagnostic s’impose ici et maintenant, en vue de prendre le taureau par les cornes. Notre faitière doit se doter d’un Bureau Exécutif indépendant de toutes les chapelles et à même d’aller à la rencontre de tout décideur sans complexe. Un Bureau Exécutif avec à sa tête un président qui peut avoir du cran et oser en toute circonstance pour le bien des entreprises.
Vous, congressistes de ce 6e Congrès, que je souhaite celui de rebondissement, n’avez d’autre choix que de remettre le GEPCI dans son costume de patronat syndical là où nous l'avons laissé en 2011. C’est-à-dire un patronat syndical, avec un Bureau plus combatif qui doit avoir honte de voir les employés (UNJCI) mener le combat des patrons que sont les éditeurs...
Nos regards sont tournés vers le GEPCI pour qu’au sortir de ce Congrès, il nous fasse mentir.
Bon Congrès à tous !